Les derniers jours [PV Silence] // Mort de Gigi - end

Il ne pouvait pas faire grand-chose pour soulager la pauvre Cœur Givré. Son état empirait de jour en jour, sans qu’il puisse rien n’y faire : le mal qui dévorait sa mère lui était inconnu, comme bien des remèdes encore.

Il lui arrivait, parfois, de maudire les Étoiles. Avait-il tort ? Pourquoi Nuée d’Alcidés en personne ne lui rendait pas visite pour achever son apprentissage ? Après tout, les Étoiles ne se gênaient pas pour lui envoyer des rêves étranges, lourds de messages cachés et de connotations qu’il n’arrivait pas à déchiffrer. Si chercher des énigmes pour rendre compliquée la compréhension des dangers qui le guettaient était si naturel pour eux, alors lui rendre visite pour lui lancer quelques noms de remèdes à tout va devraient être un jeu d’enfant.
Mais aussitôt ces pensées ayant traversé son esprit, il se hâtait de s’excuser d’une prière silencieuse. Qu’ils pardonnent sa tristesse et sa rage, lui qui avait déjà tellement perdu.

Hélas, les Étoiles semblaient être déterminées à lui retirer tous ses proches. Cœur Givré se consumait à petit feu : sa maladie la dévorait de l’intérieur, se nourrissant de ses forces. Et il arrivait parfois à l’apprenti guérisseur d’être pris de violentes angoisses lorsque sa tanière devenait trop silencieuse : Coeur Givré s’était endormie et sa respiration faible ne constituait pas un indice suffisant pour vérifier qu’elle était toujours en vie. Alors, retenant son souffle en s’attendant au pire, il posait délicatement sa patte sur son thorax pour vérifier que son cœur affaibli battait toujours.
Nuage Silencieux redoutait le silence. Quelle ironie du sort.

« Silence. Silence ! »

La voix éraillée de l’albinos le tira de ses somnolences. Ni une, ni deux, il était sur pattes, grimaçant à cause de la douleur à son bassin qu’avait provoqué le sursaut.

« J-J’arrive ! » S’écria-t-il, sortant le nez du tas d’herbe dans lequel il s’était laissé aller.

Et alors, accourant aussi vite que sa hanche le lui permettait, il s’enquit de la santé de sa mère alors qu’il s’asseyait à son chevet :

« T-Tout va bien ? T-Tu as besoin de quelque chose ? »

Elle attendit qu’il la rejoigne pour enfin prendre la parole :

« Tu m'as toujours aimé, pas vrai ? »

Silence eut un mouvement de recul, pris au dépourvu par cette question inhabituelle, tout particulièrement de la bouche de sa mère.
De plus, la réponse était si évidente qu’il flairait le piège à pleine truffe. Bien sûr qu’il l’avait toujours aimée : elle était son tout, sa vie, sa lumière, et ce même si elle ne correspondait pas aux standards des mères. Et alors ? N’était-ce pas ce qui faisait son charme et toute son originalité ?

Perdu, il tarda à répondre. Trop tard, Cœur Givré reprenait déjà :

« T'es un peu con au fond, mais je t'en veux pas, c'est de famille. » Ricana l’albinos devant un Nuage Silencieux penaud, qui lui ne riait pas du tout.

Puis le faciès de sa mère changea pour se muer en une expression de sérieux, si inhabituelle chez elle. Et l’instinct de l’apprenti guérisseur lui criait de se méfier dès que l’inconnu s’emparait de sa mère, alors rapidement il se tassa, les oreilles basses.

« Je te haïssais. Toi, l'invoulu, plus aimé que la fille du cheffe. C'était trop injuste. » Reprit Cœur Givré, déballant tout ce qu’elle avait sur le cœur. « Ils me détestaient, mais moi je les aimais tu sais. J'aimais mon Clan. Même si j'ai fait des choses vilaines. »

L’image des Lunar Pod et des horreurs de l’Assemblée assaillirent l’esprit de Silence. Il savait très bien à quoi sa mère faisait allusion, et pour la première fois de sa vie, il se dressait contre l’avis général : il ne parvenait pas à en vouloir à sa mère.

« Même toi, le palot. Je t'aimais bien. Jalouse, mais aimante, promis. »

Et Nuage Silencieux sentit ses yeux se remplir de larmes. Pourtant, secouant vigoureusement la tête, il parvint à les chasser.

« M-Maman... » Miaula le petit, comme une complainte. « P-Personne ne t’en veut, o-on t’aime nous aussi, m-maman, juré ! » Il marqua une pause, comme pour remettre de l’ordre dans ses idées. Il était si confus. Mais tout à coup, il sembla réaliser quelque chose : « Et puis, pourquoi tu parles au passé, hein ?! » Il cria presque, alarmé, se redressant soudain avant de reprendre sa place, tassé contre le sol. « M-Maman ! Tu m’aimes encore pas vrai ? Tu peux même me haïr… oui, tu peux me haïr, mais au présent… s’il te plaît... » Nouvelle pose ; il se mit debout cette fois, tremblant de stress.« T-T’as besoin d’un truc ? T-Tu as m-mal c’est ça ? Je… je vais te soigner ! M-maman, dis-moi ce que tu as… c’est le caillou dans ton ventre qui te fait encore souffrir, c’est ça ? »

Non il n’allait pas la soigner car elle n’était pas soignable. C’était Esprit Soucieux qui lui avait dit.