La garce, la pleurnicheuse, la protectrice et la barbare -end

Je marchais tranquillement en dehors de la pouponnière. Je regardais les différentes allées et venues des grands guerriers du clan, curieuse. Je pouvais rester ainsi pendant des heures durant, à m'imaginer tout ce qui leur arrivait dès lors qu'ils posaient une patte en dehors du campement. Dans ma petite tête de chaton, je les imaginais combattre des hordes de chats ennemis, assoiffés de sang, des renards ou gros aigles méchants qui nous voulaient du mal.
Puis j'entendis des voix qui se levaient dans la pouponnière. Je fronçai les sourcils, et reconnus la voix de ma soeur. Aussitôt, mon sang ne fit qu'un tour.

Je galopai en direction de la pouponnière, et le spectacle qui s'offra à moi me glaça. Petit Alizé pleurait à chaude larme, et Patte Venteuse était en train de se friter à Patte Lunaire. On aurait dit que les deux allaient s'étriper, dans le sens propre du terme. Je bondis en leur direction et les engueulai :

"Mais qu'est-ce-que vous foutez??? Patte Venteuse, Patte Lunaire mais vous voyez pas que vous la faites pleurer??? C'est quoi ces manières de se frapper comme ça ? "

Je secouai la tête, excédée, et mis ma queue sur les épaules de Petit Alizé, comme pour la rassurer, lui dire que j'étais là, et que tout allait se calmer maintenant. Nous étions entre les deux bagarreuses. A cran, je les observai tour à tour. Je me doutais bien que Patte Venteuse n'avait pas attaqué sans raison. Mais quand bien même, Petit Alizé détestait la violence, et ce n'était pas en frappant Patte Lunaire que les choses seraient réglées.

Petit Alizé pleurait - comme assez souvent, suffisamment pour ne pas trop s'en inquiéter -, Petit Foehn débarquait et tentait de calmer le jeu en criant tandis que Patte Lunaire se protégeait de son attaque.
Il y avait du bruit partout, et encore plus d'agitation. Ç'en était infernal - mais c'était bien là l'ambiance assommante d'une pouponnière.
Que faisaient donc les reines? À priori, elles prenaient des vacances bien méritées. Et à entendre le boucan qui s'échappait de la petite tanière de chaton étroite, on pouvait parfaitement les comprendre.

Patte Venteuse trouvait cela insupportable. Irritée par le bruit, agacée par l'albinos, le chaton avait les oreilles plaquées sur le crâne, griffes sorties et babines relevées, dévoilant une gueule aux crocs apparait de laquelle s'échappait un grognement ridicule.

- STOP!! hurla-t-elle dans un coup de patte contre Patte Lunaire qu'elle rata. T-TAISEZ VOUS, PLUS DE BRUIT!

Il lui fallu quelques secondes pour reprendre son souffle après un pareil cri. De même pour récupérer son calme. Patte Venteuse tourna lentement la tête pour poser son regard sur la pouponnière toute entière, et reprendre le contrôle de la situation.
Comment en étaient-il arrivés là, déjà?

Petit Alizé voulait jouer, mais Patte Lunaire avait été méchante avec elle. Alors Patte Venteuse avait essayé de lui rendre la monnaie de sa pièce avant que Petit Foehn n'intervienne et...
ah oui, les excuses.

- Maintenant Patte Lunaire, tu t'excuses auprès de ma soeur, sinon je... tu sais de quoi je suis capable maintenant!

La garce, la pleurnicheuse, la protectrice et la barbare.

Patte Lunaire refusait de quitter position, même lorsque la pleurnicheuse revint, leur demandant d'arrêter de se battre. Comme si l'albinos avait provoquer tout ça. Agacé qu'on lui refuse la tranquillité qu'elle recherchait, sa queue s'agita tel un fouet, faisant valser terre battu et brin de mousse autour de son arrière train emmêlant également un peu de la dites mousse à son pelage au passage. Mais elle n'en avait cure. Tout ce que la petite voyait, s'était une chouineuse et une furie qui se tenait là, casse pied sur pattes lui refusant ce qu'elle voulait. Être seule ! Et elle était bien trop fière pour quitter sa position, et cesser de gronder aussi ... Et comme si ça ne suffisait pas, la dernières des trois enquiquineuse par excellence arriva, leur gueulant dessus, à quoi l'albinos releva la tête et détourna ostensiblement le menton.

