Accepte par erreur, mon invitation. [Cri des Albatros] - abandon

Aujourd'hui, il avait sept lunes et demi. Le demi était important, c'était signe qu'il avait grandit, il n'était plus un gamin et bientôt il aurait huit lunes et pourrait commencer sa crise d'adolescence. Une terrible comme celle qu'avait faite Cri des Albatros, les vieux en parlent encore.

La fourrure gonflée, il s'admirait le dos, histoire de deviner s'il avait grandit. Il décida qu'il avait bien grandit mais pas encore assez, son modèle en matière de taille était Force des Ours, le guerrier le plus énorme du clan. Il avait du chemin à faire mais cela ne l'inquiéta pas. Il entama une toilette pour se remettre le pelage dans le bon sens. Songeur, le petit matou se faisait un plan d'attaque pour grandir : Manger et faire beaucoup d'exercice. Se perdant lentement dans ses pensées, il se prit à écouter les éclats d'une conversation qui se déroulait à quelques mètres de lui. Boule de Poussière racontait qu'il connaissait un super terrain de jeu : Le vieux moulin. Intrigué, l'apprenti leva l'oreille tout en interrompant sa toilette. Il en avait entendu parler sans jamais y être allé, aux dires du mâle foncé, c'était dangereux et un repère pour les fantômes de la forêt sombre. Nuage de Guépard finit par s'éloigner un peu précipitamment lorsque Boule de Poussière commença à raconter qu'il avait l'habitude d'y emmener ses copines lorsqu'il était apprenti.

Revenant à la première étape qu'il s'était fixé pour devenir grand beau et fort, le jeune mâle alla saisir une proie sur le tas de gibier. "Hey, tu sais où c'est le vieux moulin?"
demanda-t-il à son voisin. Satisfait de la réponse, il alla s'installer entre Tâche d'If et Nuage Nacré pour la cérémonie du partage. Nuage Nacré les quitta rapidement car il était de corvée de tique et Tâche d'If se leva peu de temps après pour participer à la patrouille de midi avec entre autre Coeur Givré.

"Je peux venir avec vous Maman?" questionna-t-il. Sa mère lui refusa et lui ordonna d'aller plutôt s'entrainer à chasser et de prendre quelqu'un avec lui. Le petit grogna une approximative approbation et s'éloigna vexé. Il n'avait aucune envie d'aller chasser, et encore moins avec quelqu'un. C'était majoritaire car on venait de lui ordonner, mais également parce qu'un tout petit brin de conscience lui disait au fond de lui même qu'il n'avait aucun talent pour la chasse. De loin il avisa Boule de Poussière, chasser ça ne le tentait pas mais aller chahuter au moulin lui semblait un programme parfait. Nuage de Guépard fut tenté de demander au guerrier, mais il valait mieux qu'il y aille déjà une fois en reconnaissance afin de connaître un peu les lieux et de ne pas passer pour une cervelle de souri. La voix suraigüe de Cri des Albatros le fit tressaillir. En voilà une bonne idée, en plus elle adorait les fantômes, leur première nuit dans l'antre des apprentis, ils en avaient cherché un vraiment terrifiant. Il s'avança vers elle pour lui proposer de l'accompagner. Au dernier moment il fit un détour et s'éloigna mine rien. Les mots "Tu veux aller au moulin avec moi?" ne voulaient pas sortir, ils semblaient coincés tout au fond de son estomac. Sans doute parce qu'ils étaient nuls et qu'elle ne dirait jamais oui. Alors que dire? Qu'on devait faire une patrouille pour surveiller le moulin? Elle inviterait un autre guerrier. Qu'il avait entendu parler qu'un nouveau fantôme venait d'emmenager au moulin? Et si le fantôme ne venaient pas les voir? ça risque de mal finir. Et si? Et si il la défiait, "je paries que t'aurais trop peur d'aller au moulin?" non elle n'a pas très peur des fantômes. Bon.

"Eh Cri des Albatros! Coeur Givré m'a confié que tu n'avais jamais été au point à la chasse! Je veux pas dire hein, mais à l'entrainement hier, il parait que je t'ai surpassée! Trois souris en dix minutes au moulin" ricana-t-il en essayant d'imaginer ce que ça pouvait bien être un moulin.

