Les remous de l'âme (avec Nuage de Roc) (RP FINI) - end

▬ Guerrier

Spoiler:

Ce torrent qui s'écoulait cachait le fond du fond.

Étendu par terre, Souffle Poivré se laissait pénétrer par sa musique, par son humidité, par sa fraîcheur. Il n'espérait plus retrouver l'appétit ou la soif, non. Il attendait simplement. Lorsqu'il aurait tout à fait fusionné avec les flots, peut-être serait-il aspiré vers un obscur abîme où on ne le reverrait plus jamais. Il lui faudrait disparaître des yeux, des truffes et des mémoires aussi facilement qu'il avait disparu des cœurs et des espoirs.

Ne suffirait-il pas de glisser ?

Avant de partir, il s'était fâché avec son dernier... ami. Le mot "ami" était peut-être trop grand pour Poil de Cyclone, mais lorsque la solitude vous liait à quelqu'un, ce dernier devenait, malgré toute l'aversion que vous pouviez ressentir pour lui, une sorte de complice qu'une singulière et puissante camaraderie liait à vous.

Poil de Cyclone avait eu le malheur, en tout cas, de prendre trop au sérieux cette complicité. Il s'était retrouvé unique témoin de la lutte inégale que faisait Souffle Poivré contre le grand vide, et s'était cru obligé de ne pas faire comme les autres, de ne pas fermer les yeux, de ne pas passer son chemin.

" Fous-moi la paix. " lui avait vite lancé Souffle Poivré, las et glacé.

Cela avait été la goutte d'eau. Poil de Cyclone en avait eu assez, de cet ingrat qui ne semblait pas plus capable d'un brin de reconnaissance que de la plus basique civilité.

Et voilà. Le dernier chapitre approchait. Au bord de l'eau, Souffle Poivré attendait. Il n'avait fait jusque là que glisser et s'embourber en tentant de se dégager. Il était grand temps d'enfin se résoudre à aller jusqu'au bout de son destin. Il n'était même plus triste, même plus affecté, c'était comme si son abandon l'avait rendu enfin capable de ne plus rien sentir.

C'était bien moins terrible d'attendre le dernier coup que de le craindre en vain ou de chercher à l'éviter. Au fond du fond de son malheur, Souffle Poivré découvrait enfin qu'une certaine humilité rendait possible un certain bonheur.

Il avait déjà une patte dans l'eau froide. Il ne la sentait plus, cette patte. Et pourtant, lorsqu'il l'avait plongée, il avait senti toutes ses plaies le picoter. C'était bien la preuve que petit à petit, l'eau prenait la chair. Ce guerrier malodorant disparaîtrait dans les flots acides comme un sucre dans un thé.

Il eut un rire étouffé à cette idée. Le vacarme et le chatouillis de cette eau formaient un ensemble bien plus agréable que les paroles et les coups que son Clan si chéri lui avait infligés.

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Fin Brouillard élucubre en #0a5115.

♫ Apprentie-guérisseuse

Une ombre se dessinait sur la rive. Elle m'avait tout de suite interloquée. De loin, on aurait pu penser à un gros rocher, prêt à tomber dans la rivière... Toutefois, je la connaissais par coeur, du fait non seulement de mes allers retours ici et là pour mes diverses cueillettes. Et si aujourd'hui ce rocher m'intriguait, c'était bien pour une raison. Ou bien le clan des étoiles me jouait un tour (ou voulait-il vraiment me dire quelque chose) ou bien...

Il fallait en avoir le cœur net. Alors je m'étais approchée, en trottinant sans me douter une seule seconde de la gravité de la situation à laquelle je devrais faire face. Le vent soufflait contre moi, emportant mon odeur vers la frontière et même au-delà, et par la même occasion, m'empêchant de sentir quoique ce soit qui viendrait de là-bas.

Enfin je pus distinguer la silhouette d'un chat. Penché au-dessus de la rivière. Par le clan des étoiles, mais que foutait-il ici?

"Si t'as envie de t'essayer à la nage jte conseille pas trop ce coin."

Même nous nous éviterions de nager là-dedans, il n'y avait qu'à voir les remous et le courant. Je m'assis tranquillement en face de l'inconnu, à la fois curieuse et ... perplexe? Disons qu'il était très très proche du bord, la patte même dans l'eau, et que s'il se jettait dedans... Je doutais fortement être capable de le ramener sur la rive.

