[Canicule] Bien s'hydrater en été || Fifou -end

Il dormit.

...Jusqu'à ce que le soleil ne continue sa course dans le ciel et ne fasse ramper, sur le sol et l'herbe jaunissants, l'ombre de leur arbre à leur dérobée. Et lorsque le faisceau de quelques rayons trouvèrent sa fourrure, la noirceur de son pelage fit comme l'effet d'une loupe dessus: le bengal redressa sa tête d'un violent soubresaut peut-être en même temps que ses paupières se révulsèrent sur d'yeux écarquillés qui lui renvoyèrent l'image d'un Oeil du Tigre fort content de le réveiller d'un nouveau coup de patte en gueule!

— « Debout l'abruti.
— --!!

Le coup de patte n'était pas méchant mais s'il avait eu un peu plus de présence d'esprit, il jurait qu'il le lui aurait attrapé au vol, et entre les dents. Sa queue chassa ce premier indice d'énervement.

— « La mission c'est trouver de l'eau pas dormir comme un emmerdeur. Soit utile et sort de ce trou.
— Ouiiiii, ça vaaaa, j'ai compriiiis...

De... l'eau! Mais bien sûr que la mission était de trouver de l'eau - qu'est-ce qu'il était bête, pourquoi n'y avait-il pas pensé?? Nonobstant son incapacité de réfléchir plus tôt, Coup de Foudre se secoua pour sortir les griffes, cesser de boulanger la terre et s'extirper de son misérable petit trou de fraîcheur qui se réchauffait à vue d'oeil pour emboîter, la foulée maladroite, le pas du Vétéran devant. Il jeta un coup d'oeil derrière lui, et sans compter les résultats du Dé il trouva bel et bien de l'eau: à s'écouler en de longues larmes de ses yeux, le confondant tellement qu'il en recula la tête « Ah-- » , avant de plaquer brusquement ses oreilles sur sa tête, visiblement ennuyé par la constatation:

« Bordel, pas maintenant--! » il maugréa en levant sa patte pour essuyer le trop-plein qui s'accumulait dans les coins de sa membrane aqueuse, tiquant de la langue car avec les pattes pleines de terre et de sable il venait par inadvertance de se mettre un débris dans l'oeil. « NNGHF-- » Sa frustration grimpa d'un cran en lui arrachant un grondement plaintif et il tenta de régler la chose en se léchant la patte, en la passant sur son oeil, rinçant puis répétant, tentant de marcher à trois pattes derrière le fauve en s'assurant de poser les coussinets là où l'ombre s'était enfuie. Il cilla, fronça du nez et du museau, serra ses dents en sifflant une inspiration sèche entre celles-ci à la brûlure qu'il ressentit dans l'oeil.

Pas d'eau pour lui faire voir son reflet car en entrouvrant la gueule le temps de rabaisser la patte et de reprendre la marche, il faisait moins fière allure avec les larmes et ses yeux désormais rougis par le sel et l'irritation! Même son poil était dépourvu de son lustre habituel - de la rondeur de ses joues - se soulevant par épis par endroits. C'était comme si le sommeil, bien que confortable au début, avait paradoxalement empiré son état et il s'avoua vaincu pour de bon :

— «      ...Ugh.

En réalité, c'est juste qu'il avait été suffisament réparé après ce temps de repos qu'il avait maintenant la pleine capacité de ses moyens (et la lucidité!) de savoir tout ce que cette Canicule les faisait subir (comme les cigales qui criaient sur les arbres -bordel, est-ce qu'elles criaient toujours de la sorte???). Il ne pouvait pas se cacher derrière les brumes de l'inconscience, en ce moment, et il comprenait davantage le mauvais poil de son partenaire devant.

.... Oui bon mais le comprendre ne justifiait rien. S'ils trouvaient de l'eau (et c'était un grand si), Coup de Foudre se jura qu'il lui foutrait la tête dedans.   heheh.

HRP:

C'est sans surprise qu'à force de se battre contre les débris, ses yeux et les larmes qui coulaient, il ne s'était pas rendu compte qu'Oeil du Tigre s'était arrêté devant, et qu'il avait tourné sa tête vers lui, et qu'il le reluquait comme s'il faisait face à une quelleconque abstraction. Et comme quiconque devant une abstraction il tenta d'y coller un sens:

— « Tu chiales Coup de Foudre ?