Ce qu'elle adorait au Vent, c'était les rumeurs et les histoires.
C'était une chance pour elle d'être tombée ici. En effet, le Clan est peuplé de deux conteurs, Boule de Poussière et Plume Colorée. Les deux chats étaient réputés pour leurs histoires, vraies ou non. Naïve, Cri des Albatros avait toujours avalé les paroles des deux félins, ne remettant pas en question leurs dires. Il manquerait plus qu'ils mentent. Non. C'était des chats honnêtes, sur qui on pouvait compter. Actuellement, de grandes histoires courraient sur un grand guerrier qui serait mort au moulin. Selon la légende, les palmes du bâtiment lui aurait tranché la tête, et depuis, il la chercherait, hantant le vieux moulin. Cette histoire lui faisait froid dans le dos, mais son âme d'éternelle adolescente lui criait d'aller voir. Après tout, elle allait faire plus peur au fantôme, et la dernière fois, c'était elle qu'on avait prit pour un esprit. Dans tous les cas, cette histoire était beaucoup trop exceptionnelle pour que Cri des Albatros n'aille pas jeter un œil.

Cependant, l'albinos se heurtait à un problème de taille. Elle n'était plus une apprentie, et elle vivait mal sa transition. Elle pouvait désormais remettre à sa place les guerriers un peu trop machos à son goût, mais elle se devait de se montrer digne représentante du Vent et d'agir avec maturité. La petite femelle soupira. Pour elle, elle aurait été pouvoir prendre uniquement ce qui semblait plaisant dans le rôle de guerrière et ne pas faire le reste. Néanmoins, elle se devait de vouer son temps libre à entraîner Nuage Nacré ou les autres apprentis du Clan, s'occuper du camp, nourrir les siens … C'était donc ça, la vie d'adulte tant redoutée. Une fois mise devant le fait accompli, elle commençait à sentir le doute s'emparer d'elle concernant ses choix de vie. Et si elle avait été apprentie guérisseuse ? Et si elle avait été amie avec d'autres personnes durant sa jeune vie ? De quoi aurait – elle l'air maintenant ? Serait – elle plus douce, plus jolie ? Ressemblerait – elle à sa mère ou bien à Tâche d'If ?

« Eh Cri des Albatros! Coeur Givré m'a confié que tu n'avais jamais été au point à la chasse! Je veux pas dire hein, mais à l’entraînement hier, il parait que je t'ai surpassée! Trois souris en dix minutes au moulin »

Changement d'ambiance, retour à la réalité. Cri des Albatros regarde à présent le sol, ou plutôt s'étouffe en fermant les yeux. Nuage de Guépard était un gamin prometteur, et surtout, c'était l'apprenti de sa sœur et le frère de son propre apprenti. Outre le fait qu'elle trouvait ça furieusement drôle que des sœurs s'occupent de frères jumeaux, elle se reconnaissait en lui. Il était dynamique, tête brûlée, et elle ne pouvait s'empêcher de voir en Guépard une jeunesse qu'elle aimerait retrouver. Et en plus, il avait été au Moulin. Elle déglutit et prit un air faussement suffisant.

« Tu m'en diras tant ... »

Bordel, 3 en dix minutes, mais comment il a fait, ce gamin? s'étonnait – elle. C'était purement impossible aux yeux de l'albinos, et elle tentait de laver son honneur avec une petite dose de déni. Elle se savait mauvaise en chasse, mais pas au point de se faire doubler de la sorte par un bleu. Bien que l'albinos tentait de cacher son trouble et son malaise, son physique la trahissait, tandis que ses yeux rougeâtres évitaient soigneusement l'apprenti du regard. Elle se demandait si il la fixait avec un air moqueur, comme on le faisait souvent à cause de son physique particulier. Gênée, elle se sentit rapidement ridicule à se comporter comme une gamine.
Désormais, Cri des Albatros était une grande. Elle savait chasser le lapin et donner des chassés en bagarre.

« Et comment ça se fait que Coeur Givré t'ai dit ça, dis donc ? Je te jure, elle a honte de rien, elle … Puis c'est pas dur de me surpasser, va tenter de doubler Etoile Vaillante, c'est tout de suite plus dur, ahahahahah ... »

Au sommet de sa gêne, le cerveau de l'albinos tournait à plein régime, nourrissant l'espoir de trouver une solution pour calmer son embarras. Pour paraître plus digne, elle se redressa et toisa Nuage de Guépard.

