Ose un peu (avec Coeur de Coyote) - abandon

Cœur de Coyote avait pris la drôle d'habitude de sortir plus tôt de d'habitude, ces temps-ci. Depuis qu'il avait été nommé lieutenant, ces promenades matinales lui étaient essentielles. Elles lui aéraient l'esprit comme une pluie durant la saison sèche. Il avait fait changer le patrouilleur du campement avant de partir, en bon Second responsable. Les premiers rayons du soleil vinrent rapidement lui chatouiller le pelage, à travers le feuillage des arbres. Le tigré aimait beaucoup ce sentiment de liberté procuré par ces petites excursions en solitaire. Elles étaient d'autant plus agréables qu'il savait qu'une tâche bien moins plaisante l'attendait ensuite: l'attribution des patrouilles. Le lieutenant détestait avoir à s'occuper des patrouilles de chasse. Souvent, il écoutait les doléances des guerriers pour ne pas avoir à procéder lui même à la création d'une patrouille. Lui qui détestait la chasse, il était plutôt content que certains se dévouent d'eux même à cette besogne qu'il jugeait bien basse. Lorsqu'il le pouvait cependant, il s'incluait volontiers dans les patrouilles frontalières, trouvant celles-ci distrayantes.

Les patte du félin le menèrent bientôt aux territoires longtemps gardés mais maintenant perdus. Les Rochers du Soleil. Le tigré n'avait pas pour habitude de s'y rendre car il n'avait pas pour habitude de se la couler douce au soleil. Mais le plaisir résidait dans la provocation des ennemis et ces derniers avaient maintenant l'avantage. Leurs serres commençaient à être bien ancrées sur les Rochers du Soleil. Il fallait y remédier, avant que le Clan du Tonnerre ne passe pour un clan faible et apeuré. Un clan qui se retirait dans sa carapace au moindre danger, comme une tortue effrayée.

Déjà le lieutenant pointait le bout de son nez sur la nouvelle frontière. Les effluves de ces sales chats poissons lui firent plisser le museau et cracher furieusement. Pour qui se prennent-ils, ces tas d'immondices ? Ces affreux silures, ces odieuses faces-de-tanches, ces pillards de la pire espèce, ces-

Stop.

Il y a une odeur. Ténue. Présente. Le lieutenant passa la tête dans un buisson, à l’affût du moindre danger. Chaque muscle de son corps était tendu, non de stress mais de colère. Sa haine s’amplifia lorsqu'il aperçut, sur la berge qui appartenait jadis au grand Clan du Tonnerre, un matou. Trempé. Une face-de-saumon. Le lieutenant sortit complètement de sa cachette. L'autre l'avait repéré. Le tigré affichait un profond regard de mépris lorsque l'autre lui eut sortit sa tirade qui n'avait pour autre but d'être provocante.

- Que faites-vous des Rochers, si ce n'est y prélasser vos immenses derrières graisseux au soleil ? Pouvez-vous au moins traverser la rivière jusqu'à ces derniers sans couler au fond de l'eau comme des pierres ? Tu as l'air d'être le seul spécimen capable de le faire. A moins que tes petits camarades ne se cachent là, dans les buissons ? Vas-tu les appeler, face-de-tanche ?

Le lieutenant bombait le torse, un rictus barrait sa face tigrée.

- Je n'ai pas besoin d'arbre pour prendre l'avantage sur mes ennemis. La rivière est-elle indispensable pour vous autres, silures ? Ou peux-tu... être à ton aise entre ciel et terre ? Oh, non, je ne pense pas. Seuls les éclairs qui zèbrent le ciel peuvent l'être. Les éclairs et... le grondement du Tonnerre.