the fall of adam // prio soucieux, puis le clan -end

C'était étrange, ces derniers temps.
L'atmosphère était poisseuse, et quelque part, des couronnes tombaient. En quelques temps, la précieuse joie de l'Ombre s'était transformée en funérailles gênantes, et par dessus tout, Nuage Ensoeillé avait observé. Troisième œil vicié, il avait tenté de comprendre à travers le prisme de son obsession pour le bonheur commun. La reine Ancolie était morte, certains disaient qu'elle était morte d'une crise cardiaque. A en voir l'humeur de son mentor, la veuve noire en avait conclu quelque chose de beaucoup plus malsain. Ses paupières devenaient lourdes et tombaient en même temps que la terreur sur son Clan. Hermine n'était pas heureuse, et Naange l'appréciait. Il se resituait la situation de l'Ombre et rien qu'énumérer les vices l'effrayait. Il se souvenait de son rêve à la réunion des guerrières et des frissons glacés le figeait. Il avait mal, et il voyait encore les fruits rouges, savoureux, qui s'éloignaient progressivement de lui. Il se voyait encore, courir après ces succulents fruits, pour les attraper, pour les manger. Il se souvient encore de la sensation écœurante de les voir se muer en une forme dégueulasse, rampant comme limace sous son fumier, devenant œil et mauvais augure.

Tout coïncidait. C'était sa conclusion.
Les reines tombaient, les étoiles pleuraient et les guérisseurs se noyaient dans leurs larmes, buvant leurs visions détestables. Les princesses comme Hermine rampaient plus bas que d'habitude, muées dans des fanatismes dérangeants. Nuage Ensoleillé avait longuement imaginé son Clan sans Etoile du Serpentaire. C'était rapidement qu'il avait comprit une chose très importante : il pourrissait les relations humaines jusqu'à la moelle. Douce Ancolie avait réclamé l'euthanasie à force de voir son cœur tourmenté, Esprit Lent était jugée incapable, et sa démonstration à l'Assemblée témoignait de son hérésie. Il ne croyait pas au Clan des Etoiles. Il ne croyait en rien. C'était un trou noir. Il jetait Hermine plus bas que terre en la traitant d'incapable.
Nuage Ensoleillé se surprenait de vouloir vomir quand on lui parlait de la Marque. Il se souvenait de ce sang qui coulait, il avait la tête qui tournait les dents claquaient les apprentis pleuraient les mentors hurlaient destruction sang sang souffrance.
C'était pas le bonheur qu'il avait voulu.
L'Ombre ne sera jamais le bonheur qu'il voulait si l'oiseau de proie continuait à leur tourner autour.

Forêt. Ses yeux bleus fixaient les fruits rouges. Engins nucléaires, il s'en souvenait. Il se souvenait des yeux qui le regardaient, vides. Il lui fallait prendre une décision. Le bonheur de tous importait plus que le bonheur d'un chat. Si ce chat se disait envoyé des Etoiles et qu'il ne les croyait pas, il ne valait plus la peine qu'il existe. Le cœur lourd, l'apprenti sentit son estomac se nouer quand il détachait avec une douceur enfantine les baies. Il allait devenir quelqu'un, inonder son Clan de soleil à partir de maintenant. Son sacrifice serait le plus majestueux, et son attentat le plus significatif. Qui sait, peut-être parleraient-ils de lui dans 1000 ans. Durant tout le chemin, ses deux yeux étaient devenus de vagues flaques d'eau, fixant le sol, immobiles, vides. Il avait l'espoir dans le cœur. Peut-être qu'avec ça, le Clan serait heureux, il voulait voir Hermine sourire, il voulait que de là haut, Douce Ancolie joue avec son compagnon qui la rejoindra.
Il réglait les soucis de Clan des Etoiles et de son enfer terrestre. Son visage s'étira dans un large sourire. C'était lui, le véritable envoyé des Etoiles. Astucieux, il posa les baies à l'entrée du Clan, à l'abri des regards, avant d'aller chercher une proie dans le tas de gibier. Comme Esprit Soucieux lui avait gentiment apprit, il divisait les baies en deux, mélangeait les mixtures avec la viande de sorte à que le goût n'en soit pas affecté. La souris sera plus juteuse qu'à l'ordinaire, tant pis.