« Eh bien dans ce cas, allons au Moulin, au moins tu me montreras tes talents de chasse. » dit – elle avec un petit sourire moqueur. « A moins que les rumeurs qui courent ne t'effraient. »

« Tu m'en diras tant ... »
Fit hautainement la guerrière. Et zut, elle s'en moquait. Les yeux du petit matou s'agrandirent. Si ça se trouve, trois souris en dix minutes ce n'était pas beaucoup en fait. Peut être qu'elle faisait encore mieux. Il n'avait pas été très intelligent sur ce coup là, elle allait le prendre pour un looser.
« Et comment ça se fait que Coeur Givré t'ai dit ça, dis donc ? Je te jure, elle a honte de rien, elle … Puis c'est pas dur de me surpasser, va tenter de doubler Etoile Vaillante, c'est tout de suite plus dur, ahahahahah ...
- Ba oui mais Etoile Vaillante c'est la cheffe.» Répondit-il, surprit par l'évidence. Dans sont esprit, les chefs devenaient meneurs car ils étaient les plus forts. Puis une petite lueur de défi éclaira ses yeux orangés.
« Après la meilleure, c'est Tâche d'If. Mais après, elles nous apprennent leur techniques, si ça se trouve on va les surpasser un jour.» se rengorgea-t-il, pas du tout complexé de capturer une souris par heure et encore, lorsqu'il avait de la chance. Avec Coeur Givré c'était plus simple car elle repérait tout de suite les proies, il n'avait plus qu'a se mettre à fureter partout dès qu'il la sentait aux aguets. Il avait déjà eu deux souris en une heure une fois.

Cri des Albatros se releva de toute sa hauteur, Nuage de Guépard baissa furtivement les oreilles, elle faisait une tête de plus que lui quand elle se relevait ainsi. Il gonfla lui même le poitrail et tenta de tricher sur sa taille en se mettant sur la pointe des orteils. Le jeune sentait son interlocutrice perdue dans ses pensées, peut être qu'elle avait un peu peur du moulin après tout. Il émit un léger ronronnement satisfait
« Eh bien dans ce cas, allons au Moulin, au moins tu me montreras tes talents de chasse. A moins que les rumeurs qui courent ne t'effraient.
- Appart Boule de Poussière qui y emmène la moitié des femelles du clan rien ne m'effraie!» généralisa-t-il de ce qu'il avait entendu tout à l'heure en gloussant. Les adultes qui se font des bisous sur la bouche c'est toujours très rigolo.

Lorsqu'ils partirent au petit trot vers le moulin, avançant avec un air décidé pour faire comme s'il savait où aller, le petit se mit à cogiter. Il s'était trompé tout à l'heure, elle n'avait pas peur du tout des histoires du moulin, elle allait le tester pour savoir si lui aurait peur. Prenant la température, il questionna d'un air détaché :
«Alors, c'est quoi les dernières histoires sur le moulin?»

Etoile Vaillante, c'était la chef, oui, merci, Nuage de Guépard. Néanmoins, à travers cette affirmation qui semblait logique pour toutes les personnes du Clan du Vent réunies, Cri des Albatros avait beaucoup de mal à enregistrer cette information. Elle avait vécu la mort de son ancien mentor comme un coup de pied violent qui l'avait projeté dans le monde adulte. Effrayée, elle peinait encore à prendre en compte toutes ses responsabilités, et elle bénissait les Etoiles de lui avoir donner Nuage Nacré. Bien qu'elle s'efforçait à paraître détachée de son apprenti pour des raisons d'égo, elle ne pouvait s'empêcher de le voir comme un cadeau. Avoir un novice à sa charge lui permettait de comprendre au mieux son rôle d'adulte. Ce n'était plus l'apprentie désormais, et elle avait un bagage suffisamment important pour être désignée comme un professeur. C'était un sentiment agréable, bien que stressant. Elle espérait qu'Etoile de Sable, de là où elle était, était fière d'elle. Depuis la nomination de sa mère au poste de meneuse, elle éprouvait un profond malaise à chaque fois qu'elle l'appelait par son prénom de chef. Etoile Vaillante, ça sonnait bizarre. Sa maman s'appelait Coeur Vaillant, mais il semblait qu'Alby était coincée dans un âge entre son stade chaton et apprentie, où elle refusait chaque changement de nom. Avait – elle passer les plus belles années de sa vie ? Impossible de juger, elle avait encore des centaines de lunes à vivre. Néanmoins, le monde qui s'ouvrait à elle l'effrayait, et elle préférait l'époque où le Territoire du Vent lui paraissait grand et lui offrait un terrain de jeu suffisant. Désormais, le jeu n'avait plus sa place.

