Game Over - ft. Rui et Nix - abandon

La petite femelle noire se réveilla. Elle était collé à Patte des Ruisseaux qui respirait tout doucement. Elle se colla encore plus à lui. Qu'elle aimait son frère, elle était folle de lui. Elle l'admirait, le chérissait. C'était son alter-ego, et elle savait que ce serait pour la vie. Elle n'avait qu'une peur dans son existance innocente, le perdre. Elle commença soudainement à angoisser. Et qu'est ce qu'il se passerait si elle le perdait d'une quelconque manière ? Oh non, elle ne voulait pas y penser, rien ne serait pire que la mort de son frère. Mais pourquoi mourrait-il ? Elle palpa tout doucement le visage endormi du chaton gris, comme pour s'assurer qu'il était toujours là. De toute façon, on ne meurt pas si jeune, alors aucun soucis à se faire, songea t-elle. Et s'il s'écartait d'elle à cause d'une demoiselle ? Non impossible, il n'était pas comme ça. Pendant quelques minutes, elle s'imagina son frère avec une jolie compagne, voire même la plus belle femelle de la forêt et la plus gentille (il le valait bien), avec des petits. Elle sourit. Elle ne pensait pas beaucoup au futur, elle vivait plus sur l'instant présent, se fichant un peu du lendemain. Après tout on c'est loin devant, non ? Et puis, le temps passe tellement lentement dans cette maudite Pouponnière.

Elle ouvrit ses petits yeux bleus-gris avec difficulté avant de pousser un bâillement aigu. Eau Turquoise était réveillée, elle aussi. Elle se colla plus contre son ventre et but goulûment quelques gorgées lait. Elle se leva en un bond et étira ses frêles muscles. Les apprentis arrivèrent avec de la mousse bien propre. Elle en préleva discrètement un petit bout qu'elle façonne en boule contre ses frêles pattes. Un sourire satisfait se dessina sur son visage. Elle commença à faire rebondir la boule contre un caillou. Au bout de quelques minutes la Gamine s'ennuyait déjà. Elle soupira en regardant le corps toujours assoupi de son frère. Eau Turquoise sortit de la Pouponnière pour prendre son repas, fraîchement arrivé. Il y avait une autre reine dans la tanière, mais elle rêvassait. Petite Abeille esquissa un sourire espiègle. Elle commença à secouer discrètement Patte des Ruisseaux.

« Debout, chuchota t-elle, on sort, maman est dehors. »

Sans trop se soucier de son frère, elle sortit. Eau Turquoise prélevait quelques proies pour elle et l'autre reine. L'Abeille se dirigea vers la sortie. Elle savait pertinemment que les chatons n'avaient pas le droit, mais elle s'en fichait royalement. Si quelqu'un la voyait elle n'aurait qu'à jouer l'innocente et mentir un peu. Ça passerait.

« Où va-t-on ? »

Petite Abeille se retourna et vit son frère la suivre. Un sourire satisfait se dessina sur son visage. Elle aimait quand tout se passait comme elle le voulait, c'était son mauvais côté de personnalité, dommage, c'était le plus prononcé. La présence de son frère la rassurait.

« Ben, on va dehors ! »

Sûre d'elle comme jamais, elle allait sortir, jusqu'à ce qu'une queue noire leur barre la route de la sortie. La petite sursauta. Elle leva les yeux vers le « barreur de route », Étoile du Corbeau se tenait là, la Gamine eut un frisson dans le dos. Pour elle, avant d'être un père, c'était un chef et, ça l'effrayait terriblement. Elle sentait ,inconsciemment, un devoir familial à lui porter. C'était son père après tout, ne lui devait-elle donc pas son existence ?

« On prend la poudre d'escampette ? Moi qui pensait vous faire gouter la chair de silure... Tant pis. »

Petite Abeille eut une mine déçue. Eau Turquoise disait continuellement que la silure c'était super bon. Et puis, elle avait envie de faire comme les plus grands, être une plus grande. Il faut dire que la vie de chaton n'était pas des plus palpitantes. Elle était monotone, sans retournements. Se réveiller, manger, jouer, se faire gronder, manger, voir les anciens, jouer, dormir. Le même cycle et, ce pendant six lunes. Heureusement pour nos deux compères, deux étaient déjà écoulées, plus que les quatre autres. Mais bon, après tout, quatre c'est deux plus deux, se rassurait-elle comme elle pouvait.
Le chaton noir et blanc était perdu. Elle ne savait pas quoi dire et ne voulait pas accuser quelqu'un car elle savait que si elle le faisait, les conséquences seraient plus lourdes. Elle tournait le regard un peu partout pour chercher ses mots, quand la réponse lui vint.

« Non, mais on voulait juste voir l'entrée ! Pas sortir ! On est pas fous hein ? Pas vrai frérot ? Et puis, on a envie de goûter la silure, steu plaît ! » Fit-elle naïvement.

Pour appuyer ses paroles, Petite Abeille fit un sourire angélique à son père, en priant ses ancêtres dont parlaient les anciens, pour qu'il tombe dans le panneau. Après tout, ça peut se tenir non ?

Étoile du Corbeau passa un regard dur sur les deux petits. Petite Abeille avait les yeux rivés sur le sol, honteuse. Elle s'en voulait, car elle savait que c'était de sa faute s'ils ne goûteraient pas la silure.
Patte des Ruisseaux prit la parole et sa sœur le regarda, pleine d'espoir. Le petit avait un don pour les sortir de toutes les situations, et la chatonne l'admirait pour ça. Son frère était toujours plein de surprises.

- C'est exact Père. Dehors est bien trop grand pour nous, mais nous voulions avoir un aperçu de ce qu'on découvrira dans 4 lunes. Sans nous mettre en danger bien sûr. La silure a-t-elle un goût aussi exquis que le raconte le Clan ? Fit-il.

La petite n'avait rien compris aux mots qui lui semblaient très savants. Elle savait que son frère était vraiment très intelligent, même trop des fois. Elle ne le jalousait pas, non au contraire. Si cela avait était quelqu'un d'autre, par contre …
Le mâle s'assit et répondit.

- ... Hm... Très bien, j'ai choisi de vous croire... Pour l'instant.

Petite Abeille eut un frisson, et resta calme. Il se releva et partit vers la pile de gibier. Elle jubila intérieurement, mais ne bougerait pas d'un poil, trop effrayée par son père. Le matou revint avec un poisson gigantesque, munit de petites moustaches. Elle n'avait jamais vu de poisson à moustaches. Elle se demandait si c'était un mélange d'un poisson et d'un chat.

- Silure, pêchée ce matin par les guerriers. Vous pouvez manger sa chair, mais n'oubliez pas de remercier le Clan des Étoiles avant. Merci, Clan des Etoiles pour ce repas que tu nous offres.

Elle trouvait le ton solennel de son père tellement pompeux, qu'elle ne put se retenir de lâcher un petit rire, en donnant des coups d'épaules à son frère, qu'elle espérait aussi amusé qu'elle. Elle bomba le torse, et leva exagérément le menton ;

- Merci, ÔÔÔ grand Clan des Étoiles, pour ce délicieux repas que tu nous offres. Fit-elle, entre deux ricanements.

Ni une, ni deux, elle croqua la chair de la bête avec délicatesse, comme le faisait sa mère et les grandes dames. Ce n'était pas aussi bon que le lait de sa mère, mais ce n'était pas mauvais non plus. Elle était presque déçue que ça ne lui plaise pas tant que ça. Le goût était trop subtil pour qu'elle puisse l'aimer sans doute. Elle regarda longuement son père avant de demander :

- Pourquoi il a des moustaches ?