[Lunar] Blood Will Have Blood -end

Étoile de Pierre n'eut pas à se faire attendre, puisque Étoile de Suie s'en alla le rejoindre directement. Pas de mot, pas d'explication. Juste du sang et de la haine pure. Il ne demandait aucune justification: il savait qu'il n'y en avait pas.
Étoile de Suie défiait les Étoiles par pure avidité. Et même s'il venait à perdre aujourd'hui, ses ancêtres lui feraient payer pour ses crimes.
En pactisant avec la lune, elle avait assassiné sa lieutenante. Et il la vengerait, même si son état ne lui permettait pas de combattre au meilleur de sa forme. Il la vengerait en détruisant Étoile de Suie. Peut-être pas maintenant. Peut-être pas demain. Mais brique par brique, pièce par pièce, il l'anéantirait.

Malgré ses blessures mal réparées par un manque de plante et d'expérience de leur guérisseur - il ne lui en voulait pas le moins du monde, il faisait de son mieux - Étoile de Pierre possédait quelque chose que la vieille meneuse n'avait pas. Il avait sans doute bien plus de vies que lui, n'en ayant encore perdu aucune, et surtout, elle combattait sur ses terres. Il les connaissait mieux que personne, et avait l'avantage du terrain.

La dirigeante des écureuils eut le temps de le blesser largement lorsqu'elle lui bondit dessus. Mais il se rua pour l'envoyer balader et lui faire perdre son emprise. Lorsqu'il fut libéré, il cracha, déversant toute la haine qu'il avait sur son adversaire. Le mâle gris-bleu tenta de la mordre au flanc. Il ne la laisserait pas remporter la bataille si facilement.

Étoile de Pierre eut l'impression que son coeur allait se décrocher de sa poitrine lorsqu'Étoile de Suie essaya d'atteindre son dernier oeil. S'il y avait bien une chose qu'il ne voulait pas perdre à nouveau, c'était bien ça. Il se dégagea à temps pour ne pas devenir aveugle, mais elle parvint néanmoins à lui laisser une jolie marque sur la face. Une cicatrice en guise de signature, comme pour crier à toute la forêt "Étoile de Suie est passée par ici". Pour se dégager, il fut forcé de la lâcher au flanc. Il ne savait pas jusqu'ou il avait pu la blesser, mais il espérait avoir pu la marquer assez fort pour l'handicaper. Le combat se poursuivit ainsi, chaque félin s'offrant à chaque fois une nouvelle morsure, un nouveau coup de griffe, une nouvelle cicatrice sur leur corps. C'était un combat d'usure, celui qui tomberait en premier aurait perdu.

Lorsqu'il se recula brièvement, il prit quelques secondes pour observer le combat qui se déroulait autour d'eux. Ses guerriers avaient vraissemblablement l'avantage, repoussant l'ennemi en dehors du camp progressivement. Mais la petite lueur de fierté dans ses yeux fini par s'éteindre bien vite. Le combat, l'attaque n'était qu'une diversion. Au milieu de tout ce chaos, quelques guerriers évitaient la tempête. Ne représentant pas une trop grande menace, ils passaient inaperçus. Mais dans leur gueule se trouvaient la peau du cou de leurs chatons. Le Clan du Tonnerre et les Lunar Pods volaient les petits, et bien que quelques guerriers essayaient de les sauver, nul ne semblait pouvoir contrôler la situation.
Il n'y avait pas assez de guerriers pour tout cela. Il fallait combattre les assaillants, afin d'éviter qu'ils ne réduisent en charpie les membres de la Rivière. Alors l'attention ne pouvait se focaliser sur le sauvetage des chatons. Et si un guerrier de son Clan s'essayait à vouloir combattre un kidnappeur, il devenait une cible prioritaire pour l'ennemi.
Ils gagnaient et perdaient en même temps.

En voyant ses petits se faire enlever, le dernier souvenir sur terre d'Aigue-Marine, Étoile de Pierre relâcha sa garde. Alors il ne vit pas Étoile de Suie bondir vers lui, pour lui donner le coup de grâce.