- Pfheu ... Et l'autre agressive qui en rajouter une couche en hurlant de plus belle. Le silence revint pourtant, uniquement parce que Patte Lunaire ne voyait aucun intérêt à répondre à ses trois dégénérées pas capable de comprendre qu'elle n'en avait cure de leurs petites personnes. Voyant l'autre se détendre enfin, la garce blanche s'assit comme si de rien n'était, entreprenant sa toilette davantage pour tuer le temps et éviter que les trois autres ne lui parle que par réelle envie de se débarrasser de la mousse et de la poussières et ... enfin, de la saleté qui s'était déposer sur sa robe blanche. Et l'autre agaçante rouvrit sa gueule. Patte Lunaire, tout occuper à ... A rien finalement, secoua sa fourrure avant de regarder très calmement sa cadette dans les yeux. Pupilles rouges face à une perle bleu et une autre or. Puis, très lentement, avec toute la méprise dont elle était capable, elle articula.

- Tu . Peux . Rêver.

Ce faisant, et ayant retenu la leçon, elle se redressa, prête cette fois ci à attaquer en retour si l'autre refusait d'accepter de la laisser tranquille. Oh bien évidemment, même être tranquille ne présenter plus d'intérêt mais, négative à souhait, Patte Lunaire ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait. La paix et la solitude, lassante et trop prévisible où les trois autres chatonnes de la pouponnière l'entourant, vacarme assourdissant qui lui vriller les oreilles. Finalement, elle opta pour un bâillement quasi altier malgré tout. Juste ce qu'il fallait de discrétion tendis qu'elle relevait la tête, comme si les ronces aux dessus de leurs tête étaient plus intéressante...

Une nouvelle voix se fit entendre. Une voix bien connue. Petit Foehn était là. Le contact qu'elles eurent rassura Petit Alizé. Sa sœur était là pour elle, et elle lui faisait savoir. Elle se sentait dans sa bulle, avec pour seule présence sa benjamine.

"- STOP!! T-TAISEZ VOUS, PLUS DE BRUIT!"

La bulle éclata, les yeux de la grise rayée levèrent et se posèrent sur Patte Venteuse qui avait poussé ce cri. La petite aux yeux vairons, reprit son souffle, rien d'étonnant après avoir hurlé de la sorte.

- Maintenant Patte Lunaire, tu t'excuses auprès de ma soeur, sinon je... tu sais de quoi je suis capable maintenant!

Ventoutou avait fait tout ça pour que Patte Lunaire s'excuse auprès d'elle. Mais s'excuser de quoi au juste? C'était elle qui l'avait dérangé. Entendre ces paroles la faisaient sentir plus coupable. Cependant, un autre sentiment, bien plus agréable se fit aussi ressentir. Celui de se sentir aimée, protégée. Elle aussi, elle voulait protéger ses sœurs, pourquoi en était -elle incapable?

L'albinos, elle, ne semblait guère vouloir appliquer la dem...l'ordre de Patte Venteuse, lui disant d'aller rêver.

Celle-ci voulut lui sauter dessus, mais se rata complétement, se ratatinant au sol, et cracha sans doute par frustration. Petit Alizé, poussa une petit gémissement, de peur que sa sœur se soit fait mal.

- Personne touche à mes soeurs, tu m'entends? PERSONNE!

Il n'y avait pas à dire, elle prenait sa charge d'ainée à merveille. Peut-être un peu trop à cœur. La pleurnicheuse n'avait cure des excuses qu'elle réclamait, elle voulait arrêter ça, ce qu'elle avait causé.