Enfant de choeur modèle, il amenait son offrande à son chef. Il se sentait gosse dévoué. Rapidement, il s'éclipsa, ce dernier n'appréciait pas trop sa présence. Peut-être qu'il n'aimait pas l'enfant des étoiles. Le cœur de Naange était soudainement léger, et il eut envie d'aller hurler au monde entier dans quel genre de parfait futur il menait son Clan entier. Adieu la tyrannie, adieu les suicides amoureux, adieu les stress des Etoiles. Il voulut rire, mais la situation n'était pas drôle. Etoile du Serpentaire allait souffrir dans sa mort, agoniser. Il espérait qu'il ne vomirait pas sa proie. Dans le cas contraire, sa mission serait soldée par un échec, et son assassinat était évident. Peu importait la souffrance de son chef, tant que l'Ombre devenait un havre de paix. Fleur Noire serait heureuse désormais, sans le joug de son proxénète. Il pensait à son futur sourire et son cœur s'emballait. Peut-être qu'Esprit Soucieux le féliciterait, peut-être que Nuage d'Hermine allait enfin avoir l'impression d'être utile dans ce Clan. Sourire figé, il attendit quelques minutes, s'occupant en attendant, allant retirer les tiques aux anciens. Tous dirent qu'il paraissait plus joyeux que d'habitude. Petit soleil d'ordinaire, il était supernova, explosant dans sa mort future.
Afin de constater son œuvre, il prétexta un rendez-vous avec le chef qui se sentait mal. Son cœur battait à la chamade en constant que le corps du chat tigré était froid. Un grand sourire aux lèvres, il voulut crier, rire, danser sur le cadavre du mal qui venait de s'évanouir. La tyrannie était finie, et les femelles allaient être libérées.

Esprit Soucieux, Esprit Lent, Nuage d'Hermine, Fleur Noire, … Ils allaient être heureux, enfin.

Il se précipita vers la tanière des guérisseurs, celle qu'il partageait avec Esprit Soucieux. En entrant, le petit guérisseur voulut paraître digne, inquiet, grave. L'étincelle d'espoir dans ses yeux le trahissait.

« Esprit Soucieux, je crois qu'Etoile du Serpentaire a un problème ... »

Journée poisseuse, morne, froide. Le vent soufflait bien loin des nirvanas, arrachait la joie aux jours qui passent, les emmenait à l'abattoir comme des chiens galeux. Depuis la mort d'Ancolie, le Clan est plus froid : des petits sans mère, une pouponnière sans chaleur, une entaille sans sang. Un vide s'est crée autour de son absence, un trou noir qui attire irrésistiblement toute trace de bonheur, qui condamne la dictature du bonheur. Une ambiance de mort nous surplombe tous, et les Étoiles restent éteintes.

Serpentaire n'est même pas venu pleurer sa belle.

Plongé dans mes pensées moroses, j'entends à peine Naange débouler dans l'antre, me dire nerveusement que le chef a un problème. Rouge alerte, je me lève à la hâte et suit le tigré malingre jusqu'à l'antre du meneur. Pas un bruit. Odeur de vomi. Corps inerte. Je colle vite ma truffe au pelage du charcoal, cherche le pouls, il a l'air mort, il l'est, je recule, je tombe. Nos Étoiles nous abandonnent. Je tremble, bave, me redresse, tourne en rond, pousse le corps, le retourne, me retourne.

C'est pas possible, pas possible, pas possible, pas possible il ne peut pas il en avait neuf il devait en avoir neuf je, je, je ne comprends pas il devait, ou, ou, ou il n'était pas, et, et et c'est pour ça, pour ça que les Étoiles restaient muettes et maintenant il est puni et tout redeviendra comme avant et le faux chef est mort.

