(LP) T'aurais pu être ma mère - ft Jolie Abeille [END]

Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite, la tanière des guerriers semblait très calme, presque vide à l'exception d'un guerrier encore plongé dans un profond sommeil vers le fond. Il respirait de façon régulière, et il ne représentait aucune menace.
Dans le mur de végétaux qui servait de renforts à la tanière, deux yeux émeraudes brillaient. S'il y avait eu un peu plus de lumière dans l'habitacle, un pelage rouge feu aurait brillé aussi fortement que le soleil ; mais c'était encore la saison des neiges, le soleil ne brillait pas ce jour-là, et il faisait donc sombre : rien pour trahir la présence de la petite femelle qui épiait la tanière depuis sa cachette.
Elle était sortie tôt de la pouponnière, ce matin-là, pour se rendre dans la tanière des guerriers. Elle l'avait déjà entraperçue, elle y était déjà passée rapidement, mais elle n'en avait jamais fait un état des lieux, et ce jour-là, elle avait décider de la visiter dans ses moindres recoins.
Mais elle ne se sentait à l'aise que lorsqu'on ne l'observait pas - tout le monde la surveillait, à croire qu'elle pouvait exploser d'une minute à l'autre ! -, et c'est pour cette raison qu'elle observait si minutieusement l'intérieur de l'habitacle, voulant être absolument certaine de ne pas être dérangée.

Elle était en train de sortir de sa cachette, se débattant avec des ronces qui voulaient la retenir avec elles, perdues dans le mur de végétaux, quand un félin entra dans la tanière. Figée, Petite Émeraude n'eut pas le temps, ni la possibilité, de réagir : elle était trop bloquée par les ronces pour s'enfuir en courant, et elle avait manqué de temps pour se plonger à nouveau dans le mur. Elle se retrouvait donc dans une posture très gênante : le corps à moitié sorti du mur de végétaux, le pelage coincé dans plusieurs épines de ronce, plaquée du mieux qu'elle le pouvait au sol, priant pour que le nouveau venu ne la repère pas.
Mais le raffut qu'elle faisait ne lui avait laissé aucune chance. Bien entendu, elle fut remarquée dès l'entrée du félin dans la tanière.
C'était Jolie Abeille.
Petite Émeraude n'avait plus d'autre opportunité d'essayer de faire comme s'il n'y avait aucun problème.

« Tiens, Jolie Abeille ! Salut ! Tu fais quoi ? » dit-elle en la regardant avec un sourire faussement innocent, secouant ses pattes dans le même temps pour essayer de se dépêtrer une bonne fois pour toutes de ces satanées ronces.

Malgré le temps maussade, un petite troupe du clan de la Rivière était parti chasser. Jolie Abeille en faisait partie, et n'avait rien attrapé, toujours aussi peu douée sur terre. Si elle savait plonger, nager et pécher, la chasse sur l'herbe n'était pas sa carte maitresse loin de la. Elle n'avait rien rapporté ce jour là, au contraire des autres guerriers.

On l'avait autorisé à aller se reposer, et ne rechigna pas. La fatigue était présente mais pas assez pour que le sommeil daigne la prendre entre ses bras. Elle se dirigea donc vers l'entrée de sa tanière pour se poser, à défaut de dormir. Avant d'en atteindre le seuil, elle entendit un bruit différent de la norme, comme si quelqu'un cherchait à s'extirper de quelque chose. Ce qui était effectivement le cas. Petit Emeraude, contre le sol, à moitié dans les ronces se trouvait là.

La première réaction de Jolie Abeille après la surprise, fut l'inquiétude, ainsi empêtrée, la chatonne avait pu se faire mal. Cependant le petit sourire innocent, en apparence seulement, la rassura. La chatonne semblait aller bien, comme le prouver la question qu'elle posa à la bicolore.

« Tiens, Jolie Abeille ! Salut ! Tu fais quoi ? »

"Je venais me reposer."

Un petit sourire amusé germa sur les lèvres de la guerrière. La petite était réputée pour être agitée, et elle ne pouvait que confirmer. Elle allait souvent aider sa mère, Eau Turquoise, à la pouponnière. Celle-ci était chargée de s'occuper des chatons de feu Aigue-Marine.

Aigue-Marine... Si son union avec Etoile Pierre n'avait pas existé. Ce serait peut-être elle, la compagne du meneur. Et Petite Emeraude aurait été sa fille. Serait-elle différente, physiquement? Evidemment. Mentalement? C'était tout à fait possible. En soit, Petite Emeraude ne serait pas elle et elle n'aurait jamais existée.