Spoiler:

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Nuage de Roc s'amuse en #8EA2C6

NB: elle a des oreilles petites et rondes
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Merci à la Coop' de l'enfer Myst x Polux pour ce superbe dessin, qui exprime si bien l'énergie et la spontanéité de Roc

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▬ Guerrier

Il contemplait son inertisme. Si seulement on pouvait mourir comme on s'endormait. Il avait beau ne plus sentir le froid avec sa patte, il croyait deviner ce qui se passerait, s'il plongeait. Il serait glacé tout entier par la fraîcheur de cette eau. Et il ferait tout son possible pour lutter contre le froid, contre la mort. Il se battrait comme un fou uniquement pour tenter de poursuivre sa vie minable.

Ce serait l'humiliation suprême.

" Si t'as envie de t'essayer à la nage jte conseille pas trop ce coin. "

Qui c'est ? songea-t-il, à moitié curieux à moitié indifférent, en redressant une seule oreille.

Il ne sentait même pas l'odeur ennemie, lui qui avait été si bien entraîné son flair. Il était devenu, à force de proximité avec la Rivière, temporairement insensible à cette odeur qu'ont les membres du Clan de la Rivière.

Mais un jour, il s'en éloignerait de la rivière. Et il aurait alors le plaisir de réaliser combien ces chats puent, lorsqu'il en retrouverait.

C'était très différent, avec sa propre puanteur. Souffle Poivré était bien le seul à ne jamais pouvoir s'éloigner de sa peau, à ne pas avoir le plaisir de savoir combien il sentait mauvais. Il n'aurait même jamais ce plaisir. Et il serait le seul.

Il avait eu, quelquefois, l'impression idiote que sa belle lumière du soir serait capable de l'aimer comme il l'aimait. Comme si elle n'avait jamais senti !

Emporté par des pensées aussi nauséabondes qu'il l'était, Souffle Poivré ricana faiblement. Même sa mère l'avait trouvé puant, c'était de là qu'il tenait son nom. Comment avait-il pu penser une seconde, sachant cela, qu'il n'en serait pas de même pour tout le reste du monde ?

" Ah, tu me conseilles. " ricana sourdement Souffle Poivré, qui ne voyait toujours pas son interlocutrice. " Mais dis-moi, puisque je je veux envahir le Clan de la Rivière, tu ne devrais pas plutôt me conseiller de dissimuler mon odeur dans vos eaux ? "

Il feignit une minute de parler sérieusement. Cela ne pouvait que rendre plus drôle sa plaisanterie, et plus ridicule son personnage. Il releva la tête, ce qui le fit presque grimacer de douleur car son corps tout entier était dans un état lamentable, tant il était resté immobile dans la même position alors que ses blessures lui enflammaient les articulations, le cœur, la tête et la peau.

Il ne reconnut pas vraiment cette gamine, mais elle semblait si innocente qu'il eut envie de rire un peu.

Il finit par lâcher un rire bas, avec sa voix brisée. C'était difficile de se faire entendre, au bord de la rivière. Surtout que quelque part non loin, des canards faisaient un boucan de tous les diables. Il fallait attendre que ces derniers se tiennent tranquilles quelques secondes pour faire passer un mot, une idée, une parole.

" T'es bien d'accord avec moi : les conseils, quand on en a de bons, on les garde pour soi. Tu imagines, si grâce à tes conseils, je finissais par parvenir à... disons... à attaquer ton chéri, ou tes frères adorés ? Tu t'en voudrais vachement, pas vrai ? "

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♫ Apprentie-guérisseuse

Spoiler:

Le bonhomme ricana au loin. Du moins, c'est ce que je déduisis des à-coups de ses épaules, et de sa mâchoire entrouverte. Toutefois, il ne prit même pas la peine de lever la tête pour me regarder, et grommela des soit disantes menaces d'envahissement. Pas que les querelles inter claniques me passaient au-dessus de la tête, mais un peu. D'autant plus qu'il était ben... seul.