Étoile de Pierre retomba au sol lourdement lorsqu'Étoile de Suie lâcha prise. Elle avait attendu qu'il s'arrête de bouger, qu'il lui soit entièrement soumis pour pouvoir arrêter. Une vive chaleur se propageait dans sa nuque, à mesure que le sang s'écoulait. Mais le froid commençait à le gagner alors qu'il s'en vidait.
Sa respiration était difficile, son flanc se soulevait difficilement, et chaque inspiration lui coûtait. Des milliers d'étoiles noires lui tombaient devant les yeux. Ils allaient perdre. Ils allaient perdre pitoyablement. Aigue-Marine ne serait jamais vengée. Aigue-Marine...

Ses yeux ambrés se tournèrent vers la meneuse et son large sourire satisfait. Puis ils tombèrent sur ses pattes. Ses larges pattes pleines de sang - et certainement pas que le sien, celui de nombreux autres chats, celui d'Aigue-Marine alors qu'elles n'avaient jamais combattu aussi. Et il se mit à sourire légèrement à son tour.
Étoile de Pierre se sentait partir, mais il lui restait encore un peu de temps. Un peu de force pour lui faire payer sa fierté. Ses crocs se plantèrent dans sa patte, et il força de sa mâchoire pour lui faire autant de dégâts qu'il le pouvait, avant de partir.
Il voulait sentir le gout de son sang dans sa gueule, entendre ses os craquer sous ses crocs, l'entendre hurler et que ses guerriers puissent l'entendre. Qu'ils comprennent que cette défaite serait la dernière.
Son oeil unique se tourna vers les pupilles d'Étoile de Suie.
Tu payeras, Suie, tu payeras pour toute cette merde, aurait-il voulu lui dire.

Mais il n'entendait déjà plus rien, et ses blessures eurent raison de lui. Un vent glacé fini par s'abattre sur son corps, et d'un seul coup, il ne sentait plus rien.
Étoile de Pierre était mort. Il perdait sa première vie.

hrp:

La bataille avait surgit, rapide comme un éclair, aussi inattendue qu'un serpent vous sautant à la gorge. Rien n'aurait pu prévoir cela. Bien sûr, ceux du Tonnerre, ces lâches, avaient saisi l'occasion d'utiliser leur faiblesse. Juste lorsque notre lieutenante, Aigue-Marine rejoignait les étoiles, juste lorsque notre Chef était en rémission... Le combat commença et Etoile de Pierre se lançait contre l'autre fourbe servant de Chef au Tonnerre. Notre Meneur m'avait appelé et je restai à l'abri, je me retenais de me jeter dans la bataille, malgré l'envie qui me prenait aux tripes. Non, je devais résister. Je suis l'unique Soigneur de notre Clan et je suis faible, bien trop faible pour remporter une victoire. Alors j'assistai, impuissant, aux combats se déroulant autour de moi. À la place, je courrai vers mon Antre, emportant les rares plantes que je pourrais utiliser, ainsi que ce que j'avais en réserve de toiles d'araignée. Clopinant, je sortis, cherchant quelqu'un ayant besoin de moi. Ça ne tarda pas, et un félin blessé se présenta à moi. Rapidement, je couvris sa blessure d'une toile, lui conseillant de se tenir à l'écart et de bien tenir ce qui faisait office de compresse. Dans l'immédiat, je ne pouvais regarder plus attentivement. Cela se passerait après la bataille. Je soignai de la même façon plusieurs autres félins, jusqu'à ce qu'un éclair bleuté me figea. Devant mes yeux, le meneur au pelage fourni s'effondra. Glacé, je revis la mort de Père, devant moi, me protégeant. Non!!! Puis dans un dernier effort le meneur blessa gravement son adversaire avant de retomber inerte au sol. La meneuse ennemie s'éloigna et je me précipitai vers le mâle. Tremblant je posai une toile sur la longue estafilade sur son cou. Maudite Etoile de Suie, vas-tu nous enlever chacun de nos meneurs?! le sang imbiba rapidement la toile et je hurlai à un pauvre Guerrier sûrement blessé également de me chercher des toiles d'araignée. Il fallait endiguer la blessure, sinon malheur à Etoile de Pierre. Le Guerrier tremblant s'approcha de moi avec des toiles d'araignée que je pris brusquement, en demandant d'autres. Je pressai une à une les toiles d'araignée, m'effrayant de les voir se gorger de sang, les unes après les autres, je continuai encore et encore jusque la dernière toile posée apparaisse plus ou moins blanche. J'enroulai le cou de notre chef avec d'autres toiles. Des cueillettes se feraient urgentes plus tard. Lorsque l'atmosphère sanglante de la bataille serait un peu retombée.