Elle se rappela que celle-ci était toujours coincée et se précipita vers elle, afin de la sortir du pétrin dans lequel elle s'était mis.

"Ne bouge surtout pas, je vais t'aider."

HRP:

Je venais me reposer, expliqua calmement la jeune guerrière au poil noir et blanc. Petite Émeraude eut alors un rictus mi-amer mi-espiègle : si elle venait chercher le calme, elle ne devait pas être très heureuse de trouver la jeune rouquine dans les parages. Mais contrairement à toute attente, Jolie Abeille ne se détourna pas de sa cadette et s'avança même vers elle, affirmant clairement sa volonté de l'aider : Ne bouge surtout pas, je vais t'aider, dit-elle alors qu'elle attrapait délicatement Petite Émeraude par le cou en la tirant doucement, tentant ainsi de l'extirper de son piège d'épines.
Malheureusement, plus elle tirait et plus l'étau se resserrait autour d'une patte de la chatonne, qui sentait qu'on la lui serrait très désagréablement, en plus de deviner qu'une épine se plantait progressivement dans sa chair. Elle émit un cri plaintif.

« Attends ! Aïe, attends ! » s'exclama-t-elle en se secouant et en mettant des coups de pattes à l'aveugle en direction des liens végétaux qui la piégeaient, dans l'espoir vain de les briser. « Ma patte est coincée ! Et j'ai une épine entre les coussinets ! »

Elle sentit alors que Jolie Abeille la reposait au sol : il était inutile de la tirer. Il valait mieux s'attarder sur les épines en elles-mêmes et les ôter avant de sortir Petite Émeraude de là, au risque d'aggraver encore la situation.
Petite Émeraude regrettait déjà de s'être fichue dans une telle position : elle qui adorait se vanter d'être la plus forte, la plus courageuse, elle qui se croyait autonome et prête à être formée à l'art d'être une guerrière, voilà qu'elle se retrouvait piégée de la plus idiote des façons, et qu'à la moindre épine dans la patte, elle criait douleur ! Mais ce qu'elle regrettait encore plus, c'était que Petit Blaireau n'était pas là pour la sortir de là. Et ce qu'elle regrettait par-dessus tout encore, c'était de ne pas être là pour le sortir de là où lui se trouvait. Elle ne savait ni où il était, ni dans quel état il se trouvait ; elle savait simplement qu'il était entre les pattes des Lunar Pod et que cela ne laissait présager que des malheurs...

Délicatement, Jolie Abeille attrapa la peau du cou de Petite Emeraude et la tira, afin de l’extirper de ce piège dans lequel elle s’était fourrée. Malheureusement, sa technique n’était pas la bonne, comme lui fit comprendre le cri de douleur de la chatonne. Elle stoppa son action et quand elle entendit la petite lui dire que sa patte était coincée, et qu’une épine allait s’enfoncer dans son coussinet, elle la reposa, ne voulant pas créer plus de dommages.

Il fallait donc employer une méthode plus douce, même si celle-ci serait plus longue. La bicolore se posta donc aux côtés de la rousse pour pouvoir enlever chacune des épines, une par une, pour la sortie de la. La tâche fut certes fastidieuse mais elle réussit, non sans avoir pris un certain temps. Ensuite, à l’aide d’un coup de crocs bien calculé, elle coupa la ronce qui emprisonnait la patte de sa victime. La prisonnière était à présent libre.

« Voilà, c’est bon ! Promets-moi de ne plus te coincer comme ça ! »

Libre, contrairement à Petit Blaireau, le meilleur amie de la fille du cheffe. L’annonce de son enlèvement avait failli créer une dispute entre elle et la sœur de Jolie Abeille, Petit Edelweiss. La guerrière était donc intervenue, afin de les séparer, à défaut de calmer les tensions. S’en était suivi une discussion avec sa petite sœur. Cependant, elle n’était pas allée voir la rousse après cela.

« Comment vas-tu Petite Emeraude ? »

Sa question avait un double sens, elle n’était pas simplement pour l’épine plantée dans sa patte. Ce problème-là se réglait facilement, contrairement au manque du personne que l’on aime.