Je plissai les yeux pour mieux observer l'étrange phénomène en face de moi. Son gris était orné de jolies rayures courbes, mais même de loin, il semblait extrêmement terne et emmêlé. Typiquement un chat qui n'allait pas très bien. Était-il malade? Même si l'épidémie à la rivière s'était terminée, elle restait gravée dans ma mémoire. Mais il ne toussa pas une seule fois et ne montra aucun symptômes inquiétants.

" T'es bien d'accord avec moi : les conseils, quand on en a de bons, on les garde pour soi. Que voulait-il dire par là? Tu imagines, si grâce à tes conseils, je finissais par parvenir à... disons... à attaquer ton chéri (la bonne blague), ou tes frères adorés ? Mes traits se crispèrent. Tu t'en voudrais vachement, pas vrai ? " Un instant, je demeurai pensive. Oui effectivement, c'était une idée qui se valait la peine d'être posée.

Je léchai mon poitrail, amusée à l'idée. Je ne faisais pas attention aux discussions endiablées des canards, ni à l'assourdissant tonnerre de la rivière, si bien que ma voix se mêlait et amplifiait la cacamphonie alentour. (Autrement dit, mon interlocuteur ne comprit probablement rien des phrases qui suivirent)

"Aha je te souhaite bien du courage si tu veux t'en prendre à mon frère. Disons que j'ai une soeur guère aimable qui te ferait passer cette envie"

Je réfléchis (on aurait pu penser également que j'attendais que les bruits environnants cessent mais ce n'était pas le cas). Après tout, effectivement, c'était un risque. Je n'avais jamais pensé à cette idée-là. Je tentai alors:

"Chacun ses principes. Je préfère l'idée d'être bienveillant avec tout le monde. En général, les gens t'en remercient. Et ceux qui ne le font pas il suffit de les ignorer. Il n'y a rien de plus atroce pour quelqu'un de ne plus exister dans les yeux de son ennemi!"

Enfin ça c'est ce qu'un vieux grincheux m'avait sorti une fois. Mais effectivement, être transparent, ça, ça devait être terrible.

"Pourquoi tu me dis tout ça? Est ce que cela t'es arrivé? "

Peut être cela expliquerait son état par dessus le marché.

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▬ Guerrier

Souffle Poivré n'avait qu'à garder la tête dressée pour se fatiguer, et le vacarme environnant n'arrangeait rien. Se concentrer sur une voix aussi lointaine et aussi parasitée par cette eau et par ces maudits canards, cela exigeait une concentration qui devenait une véritable torture pour un guerrier blessé qui ne rêvait que de se distraire de la réalité qui le dérangeait tant.

Il la voyait miauler, cette grise apprentie, mais il ne l'en regardait pas moins stupidement, car il n'entendait rien : pas un mot ne pénétrait dans son esprit. Il se redressa un peu plus, dans l'idée d'augmenter la distance qui séparait sa tête de l'eau bruyante. Ce fut laborieux et douloureux pour ses articulations, mais il parvint, sans sortir sa patte avant de l'eau glacée, à se redresser sur l'autre patte avant.

Il entendit même, au terme de son effort, une phrase qui avait traversé les flots par hasard, comme si elle s'était perdue. :

" Il n'y a rien de plus atroce pour quelqu'un que de ne plus exister dans les yeux de son ennemi ! "

C'était bien à lui que la petite s'adressait ! Il sentait son regard, ses questions. Et bizarrement, alors que la phrase tournait et tournait dans sa tête fatiguée, il se mit à la penser de toutes les manières possibles, ou plutôt, à la considérer, à la calculer, à évaluer ses implications.

" Rien de plus atroce ", qu'elle me dit !

Un nouveau rire rauque prit le-guerrier-qui-sentait-fort. Il s'agissait cette fois d'une hilarité sincère, d'un amusement qui le pliait, qui l'emportait loin, qui lui faisait retrouver une certaine force dans ses gestes, même s'il en souffrait, car son corps restait très tendu : il n'avait cicatrisé nulle part.

Il peina à se calmer, et bafouilla un peu avant de s'expliquer à l'apprentie de façon distincte. Il ne parlait pas fort, car c'était comme si son rire l'avait épuisé davantage encore que son immobilité, mais il s'exprimait très clairement malgré tout.