- Toute façon, ta mère, tout le monde dit qu'elle est folle, eh bah toi aussi t'es qu'une sale folle!

Tout le monde avait entendu de cette rumeur. Mais Petit Alizé ne savait pas que ces paroles pouvaient faire mal. Tout ce qu'elle voyait, c'est que sa sœur ne se sentait pas bien. Par sa faute. Elle seule comptait à cet instant.

"Ventoutou!"

Elle se dégagea de l'emprise de Petit Foehn, pour se poster aux côtés de son ainée, et se pressa contre elle, pour la calmer. Elle se mit dans son champ de vision, afin qu'elle puisse voir le sourire qu'elle lui afficha, la fixant de ses yeux toujours embués de larmes.

"Merci beaucoup Ventoutou, mais j'ai pas besoin d'excuses, tu sais."

Tout s’enchaîna bien trop vite. Patte Venteuse se mit à crier, même à hurler. Les reines ne tarderaient pas à rappliquer, mais ce détail était loin d'être le sujet de mon inquiétude à l'heure actuelle. Patte Lunaire ne cessait de provoquer Patte Venteuse. Et Patte Venteuse galopait. Elle montait dans les tours à une vitesse impressionnante, et se laissait complètement aveugler par ses émotions. Si bien que ses attaques furent des échecs lamentables. Mon cœur manquait un battement à chaque fois qu'elle s'écrasait au sol.
Petit Alizé se défit de mon emprise pour aller se placer devant Patte Venteuse et essayer de la calmer. Je supposai que mon rôle était de calmer Patte Lunaire, mais une œillade vers cette dernière me refroidit. Et puis tout de même, elle avait fait pleurer Petit Alizé! Petit Alizé qui était si douce... si mignonne... si rayonnante.

J'ignorai ce que voulait dire être fou... Il était vrai que la maman de Patte Lunaire faisait peur... Mais on la voyait très rarement, plus rarement même que notre maman à nous.
Je finis par détourner mon attention de Patte Lunaire et faire comme Petit Alizé, me mettre devant Patte Venteuse en lui murmurant dans le creu de l'oreille :

"T"inquiète pas, à notre prochain jeu de guerre, Patte Lunaire fera les méchants et on lui mettra la pâtée ! "

Je lui fis une léchouille sur la joue, espérant la voir descendre de ses chevaux...

La garce, la pleurnicheuse, la protectrice et la barbare.

Pour le plus grand plaisir de la plus âgées, Patte Venteuse se rata en beauté et forcément, l'albinos ne put s'empêcher cette fois de retenir un brin de rire moqueur, juste assez léger et court pour démontrer à quel point elle était ravie que l'autre se rate si lamentablement. Mais forcément, sa nouvelle ennemie ne comptait pas en rester le et elle lui sorti un beau discourt qui n'intéressa nullement l'albinos qui, si elle l'entendit, ne l'écouta point. Sauf que voilà, l'autre inconsciente ce mit à cracher sur Cœur Givré et si la jeune chatte n'avait que peu d'attache pour sa propre famille, elle s'énerva pourtant. Non sans avoir reculer d'un pas auparavant, surprise et choquée d'entendre cela. Aussi, fut elle rapidement sur ses pattes, dos arrondis et fourrure toujours plus en bataille une fois le choc, bref, passé. Ses yeux rouges lançant des éclairs de colère. Ma mère et là pour moi, elle, au moins ! A son tour de cracher des paroles blessantes, sauf qu'au contraire de Patte Venteuse, Luny savait parfaitement ce qu'elle disait. Elle voulait voir le visage de Venteuse se décomposer. S'était clair à présent, l'autre ne valait rien. Elle n'était rien. Et l'albinos ne lui pardonnerait pas de sitôt d'avoir osé cracher sur Cœur Givré, et surtout, sur elle-même. Les deux autres se postèrent prêt de Patte Venteuse et Patte Lunaire feula.