Un "qu'est-ce que ça peut te foutre" transparut dans les yeux du bengal qui se sentit étranglé par le même ordre qui avait fait poser sa question à Tigre. Alors ses babines grimacèrent, corrigeant sa réponse initiale (et son initial foudroiment du regard) avec un:

— ...C'est rien, refroidi (figurativement refroidi. 'Faut pas rêver.)
— « C'est quoi le problème ?

Le ras-le-bol lui prit au dos pour répéter toutes dents dehors, mais lorsque le guerrier s'assied, le bengal eut comme un mouvement de recul, se sentant soudain piégé. Pourtant, il aurait été facile de le contourner, de poursuivre le chemin, de détourner le sujet, de grimper dans un arbre merde, de s'évader comme il le faisait si bien d'habitude! Mais avec la chaleur sur le dos, la sueur sous les pattes, la queue contre les jarrets et plus aucune force pour se parer de ses apparats, il épargna au guerrier ses parades habituelles pour répondre, et en toute franchise: Depuis la mort de leur soeur, Roux et Bec pleurent tout le temps, et comme mon corps imite ceux que je côtoie..., il ponctua sa réponse d'un haussement des épaules, plus ennuyé que triste, à vrai dire. Son oreille tiqua, sa paupière aussi, et il feula entre ses crocs serrés aux petits grains de douleur qui lui roulaient dans l'oeil.

— « Hsk-- Mais un sourire transparut à ses babines, tandis qu'il renvoyait, gentiment désabusé: Eh Tigre, mission accomplie, j'ai trouvé de l'eau.

Et en s'essuyant l'oeil qui papillonait (il entrouvrit sa gueule ce-faisant, haletant) il revoya une ou deux goutelettes tièdes contre son collègue pour appuyer sa plaisanterie, se couvrant tout un oeil de la patte en s'asseyant non-loin de ce-dernier.

— « Selon tes dires donc, le sort de ta gamine ne t'attristerais pas si ces pauvres gamins n'étaient pas en train d'en chialer ?

Le bengal haussa simplement ses épaules.

— « La mort ne t’effraie donc pas au point que voir les autres clamser autour de toi est une indifférence totale ? Quelque chose reluit dans les yeux ternes du chat borgne, mais Coup de Foudre n'aurait su dire quoi. Très intriguant pour un félin proclamant la paix.
— ...Pff. Il marquait un point, ce bougre, aussi il redressa légèrement la tête pour plisser ses paupières et gentiment dévisager son camarade, qui passait une patte sur son pelage histoire de se débarrasser des goutelettes tièdes qu'il lui avait jetées dessus.

Coup de Foudre avait les pattes pleines de terre et de poussière et il ne voulait pas y penser; ses joues d'habitude si rondes se rebiquaient en épis et il ne voulait pas y penser. Bizarrement, l'autre lui parlait tout de même. Il était dans un état déplorable et Tigre s'adressait quand même à lui. ...Peut-être parce-qu'il était dans un état déplorable aussi, et que le seuil du "présentable" avait considérablement chuté pour s'adapter aux circonstances (ici, la canicule).

La chaleur les rendait fous et irritables mais les sourires lui venaient toujours aussi facilement. Il ricana sous-cape, abaissant ses oreilles dans une preuve d'humilité:

— « C'est insultant, non? D'avoir ce chat qui ne ressent aucune compassion la prêcher autant. C'est juste que dans les nombres, elle rapporte plus que l'apathie.

Sa patte s'écarta de son oeil et il eut un nerveux soubresaut dedans, ce qui se transcrit dans son dos, qui se tendit, en se réajustant dans sa position assise et en déversant toute sa frustration d'un ou deux balayages de la queue derrière.

— Et non, la mort ne m'effraie pas. Je suis juste curieux, Oeil du Tigre. De tout. Il pencha la tête, fermant ses yeux pour s'épargner le pincement à les garder ouvert. De tout le monde.

Curieux de voir ce qu'il y avait au delà de la forêt, curieux de goûter des proies d'autres terres, curieux de sauter la barrière, curieux de tenter de nouer des liens avec n'importe qui, curieux de voir s'il pouvait sortir un certain guerrier de son apathie et lui apprendre, l'aider, (bon, en le faisant chanter, mais) à s'ouvrir un peu plus aux autres et à prendre du territoire qu'il cédait si facilement au point de perdre un oeil? Il entrouvrit le sien pour poser sur l'autre chat un air plus calme.