" Dis, mettons un peu que nous soyons ennemis, n'est-ce-pas... " Cette idée le faisait sourire. " Je suis venu pour assassiner des membres de ton Clan, ou pour les mutiler, par exemple. Ce serait quand même un peu... " il bafouillait, son esprit ne tenait pas en place dans son pauvre corps : " ... un peu humiliant que mes ennemis se soucient de mon existence... Je préfèrerais encore qu'on m'oublie, qu'on ne voie en moi qu'une menace à éliminer, tu comprends ? "

Il avait envie de se rapprocher de la petite, pour être sûr qu'elle comprenne bien, mais il avait sa patte dans l'eau, et quelque chose lui disait qu'il ne devrait surtout pas l'en retirer. Il interrompit donc son mouvement avant de poursuivre, l’œil brillant :

" Et puis, imagine... Je prive ton petit frère de la minette qu'il aime... Bien sûr, lui, il me détestera jusqu'à la fin de ses jours, il pleurera de rage en pensant à moi... Mais toi, c'est ton frère, tu serais... " il déglutit avec difficulté, et reprit : " Tu serais monstrueuse d'ignorer, d'oublier celui qui a causé son malheur. De lui dire, par exemple : " Oh, ce guerrier, il puait, plains-le plutôt, lui, car après tout ça, il ne puera jamais qu'un peu plus." "

L'eau se brisait, non loin d'eux, contre des rochers. Elle se séparait en deux masses distinctes qui semblaient irréconciliables. Et pourtant, à peine quelques centimètre derrière, ces deux masses fusionnaient à nouveau. Les guerriers n'étaient pas comme le courant d'une rivière. Quand la nature les brisait, ils ne se reconstituaient jamais. Et pour l'amour, pour la famille, pour les amis, c'était la même chose. Lorsqu'on se désolidarisait, lorsqu'on était trahi ou que l'on trahissait, on était condamné à avancer toujours, sans jamais plus pouvoir espérer revenir en arrière.

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♫ Apprentie-guérisseuse

Je sursautai : l'autre se mit à rire à gorge déployée, son corps comme désarticulé se pliait dans de drôles d'angle sous les à-coups de ce rire. Il y a des rires chantants, des rires dansants. Des rires contagieux, qui n'appellent qu'à se joindre à eux. Mais il y a aussi ces rires grinçants, qui te font froid dans le dos. Mon échine s'hérissa.

Il se mit à déblatérer tout un tas de menaces. Cette fois-ci, je commençai à sentir de la colère. Quelque part c'était un sacré spectable, avec le fracas des eaux sur les rochers, les croassements des oiseaux, et le vent qui se levait. Au milieu de tout ce chaos, un chat énervé, qui se défoulait sur la première gamine qu'il trouvait.

Je n'étais pas du genre colérique pourtant mais le guerrier commençait à m'agacer. Pourtant, la voix de Feuille de Saule me revenait. Ces moments où il fallait faire avec la personnalité de cochons de certains patients. Ces patients qui pourraient pourtant te sortir de tes gonds tellement ils sont insupportables! Après tout, je ne le connaissais pas, donc ces menaces il pouvait très bien les dire à tout le monde. Je ne devrais pas le prendre contre moi. Je ne devrais p-

"Nan mais tu te prends pour qui toi à menacer comme ça les gens "

Je secouai la tête, à la fois pour me maudire (cette satanée manie de parler trop vite) mais aussi pour montrer mon désaccord avec ces propos. Être diplomate, il faut reconnaître la douleur des autres, et lui montrer que l'on écoute. Allez!

"M'enfin, admettons. C'est vrai que c'est difficile j'en conviens."

Je fronçai les sourcils, et me mis à réfléchir. Honnêtement, comment je réagirais?
Probablement mal.

Je levai les yeux au ciel. Comme si le clan des étoiles allait me donner une réponse à une simple discussion. Je souriai à l'idée (en tout cas la discussion pourrait être intéressante).

"Et toi, tu réagirais comment si c'était le contraire?"

...

Oh attends. Il avait dit, humiliant?

"Mais du coup, tu penses que ce serait pire pour toi que l'on s'intéresse à toi alors que tu commets des atrocités? Mais du coup, ne serait-ce pas une façon finalement de se venger? Sans tomber dans la violence. "

Je plissai les yeux.