HRP:

Jolie Abeille avait arrêtée de tirer Petite Émeraude vers elle dès que celle-ci lui avait crié que ça ne faisait qu'empirer la situation. La petite rouquine ne savait vraiment plus comment se sortir de ce mauvais pas : la ronce lui serrait plus que jamais la patte, si bien qu'elle commençait à sentir des fourmillements dans son membre, et en plus l'épine qu'elle sentait entre ses coussinets commençait à vraiment la piquer. Mais ce qui était impossible pour chaton ne l'était pas pour guerrier, et la chatte bicolore le lui prouva en utilisant son cerveau plutôt que sa force, une technique que Petite Émeraude n'avait jusqu'ici encore jamais expérimenté. En deux coups de crocs et quelques coups de griffes, la guerrière avait libéré la chatonne de sa prison de verdure : Voilà, c’est bon ! Promets-moi de ne plus te coincer comme ça ! supplia-t-elle pour conclure.

« Hein ? Euh... Oui oui... » répondit Petite Émeraude, distraite : elle était enfin libérée de ce mur végétal et elle pouvait faire ce pourquoi elle était venue : visiter les lieux, visiter sa future tanière. Mais Jolie Abeille n'en avait apparemment pas fini avec elle. Elle la retint et avant même qu'elle ne parle, la chatonne se dit : Ah, oui, le mot magique... Les adultes avaient en effet souvent tendance à demander des mots magiques par-ci par-là. Mais, à sa grande surprise, ce n'est pas ce que demande Jolie Abeille : Comment vas-tu Petite Émeraude ?
La question surprit hautement Petite Émeraude : ce n'était pas une simple question de commodité, c'était comme s'il y avait quelque chose derrière. La rouquine le percevait, mais n'avait pas encore l'esprit assez aiguisé pour comprendre les indirectes.

« Bah ça va » miaula-t-elle, incrédule, avec l'air de celui qui sait qu'il ne donne pas la réponse attendu. « Euh... et toi.. Jolie Abeille... ça va ? » demanda-t-elle à son tour, un sourire étrange sur ses babines, témoignant de la plus haute incompréhension.

« Bah ça va »

Evidemment. Petit Emeraude n’avait pas assez vécu, n’avait pas encore assez d « expérience » pour espérer comprendre les doubles-sens. C’était peut-être une bonne chose. Jolie Abeille aurait cependant dû s’en douter, elle qui passait une grande partie de son temps libre avec les chatons, dans l’espoir d’alléger le poids de sa mère. Ce qui n’était d’aucune utilité en ce moment. La seule chose qui pourrait enlever le fardeau d’Eau Turquoise serait le retour de tous les chatons enlevés au camp.

« Euh... et toi.. Jolie Abeille... ça va ?»

La rousse afficha un petit sourire étrange. La bicolore décida de l’interpréter comme le symbole de son incompréhension, puisqu’elle ne comprenait pas sa signification.
Honnêtement, elle ne savait que répondre. Ne serait –ce pas égoïste de dire qu’elle n’allait pas bien ? Ce n’était pas elle qui était emprisonnée dans un clan adverse ou prisonnier d’horribles chats. Ce n’était pas elle non plus qui vivaient tous les jours, toutes les heures et minutes avec les disparus. Et ce n’était toujours pas elle qui les allaitait. Ils lui manquaient, elle s’inquiétait pour eux bien sûr, mais elle n’était pas celle à plaindre.
Cependant, dire que tout allait bien ne serait que pur mensonge. Sa boule dans la gorge, formée par une angoisse oppressante et omniprésente lui interdisait de dire cela, comme pour l’empêcher de se rassurer en le prononçant. Comme pour lui annoncer qu’elle ne pourrait se voiler la face, qu’elle ne pourrait oublier, seulement pendant quelques minutes.

« Ça pourrait aller mieux. »

Il était temps maintenant d’expliquer ses paroles précédentes à la chatonne. Elle chercha donc la meilleure formulation possible tout en ne donnant de nom, de peur que ceux –ci refassent surgir la tristesse et la rage.

« Ce que je voulais te dire c’est, au fond de toi, comment te sens tu ? »

HRP:

Ça pourrait aller mieux, sentencia Jolie Abeille, ce qui n'étonna guère Petite Émeraude. La guerrière bicolore était assez connue pour son caractère inquiet ; et même sans cela, nombreux étaient les félins au camp qui "pourraient aller mieux" : le moral n'était pas au beau fixe au Clan de la Rivière, et ce pour diverses raisons. La mort d'Aigue-Marine, laissant cinq orphelins et surchargeant Eau Turquoise de travail, l'attaque du camp par le Clan du Tonnerre et les Lunar Pod, l'enlèvement de trois chatons - qui n'étaient toujours pas retrouvés à ce jour -, la vie perdue d’Étoile de Pierre et son abattement tant moral que physique, la disparition de Petit Blaireau... Les blessures étaient pansées mais certaines d'entre elles demandaient plus de temps que d'autres. Le Clan commençait à peine à se relever après toutes ces pertes et défaites, mais le chemin était encore long avant que les chatons disparus soient retrouvés, l'aval sur le Clan du Tonnerre repris, le moral d’Étoile de Pierre et de tout le Clan amélioré.
Un temps que Petite Émeraude trouvait particulièrement interminable.
Ce que je voulais te dire c’est, au fond de toi, comment te sens tu ? Petite Émeraude avait vite détourné le regard sous la question de Jolie Abeille, fixant un point invisible sur le côté. Elle n'aimait pas quand les adultes faisaient ça : la regardant pour essayer de deviner ses intentions, ses bêtises, ses sentiments. La rouquine avait l'impression qu'ils pouvaient lire en elle - un super pouvoir qu'ils n'avaient évidemment pas vraiment - et cela lui déplaisait. De plus, elle détestait parler de ses sentiments, de toutes ces choses qu'il y avait en elle et qui n'appartenaient qu'à elle.

« Ben... » bafouilla-t-elle, ignorant comment se sortir de ce mauvais pas. « J'ai hâte de commencer l'entraînement ! » dit-elle en inventant à moitié : l'entraînement, elle y pensait, bien sûr. Mais pas autant que le reste. « Et que Petite Améthyste, Petit Quartz et Petite Nuit reviennent au camp. Et... » Elle hésita. « Et Petit Blaireau. »

Un silence s'installa sur les épaules de Petite Émeraude, en même temps qu'un poids terrible, qui ne la quittait plus depuis qu'on lui avait enlevé ces êtres chers.

Petite Emeraude détourna le regard, fuyant celui de la bicolore. Elle n’avait sans doute pas envie d’en parler, c’était compréhensible. Si elle ne voulait pas répondre, qu’elle ne le fasse pas, le silence serait déjà une réponse. Cependant, la petite entreprit tout de même de prendre la parole :

« Ben... J'ai hâte de commencer l'entraînement ! Bien sûr, comme tout chaton. Cela aurait dû être la seule préoccupation de la rousse. Mais ce n’était pas le cas. « Et que Petite Améthyste, Petit Quartz et Petite Nuit reviennent au camp. Et... » Elle marqua une pause. « Et Petit Blaireau. »

Jolie Abeille s’imagina à la place de fille du chef. Comment aurait-elle fait, elle sans Nuage des Ruisseaux ? Il l’avait suivi dans toutes ses aventures, toutes ses envies, qu’est- ce qu’aurait été son enfance, sans lui ? Elle ne pouvait l’imaginer. Certes, ils s’étaient à présent éloignés, mais elle tenait plus que tout à son frère. Sa disparition, dans le passé, le présent, ou le futur ne serait que pure catastrophe.

Elle voulait lui dire que tout irait bien, qu’ils reviendraient bientôt. Mais elle ne pouvait s’y résoudre, elle avait trop peur de mentir, de créer de faux espoirs. Sa boule d’angoisse, nichée dans sa gorge, l’empêchait de proférer de telles paroles.

« D’une certaine façon, si tu penses à eux, ils seront toujours avec toi. Elle marqua une pause, causée par l’hésitation et continua Jusqu’à qu’ils le soient vraiment. »

Elle offrit un léger sourire à la rousse. Au vue des réponses et des réactions précédentes, sans doyte ne voudrait-elle pas rester éternellement sur le sujet.

« Dis-moi, qui aimerais-tu avoir comme mentor ? »

La faire penser à autre chose. Le temps d’un instant.