Je soupire, mon cœur bat trop vite pour ma pauvre enveloppe de chair, il pourrait y percer encore un trou. Serpentaire est mort. Il n'avait qu'une vie. il n'était pas élu des Étoiles, n'y croyait pas.

Mais quand même.
Sa mort est trop soudaine, et son odeur trop chargée. Il n'était pas malade, pas enfant de la lune, nul besoin d'armure en pétales de rose pour sa douce peau, il était endurci, trempé dans l'acier. Je m'approche de sa gueule, je lui entr'ouvre les babines. Sa langue a déjà gonflée, et le tout exhale des relents de vomi aigres, mais j'y aperçois aussi des traces de pulpe rosâtre, tentation diabolique, fruit du démon. Des baies empoisonnées. Je relâche le cadavre, il retombe au sol.

Naange.
Il l'a empoisonné. Nous ne sommes que deux à pouvoir trouver ces baies, à savoir quelle dose administrer, et à avoir l'habit pour le faire. Il l'a tué. Il a bien fait. Je regrette aussitôt cette pensée, mais il a vraiment bien fait. Mes yeux s'emplissent peu à peu de larmes. Car même si ses intentions étaient nobles, il n'aurait pas du, jamais. Il est sur la route de la vie, et ne peut semer la mort. De lourdes larmes s'écrasent au sol, je tape une petite reniflette.

Naange, on va aller voir le lieutenant, lui expliquer la situation. Il doit prendre des mesures. Nous ne pouvons rester sans chef.

Je quitte l'antre putride de feu l'oiseau de nuit, et pars réveiller doucement Maudit, lui demandant de venir nous rejoindre dans la cavité du chef. Nous y serons plus tranquilles pour parler du futur de l'Ombre.

« Mon chéri, je serais toujours fière de toi. Plus les jours passent, plus tu deviens fort ! Reste confiant, et pour la chasse ne te fait pas de soucis, tu vas t’améliorer avec le temps tu sais ? Ce n’est pas grave, tant que tu défends ton clan, et que tu l’aimes comme s’il était ton enfant, tout ira bien. Tu deviendras un grand guerrier Nuage d’Emeraude. Je te le promets. »
Ma mère me disait ça tout le temps. Je viens souvent la voir quand mon mentor me dit que je suis nul à la chasse et que je n’arriverais jamais à rien. Elle me réconfortait. Elle avait les mêmes yeux que moi, mais avec le regard d’une mère, doux et bon.

Un coup de patte pressé me réveilla. Je lève la tête vers mon interlocuteur. Il s’agissait d’Esprit Soucieux, et de Nuage Ensoleillé. Il y a un problème. Un gros problème et je le vois dans le regard du guérisseur. Je me mets debout précipitamment, au point d’avoir le tournis. Il me demande d’aller dans la tanière du chef. On a un très très gros problème. Je les suis sans poser de question. La traversée du camp n’a jamais été aussi longue qu’aujourd’hui. Je n’étais pas présentable, mais ça importait peu à l’heure actuelle. J’étais inquiet, stressé. Je ne savais pas ce qu’il se passait, mais encore une fois j’entendais le chant de la Mort. Elle ne quittait pas le clan de l’ombre. Sournoise, je sentais qu’Elle avait encore fauché quelqu’un. D’abord Douce Ancolie, privant ses enfants de l’amour d’une mère, et là… Je sens que quelqu’un vient de s’envoler vers les cieux. Je retiens mon souffle, et j’attends de voir la Marque mortelle.