"Par contre aucune idée de comment on fait ça"

Je discutais avec ce parfait inconnu en toute honnêteté. Je n'étais pas du genre à chercher à manipuler ou encore à avoir forcément raison (sauf avec Charbon évidemment). Se questionner sur un sujet, chercher les arguments de différents avis, je trouvais tout cela intéressant (àà petite dose toutefois, faut pas exagérer non plus).

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▬ Guerrier

Elle était loin. Elle réagissait. Il n'entendait pas tout. Elle était outrée. Évidemment. Présentées comme ça, les choses étaient simples. Même lui ne pouvait pas se faire d'illusions : il était allé trop loin, et à partir du moment où l'on avait dépassé les bornes, il fallait crever, disparaître. C'était le jeu. On ne gagnait jamais à ce jeu-là, et il n'avait sans doute jamais rien voulu gagner.

Il lui avait juste été impossible d'accepter la défaite, d'accepter tous les malheurs et toutes les misères qui l'accompagnaient. Rien ne l'avait jamais plus effrayé que le renoncement, et au moins, désormais, pouvait-il se dire qu'il n'avait sûrement jamais renoncé. Le monde n'avait pas voulu de lui, mais il avait fait son possible, pourquoi devrait-il désormais vouloir le monde ? C'était inutile, pour lui, de chercher à se venger du destin, mais n'était-ce pas légitime, malgré tout ?

" Mais du coup, tu penses que ce serait pire pour toi que l'on s'intéresse à toi alors que tu commets des atrocités ? Mais du coup, ne serait-ce pas une façon finalement de se venger ? Sans tomber dans la violence. Par contre aucune idée de comment on fait ça.
- Oh, c'est sûrement très facile. Ces choses-là arrivent par hasard. " rétorqua-t-il, brusquement ému par ses souvenirs dorés.

Car il y avait eu une époque où en effet, il était tombé dans ce piège-là. Il était alors à peu près innocent de tout crime, bien que déjà coupable de puer et de porter le nom d'un puant. Il avait eu la folie de haïr ce monde qui l'avait méprisé ; et sa Belle, radieuse, était apparue dans sa vie. Il ne se souvenait plus du tout de leur première rencontre, mais maintenant que tout cela appartenait au passé, il lui semblait qu'enfin, il découvrait la cruauté et l'ironie dans chacune des petites satisfactions où il avait toujours puisé sa confiance jusque là.

La vie s'était bien moquée de lui. songeait-il, acerbe, sa patte dans l'eau.

Il ne voulait plus que cela continue. D'ailleurs, alors qu'il restait auprès de son reflet, il ne se projetait plus nulle part. Où allait-il ? Qu'espérait-il ? Que devenait-il ? Il ne savait plus rien. Il avait le sentiment que tout aurait déjà dû être fini depuis longtemps, mais que pour une raison étrange, la fin ne venait pas toute seule.

Il avait un air nostalgique. C'était comme si la petite n'était plus là, mais pourtant, elle pouvait tout entendre. Sa voix était portée par les eaux par un curieux phénomène acoustique, au lieu de se laisser recouvrir comme sa patte.

" On peut dire que j'ai été injustement heureux. Il fallait bien que je paye. " reprit-il, la voix tremblante de pleurs.

Et en effet, des larmes se formaient aux coins de ses yeux d'or et troublaient un peu plus son reflet, juste devant lui. Il avait tant pleuré, déjà, ces derniers temps. Il ne pouvait pas s'en empêcher, quand le passé refaisait surface en lui. Il n'en serait jamais capable. La crise passée, et ce fut rapide, il retrouva la petite là où elle était, avec un brin de surprise. Il ne savait pus ce qu'il faisait là, ni où il se trouvait quelques secondes auparavant.

Il retira sa patte de l'eau. Elle était si froide qu'elle avait durci, depuis le temps, au lieu de se liquéfier. Il ne sentait rien du tout, mais il voyait ses plaies du dehors, qui étaient impressionnantes. Et le choc du dedans le faisait encore trembler.

" Je t'ai dit des bêtises, hein ? " lança-t-il à la petite, avec un air ahuri. Il se sentait complètement perdu, il ne comprenait pas du tout ce qu'elle faisait là. " Je dis beaucoup de bêtises. J'en fais pas mal, aussi. " se força-t-il à sourire, pour donner une espèce de consistance rationnelle à sa présence brisée.