D’une certaine façon, si tu penses à eux, ils seront toujours avec toi. Cette affirmation de Jolie Abeille ne réconforta pas du tout Petite Émeraude. En tant que chaton, elle était encore très attachée au matériel, au tangible, à ce qui peut se toucher : Petit Blaireau n'était pas là, près d'elle, alors il n'était pas là tout court, et elle ne sentait aucun soulagement dans les souvenirs qu'elle avait avec lui : ils n'étaient pas assez forts pour prendre la place d'une réelle présence. Quant aux chatons enlevés par le Clan du Tonnerre - Petit Quartz, Petite Améthyste et Petite Nuit -, le temps avait tant passé sans qu'elle n'ait de nouvelles d'eux que son esprit commençait à effacer leur visage de sa mémoire, ce qu'elle trouvait horrible et terrifiant. Jusqu’à qu’ils le soient vraiment, ajouta la guerrière bicolore, sans doute démunie face à la tristesse de Petite Émeraude. Mais encore une fois, même si cette phrase portait un espoir relatif, elle ne convainquit pas la rouquine : elle savait que certains chats ne revenaient jamais. C'était le cas de sa mère. Mais il était vrai que malgré son absence, Aigue-Marine était là, près d'elle, et ça, elle l'avait toujours senti ; c'était sans doute à ça que se référait Jolie Abeille.
Peu importe, Petite Émeraude était très pudique au niveau de l'expression de ses sentiments les plus profonds, et elle ne comptait pas alimenter la conversation à ce sujet. Heureusement, Jolie Abeille semblait l'avoir bien cernée à ce niveau-là et proposa un autre débat : Dis-moi, qui aimerais-tu avoir comme mentor ? demanda-t-elle. Petite Émeraude réfléchit à la question. Elle ne se l'était jamais posée. Lorsqu'elle s'imaginait apprentie, lors d'un entraînement, elle voyait toujours face à elle un guerrier robuste, à la fois sévère et bienveillant. Celui qui occupait le plus ce rôle dans son esprit était Étoile de Pierre, son père ; mais celui-ci était mentor depuis peu de Nuage de Merle - cet abruti que Petite Émeraude ne pouvait s'empêcher d'admirer, car il était fort - et il n'y avait pas de raison pour qu'il prenne en charge son apprentissage à elle. Alors qui ? Douce Orchidée ? Le prestige du rôle de lieutenante... Mais les deux femelles avaient eu un accrochage et depuis, la rouquine l'évitait au maximum. Quant à Matin Embrasé, même si elle ne lui en voulait plus, c'était lui le responsable de la disparition de Petit Blaireau, et Petite Émeraude ne souhaitait pas être entraînée par lui. Il y avait bien Brasier Glacial... Mais elle ne le connaissait pas du tout.
Et soudain, une apparition se fit dans son esprit. Une figure lumineuse comme un soleil, forte comme un roseau qui ploie mais ne se casse jamais, bienveillante comme la nature protège ses créations.

« Écaille d'Or ! » Maintenant qu'elle y pensait, ça lui semblait évident. « C'est ma marraine et je la trouve très brave et digne » ajouta-t-elle en pensant à la discrétion dont faisait preuve la guerrière roux clair, tout en étant montre de courage et de loyauté. « Comment c'était ton entraînement à toi, Jolie Abeille ? » demanda-t-elle, s'asseyant confortablement et enroulant sa queue autour de ses pattes, comme un enfant s'installe dans un coussin pour entendre une histoire.

Le silence prit place un petit, celui qu’avait besoin Petite Emeraude pour réfléchir à sa réponse. Sans doute analysait-elle les différentes solutions qui s’offrait à elle. La rousse y met fin, avec une réponse qui ne fut guère surprenante.

« Écaille d'Or ! C'est ma marraine et je la trouve très brave et digne »

Jolie Abeille hocha de la tête pour montrer son accord avec ces paroles mélioratives. En effet, l’ancienne apprentie du chef n’était pas celle qui faisait le plus parlé d’elle, ce qui n’était pas du tout péjoratif, tout en étant une bonne et fidèle combattante. C’était une personne admirable, une chatte qu’on aimerait avoir en formatrice.

« Comment c'était ton entraînement à toi, Jolie Abeille ? »

La bicolore n’arriva pas retenir le petit rire nerveux qui s’échappa de sa gorge. Quant à Petite Emeraude, elle s’était confortablement installée, la queue enroulée autour des pattes, attendant le début du récit.

Son apprentissage avait été assez compliqué, contrairement à beaucoup dont c’était un très bon moment de la vie, il paraissait. Pour elle, c’était surement le pire. Elle s’était retrouvée seule, son frère étant nommé apprenti-guérisseur une demi-lune plus tard, avec un mentor très fidèle à son père et son idéologie. Durant cette période, toute sa joie de vivre et son intrépidité de chatonne s’était envolée, pour laisser à la place un caractère bien plus effacé, qu’elle avait conservé aujourd’hui. Pendant quelques lunes, elle était devenu l’ombre d’elle-même, ne sachant plus de tout où se mettre, où était sa place. Son mentor côté combat et chasse était un bon guerrier, elle en pouvait le nier, mais pas vraiment très compatissant. Elle ne voulait pas vraiment expliquer à la petite tout ça, de peur que celle-ci prenne l’apprentissage comme un mauvais moment à passer. Pour elle , c’était un mauvais souvenir, mais ce n’était pas le cas de tout le monde, bien heureusement.

« Et bien, mon mentor était un bon guerrier, mais il était assez dur. » Elle soupira, et la petite ayant surement remarqué son air pas vraiment joyeux, elle ajouta : " Cela aurait pu mieux se passer, on va dire. "