[LP] Vent d'Hiver ▬ Jolie Abeille. end.

Le camp du clan de la Rivière était encore endormi quand Jolie Abeille se réveilla. Le sommeil ne semblait pas vouloir à nouveau l'accueillir dans ses bras, elle s'en alla donc de cette tanière où des guerriers et guerrières ronflaient, ou dormaient sans faire de bruit.

Elle frémit, l'air frais la saisissant dès qu'elle quitta l'abri. L'hiver était là, et il apportait les maladies, les pénuries de gibiers, et emporterait, quand il les quittera, peut-être des vies. Le mal vert n'était pas encore présent, pour le bonheur de tous les membres du clan de la Rivière, la pouponnière pullulait de chatons, ses frères et sœurs ainsi que les enfants du chef et de la défunte Aigue Marine, tous sous la charge de sa mère, Eau Turquoise. Malgré tout, elle semblait vide, terriblement vide, car ce ne sont pas les présents qu'on remarquait, mais bien les absents. Petite Nuit, Petit Blaireau, Petit Quartz et Petite Améthyste, enlevés par le clan du Tonnerre et les Lunar Pods manquaient surement à leur fratrie. Ne pas être assurée de leur sécurité et de leur bien -portance angoissait profondément la féline.

Rester ici à ressasser ne servait à rien, elle décida donc de sortir du camp, afin de prendre l'air. D'un signe de tête, elle salua le chat de garde, ce matin là et traversa les territoires du clan de la Rivière. Ses pas la menèrent aux Quatre Chênes, où jadis, son père siégeait les soirs de pleine lune, au côté des autres chefs. Une boule se forma dans sa gorge en se remémorant les souvenirs que lui mettait en scène, aucune cependant ne le montrait en ce lieu.

Arrivée à destination, elle remarqua qu'elle n'était pas seule . Elle aperçut un chat de dos, noir et gris, aux oreilles blanches. Elle s'approcha, méfiante et son odeur la renseigna quand à son appartenance. Le clan du Tonnerre. Ceux qui retenaient les petits. Elle ne sut que faire. Elle n'allait pas lui sauter dessus, trop craintive pour cela, de plus, il était possible qu'il ne soit pas en accord avec cette décision. Ne faisant pas attention, elle marcha sur une branche qui craqua.

« - Qui va là ? »

Elle frissonna, alors que le tonerreux ne bougea pas d'un poil, toujours dos à elle. Elle se força à se calmer, le guerrier ne lui montrant aucun signe d'agressivité. Ne pas répondre serait très impoli.

"Jolie Abeille du clan de la Rivière"

Plus par reflexe que par curiosité, elle demanda à son tour:

"Et vous, qui êtes vous?

Elle restait bloquée là, toujours la patte sur la branche cassée qui avait provoqué ce début de conversation. Elle n'avait aucune envie de s'asseoir à côté du gris ou de croiser son regard, ni même de voir son visage.

HRP:

« - Je … je »

Le guerrier ne semblait pas très à l'aise non plus, elle entreprit donc de le regarder plus en détail. Elle voyait à présent ses yeux verts sombres et l'agencement des couleurs sur son pelage faisait penser à un mammifère des forêts. Il avait le torse bombé, pas vraiment ce à quoi Jolie Abeille s'attendait après le bégaiement qu'elle avait entendu. Quel qu'en soit la cause, il s'était vite repris.

" - Raton Laveur, guerrier du Clan du Tonnerre. On va se tutoyer. "

Elle n'était pas sure que le vouvoiement qu'elle attribuait aux chats extérieur à son clan, en particulier face à un félin plus âgé qu'elle allait s'envoler aussi rapidement. Le fait qu'il le fasse de la déranger pas outre mesure mais pour l'inverse, il n'était pas dit que ses lèvres acceptent.

"Qu'est-ce qui t'amène par ici ? "

Ce Raton Laveur avait un corps plutôt frêle, elle n'avait pas imaginé qu'il aurait une voix aussi grave. Cela ne fit qu'augmenter son trouble. Elle n'avait pas de réponse à lui donner. Ses pas l'avaient menée en ce lieu, sans qu'elle en sache la raison, pour peu qu'il y en une, autre que le hasard. Peut-être que son inconscient voulait qu'elle observe les Quatre Chênes, vide, sans les masses de personnes observant l'Assemblée, pour pouvoir s'imaginer son père, sur l'un d'eux.

"Je voulais prendre l'air."

Simple. Il n'avait pas besoin d'en savoir plus, il n'y avait, d'ailleurs, pas d'autres raisons dont elle était totalement sûre. Elle ne bégayait pas, mais son ton n'exprimait pas l'assurance, loin de la. Son vis à vis, lui, semblait sur de lui.

Elle voulait savoir, poser des questions. Comment les petits allaient-ils? Etaient-ils malades? Malheureux? Pourquoi les avoir enlevés ? Elle voulait savoir, comprendre. Comprendre comment on pouvait à ce point enfreindre le code du guerrier, comment on pouvait s'en prendre à des chatons. Mais ses questions restaient coincées dans sa gorge, refusant de franchir ses lèvres. Elle se devait d'en savoir plus. Pour leur sécurité, leur retour au camp.

