▬ count to six and // prio petite caresse - end

Deux heures de l'après-midi, la chaleur alourdit mes pattes, je trébuche dans l’obscurité percée de la tanière des Anciens. En ces temps de fortes températures, je m'assure que nos vétérans se portent bien, et leur apporte de la mousse gorgée d'eau. J'entends dès le seuil les cris silencieux des varices ravivées, des articulations rouillées et des vieilles cicatrices.

Je respire.
J'avance.
On me rentre dedans.
Je lâche ma mousse mouillée, qui tombe sur la boule de poils qui vient de me heurter.

— Putaaaain, Petite Caresse, dégage de là ! Fais chier, ma mousse... Oh ! Eh bien tu m'accompagnes en chercher kiddo. Et pas un mot de contestation.

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Alors que les devoirs et les tâches quotidiennes pesaient sur les Ombreux, le jeune chaton n'en avait que faire ; encore jeune et "libre", il n'avait donc encore aucunes obligations, mais il avait aujourd'hui décidé d'aller faire une petite escapade chez... Le guérisseur. Entre les chatons, les rumeurs couraient vite et beaucoup le concernaient. Il ne l'avait jamais vu en vrai, sa curiosité le poussait à savoir si c'était vraiment un matou miteux couvert de cicatrices.

" Putaaaain, Petite Caresse, dégage de là ! Fais chier, ma mousse... Oh ! Eh bien tu m'accompagnes en chercher kiddo. Et pas un mot de contestation."

Le chaton calico leva la tête, choqué et déçu, et totalement déboussolé. Qu'est ce qui s'était passé, où était-il, qui était-il, il ne savait pas, mais en tout cas il avait bien remarqué la mousse trempée sur son dos et les yeux du guérisseur en furie qui... Wow, c'est qu'il en jetait. Il se releva et passa quelques coups de langues sur son poil mouillé après être resté tétanisé quelques secondes, voyant pour de vrai le visage balafré du recherché.

"Ok, ok, c'est bon, j'suis désolé..."

dit-il, avec plus d'innoncence de chaton que d'insolence. Il n'allait pas dire non, après tout c'était une bonne excuse pour le mitrailler de questions.

Le petiot freeze salement, en mode phase sur ma gueule d'ange. Je sais, on a pas idée d'être guérisseur avec mes beaux yeux. Il se nettoye, je ramasse la mousse, il et crachote quelques mots.

— Ok, ok, c'est bon, j'suis désolé...
— J'espère kiddo, faut pas courir partout comme ça. Maintenant bouge tes petites fesses, on sort chercher de la mousse. T'inquiètes pour ta mère, le Clan des Étoiles te bénit tant que tu es avec moi.

Je pars jeter la mousse vers la pouponnière, pour que les piou-piou jouent avec, puis me retourne pour vérifier que Petite Caresse me suit bien. J'indique d'un mouvement saccadé de la queue la sortie du Camp, et part sur mes grandes pattes dégingandées, la démarche erratique et le pas mal-assuré. Mon oreille droite, percée comme un abat jour ajouré, tressaute comme une flamme dans le vent. Je n'avance pas trop vite. Faudrait pas perdre le gamin en cours de route.

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Sans dire un mot, docile et obéissant, il s'exécuta et suivit le guérisseur. Il adorait sortir dehors. Le territoire du Clan de l'Ombre n'était peut-être pas attirant pour certains, mais ça lui plaisait. C'est qu'ils sont tous devenus aveugles, avec leurs rivières, leurs plaines et leurs tilleuls. Cependant sa mère ne lui permettait pas trop. "Tu es trop jeune" dit-elle à chaque fois. Mais il trouvait des excuses plus ou moins valides, et cette fois-ci il allait bien s'amuser.
En marchant derrière, puis côte-à-côte du chat, il en profita pour le scruter sous toutes ses coutures. Plutôt fin que musclé, il possédait de grandes échasses et de grandes oreilles, un peu comme lui-même. En plus grand, moins élégant et plus balafré, il trouvait une petite ressemblance entre eux deux. Mh, ça doit être les oreilles.

" Sans manquer de respect... enfin, je me permettrais pas. On dit beaucoup de choses sur to- sur vous, euh... "

Vouvoyer ou tutoyer ? Oh après tout, on s'en fiche un peu, son humeur était déjà un peu écrasante. A part lui cracher au visage ses paroles il ne pourrait rien lui faire. En théorie.

" On m'a raconté des chose sur vous... Je me demandais, comment vous avez eu autant de... enfin, vous voyez... vos cicatrices ?"

— Sans manquer de respect... enfin, je me permettrais pas. On dit beaucoup de choses sur to- sur vous, euh... On m'a raconté des chose sur vous... Je me demandais, comment vous avez eu autant de... enfin, vous voyez... vos cicatrices ?

Je souris dans mes moustaches,
il est kiki ce gamin, avec son vouvoiement précieux et sa gueule de femelle. J'espère qu'il a la cervelle droite ce gosse. Petite Caresse, le nom est pas bien viril pour un mâle. Manquerait plus qu'il soit homo.
Enfin, j'ai le temps de voir.

Le temps de le soigner.

— Ah oui kiddo, et qu'est-ce qu'on dit sur moi ? Je vais te raconter ma petite histoire si tu veux, mais tu risques d'être déçu.

Promenous nous dans les bois, je cherche de la mousse des yeux. Elle est trop sèche ici, il va falloir s'enfoncer plus dans les bois, pour en trouver plus. On va bien rire avec le petiot.