— Et toi, tu n'as pas peur de la mort mais de ce qui pourrait venir après, ouais?

Peut-être que c'était pour ça qu'Oeil du Tigre ne s'autorisait plus aucune dérogation au Code du Guerrier. Peut-être car son père l'avait si souvent forcé à blasphémer par le passé qu'il essayait maintenant de se racheter.

Tigre s'était couché entre-temps et pour peu, Coup de Foudre l'aurait imité s'il ne doutait pas de ne plus jamais pouvoir se relever avant la tombée de la nuit.

— Je t'aurais vu moins crétin que de penser à une quelconque peur de mon avenir après mon décès, Coup de Foudre.
— Euh, Crétin toi-même, se mit à glousser le bengal, qui ne s'était attendu de la part de son comparse qu'une réponse en "ouais" ou "nan".

— T'es-tu seulement demandé si le Clan des Etoiles existait réellement ?

Cela pourrait très bien être une broutille qu'un chat un peu détraqué comme toi eut inventé. Pour le moment je n'ai jamais vu l'once d'un esprit étoilé et peut-être serais-je fou que d'en voir un. J'y croyais follement avant, plus maintenant. Je réfléchis maintenant.
— Ouais nan mais les chefs qui reviennent à la vie, ça par contre,...

Tigre passa sa patte dans sa face, Coup de Foudre la passa à sa bouche, et il tenta de la lécher malgré l'absence de salive. Car pour lui il n'était plus vraiment question de ne pas croire aux Étoiles - ne vous en faites pas il y croyait, difficile de nier leur influence et leur joug sur les chats et les Clans, mais pour ce qui était de prêcher leur satanée Parole...

— J'en ai foutrement rien à foutre de savoir quel est mon sort, sinon je n'aurais jamais adressé la paroles à ce cher Douces Caresses.
— PFF-ff! Pas faux, mais l'honnêteté de Tigre le surpris et le secoua d'un rire qu'il tenta aussitôt de taire derrière sa patte, de peur de vexer le borgne bourru:

— Je veux juste avoir une mort digne du guerrier que je suis et serai en vieillissant. Crever d'une merdique maladie ou en glissant dans la Rivière c'est trop peu pour moi.
— Ha hah!

— J'ai bien peur que personne dans ce foutre Clan ne regrette ma sale gueule mais je veux que l'on regrette ce que je suis. Compris ?
— Hah hah hah-- *tousse* _*tousse* bon sang--...

Au même titre que celle d'Oeil du Tigre, sa queue se mit à onduler sur le sol, trouvant un certain confort dans l'évolution de cette conversation décousue. Il riait, doucement, cherchant à le faire à mi-voix car il savait les oreilles de son comparse sensibles (...) et la gorge sèche lui faisait perdre la voix, si bien que bientôt il ne remuait plus que les épaules. Ils n'avaient pas trouvé d'eau, il pleurait, il faisait pitié à voir, vraiment, et son comparse ne lui avait jamais paru aussi loquace de toute son existence. Et Coup de Foudre reprit son souffle, la tête basse, la secouant doucement en tentant de se redresser sur ses pattes.

— « Hahah, moi qui m'attendais à oui ou non...!
S'il ne faisait pas si chaud, peut-être qu'il aurait pu profiter d'être aussi paisible avec Oeil du Tigre. Il le dépassa en s'engageant à rebrousse-poil, se traînant les pattes et la queue dans la poussière et le sable.
— Moi, je suis sûr qu'il y a des chats moins détraqués qui regretteront ta belle "sale gueule".

Mais comme on est pas encore morts... t'as faim?

Je t'invite.

Il en avait marre de trouver de l'eau à répétition dans ses yeux outre que dans sa bouche, voilà pourquoi il valait mieux compter leurs pertes d'aujourd'hui et accepter de rentrer bredouille. Étoile de Cendre aurait-il seulement la force de les réprimander? Il en doutait. De toute façon il comptait se réfugier dans sa renardière et de déterrer quelques proies - il se disait qu'Oeil du Tigre apprécierait l'offre, considérant l'état des chasses, en ce moment.