Un sourire s'étira sur son visage. C'était faux. La preuve, elle était là, avec un novice, en train d'aller à la chasse aux fantômes au Moulin. Il fallait seulement faire passer chaque sortie pour une partie de chasse nécessaire. Le Vent avait bénéficié d'un afflux de proies à la suite du blizzard, de manière assez miraculeuse. C'était en partie à cause du travail acharné des guerriers, et l'albinos estimait que les chasseurs avaient de temps en temps besoin de repos. En haussant les épaules, elle se persuadait que l'apprentissage à base de bonnes peurs dans les moulins était une bonne chose.
Cri des Albatros entendit la vanne du novice sur Boule de Poussière et un frisson de dégoût la traversa. Bien qu'elle l'appréciait en tant que connaissance, elle ne s'imaginait pas une seconde devenir sa compagne, ni même avec une quelconque relation dépassant le stade amical avec lui. Nuage de Guépard semblait insinuer que le Moulin était sa maison pour perpétuer ses gênes, et l'albinos tressaillait.
Dégueulasse. C'est tout. Elle croisait les doigts pour ne pas le surprendre dans le moulin. Et si c'était lui et … Les femelles ce … Fantôme qu'on ente... Oh et puis merde.

« C'est marrant, j'imaginais pas Boule de Poussière en tombeur … J'envisageais pas Boule de Poussière comme un être sexué tout court, en fait ... »

Lâchant cette phrase dans l'air, elle se rendit compte après coup que c'était méchant pour le conteur, mais haussait les épaules, son sale visage blasé accroché au scotch sur sa peau.

« Alors, c'est quoi les dernières histoires sur le moulin? »

Sans réellement comprendre le sens de la question, Cri des Albatros fit mine de réfléchir. Le Moulin était une source intarissable de légendes urbaines, et c'était un territoire que l'albinos aimait particulièrement, bien que l'unique fantôme qu'elle voyait là bas était celui du souvenir de sa première rencontre avec Toucan.
Merde.
Enfin. Avec le chat gris.

« Il paraît qu'on y a entendu des pleurs de chats. Certains vétérans du Clan y ont été y a deux nuits, et ils sont revenus blancs comme des morts. On dit au Tas de Proies qu'ils y ont vus un chat sans tête. Le bruit viendra du haut du moulin, mon hypothèse étant que la tête est logée en haut et que le corps se promène la nuit venue. » raconta – t – elle avec un air sinistre pour effrayer l'apprenti.

Elle chercha dans ses pensées des noms de vétérans qui parlaient peu. Il y en avait quelques uns, le genre de guerriers que les apprentis évitaient comme la peste à cause de leurs caractères méprisants et de leurs remarques acerbes.

« Si cette histoire t'intéresse, Coeur de Pierre et Museau du Renard peuvent t'en parler, mais si j'étais toi, j'éviterais. Il paraît qu'ils sont murés dans le silence depuis cet accident. Tu m'étonnes, j'aurais eu la peur de ma vie, moi aussi, pas toi ? »

C'était deux guerriers taciturnes, assez isolés dans le Clan. C'était chose aisée de les faire passer pour des traumatisés. Avec un sourire provocateur au visage, l'albinos se tourna vers Nuage de Guépard, amusée.

« Alors, toujours prêt à aller passer du bon temps au Moulin, juste nous deux, aha ? » dit - elle en riant

« C'est marrant, j'imaginais pas Boule de Poussière en tombeur … J'envisageais pas Boule de Poussière comme un être sexué tout court, en fait ... »
Une image terrible apparut brièvement à l'esprit du jeune mâle, qui n'avait pas tout à fait le lien entre le bisous et le sexe tout à l'heure. C'est vrai qu'il imaginait plus son père dans ce rôle d'Hidalgo sexué, car toutes les femelles du clan ne pouvait s'empêcher de de frissonner des moustache quand le beau tricolore souriait. Mais apparement ça marchait bien pour Boule de Poussière aussi et peut être même pour lui aussi un jour. Un frisson le prit, celait faisait plusieurs jours qu'il frissonnait ainsi une fois de temps en temps, mais pas un frisson de froid, plutôt un frisson de chaud. Ouh-là : il racontait n'importe quoi, s'il commençait à se poser des questions sur ce qu'il se passait dans son corps, il allait finir comme ces tortionnaires de guérisseurs.

