" Toi aussi hein ? Tu l'as perdu "
Lui, il l'avait perdue. Et avec elle, beaucoup d'espoirs. Mais il n'était pas encore mort, pas tout à fait. Il lui restait un frère, une apprentie, des gentes dames à séduire, et des morveux à épater, même s'ils n'étaient pas les siens. Il lui restait la Rivière. La seule disparition possible, pour lui, était l'oubli. Elle approchait, lentement, mais sûrement. Cependant, sa présence n'était pas encore étouffante pour le moral du guerrier roux.
" - Alors tu le crains pas pour ça, le blizzard.
- Tu te trompes. J'ai pas peur, parce que ça n'y changera rien, de toute façon. On peut pas retarder l'hiver, alors autant l'accepter, s'y préparer, et y faire face lorsqu'il le faudra. "
La vérité était plus gnagnan que son beau discours. Il n'avait pas peur parce qu'il n'avait pas le droit d'avoir peur devant celui qu'il devait rassurer. Matin Embrasé devait donc prendre l'apparence d'un brave dont la volonté inflexible surmontait la peur. Le coup de pied au cul était une façon comme une autre de soutenir ceux qui avaient de la valeur, à ses yeux.
Voilà pourquoi il ne le couvait plus d'un regard tendre et apitoyé, mais cherchait plutôt à resserrer ses mâchoires et à voiler ses yeux et son cœur à l'aide d'un matériau dur et froid. De la pierre.
" On se reverra, lorsque les feuilles redeviendront vertes. J'en suis sûr. " conclut-il, toujours sur le même ton imperturbable. " Tu te souviens bien de mon nom ? Je suis Matin Embrasé. "
C'était sa façon de suggérer au Cobra de prendre congé. Mat commença à tourner la tête, comme pour partir en faisant mine de ne rien avoir vu. Il avait confiance en la discrétion de ce jeune guerrier du Vent.