Sisters — ft. Mamba Noir - abandon

Nuage d’Été rentra dans le camp du Vent avec ses camarades de chasse et ses prises du jour dans la gueule. Ils étaient partis au zénith et maintenant le soleil avait bien entamé sa descente dans ce beau ciel bleu de printemps. Née en plein milieu de la canicule et ayant vécu ses premières lunes dans la chaleur, il n’était pas surprenant de constater que Nuage d’Été était ravie de ce soleil et de la douceur de l’air. Pour une fois que la rouquine avait l’air ravie de quelque chose.
Alors qu’elle allait repartir vers le camp histoire de se reposer les pattes quelques instants, elle se retrouva nez à nez avec une grande féline calico que Nuage d’Été ne connaissait que de vue, et pas très bien. Voire pas du tout. C’était Mamba Noir, récemment revenue au clan après…. Nuage d’Été n’était pas sûre combien de temps la féline avait disparu, et ne s’était pas grandement intéressée de la raison de cette disparition non plus. Mais le nom de Mamba Noir lui était déjà un peu plus familier. Elle avait eu l’occasion d’entendre sa mère, et d’autres félins du clan mentionner le nom une fois ou deux quand elle était petite. Et il se trouvait que Mamba Noir était sa grande sœur.

Lorsque son aînée avait fait irruption dans le camp un beau jour, et que l’apprentie eut le temps de faire le rapprochement entre le nom et la personne, elle comprit qu’il s’agissait là de sa famille. Même si Nuage d’Été n’avait pas de grands principes dans la vie, la famille restait quand même importante. Elle n’avait pas eu l’occasion de faire connaissance avec sa grande sœur, et cette dernière n’avait pas (encore) fait le premier pas non plus. Il y avait de bonnes chances pour que les deux femelles se soient dit que ça pouvait attendre, que l’occasion finirait par se présenter. Ou alors Mamba Noir n’en avait pas grand-chose à faire de savoir qu’elle avait un petit frère et une petite sœur désormais. C’était également possible. Et il n’y avait qu’une manière d’en être sûr.
« Bonjour Mamba Noir. »

Nuage d’Été avait parlé comme à son habitude, d’une voix qui ne laissait rien supposer d’autre qu’un salut cordial et simple. La guerrière ne saurait probablement pas faire la différence pour le moment, mais la rouquine avait l'air plus enjouée que d'habitude. Un bon début. Les deux chattes restèrent face à face pendant quelques secondes avant que la rouquine ne se décide à continuer, affichant un léger sourire.
« C’est… intéressant d’avoir une grande sœur qui apparaît comme ça. »

Un début de conversation comme un autre.

HRP:

« Nuage d'Été, c'est ça ? »

Nuage d’Été était plutôt confuse quant à la réaction de son aînée. Elle qui d’habitude arrivait à plutôt bien lire les langages corporels, il fallait admettre qu’elle ne savait pas trop quoi penser. Mais elle aurait dû s’en douter, c’était sa sœur après tout. Et bien la fille du Cobra. C’était de famille ce don de pouvoir parler de manière aussi plate, avec un visage aussi impassible. Qu’est-ce qu’il pouvait bien se passer dans sa tête ? Quelles étaient ses pensées ? Était-elle agacée de la soudaine apparition de sa petite sœur, qu’elle ne connaissait qu’à peine de nom ? Était-elle heureuse de la voir faire le premier pas ? Qui savait. Pas Nuage d’Été en tout cas. Derrière ce ton de voix pouvait se cacher n’importe quoi. Et maintenant qu’elle y pensait, l’apprentie réalisait que c’était certainement celui qu’elle avait utilisé elle-même. Leur lien génétique était évident.

La rouquine hocha lentement la tête pour confirmer son nom, après ce qui avait du paraître une éternité de silence. Ou alors seules une poignée de secondes s’étaient écoulées, dur à dire. Sans savoir pourquoi ou ce qui causait se soudain changement d’attitude, Nuage d’Été vit son aînée se détendre devant elle, comme comprenant soudainement que ce n’était pas si terrible comme situation. Sa mâchoire se détendit en un discret sourire, ses yeux verts devenant plus doux. La rouquine se détendit également. Elle qui était prête à lui dire qu’après tout ce n’était peut-être pas la peine et qu’elle ne gaspillerait pas une seconde de plus de son précieux temps. Et à vrai dire, elle aussi préfèrerait faire autre chose que de forcer la patte à sa sœur. Si cette dernière n’en avait rien à secouer, et bien qu’il en soit ainsi. Au moins la rouquine aurait essayé -pour une fois.
« Eh bien, c'est étrange de se découvrir une sœur déjà presque Guerrière »

Un sourire en coin un peu plus franc apparut sur les babines de l’apprentie, son regard roulant sur le côté. À en croire les paroles de son mentor et de son mentor de substitution qui n’était autre que le paternel, ça restait à vérifier. On le lui rabâchait à longueur de journée que sans faire d’efforts, on ne lui donnerait pas son nom de guerrière de sitôt. Mais bon. Laissons Mamba Noir découvrir par elle-même à quel point sa petite sœur était une déception pour la famille. Ne le lui servons pas cette information sur un plateau d’argent. À moins que Mamba Noir ne comprenne ce sentiment de manque d’affection paternelle ? Ce qui était probablement le cas. Étoile du Cobra n’était pas du style à réellement changer de comportement entre deux portées. Si le courant passait entre les deux félines, la rouquine se risquerait peut-être à blaguer sur le sujet, mais c’était encore sans doute trop tôt.
« Le temps passe, » répondit simplement et solennellement Nuage d’Été, comme si elle avait déjà vécu des centaines de lunes sur cette terre. « Et il a dû être bien long pour toi. »

La rouquine s’installa devant son interlocutrice, sa queue traînant lâchement dans la poussière derrière elle. Mamba Noir avait raconté ce qu’elle avait vécu pendant toutes ses lunes d’absence. Et pour être parfaitement honnête Nuage d’Été devait se rappeler d’un dixième de cette histoire. Mais elle avait globalement retenu l’idée que ça n’avait pas dû être une partie de rigolade et ça, elle pouvait très largement le concevoir. Bien qu’elle ne semble pas la porter bien haut dans son estime, la vie de clan était tout ce que Nuage d’Été connaissait et elle ne considérait pas un seul instant vivre autrement. Alors devoir être dans l’inconnu, seule et sans aucun repère devait être atroce.
« Je me suis dit que faire connaissance serait une bonne idée… On est de la famille après tout. »

À part Nuage de Genette, Nuage d’Été n’était réellement proche de personne. Leur famille était loin d’être soudée. À défaut d’avoir eu une sœur qui l’a vue grandir, elle pourrait peut-être avoir une nouvelle amie.

Même un aveugle aurait senti le regard de Mamba Noir étudier chaque touffe de poil de l’apprentie. Elle en avait conscience. Elle savait bien qu’elle était bien moins présentable que la guerrière, et une piètre reproduction d’Œil de Biche. Une masse de fourrure hirsute qui était devenue habituée à la poussière. En passant outre cette première apparence on pouvait voir une féline en réalité assez jolie. Mais peu étaient ceux qui le faisaient, Nuage d’Été y compris. Et on aurait bien dit que Mamba Noir n’était pas partie pour le faire non plus. Si c’était bel et bien le cas et bien tant pis. Elle méritait déjà une médaille pour avoir essayé et d’avoir fait le premier geste pour ressouder cette famille. Bien que ladite famille lui ait montré à de nombreuses reprises que non, niveau soudé on avait vu mieux.
Les yeux verts de la guerrière semblaient fixes et peu déterminés à rester ouverts. En un sens Nuage d’Été réalisa ce que ça devait être de lui parler à elle. Un coin de son esprit pensa que Mamba Noir ne serait pas ravie de l’entendre, donc la rouquine garda son amusement pour elle, ne laissant passer que l’ombre d’un sourire.
« Bien alors, raconte-moi donc ce que je dois savoir sur toi. Et sur Nuage de Genette, » demanda la guerrière.

Comme on pouvait s’y attendre, Nuage d’Été n’aimait pas parler d’elle. Elle n’y voyait aucun intérêt. Mais elle s’était rendue à l’évidence qu’en venant voir Mamba Noir elle devait s’y résoudre à un moment donné. Ça aurait été bien plus simple de laisser aux félines le temps de se connaître naturellement. Mais la vie n’était pas simple. Il fallait donc lui expliquer ce que ça voulait dire d’être Nuage d’Été et lui expliquer ce qu’elle faisait de ses journées.
« Je suis apprentie guerrière, Genette apprenti sentinelle. Notre passage à la pouponnière a été… mouvementé. Souvent de l’initiative de mon frère, ceci dit, » la rouquine commença, un demi sourire au visage. C’était en effet souvent son frère qui la convainquait de partir à l’aventure ou de faire la première opportunité de bêtise qui passait. Elle continua, « À part ça notre cher père critique souvent ma manière de faire les choses…. Ou d’être. »

Les yeux de l’apprentie regardaient droit devant elle, droit dans ceux de son aînée. Elle n’avait dit aucun mensonge. C’était bien vrai que le paternel, fidèle à lui-même, n’était pas du tout ravie de ce qu’était sa fille cadette. C’était un euphémisme de dire qu’Étoile du Cobra n’était pas fier de sa fille. Et c’était assez compliqué de se présenter soi-même en toute honnêteté quand tout le clan était d’accord pour dire que la petite rouquine était fainéante, naïve et stupide.
Ce premier point elle l’admettait sans trop de mal. Le second ne lui posait quant à lui pas problème : que les gens pensent ce qu’ils veulent sur ce point, ça ne peut qu’engendrer des situations amusantes. Mais le dernier lui restait souvent en travers de la gorge. Elle aimait penser qu’elle était intelligente voire même plus que les autres vu qu’elle pouvait se permettre de mener les autres par le bout du nez en les laissant croire qu’ils avaient le contrôle. C’était son héritage de l’aspect manipulation de la famille. Héritage que possédait très probablement sa grande sœur. Si c’était le cas ? On ferait avec. Parce que contrairement aux apparences, Nuage d’Été se rendrait bien vite compte si la calico tentait de se la mettre dans la poche.
Mais pour le moment autant taire le fait que le clan l’ait élue comme reine des feignasses, Mamba Noir s’en rendrait compte bien assez tôt -si ce n’était pas déjà le cas. La queue de la rouquine s’enroula doucement autour de ses pattes.
« Pourtant je fais toujours les choses bien, donc je ne vois pas où est le problème, » termina l’apprentie. « Et toi ? Tu as sûrement des choses importantes que je dois savoir. »

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