Il paraît qu'on y a entendu des pleurs de chats. Certains vétérans du Clan y ont été y a deux nuits, et ils sont revenus blancs comme des morts. On dit au Tas de Proies qu'ils y ont vus un chat sans tête.
-AH! s'exclama-t-il de surprise, il ravala son souffle aussitôt, comme par fierté. Sans tête, morts mais qui bougeaient encore. Comme Etoile de Sable qui n'avait pas arrêté de mourir, de renaître, et de mourir à nouveau, agitée d'une multitude de de spasme. Et derrière lui, il y avait Cri des Albatros, qui lui demandait si elle allait bien, si elle allait mourir. Tétanisé, il n'avait pas pu lui répondre, les mots étaient montés dans sa gorges et restés coincés. Il ne voulait plus aller au moulin, il ne tiendrait pas deux secondes.
" Le bruit viendra du haut du moulin, mon hypothèse étant que la tête est logée en haut et que le corps se promène la nuit venue. » Nuage de Guépard ne répondit pas, terrifié.
« Si cette histoire t'intéresse, Coeur de Pierre et Museau du Renard peuvent t'en parler, mais si j'étais toi, j'éviterais. Il paraît qu'ils sont murés dans le silence depuis cet accident. Tu m'étonnes, j'aurais eu la peur de ma vie, moi aussi, pas toi ? »
Voilà, il allait finir comme eux. Tout le monde, du moins lui et d'autres jeunes, les détestaient dans le clan car ils étaient réservés et toujours de mauvaise humeur. Ce n'était pas étonnant. Le petit mâle ne répondit toujours pas.

« Alors, toujours prêt à aller passer du bon temps au Moulin, juste nous deux, aha ? » rigola-t-elle. Nuage de Guépard sorti de sa torpeur, le rire de Cri des Albatros était magique à ses oreilles. Il le trouvait suave et doux comme du miel. Subitement, il n'avait plus peur. Le matou se sentit capable d'avancer tout d'un coup, de bondir, de courir toute allure.
« Aha plutôt deux fois qu'une! » s'exclama-t-il d'une voix forte et posée. Le "deux" raisonna en écho à ses oreilles, Cri des Albatros venait d'en parler mais il ne se souvenait plus pourquoi. Il était parti loin dans ses trouilles de gamin à ce moment là. Mais maintenant ce n'était plus le cas du tout. Le frisson chaud de tout à l'heure revint. Gonflé à bloc et désireux de pavaner il proposa une course.
"Le dernier arrivé se fera arracher la tête en premier!!"


Il fut largement distancé par Cri des Albatros. Vexé sur le coup lorsqu'elle le doubla en trombe, il fut ensuite largement déconcentré par les courbes de la jeune féline qui ondulaeint joliment dans sa course.
"Ouais j'ai entendu un lapin alors j'ai ralenti pour voir si on pouvait pas le chopper." mentit-il une fois qu'il l'eut rejointe.
"Woaw" Fit-il, admiratif, en levant la tête pour regarder le moulin, oubliant qu'il était censé s'y être déjà rendu. Pressé de prouver sa valeur à sa camarade, il avança d'un pas décidé vers la fenêtre du moulin. L'apprenti sauta sur le rebord. Tout était sombre, poussièreux... Il cligna des yeux en attendant que ses pupilles s'élargissent. Finalement il sauta à l'intérieur. Au même moment un grincement énorme provint du plafond. "AAAH!!" hurla-t-il en faisant demi tour, et il ressorti du bâtiment aussi vite qu'il y était entré. Une fois dehors il s'aperçut que les pales du moulin avaient changé de position. "Le vent se lève" diagnotisqua-t-il sur un ton mystique, le feu aux joues tant il avait honte. En même temps, il était un peu inquiét: il n'y avait que très peu de vent.