Les deux envoyés des étoiles devant moi, je les suis dans l’antre du Serpentaire. En effet. La faulx à laissé son emprunte. Une emprunte invisible. Il y avait là, la masse sombre du meneur. Aucun souffle ne soulevait son corps en signe de vie. Il n’y avait là qu’une silhouette, une ombre obscure. Je ne savais pas si j’étais réellement triste ou non. C’était mon chef, je le respectais, je suivais ses ordres tel un chien suivant son maitre. Au final, il était mauvais. Je me trompe ? Je me souviens du jour où j’ai rendu hommage à sa belle. Il n’est pas venu. Jamais. Il était cloitré dans sa fosse noire, n’accompagnant pas la Douce Ancolie dans son ascension vers les étoiles. Je ne le déteste pas. Non, pas à ce point. Mais étrangement, je ne suis pas triste, moins que je le pensais en tout cas. Je me sens seulement puissant et en même temps impuissant. Je prends à présent ma place sur le trône… Mais comment faire ? Recevoir un nouveau nom, un nouveau titre, s’occuper de ma tribu plus que jamais, les protéger… Comme s’ils étaient tous mes enfants. Ses paroles avaient été déformées dans mon rêve ? M’avait-elle prévenue que j’allais devoir un jour être à la tête de l’ombre ? Comment savoir… Après tout, c’est une étoile maintenant, comme mon père. Les enseignements que j’ai reçus d’eux, au niveau de leurs avis politique, sur l’ensemble des clans… Avaient-ils tous les deux un pressentiment sur ce qui allait m’arriver ? Je tacherais de mes rendre fier. Je suis le nouveau Roi de l’ombre.

Je me demandais si Etoile du Serpentaire avait droit à des funérailles dignes d’un croyant des étoiles ? Il n’avait pas foi en eux. Je lui rendrais hommage avec mes mots, parce qu’il reste tout de même un fils de l’ombre. Mais pas au nom des ancêtres, il n’est pas un enfant des étoiles, seulement au nom de son clan. Un fils de la terre et non du ciel.

Je m’assoie, l’air solennel. Je dois prendre les reines du clan, je dois me montrer digne de ce rang si précieux, prouver ma valeur auprès des étoiles. Je suis Cœur Maudit, lieutenant de l’ombre, et je vais devenir une étoiles, je vais être plus proche que n’importe quel guerrier de nos ancêtres. Il est l’heure. Je devais cependant connaitre la cause de la mort du meneur. Je regarde les deux soigneurs et leur demande respectueusement :

« Que lui est-il arrivé ? Neuf vies perdues d’un seul coup… ça me semble trop rapide. Vous avez pu voir ce qu’il s’est passé ? »

C’était trop rapide. Il était résistant et en bonne santé la dernière fois que je l’ai vu. Non, perdre toutes ses vies en une seule fois était impossible. Sauf si Esprit Soucieux et Nuage Ensoleillé me contredisent.
Tout était tellement irréel. Je n’arrivais pas à croire ce qu’il se passait. La Mort me donne le vertige. Je n’ai qu’une seule chose à dire à présent. Le Roi est mort.

Je maugrée dans mes moustaches, tiraillé par ma conscience : je désapprouve ce qu'à fait Naange, mais j'en apprécie le résultat, devrais-je le livrer à la vindicte populaire ou enfouir son secret dans les replis de mon cœur ? Maudit me questionne, je me détourne de mes pensées.

Il avait qu'une vie, de toute évidence. Impie. Faudrait y réfléchir plus en détail, mais il semblait moins bien ces derniers temps tu sais, il sortait plus. Même pas pour pleurer Douce Ancolie.

Le sort en est jeté, je lui donne un délai. Je me donne un délai, pour réfléchir.

Je m'ébroue, sors de mes dilemmes et de leurs pattes d'araignée. Je me tourne vers Maudit, pressé, l'urgence brûle dans mes yeux.

On sort le corps. On lui rends hommage. On part aux Hautes Pierres. Tu m'aides.

ON SORT LE CORPS AU POST D'APRÈS ET ENSUITE OPEN BAR POUR LE CLAN ENTIER

Il semblait hésiter. Un problème ? Un autre à ajouter sur la liste du moins ? Si on pouvait éviter, ça m’arrangerait.