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♫ Apprentie-guérisseuse

- Oh, c'est sûrement très facile. Ces choses-là arrivent par hasard. "

Ah bon. Je demeurai pensive. Sa réponse m'interloquait. En fait, tout ce personnage m'interloquait. Et sa patte qui restait toujours dans l'eau. Feuille de Saule me disputerait, il ne faut pas qu'il reste statique comme ça!

" On peut dire que j'ai été injustement heureux. Il fallait bien que je paye. "

Que tu payes? Injustement heureux? Il en a de drôles d'idées. Mes dernières appréhensions s'envolèrent. Définitivement, il ne croyait pas une parole de ce qu'il disait avant. Peut être avait-il besoin de réconfort, ou en tout cas, d'une oreille pour l'écouter?

N'empêche, il faudrait que je traverse la rivière. Je venais de remarquer une sale balafre sur son corps. Il devait bien y avoir quelques toiles d'araignée par ci par là ?

" Je t'ai dit des bêtises, hein ? Je dis beaucoup de bêtises. J'en fais pas mal, aussi. "

Je souriai.

"Oh tu sais, on en fait tous des bêtises! Tant qu'on comprend pourquoi on a fait cette bêtise, et que l'on s'excuse sincèrement après! En tout cas, c'est ce que les vieux répètent toujours (J'haussai les épaules en riant doucement). Et puis, je ne trouve pas que c'était des bêtises ce que tu as dit. Un peu violent peut être, mais je trouve que la question est légitime!"

Je marquai une pause en levant les yeux vers le ciel. Et eux, que penseraient-ils de tout ça? Je reportai mon regard sur le guerrier. Il faudrait quand même jeter à oeil à ses petites blessures, non? C'est sûr que c'est ce que Feuille de Saule ferait.

"Attends là, j'arrive!"

Je bondis sur le côté, disparaissant momentanément de sa vue. Il me fallu quelques minutes tout de même avant de rejoindre la zone plus sûre pour traverser, et la traverser. Encore une ou deux minutes pour rejoindre mon interlocuteur. (Qui sait ce qu'il pouvait se passer en minutes? Avais-je bien fait de partir à ce moment là? Je m'en voudrais s'il avait sauté dans l'eau).

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▬ Guerrier

La voix d'au-delà des flots faisait réfléchir le guerrier désorienté.

Comprendre pourquoi, avait-elle commencé. Pourquoi. Pourquoi aimait-on ? Pourquoi même lorsque l'on puait, on s'imaginait quand même capable de plaire à sa belle autant qu'elle nous plaisait ? Pourquoi la réalité faisait-elle si mal aux petits niais qui se laissaient berner par leurs espoirs ? Pour Souffle Poivré, la bonne réponse était celle-ci : " Parce que je suis con. N'importe quel autre con aurait pu se planter comme je me suis planté. " Un con, ça s'attachait toujours à tout ce qui était encombrant, et ça ne voyait nulle part ce qui était vraiment important.

S'excuser sincèrement, avait-elle poursuivi. Instantanément, quand on faisait l'effort d'imaginer la scène, cela faisait sourire, cela faisait rêver. Il n'était plus un petit apprenti qui pouvait simplement lâcher un petit "pardon" hypocrite lorsqu'il en avait assez de bouder son mentor. On ne l'y prendrait pas à revenir la voir et lui chuchoter quoi que ce soit à l'oreille. Le monde des adultes n'était pas un monde facile. Quant à l'Épervier, de quoi pouvait-il s'excuser auprès de lui ? De n'avoir pas su contenir sa vérité ? Il avait été impulsif, mais au moins, il avait été franc. Peut-être qu'un jour, on les nommerait en patrouille ensemble, et l'Épervier découvrirait en lui davantage qu'un cœur meurtri.

Ce qui était indéniable, c'était que Souffle Poivré n'aurait pas d'avenir, s'il persistait à faire retomber sur le Clan ses lamentables petites frustrations.