Nuage de Guépard répondit avec sa témérité habituelle, et Cri des Albatros sourit. Ils avaient déjà été de grands amis apprentis, puisqu'ils avaient tous les deux manifestés très tôt un goût pour l'aventure démesurée et les combats de gladiateurs à l'ombre. En effet, toujours aussi albinos, elle ne pouvait toujours pas se rouler sur la terre sèche, le cœur battant, la sueur au corps, le soleil brillant, pour scintiller à chaque coup qu'elle allait donner à ses adversaires. Au lieu de ça, elle devait se contenter des feuilles tombées, de la saleté, de l'ombre, et pour la grande gamine, ne pas voir le soleil devenait lourd.
La sortant de ses réflexions, l'apprenti lui proposa une course. Le cœur battant à mille à l'heure, elle prit ce défi comme quelque chose de personnel. Elle ne pouvait pas perdre face à un apprenti, et si elle le faisait, ç'aurait été la mort de son honneur et elle se serait exilée pour racheter sa peine. Au lieu de ça, ses pattes, bien que fines et petites, dépassèrent rapidement celles du grand matou. Un sourire au visage, cette douce victoire déclencha une dose d'adrénaline en elle, accélérant encore et encore le rythme de ses pattes. Concentrée dans sa tâche, elle ne devait pas tomber, sans quoi sa chute aurait été parfaitement ridicule.

Une fois arrivée, un large sourire se peignait sur son visage. Elle était fière. L'excuse de Nuage de Guépard la fit rire. Si Coeur Givré avait été là, elle se serait amusée à rire sur ses compétences à la chasse, mais la rumeur disait que, si l'apprenti n'excellait pas dans la course, il la battait à la chasse. Avec une moue boudeuse, elle balayait cette pensée de sa tête. Il était hors de question de croire qu'un vulgaire apprenti était meilleur qu'elle, et son égocentrisme primaire reprenait rapidement le dessus. Petite princesse de son Clan, elle se plaisait à s'imaginer élément irremplaçable de part sa polyvalence, alors qu'elle n'était qu'une guerrière un peu trop déterminée, et une bonne coureuse.

Elle explosa de rire en voyant l'apprenti déguerpir aussi vite qu'il n'était rentré dans le moulin. Le poussant doucement de l'épaule, elle continuait de se moquer gentiment de lui avant de s'exclamer.

« Le Vent a beau se lever, sa relève peut aller se rendormir ... »

Un sourire satisfait, elle bondit à l'intérieur du vieux moulin. Les vieilles lattes du plancher cassé craquaient doucement sous ses pas. Méchant flashback, ses yeux rougeâtres se posaient sur le trou béant qu'avait laissé sa tête quand elle était petite. Ça avait été sa première rencontre avec lui. Toucan. Elle l'avait agacé à un tel point qu'il l'avait frappé très fort, lui avait enfoncé la tête dans le plancher avant …
Avant … Avant de …

Elle se pétrifia sur place.
C'était un enfoiré. Un connard de bas étage. Tremblante, elle sentit son estomac se nouer et son corps entier trembler. Avant de … Ses mots résonnèrent dans sa tête, et elle n'avait jamais été fan des armureries. Des coups elle préférait les poignards aux burins. Bien que ça n'avait été qu'une menace, elle pouvait presque se revoir là, petite, prostrée, paniquée devant ce grand solitaire qui venait de la menacer de lui retirer toute pureté en elle.
C'était clair comme de l'eau de roche, après ces lunes d'abus envers sa personne. Toucan l'avait menacé de la pire manière qu'il soit, l'avait manipulé, l'avait rendue amoureuse, et elle se satisfaisait de cette sale situation sans oser lui dire quoique ce soit.

Plus blanche que d'habitude, ses yeux semblaient regarder le néant, marquer d'avantage les cernes qui soulignaient son regard.

« J'ai vu un fantôme ... » dit-elle d'une voix effacée.

Paniquée, son cœur battait de plus en plus vite, si bien qu'elle avait du mal à respirer. La bouche entrouverte, elle haletait.

« Il était grand … Gris … Il y a quelques lunes, j'ai été un fantôme ici ... »

Le fantôme, était – ce elle ? Cette FILLE ABSOLUMENT LAIDE QU'ON OSAIT OUBLIER ? C'était peut-être pour ça qu'il l'appelait la laide, mon petit fantôme, tout ça ? Peut – être que c'était pour autre chose que leur première rencontre ?
Désormais, elle s'imaginait à nouveau ce contact en frissonnant. Oups. Elle était incapable d'en savoir la cause. Était-ce du pur désir ou du pur dégoût ? Si il l'appelait le Fantôme, elle l'appelait la Faucheuse, tant il avait prit ses dernières traces d'innocence et d'adolescence dans sa vie.