« Il avait qu'une vie, de toute évidence. Impie. Faudrait y réfléchir plus en détail, mais il semblait moins bien ces derniers temps tu sais, il sortait plus. Même pas pour pleurer Douce Ancolie. »

Quoi ? Serpentaire avait dont menti ? Un intrus sur le trône de l’ombre ? Mes griffes grattait le sol de la tanière tellement j’étais en colère. Il nous a tous trompé… Et je ne pouvais pas contredire Esprit Soucieux, c’était l’hypothèse la plus logique. C’était un imposteur, une trahison envers son clan et les étoiles. C’est décidé. Mon respect pour le matou avait sombré en même temps que sa couronne. Et dire que je lui faisais confiance, que, malgré la dureté de son régime, je le considérais comme un chef désigné par les étoiles.
Je regarde le félin déchu. Plus rien de respectueux passe dans mes pupilles. Seulement de la colère. Lui faire un hommage, je n’en avais même plus envie. C’était un menteur. Un charlatan. Le perfide c’était joué de nous, prenant une place qui ne lui revenait pas de droit. Je soufflais, extrêmement déçu par cette révélation. Je croyais sur parole le guérisseur, je ne remettrais jamais sa parole en doute.

« On sort le corps. On lui rends hommage. On part aux Hautes Pierres. tu m'aides. »

Je regarde Soucieux, et hoche la tête. Mon hommage sera aussi faux que son règne. Mais je devais le faire, sinon, les autres ne comprendraient pas. Je n’avouerais pas qu’il était un usurpateur, non… Je laisserais l’illusion qu’il était bel et bien le chef choisi par les étoiles. Ce n’était pas le moment de faire paniquer un clan sur lequel la mort plane.
Je m’approche du corps du Serpentaire et l’attrape pour aider Esprit Soucieux. Ensemble, on le traine hors de la tanière pour le mettre sous le promontoire. Je le lâche et grimpe sur l’écorce pour m’adresser à ma tribu. Je m’assois et pousse un fort miaulement. C’était l’heure d’annoncer la funeste nouvelle. J’avais tout de même un minimum de compassion pour les enfants du roi déchu. Ils se retrouvaient seuls, sans père, sans mère. Et je sais ce que c’est. Une épreuve facile pour certain, une souffrance pour d’autre. Je devais y mettre certaines émotions. Je ne voulais pas que le clan se pose de question. Il fallait qu’ils pensent le « meilleur » de leur ancien meneur.

Une fois le clan réuni je fixe l’assemblée, tentant d’avoir l’air le plus solennel possible. Aucune émotion ne passait dans mon regard. Je ne laissais rien passer. Mais je ne parlerais pas du clan des étoiles. D’une voix claire, forte :

« J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Etoile du Serpentaire, notre meneur, est mort. Nous venons de le retrouver dans sa tanière. »

Après ce que je savais, je ne trouvais pas mes mots pour lui rendre hommage. Je m’arrête donc un instant pour que l’assemblée assimile l’information, et pour me laisser le temps de réfléchir à ce que je pourrais dire.

« Il a donné une image forte de l’ombre, et nous a conduit presque au sommet. Rendons-lui hommage pour ce qu’il a fait pour le clan. »

Et je me tais, lève la tête vers le ciel pour faire croire que je fais une prière pour le meneur. En vérité, je m’adressais aux étoiles pour leur demander pardon. Pardon d’avoir été trompé et ne pas avoir découvert ce sombre secret. Je laisse un certain temps de silence pour la cérémonie. Les félins avaient le droit de faire leur deuil. Au bout de quelques minutes, je reprends la parole. Je dois annoncer la suite des évènements, un clan ne peut rester sans guide, sans meneur.

« Le clan ne peut rester sans chef. Je vais donc, dés maintenant me diriger vers la grotte de la vie avec Esprit Soucieux. Je vous reviendrais sous un autre nom. Demain, à l’aube, nous enterrerons Etoile du Serpentaire. »

Je descends du promontoire et m’arrête devant le roi. Je le regarde, mais rien ne passe dans mes yeux. Menteur.

