Une mousson ? Non, juste une grosse pluie | L.I.B.R.E. |

Cette symphonie douce et régulière créée par la pluie. Douce ? Pas vraiment, il s'agissait plutôt d'un vacarme assourdissant à s'en briser les tympans. Le rideau d'eau, tellement épais qu'on y voyait à peine au travers, avait tout nettoyé sur son passage. Dans les flaques on notait des insectes morts et d'autres luttant désespéremment contre la mort. C'était un combat épuisant et inutile: ils n'auraient jamais la force de s'en sortir. L'un deux, une grosse araignée noire poilus agitait inlassablement ses 8 pattes dans l'espoir de pouvoir atteindre le bord. Abrogeant sa fatigue inutile, je la noyais violemment, l'écrasant de mes coussinets noirs. Un miraculé, une coccinelle, volait avec empressement jusqu'à un abris inespéré. Manque de chance, une goutte d'eau lui tomba dessus. Elle s'écrasa tel une pierre sur le sol et je l'achevais. C'était étrange de voir que de simples gouttelettes d'eau pouvaient détruire tant de vie.
Pour ma part j'étais trempé jusqu'aux os, mais je ne ressentais pas le froid. L'eau n'était pas un élément qui me dérangeait et me baigner dans la rivière était un moment que j'appréciais, bien que je ne sache pas nager.

Abandonnant ma flaque de cimetière où croupissait de plus en plus d'insectes je regardais les alentours. C'était difficile avec toute cette pluie, tellement violente que de petites coulées de boue se formaient.
J'étais entre deux haies de pommiers, attendant une proie. Idée stupide. Quelle proie sortirait par ce temps ? Elles étaient tellement petite que les gouttes d'eau leur feraient mal, voir les assommeraient. Cependant je restais là à vagabonder avec mes chaussettes brunes et humides.

Un orage éclata au loin illuminant le paysage cendré. L'éclair était blanc avec un aura de couleur violette. C'était magnifique. Pendant un millième d'instant je pus distinguer avec netteté le monde qui m'entourait: des nuages d'un noir profond, des arbres tellement plein d'eau que les feuilles étaient couchées, souffrant le martyre, une terre tellement mouillée qu'on pourrait la comparer à des sables mouvements. Et plus loin, un félin qui piétinait dans cette boue à la recherche de quelque chose, ou ayant décider de rentrer chez lui.
Je n'avais rien à faire et je ne voulais pas rentrer. J'accélérais le pas, me moquant royalement de la boue qui vint se coller à mon poitrail et à mes flancs. Au petit trot je rejoignis le lieu où j'avais aperçu pendant quelques instants le minou, mais il était déjà parti. Je ne pouvais suivre sa trace: la pluie effaçait toute odeur.

Un éclair fit à nouveau son apparition, plus brusquement cette fois-ci et je distinguais le chat: dans la rangée de pommiers d'à côté, en train de m'observer. Je lui fis alors face … .

C'était un membre du Clan de la Rivière. Un mâle de couleur chocolat, comme l'est la boue agréable. On aurait dit qu'il m'avait attendu et il me salua normalement avant de se passer quelques coups de langues. Mes oreilles se baissèrent sur les côtés et mes moustaches frémirent devant un comportement si étrange... .

« Pourquoi passer des coups de langues alors que dans la seconde qui va suivre tu seras de nouveau trempée comme un éponge humide? »

Je refusais pour ma part de m'assoir. La boue ne me dérangeait pas, mais il y avait des limites et je ne voulais pas passer ma soirée à ôter toute cette boue. Sans compter que la boue n'avait pas l'un des meilleurs goûts que je connusse.
Je fixais le félin. Il avait des yeux jaunes, une posture qui ne me disait rien. Non, je ne l'avais jamais vu. Jamais croisé en patrouille, ni rencontré lors des assemblées aux Quatre Chênes. Peut-être était-il trop jeune pour avoir participer à beaucoup d'assemblée. Je n'ouvris cependant pas la bouche pour prendre connaissance de son nom. Peut-être plus tard, la réponse ne m'intéressait aucunement pour l'instant.

Une bourrasque de vent s'engouffra dans les allées du verger et je me surpris à perdre l'équilibre. Le rétablissant au plus vite, je m'installa sous un arbre, le lieu était plus sûr. La pluie ne cessait pas de piétiner le sol comme un champ de bataille. Mais la fin ne devrait pas tarder, puisqu'une pluie de cette ampleur ne durait jamais vraiment longtemps. Les insectes étaient de moins en moins nombreux. Beaucoup étaient morts, les autres avaient réussi à trouver un abris. Les vers de terre étaient cependant sortis de leurs trous de terre, il y en avait partout et j'avais même réussi à en écraser un.
Je pensais rester là après la tempête. Les rongeurs allaient surement sortir puisque leurs galeries étaient inondées. Plusieurs auraient envie de sécher au soleil ou bien de sortir pour se donner du courage afin de nettoyer leur petit chez soi. Et alors là, je pourrais les attraper. Facilement qui plus est: la pluie aura abaissée leur garde.