« On fait toujours de mauvaises rencontres, dans les moulins ... » murmurait-elle à nouveau du bout des lèvres. « N'y traîne jamais seul … On rencontre de vilains fantômes … Ils nous frappent … Ils nous frappent fort et … »

Ses yeux fixaient le plancher tandis que son corps continuait de trembler. Dans une panique démesurée, elle tétanisait, incapable de faire quoique ce soit. Les pensées de Toucan lui revenaient, tandis qu'elle était incapable de savoir si elle l'aimait ou s'il l'obsédait depuis ce jour. Nourrissait-elle un sale syndrome de Stockholm à son égard ? Son amour était-il aussi pur qu'elle le pensait ? Son oreille blessée fut prise de tics nerveux. C'était lui qui lui avait fait ça, ce jour-là.
Le fantôme avait fonctionné, elle était pétrifiée.

Il coucha les oreilles, l'air dubitatif et légèrement vexé tandis que son amie explosait de rire. Elle lui poussa doucement l'épaule, ce qui le fit tressaillir, avant de s'élancer à son tour :
« Le Vent a beau se lever, sa relève peut aller se rendormir ... »

Le matou la suivi aussitôt, bien que motivé pour y retourner, il ne voulait pas avoir l'air d'être un froussard. Il sursauta lorsqu'il vit Cri des Albatros se figer, le blanc jetta un oeil vers la sortie. Elle était encore là, béante, ils pourraint se s'enfuir, alors il ne risquait rien non? L'ambiance était angoissante, plus froide que l'extérieur, silencieuse, on aurait dit qu'ici, le temps s'arrêtait.

Devant l'immobilité absolue de sa camarade, il etouffa un cri, c'était comme ça que l'on se faisait attrapper par un fantôme! Il y en avait dans le trou juste devant elle et il lui faisait on ne sait trop quoi. Se tapissant au sol il rampa à vive allure jusqu'au trou y passa la tête et feula furieusement, prêt à en découdre. Personne, il bondit subitement pour se retourner : personne d'autre que la féline blanche, plus blème qu'il ne l'avait jamais vue. Avançant à son niveau il la renifla afin de s'assurer que le fantôme ne l'avait pas touchée. Elle ne réagit pas, il eut mal au coeur. Une profonde tristesse l'envahi, s'aggripa à sa gorge pour serrer de toute ses forces. Non! Il ne devait pas se laisser immobiliser par la peur! C'était le fantôme, il secoua son pelage constellé pour se débarasser de l'étau puis se mit à lécher vivement la femelle.
"Cri des Albatros! Le laisse pas t'avoir! Qu'est ce que tu as vu! Dis moi!"Il frotta sa tête contre ses flans en tentant un ronronna qui sorti grave et rocailleux. "Je suis là! Cri des Albatros!"
« J'ai vu un fantôme ... » dit-elle d'une voix effacée.
Son coeur battait qu'il faisait palpiter sa fourrure, comme si elle eu été prise par une forte fièvre :
« Il était grand … Gris … Il y a quelques lunes, j'ai été un fantôme ici ... On fait toujours de mauvaises rencontres, dans les moulins ... » murmura-t-elle si bas. « N'y traîne jamais seul … On rencontre de vilains fantômes … Ils nous frappent … Ils nous frappent fort et … Elle se tu, tétanisée.
- Je suis là, je ne le laisserais pas t'attaquer! S'il te plais réveille-toi" Désarmé, il fit un tour autour d'elle. Finalement il se redressa, s'asseyant sur ses patte arriere pour encercler les épaules si blanches de ses pattes, le matou eut un mouvement pour la secouer violement qu'il retint au dernier moment. Se rapprocha plus d'elle, il la fit bouger doucement.
"C'était le fantôme de qui? Que s'est il passé ici? " lui dit-il posément en surarticulant et sans cesser le mouvement de balancier. Pourquoi disait-elle que c'était elle le fantôme? Son oreille se mit à tiquer, il n'avait jamais vraiment remarqué qu'elle était lacerée. En détaillant le corps de son amie, ce qu'il n'avait jamais vraiment ni songé ni osé faire, il s'aperçut qu'elle était pleine de blessures. Des drôles de cicatrices, des plaies roses, des brûlures, des cernes sous ses yeux. Est-ce que c'est ça ce que cela donne quand un fantôme frappe fort? Il lécha l'oreille prise de spasmes.

My lady d'Arbanville