" Et puis, je ne trouve pas que c'était des bêtises ce que tu as dit. Un peu violent peut être, mais je trouve que la question est légitime ! "

Boarf, légitime... Il pouvait retourner le problème dans tous les sens, cela ne le rendrait pas plus clair. Ou bien l'on était vu comme l'oublié et l'incompris, qu'une de ces injustices que le destin réservait à certains devait condamner tôt où tard à tomber plus bas que terre ; ou bien l'on était vu comme l'injuste et le méchant, manifestation de la Forêt Sombre parmi les vivants qui ne respirait que pour trahir et pervertir les plus vulnérables.

Quelle espèce de vérité pouvait-il y avoir dans l'une ou dans l'autre de ces représentations, au fond ? Aucune. Mais l'on n'en sortait jamais, du moins lorsqu'on était, comme lui, une sorte de marginal.

" Attends là, j'arrive ! " criait la petite, qui traversa les flots avec une facilité déconcertante, pour un membre du Clan du Vent de son espèce.

Lorsqu'elle fut là, il ne put s'empêcher de s'étonner à voix haute :

" Mais qu'est-ce qui t'a pris ? De ce côté, tu es en danger ! "

Il n'avait encore jamais vu le moindre étranger se présenter sur ses terres avec autant d'insouciance. D'ailleurs, Souffle Poivré, qu'on n'avait presque jamais fait participer aux Assemblées des Quatre Clans, n'avait presque jamais échangé avec des chats non issus de son Clan. Les guerriers comme lui étaient de moins en moins présents, dans les frontières, au fur et à mesure que le nombre de sentinelles croissait.

" Tu es encore apprentie, c'est ça ? " essayait-il de comprendre par lui-même.

Il n'aurait même pas dû lui parler, théoriquement. Il aurait dû montrer les dents, se hérisser, la menacer.... pour faire cesser l'intrusion au plus vite. C'était bien cela, qu'on lui avait appris. Mais on ne lui avait jamais dit comment réagir, s'il avait l'impression d'avoir, sans le vouloir vraiment, encouragé une étrangère à passer leurs frontières. C'était encore lui, probablement, qui avait fait la bourde.

Pour ne surtout pas changer.

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♫ Apprentie-guérisseuse

Plusieurs choses me frappèrent quand je m'approchais de lui. D'abord, les blessures sur son corps. Fraîches je crois? non soignées en tout cas. Vent du Nord s'en occupera mieux que moi, mais un peu de nettoyage ne fera pas de mal le temps qu'il rentre chez lui.
Ensuite, une drôle d'odeur était suspendue dans l'air. Pas ultra agréable à vrai dire, m'enfin, je pense que y'a pire. Enfin, la tête ahurie qu'il tira en me voyant de son côté. J'avais agi spontanément, sans vraiment réfléchir, et c'est vrai qu'il ne m'avait pas reconnu comme apprentie guérisseuse.

" Mais qu'est-ce qui t'a pris ? De ce côté, tu es en danger ! "

En danger, carrément ! Un sourire amusé étira mes babines. En danger, ça va, même à l'ombre on ne va pas tuer un apprenti qui traverse une frontière, même si c'est un apprenti guerrier!

" Tu es encore apprentie, c'est ça ? "

Je lui souriai, et tâchai de faire cesser le dilemme (me chasser, ou ne pas me chasser?) rapidement:

"Ahaha, je suis Nuage de Roc, apprentie guérisseuse de la rivière! Enchantée!"

Je penchai la tête sur le côté, et continuai d'une voix joyeuse et joueuse:

"Et toi, tu es? C'est vrai que je ne t'ai jamais vu quand on allait voir Vent du Nord avec Feuille de Saule! En même temps, c'est un peu compliqué de voir du monde quand on est cloitré avec une grincheuse dans une tanière !"

Je fis le tour de mon interlocuteur en attendant sa réponse, inspectant avec attention son corps (sans retenue, ne prenant pas garde que cela pourrait être potentiellement gênant).

"Faut soigner tout ça hein. On peut prendre quelques mousses pour nettoyer tes plaies à l'eau avec dé-li-ca-tesse (d'un ton qui donnait l'impression que je récitais mon cours) et après hop direction Vent du Nord! Et bouge bien ta patte engourdie par l'eau, c'est le mieux pour lutter contre le froid."

Et à moi-même, en marmonnant : "enfin je crois"

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