Le poisson et l'oiseau - end

La Rivière n'avait pas de signes non plus. L'albinos eut une interprétation personnelle, jugeant que peut-être que le Clan des Etoiles les avait abandonnés après la prise des Rochers du Soleil. Ces territoires avaient été comme crées de toutes pièces pour leurs vies de claniques, et certainement que ce dernier était furieux à l'idée que la Rivière ait osé en bouger les frontières. De plus, d'après les dires du Clan du Tonnerre, la bataille avait été rude et violente, et Nuage d'Albatros ne voulait pas imaginer la rouquine planter férocement ses griffes dans la fourrure d'un autre chat. Elle constatait que, si on lui en avait donné l'ordre, elle l'aurait certainement fait. Elle l'aurait fait, pour qu'Etoile de Sable soit fière d'elle, pour pouvoir accéder un peu au pouvoir et prouver que, définitivement, elle était utile au Clan. Par fierté mal placée, elle aurait préféré tuer un chat plutôt que perdre son honneur. Cette réflexion la pétrifiait sur place, elle peinait à savoir si c'était une bonne chose ou une mauvaise chose.

Envoyer un chat au Clan des Etoiles par fierté, était – ce éthique ?

Elle frissonna. Elle tentait de se persuader que, réellement, ce dernier les avait pourvu de griffes et de crocs puissants pour se défendre face aux envahisseurs, donc avait prévu une potentielle guerre entre deux camps. Se basant sur de faux concepts d'intelligence design, c'était ainsi qu'elle comptait justifier la violence sur Terre, car quoiqu'elle en dise, elle aimait l'adrénaline, les effusions de sang, et voyait dans cette peur de l'envahisseur une raison de vivre. Les guerriers étaient éduqués à la xénophobie et à la vie militaire. Si on leur retirait la violence et les menaces, ils n'avaient que la chasse et la simple routine. La guerre divertissait, et forcée de constater que la Rivière avait certainement offensé les Etoiles en occupant ses pensées.

« Puis, après tout … Si on a des griffes et des crocs … C'est bien pour se battre, non … ? Sinon, pourquoi la hiérarchie prévue depuis des années aurait des guerriers … ? »

Inconsciente de la bêtise de ses réflexions, elle préférait s'enfoncer dans ses pensées moyen-âgeuses, à défaut d'avoir des idées nouvelles et intelligentes à proposer. Elle n'était pas éduquée à penser, mais à obéir. Si Etoile de Sable lançait une guerre, elle devrait obéir, donc elle préférait penser religion et physique prévu pour la violence. C'était toujours moins dangereux que penser.

« Et ils sont là haut, ils nous regardent, ils ont pas vraiment le choix de rester là, hein ? Tu penses pas ? »

Voix de panique, on sentait qu'elle hésitait en parlant. Ses mots étaient mâchés, comme si ils étaient trop gros et trop lourds pour être sortis en une fois. Mauvaise maïeutique, Nuage d'Albatros était une sale parleuse qui ne comprenait pas un traître mot de ses paroles. Peut-être que Nuage d'Ecailles remarquerait son inquiétude, car si le Clan des Etoiles partait, Etoile de Sable s'en allait aussi. Perdre sa mentor lui faisait mal rien qu'en pensée, et en rêve, elle espérait pouvoir dormir sur ses deux oreilles à défaut de pouvoir fermer un œil.

Pédagogue, Nuage d'Ecailles venait appliquer un baume de compréhension sur le cerveau paniqué de l'albinos. Incapable de trouver de la cohérence dans ses idées, il lui fallait des oeillières pour ne pas penser, chose qui lui semblait réellement impossible à faire dans le monde dans lequel elle vivait. Elle préférait imaginer que l'intelligent design les avait crée comme des machines de destruction massive. Après tout, si ils n'étaient pas faits pour la démolition de leurs pairs, pourquoi étaient-ils si efficaces au combat ? Pourquoi ils seraient tous là, à connaître les points faibles des autres ? Si il y avait des points faibles aussi visibles que le ventre ou les yeux, c'est qu'ils devaient être conçus pour leur propre destruction progressive. Elle appréciait trop sa théorie pour la démentir, et étant loin d'être une personne agissant en scientifique, Nuage d'Albatros avait cette grande manie de penser en idées qu'elle jugeait absolues et acquises. De plus, sa pensée erronée était pratique : elle justifiait leurs abus et leurs entorses au Code du Guerrier qui prônait une certaine paix. Cri des Albatros voulut se rebeller contre ses ancêtres pendant une seconde, ne comprenant pas le fonctionnement interne de leur forêt. Pourquoi faire quatre Clans rivaux si c'est pour vouloir l'entente après ? C'était complètement idiot. Elle voulut refaire le système pendant un instant, avant de remarquer qu'elle se plaisait dans cette xénophobie réconfortante. L'inconnu lui faisait peur, il était préférable de ne pas se mêler aux autres sous peine d'y voir une certaine humanité. De plus, les Clans lui permettaient de ne pas s'ennuyer dans sa vie et d'avoir de l'entraide. Une alliance énorme entre les quatre Clans lui semblait compliqué, vu la taille des territoires. Etait-ce pour un partage altruiste des terres que les Etoiles avaient crée les Clans ?
Elle en doutait, mais cette idée lui plaisait.

« J'imaginais plus les Etoiles comme un immense rassemblement où on pouvait croiser tout le monde. Le soucis, c'est qu'avec cette vision, les Etoiles ressembleraient plus à un immense sentier de guerre avec plein de règlements de compte, et non à un paradis … Mais tant pis. »

Elle déglutit. Elle avait l'impression d'être vidée de toute substance depuis cette assemblée. D'abord, son cœur avait été déçu par Toucan, et maintenant, les règles imposées à sa naissance et le Clan des Etoiles tombaient peu à peu en poussières. C'était déplaisant, d'autant plus qu'elle aimait ces règles imposées. Nouveau regard vers la femelle rousse. Les deux apprenties semblaient terrorisées par l'avenir qui leur était réservé. Nuage d'Albatros n'osait pas imaginer l'état dans lequel la rouquine devait se trouver. Elle avait déjà vécu la guerre à son jeune âge. Bien que l'albinos était violente de nature et croyait d'avantage en la résolution par la force des choses, une guerre avec son clan lui semblait être quelque chose d'éprouvant.

« C'était... Cool de parler avec toi. » dit – elle en cherchant ses mots.

Elle avait voulu dire sympa, mais elle avait peur des sous-entendus que ça engendrerait. Manquait plus qu'elles deviennent réellement amies. C'était dangereux pour elles deux, d'autant plus que la politique martiale de leurs Clans faisaient d'elles des va-t-en-guerre présumées.

« On ferait mieux d'y aller, sinon on va se faire engueuler demain si on se réveille pas, aha. »

Voix de fantôme, cette insomnie avait été constructive, au moins. Creusant dans son évolution vers la tolérance, elle sentait une douleur au creux de son ventre. C'était peut-être l'ouverture d'esprit qui commençait par faire tomber les murs à grands coups de marteau dans son estomac.

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