Un mauvais repas / Pv Esprit Soucieux -abandon

Elle était pas fraîche cette grenouille.

Plume de Faucon se l'était dit en la mangeant, puis durant les deux heures qui avaient suivis, en sentant ce drôle de goût dans sa bouche. Il avait néanmoins continué sa petite vie sans se questionner davantage, songeant qu'un guerrier, un vrai, ne se laisserait pas arrêter par un petit mal de ventre. Les douleurs s'étaient ensuite mué en crampes abominables, le genre de souffrance qu'il n'avait jamais connu auparavant. Il était parti s'isoler à l'écart du camp, pour gémir en paix, se tournant dans tous les sens, incapable de contenir les élancements qui lui retournaient l'estomac. Il avait l'impression qu'un blaireau le rouait de coup de griffes, et qu'il était incapable de s'en débarrasser. Le matou avait déjà été blessé dans sa vie, jamais gravement, mais pourtant il avait été persuadé savoir ce qu'était la douleur. Il s'était lourdement trompé.

Après deux bonnes heures allongé sous un arbre à moitié mort à se demander s'il ne finirait pas comme lui, le félin se redressa, se résignant à sa dernière solution : aller voir le guérisseur. Il ne connaissait pas vraiment intimement Esprit Soucieux, il n'avait jamais eu trop l'occasion de bavasser avec lui, puisqu'il ne conversait de toute manière avec personne. En soi, il n'avait rien contre lui, mais l'idée même de quémander de l'aide et d'avouer sa peine le rendait malade. En plus qu'il ne l'était déjà. Il n'avait cependant pas le choix, s'il voulait stopper cette douleur il devait aller lui rendre visite. Et s'asseoir sur sa dignité, au passage. Il pouvait espérer qu'à cette heure de la journée, alors que le soleil était bien haut, tous le monde serait occupé à faire la sieste, et personne ne le remarquerait.

Il avait été bien idiot de penser qu'il passerait inaperçu. Tous le monde avait probablement remarqué qu'il s'était éclipsé toute la matinée, et en voyant sa mine crispé et sa démarche hésitante, ceux qui le virent comprirent sans mal. Bien décidé à les ignorer, Plume de Faucon se dirigea, la tête haute - autant que possible - vers la tanière du guérisseur. Il se faufila par un passage entre les ronces et chercha du regard du chat maigrichon qui habitait les lieux. D'une voix rauque, le matou lança pour annoncer sa venue, serrant les crocs pour dissimuler sa douleur.

- Ahem. Bonjour Esprit Soucieux. Désolé de te déranger mais j'ai... Rolf... Besoin de quelque chose pour apaiser les maux de ventre. S'il te plait.

Voilà comment la dignité de Plume de Faucon fut détruite, alors que son regard fuyait celui du guérisseur rachitique.