C'était la deuxième fois qu'Étoile de Pierre visitait la toison argentée. Sa première expérience avait été lorsqu'il succéda à Étoile du Corbeau, se rendant à la Pierre de Lune pour y recevoir ses neuf vies.
Mais cette seconde arrivée était bien différente. Il n'y recevait pas de vie: il les perdait. Ici, plus de douleur, plus de cri ni de guerre. Juste un ciel étoilé et paisible, une brise légère et...
Et Aigue-Marine.

La voir en ces lieux lui brisait le coeur. Cela lui rappelait qu'elle était partie pour de bon, et qu'elle ne reviendrait jamais. Qu'elle avait été tuée dans un carnage sans fin par sa faute. Qu'elle n'était pas juste partie pour une longue balade en solitaire pour découvrir un nouveau monde. Non. Aigue-Marine était morte, et elle ne reviendrait pas. Il l'avait tant vu mourir lorsqu'il fermait les yeux. Tant vue hurler et souffrir, tant vue faiblir face à la mort. Et là, elle était si belle. Son magnifique pelage était revenu, sans plus de cicatrices sur celui-ci. Son visage fatigué, le dernier qu'il avait pu voir, était remplacé par son joli sourire.
Étoile de Pierre aurait voulu l'emporter avec lui, voler son esprit pour la ramener dans leur Clan, lui montrer leurs petits, qu'elle puisse vivre la vie qu'elle aurait du avoir. Il aurait voulu supplier les Étoiles d'échanger ses 8 vies restantes pour la ramener. Mais son corps était resté sur terre, et il resterait inerte. Il dormait paisiblement sous un arbre dans la prairie, où des fleurs pousseraient sans doute au printemps.

- Mon amour... lui dit-elle en enfouissant son museau dans son poitrail, comme quand elle était vivante. Ne plie pas face à la douleur, tu es la Rivière, les roseaux s'inclinent mais ne cassent jamais. Je ne suis pas loin. Et nos enfants sont là, tout près, ils ont besoin de toi et tu as besoin d'eux. Le Clan renaîtra grâce à eux, le Clan a besoin de toi d'ici là. Le soleil brille toujours après l'averse, mon amour.

Étoile de Pierre ne trouva aucun mot, alors il garda le silence. Pendant un instant, il oublia la bataille, le sang, la peur, la défaite, les traitres, ses chatons qui disparaissaient...
Il ferma les yeux, bercé par cette sensation si paisible qu'il n'avait pas senti depuis bien trop longtemps déjà.

Et fut forcé de les réouvrir sur la bataille.

Une grande inspiration sifflante et difficile se mit à lui remplir ses poumons, avant de le forcer à recracher le sang qui s'y était infiltré lors de grosses quintes de toux. Chaque mouvement était difficile, mais il était revenu à la vie.
Étoile de Suie avait gagné, il n'y avait plus rien à faire. Il aurait aimé se lever et changer tout ça, mais le visage paniqué de Nuage des Ruisseaux le ramena bien vite à la réalité. Un faux mouvement briserait son travail, la plaie pourrait s'ouvrir à nouveau, et lui, mourir une seconde fois.
Et ce n'est pas ce qu'Aigue-Marine voudrait.

Le Clan de la Rivière avait perdu cette bataille, mais ils ne fléchiraient pas sur la prochaine. Ils étaient la Rivière, ils étaient les roseaux. Et lorsqu'ils seraient prêts, lorsque la tempête se déchaînerait, cette Rivière serait à cru, inondant la forêt toute entière. Et les chats de son Clan le savait bien: une Rivière infernale pouvait faire tomber les arbres, même les plus solides, si elle le voulait.

En attendant, il restait là, faible mais impatient, gardant les yeux ouverts et s'efforçant de respirer correctement pour ne pas inquiéter davantage le jeune guérisseur.
Dans sa tête raisonnaient les idées, les plans, et son dessein lorsqu'il serait rétabli.

Il détruirait Étoile de Suie, pièce par pièce, vie par vie, et récupèrerait ses petits. D'ici là, Aigue-Marine veillerait sur eux. Il savait qu'elle ne les laisserait jamais seuls.