Il regroupa ses souvenirs, aka toutes les conneries qu'il aura entendu sur le guérisseur, et ne choisit que les plus "vraisemblables".

"Eh bien y'a beaucoup de choses... Certains disent qu'avant d'être guérisseur, vous étiez guerrier et vous vous êtes battu contre un ours! La suite, on est pas trop sûrs..."

Il profitait de sa sortie pour admirer le paysage, qu'est ce qu'il aimait son territoire! Ca manquait un peu de fleurs, mais passons. Ses yeux ne cessaient de croiser des tas de mousse mais, étonnament, Esprit Soucieux n'allait pas les chercher, et les ignorait presque, en fait. Il devait sûrement avoir une bonne raison, c'est pas son rôle de remettre son aîné en question.

"On raconte aussi que t'étais... enfin vous étiez un solitaire avant. Un solitaire dans la ville, pas dans la forêt. 'Paraît que vous étiez sans pitié, et pour quelques uns vous avez même mangé un chat..."

Il n'avait jamais vraiment cru à ces histoires, mais il est vrai qu'en tant que chaton il avait fini par penser qu'Esprit Soucieux avait un passé très -et trop- sombre. Au final, maintenant qu'il lui parlait en personne, Caresse se rendait compte qu'il n'avait rien d'un méchant minet qui vous mange les pattes pendant votre sommeil si vous avez été pas gentil dans la journée, toutefois il gardait un certain charme indéniable.

hrp:

Je continue d'avancer d'un pas vif vers les zones plus ombragées de notre territoires, à grands pas, puis marque des pauses pour que le kiddo me suive, puis je recommence mon manège. Les yeux qui scrutent le paysage, j'ai l'air absent d'une personne concentrée, le regard flou et vide, l'esprit enroulé dans de douces mousses, loin du petit qui ressemble trop à une meuf. Il me babille ses sornettes, j'esquisse une grimace. Qu'ils sont cons ces bébés. Quand même, mon père et ma mère sont dans le Clan, je sors pas de nulle part - un papa, une maman, tout ce que nos Ancêtres ont prévu pour faire des gamins - et mes deux sœurs, la connasse et la sainte, prouvent bien que putain, je suis pas une de ces petites merdes de Solitaires.

Je crache.
Y a quand même des limites.
Je préfère affronter un ours qu'avoir un sang avili.

Si j'avais battu un ours je l'aurai bouffé, plutôt que dépecer un chat, hein. De bien belles conneries que tu sors à ton guérisseur, tu sais, là, le type qui laisse le Clan bouffer avant lui et fait gaffe à ce que t'ailles pas niquer nos gènes avec des petites merdes. Tu vas être déçu mais j'ai jamais été guerrier kiddo, tes fantasmes tombent à l'eau. Ah, prends cette plaque de mousse là, elle est pas mal.

Je lui indique ladite plaque d'un mouvement de la tête, attendant ses prochaines questions.

Au début, le guérisseur ne dit rien, ce qui l'inquiéta un peu. Il le connaissait mal, alors sa réponse était imprévisible.
Au final, il s'avéra que Soucieux n'avait pas l'air très content d'entendre les ragots que les chatons pouvaient répandre à son sujet. Au fur et à mesure qu'il parlait, Caresse était d'accord avec lui. Il avait raison, au fond il se sentait presque ingrat et irrespectueux de lui raconter tout ça.

" De toute façon, j'y ai jamais cru moi, c'est stupide..."

C'était à moitié la vérité, parce qu'en fait ces bobards étaient les seules choses qu'il connaissait du passé du guérisseur, alors c'est qu'il y avait forcément un peu de vérité au fond, pas vrai? Tout ça attisait encore plus sa curiosité de jeune, et il ne put s'empêcher de rappeler au chat gris sombre sa question initiale tandis qu'il s'exécutait, labourant gentiment l'arbre pour en retirer la mousse.

" Et du coup... c'est quoi, la vraie histoire? Les rumeurs c'est pour les autres, moi je veux croire qu'en la vérité. "

Eh ben, c'était donc ça la vraie histoire du chat autour duquel circulait tant de rumeurs dans la pouponnière... Il fallait avouer que ce n'était pas grandiose comme périple, il tombe dans un buisson. Mais l'esprit d'un chaton est débordant, son cerveau créait déjà des petites théories ridicules: si ça se trouve, il avait été en contact avec le Clan des Etoiles qui lui a dit qu'il se trompait sur toute la ligne et qu'il devait être guérisseur! ... Ou peut-être qu'il avait réalisé qu'il était trop nul pour être guerrier, qui sait ça pourrait être la raison de ces oreilles balafrées. Le petit secoua sa tête comme pour chasser cette idée. C'était irrespectueux. Et on doit pas être irrespectueux envers son soigneur, c'est mal.
En fait, sur le chemin du retour, il réfléchit un peu après la conversation (qui ne s'éternisa guère) et il se trouvait qu'il n'était pas déçu par la vérité. Oui c'était moins périlleux que ses attentes, certes, mais en quelque sorte ça lui avait enseigné une leçon. Dans la vie, tout peut changer en un rien de temps, par une toute petite chose; Esprit Soucieux en est une preuve vivante! Il ne suffit que d'un amas de ronces pour changer de voie, pas besoin d'une épreuve du combattant pour changer quelqu'un.
Les deux félins rentrèrent au camp avec de la mousse comme prévu, et Caresses avec un sentiment de satisfaction. Il avait rendu service à son clan et avait démystifié le passé de Soucieux.

HRP: