Le jour se lève sur une nouvelle vie - abandon

« Pa... papa ? Maman ? » Aigue-Marine regardait, incrédule, le couple qui se tenait devant elle. Lapis Lazuli avec son pelage sombre, Pierre Précieuse avec sa robe grisâtre, ils semblaient un étrange dupliqua du ying et du yang, l'équilibre de toute chose. Collés flanc contre flanc, leurs queues se rejoignant comme s'ils n'étaient qu'une, les deux chasseurs semblaient un seul et même félin. Leurs âmes étaient liées par leur amour, sincère, profond, fidèle, éternel. Les deux guerriers étouffaient des petits rires amusés et espiègles en voyant leur fille bouche-bée devant eux. C'était la première fois qu'elle les voyait ! Elle n'arrivait pas à en croire ses yeux: ils étaient là, devant elle ! Ils n'étaient plus de simples histoires racontées par les reines dans la pouponnière, lorsqu'elle était chaton; ils étaient là, en chair et en os, la fixant avec des yeux plus vivants que jamais.
Aigue-Marine, perturbée, regarda autour d'elle. Le paysage était nocturne, constellé d'étoiles scintillantes. La lune brillait haut dans le ciel... Mais pas que ! À y regarder de plus près, quelque chose clochait dans ce monde: les étoiles et la lunes ne brillaient pas seulement dans le ciel, au-dessus des têtes des félins, mais également au sol, sous leurs pattes. C'était un monde complètement surréel, et étrangement apaisant malgré tout.
Aigue-Marine voulait poser des questions à ses géniteurs. Elle voulait en apprendre davantage sur eux, les connaître, savoir de qui elle descendait. Sa réserve naturelle venait-elle de sa mère, Pierre Précieuse ? Son charisme de son père, Lapis Lazuli ? Que pouvaient-ils lui dire sur l'amour, qui semblait être le moteur de toute chose ? Que prévoyaient-ils pour elle, dans le futur ? La jeune guerrière s'apprêtait à ouvrir la gueule pour laisser ce torrent de questions se déverser sur ses parents, mais elle sentit soudainement que ses pattes étaient mouillées. Elle baissa les yeux et vit que de l'eau ruisselait près d'elle, et montait progressivement, tant et si bien que bientôt, ses pattes furent recouvertes et son ventre se retrouva mouillé à son tour.
Le contact froid du liquide lui fit ouvrir les yeux.

Aigue-Marine mit plusieurs secondes à reconnaître la tanière des guerriers. Elle y était enroulée sur sa couchette de mousse. La pénombre emplissait encore la tanière, mais on devinait, à travers les roseaux, que le jour n'allait pas tarder à se lever. La guerrière se redressa et commença à s'étirer. Une goutte d'eau lui tomba sur le museau et la fit éternuer. Elle se rendit alors compte qu'elle avait les pattes humides: les roseaux laissaient passer les gouttes de pluie, assez fortes pour traverser les fortifications du camp. La veille, un gros orage avait éclaté. La pluie avait dû commencer alors que les félins étaient endormis.
Aigue-Marine attendit que le ciel arrête de pleurer et sortit prestement de la tanière des guerriers. L'air frais du dehors s'engouffra dans son pelage et lui fit du bien; la saison des feuilles vertes accueillait toujours avec joie les rafraichissements pluvieux qui arrivaient de temps en temps. Le reste du temps, la chaleur était accablante. Heureusement, les félins de la Rivière pouvaient se rafraichir dans le torrent qui avait donné son nom à leur Tribu.
La guerrière au poil brun plein de nuances s'assit près de l'entrée de la tanière des guerriers et entreprit de se faire une petite toilette. Personne n'était encore levé, mais bientôt, l'activité du camp commencerait. Les patrouilles et expéditions de chasse seraient lancées. Aigue-Marine, en tant que nouvelle guerrière à part entière, y prendrait part.
Elle avait hâte de voir ce que lui réservait cette journée.