"Qu'en est t-il de v... toi?"

Mais d'abord, entretenir une conversation banale, pour voir venir le danger s'il était présent. Ce sujet pourrait l'énerver après tout, et blessée, elle ne ferait qu'embêter son frère.

"- Je t'ai dis qu'on disait tu."

Oh. Il est vrai qu'elle avait de nouveau utilisé le vouvoiement, sans le vouloir. Perdre une habitude encrée dans sa manière de parler ne pouvait pas disparaître aussi facilement. Il avait suffi qu'elle ne prête pas attention au pronom utilisé pour que ce "vous" revienne à la charge.

"Et j'entends totalement ta demande … mais je suis autant impuissant que vous, si ce n'est plus de part ma loyauté envers notre meneuse. Mon but n'est pas de te manipuler Jolie Abeille, je veux tout autant que toi que les petits retrouvent leur famille … ou du moins ce qu'il en reste. "

Ce qu'il en reste... Malheureusement, Raton Laveur avait raison. Que ce soit l'une ou l'autre des portées, chacune était amputée d'un membre de leur famille, qu'il n'avait jamais connu. Etoile du Corbeau pour ses frères et sœurs, Aigue-Marine pour les petits d'Etoile de Pierre. En prime ces chatons étaient aussi privés de leur fratrie et de leur clan.

« - Je me suis pris d'affection pour Petit Quartz, je passe très souvent le voir et je le sors discrètement de la pouponnière pour le faire jouer, chahuter et même rigoler. Après, je les ai tous rencontré, la plus grande gueule me semble être Petite Nuit, mais ils sont tous très attachants. »

Un léger ronronnement s'échappa de sa gorge. Elle ne connaissait pas vraiment les petits, à son grand regret, car ils avaient été enlevés peu de temps avant leur naissance. Ne pouvant que s'imaginer ce qu'ils étaient à présent, elle ne fut pas malheureuse d'en apprendre sur eux. Le gris semblait bien s'occuper d'eux, et une pensée fugace traversa Jolie Abeille. Il pourrait faire un bon père, ou un bon grand frère.

Cependant, si lui ne semblait guère désagréable envers les petits, ce n'était pas forcément le cas des autres. Puisque que le guerrier semblait parlé à cœur ouvert, elle pouvait lui poser quelques questions. En n'oubliant pas de le tutoyer.

"Et tes camarades de clan? Comment sont-ils avec les petits?"

HRP:

« - Pour être sincère, je ne surveille pas tous les faits et gestes de mes camarades. J'en ai vu certains être un peu plus brutes que d'autres mais les chatons sont en bonne santé, notre guérisseuse les surveille et s'en occupe comme des chatons de notre propre Clan.»

Visiblement, concernant le comportement des camarades de clan du gris, il n’y avait pas matière à s’inquiéter. Certes, certains étaient plutôt rudes, d’après le récit de Raton Laveur mais c’était partout comme cela. Tous les félins ne pouvaient pas apprécier le comportement souvent excité et curieux des petits joueurs toujours à la recherche de l’amusement et de la découverte. Savoir que les chatons étaient traités comme ceux du Tonnerre était rassurant. Néanmoins, ce n’était pas très étonnant. Si Etoile de Suie espérait se servir d’eux comme point de pression, mieux valaient qu’ils soient en bonne santé. Morts, ils ne lui serviraient à rien. Du moins, c’était ce que la raison de Jolie Abeille ne cessait de lui répéter, sans que celle-ci l’écoute.

« - Ils font un peu parti du Clan du Tonnerre maintenant ! »

Les mots de Raton Laveurs font effet de coup de Tonnerre pour Jolie Abeille. Ses yeux s’ouvrent en gros, ses poils s’hérissent sur son échine et elle répond d’une voix glaciale qui lui est inhabituelle :

« Ils ne pourront jamais faire partis du clan de leurs kidnappeurs ! »

La confiance qu’elle avait accordé à ce chat s’envola subitement emporté par ce qu’il venait de dire. Comment osait-il ? Après lui avoir dit, que lui aussi, espérait que les chatons retrouvent leur clan ? Jamais elle n’avait réagi comme cela, ça ne lui ressemblait pas. Mais, sa réaction s’était faite subitement, instinctivement. Sans qu’elle sache pourquoi, elle s’était sentie trahie par ce félin qu’elle ne connaissait que depuis aujourd’hui. Elle soupira, ses poils retombèrent, elle plongea son regard dans le sien, froidement.

« Dis-moi. Dis-moi que tu ne le pensais pas. »Qu’il lui dise ne servirait à rien, il pouvait mentir, après tout. Ses précédentes paroles n’étaient peut-être que mensonges. « Si tu le penses. Je ne veux pas de mensonges. »