Connaître ses terres [LP] || ft.NUAGE DE GLACE -abandon

La femelle à la robe d'or était à présent mentor. Quelques jours plus tôt, quand Étoile Maudite avait demandé à lui parler, elle s'était rendue dans son antre avec un nœud d'appréhension dans le ventre. Que pouvait-on bien lui vouloir, était-ce un nouveau cauchemar qui débutait ? Mais non, rien de tout cela. On lui avait plutôt, à sa grande stupeur, proposé le mentorat d'un apprenti. Son premier apprenti. Balbutiante, elle avait accepté ce privilège inattendu, qu'elle ne pouvait de toute manière que très difficilement refuser.
Cette chance de prouver sa valeur et de s'imposer un peu plus dans le clan était la bienvenue mais n'en restait pas moins étonnante, si tôt après la mort d'Étoile du Serpentaire. D'autant plus que bien d'autres de ses camarades étaient encore disponibles … Enfin non, plus tellement, songea la reine en s'étirant.

Il était tôt, mais le premier entraînement de son apprenti ne pouvait pas plus tarder. Le baptême de la veille l'avait prise par surprise ; elle ne s'attendait pas à ce que Nuage de Glace, son apprenti, soit baptisé aussi rapidement. Ainsi, elle l'avait laissé seul au campement, avec pour missions de se familiariser avec son nouveau statut, faire son nid seul et enfin demander quelques conseils aux autres apprentis. En réalité, il s'agissait là d'excuses bidons pour pouvoir se balader une journée entière avec son fils : qui savait quand ils leur seraient possibles de chasser rien que tous les deux de nouveau … Alouette passa le buste chez les apprentis, cherchant le sien du regard. Il était là, calé dans un nid en bordure de la tanière.

— Allez, lèves-toi Nuage de Glace. Je t'attends dans la clairière, le programme est plutôt chargé aujourd'hui.

Une voie neutre sortait de la bouche de Chant d'Alouette ; la reine ne connaissait pas le jeune et n'avait par conséquent aucune idée de comment agir avec lui. Et si elle faisait mal son travail ? Non, il n'y avait aucune raison pour cela. Après tout, elle avait été capable de veiller au bien-être d'un chaton à trois pattes, elle pouvait faire tout aussi bien pour un apprenti un peu faiblard ! Et puis, ce n'était pas comme si le sort de Nuage de Glace lui importait tant ; elle était chargée de l'entraîner, rien de plus.

— Nous partons à la journée., fit-elle alors qu'il l'avait rejoint, Je vais te montrer le territoire et nous tenterons d'attraper quelque chose en route.

Et elle s'aventura à l'extérieur du campement.

Chant d'Alouette s'était arrêtée presque aussitôt sortie du campement, afin que le jeune félin puisse profiter de ses premiers pas de liberté. Elle imaginait sans aucune difficulté l'excitation qui devait s'emparer du nouvel apprenti en ce moment même : elle-même n'avait pas encore totalement oublié la stupeur qui l'avait saisie lorsqu'elle avait été à sa place. Tout semblait alors si grand, si majestueux … mais lune après lune, les terres perdaient de leur superbe, devenaient banales, habituelles. Ainsi, la reine voulait qu'il en profite, qu'il s'en mette plein les mirettes tant qu'il le pouvait encore.
Mais le félin ne profitait aucunement du paysage, occupé qu'il était à lui poser une multitude de questions, dont la bonne moitié décrocha à Alouette un roulement d'yeux agacé.

— On va donc pouvoir voir le territoire du clan du tonnerre et du vent ? D’ailleurs on verra peut-être les Lunatiques. On va se battre contre eux ? Non pas maintenant, mais on pourrait les espionner !

Elle laissa échapper un fin soupir, puis un autre, plus bruyant. Ce gamin avait-il un tant soit peu de jugeote ? Faisant en sorte de l'avoir bien en face d'elle, la minette planta son regard dans celui de son apprenti. Tout chez elle était mortellement sérieux, de ses yeux plissés jusqu'à sa voix soudainement sèche.

— Nuage de Glace, si on croise un lunard, on prit pour qu'il ne nous voit pas et on fait demi-tour aussitôt. Surtout toi d'ailleurs. N'oublie pas que même apprenti, en cas de bagarre tu serais plus un fardeau qu'autre chose.

D'un geste de la queue, elle lui fit signe de la suivre et trottine en direction de frontière avec le clan du vent. Son territoire, elle le connaissait par cœur, du plus grand arbre jusqu'au plus petit buisson, mais ça n'était pas encore le cas du félin bicolore qui la suivait à la trace. Sous l'énervement, elle était partie un brin trop vite et Nuage de Glace galopait derrière elle sans même avoir le temps de regarder par où il passait. Elle s'arrêta, fouettant l'air de sa queue ; il faudrait qu'elle prenne sur elle pour inculquer au jeune ce qu'il devait savoir. D'une voix plus douce, elle s'adressa de nouveau au petit.

— Observe bien le paysage pour pouvoir te repérer plus tard … Regarde par ici ; c'est la frontière du clan du vent. Tu sens comme l'odeur est différente ? Plus loin, là-bas, c'est les quatre chênes. On s'y approchera juste après. Et en continuant encore plus loin, on verra un bout de la frontière avec le clan du tonnerre.

Elle s'interrompit, laissant le temps au plus jeune le temps d'assimiler les informations. Par la même occasion, elle lui formulait une invitation muette à exposer ses questions ; il n'y répondit pas, soit parce qu'elle l'avait intimidé, soit parce qu'il n'en avait pas. À moins qu'il n'est tout simplement pas comprit. Chant d'Alouette regarda ses pattes quelques instants supplémentaires, puis demanda.

— Nuage de Glace, quelles sont les spécificités de chaque clan ?