À l'écart de l'agitation de ses semblables, la femelle à la robe d'or terminait une souris dodue, et ma foi très juteuse. Le temps filait tel le vent, et il était loin le temps ou elle-même se trouvait au centre de l'animation … D'un coup de langue, elle essuya toute trace de sang maculant son museau. Elle avait été une apprentie bien intégrée à ses pairs, mais elle prenait toujours un peu plus ses distances avec chacun, et de plus, elle ne parlait plus vraiment à ses parents depuis bien longtemps. Sa mère passa justement dans la clairière, leurs regards se croisèrent. Quelques secondes à peine, et l'une comme l'autre détournèrent le regard, par automatisme. Chant d'Alouette entama un brin de toilette ; sa fourrure empestait légèrement la senteur métallique du sang.

Un miaulement retenti, Cœur Maudit était à présent juché en haut du promontoire, se dressant à la place du chef. À la place d'Étoile du Serpentaire.

— J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Étoile du Serpentaire, notre meneur, est mort. Nous venons de le retrouver dans sa tanière.

Le cerveau de Chant d'Alouette se déconnecta brutalement. Un long moment, elle garda la bouche grande ouverte et les yeux ronds. Quoi, Étoile du Serpentaire, mort si vite, si facilement ? L'esprit de la guerrière cru à une blague de très mauvais goût, avant de comprendre que non, si le lieutenant lui-même l'annonçait, ça n'était sûrement pas pour rire. Un sourire irrépressible naquit lentement sur son visage, en même temps qu'un énorme doute. La mort d'Étoile du Serpentaire était bien trop rapide et inattendue pour qu'il ne s'agisse d'une cause naturelle. Qui donc avait bien pu … et n'était-ce pas s'attirer la colère du clan des étoiles ? L'appréhension lui sera les entrailles, avant de disparaître tout à fait. Quel que soit le chat ayant agît, il avait fait pour le mieux. Étoile du Serpentaire n'était qu'un tyran, une ordure qui menaçait directement la survie de Nuage de Suie. Un jour ou l'autre, c'était sûr, il se serait lassé d'elle et aurait banni son fils. Quant au clan des étoiles, elle ne le pensait pas capables de cautionner les multiples terribles actions qu'il avait menées durant son atroce règne. D'ailleurs, peut-être était-ce pour cela que toutes les vies d'Étoile du Serpentaire y étaient passées.

— Il a donné une image forte de l’ombre, et nous a conduit presque au sommet. Rendons-lui hommage pour ce qu’il a fait pour le clan.

À l'écart de tout félin, protégée des regards, Chant d'Alouette sentait la colère affluer en elle. Rendre hommage à cette ordure ? Jamais ! Pourtant, elle baissa la tête pour adopter une posture de prière. Il fallait au moins donner le change, sinon les problèmes arriveraient en nombre. Et puis ça cachait au moins un peu plus le sourire qui ne voulait pas s'évanouir de ses babines. Elle était libre, enfin …

— Le clan ne peut rester sans chef. Je vais donc dès maintenant me diriger vers la grotte de la vie avec Esprit Soucieux. Je vous reviendrais sous un autre nom. Demain, à l’aube, nous enterrerons Étoile du Serpentaire.

Parfait, elle avait donc jusqu'à l'aube pour cracher sur le cadavre froid du meneur … Non, l'ex-meneur, songea la femelle avec bonheur. La guerrière dorée chercha rapidement son fils des yeux. Il était assis devant la tanière des apprentis, adoptant un visage légèrement peiné, celui-là même qu'on aurait pour un membre de la famille éloignée qu'on n'a pas vu depuis des lustres. Chant d'Alouette tourna ensuite la tête vers la sortie du campement. Son fils irait mieux, à présent … car Cœur Maudit ne pouvait qu'être meilleur chef, non ? Ses pattes la portèrent d'elles-mêmes à l'extérieur du campement. Une grande excitation circulait dans son corps, il fallait qu'elle se défoule. Ainsi, première sortie du campement, elle courut à en perdre haleine, bientôt sous l'emprise d'un rire libérateur.