Elle aussi aurait voulu bondir sur son ennemie, lui faire du mal physiquement. Autant qu'elle-même avait subitement mal, comprenant que trop bien que celle aux yeux vairon n'était pas seule à penser que sa mère était "folle". Pour Luny, le mot en lui-même ne signifiait encore rien d'autre qu'une insulte, mais ce qu'elle ressentait surtout, s'était qu'elle était associé à sa génitrice, simple reflet. Et cela l'agaçait. Mais la bataille valait elle la peine d'être encore mené ? Non, l'albinos était lasse de cette dispute, alors, sans plus attendre, elle laissa retomber son poil sur son dos et ses oreilles se couchèrent sur sa tête, de côté. Rancunière à souhait pourtant, elle ne comptait pas faire comme si rien ne s'était passer. Ce n'était pas à elle de s'excuser et encore moins de faire le premier pas. Pas à ses yeux du moins. Et c'est en prenant tout son temps qu'elle se détourna d'un quart de ses "camarades", soupirant théâtralement pour regarder son nid de mousse. lequel ne paraissait plus du tout accueillant d'ailleurs.

Petit Alizé était visiblement désemparée, et tenta d'interpeler sa soeur. Patte Venteuse était toujours réceptive à l'appel de ses soeurs: en l'absence de mère présente, c'est sur elles qu'elle reposait tout son besoin d'affection et d'attention. Et c'est donc en étant présente pour elles qu'elle combler ce manque. Indirectement, s'en prendre à ses soeurs, c'était s'en prendre à Patte Venteuse elle-même, et elle était déterminée à faire regretter tout ceux qui s'en prendraient à elle.

- Ventoutou! s'écria-t-elle en se dégageant de Petit Foehn. Merci beaucoup Ventoutou, mais j'ai pas besoin d'excuses, tu sais.

Patte Venteuse tourna la tête vers sa soeur, les oreilles basses. Si elle n'a pas besoin de moi, alors à quoi je sers? Et puis, bien sur qu'elle méritait des excuses! Rien ne justifiait, à son sens, le comportement hautain de Patte Lunaire!
Peu convaincue, toujours agacée, elle était prête à retourner voir son ennemie pour la harceler jusqu'à ce qu'elle obtienne son du. Mais Petit Foehn s'interposa. Elle avait toujours été la plus sage, et connaissait mieux ses deux soeurs que quiconque. C'était donc la mieux placée pour leur parler, et trouver les mots justes pour s'adresser à elles.

- T'inquiète pas, à notre prochain jeu de guerre, Patte Lunaire fera les méchants et on lui mettra la pâtée !

La bicolore se résigna, contente de l'idée de Petit Foehn. C'était la plus intelligente, elle avait toujours des idées lumineuses. Petit Alizé était la plus gentille et la plus douce. Peut-être trop, mais elles l'aimaient comme elle était.
Tête basse, prête à faire une croix sur sa colère pour faire plaisir à ses soeurs et tout remettre en ordre, c'était sans compter sur la provocation de Patte Lunaire.

- Ma mère est là pour moi, elle, au moins !

Patte Venteuse gonfla soudainement son pelage, se retournant violemment vers Patte Lunaire. Il était horrible de constater qu'elle avait raison. Mais la petite refuser de l'admettre. Et tout ce qui touchait à leur mère était un sujet incroyablement sensible pour elle.

- Répète un peu...?

L'albinos ignora, se retournant de son air presque naturellement hautain tant elle le portait souvent.
Elle répéta donc sa question plus fort, encore et encore, à mesure qu'elle s'approchait de Patte Lunaire. Ses soeurs ne pourraient plus rien pour elle. Patte Venteuse avait la rage, et certainement pas le self-control de sa pire ennemie.
Le simple fait de voir son pelage blanc l'irritait. Elle aussi avait un pelage blanc. Elles se ressemblaient sur certains points, pour son plus grand désarroi.
Désemparée, blessée par la remarque de Patte Lunaire, Patte Venteuse se jeta sur elle en hurlant, et cette fois, elle ne manqua pas.
Elle se contenta de s'acharner, encore et encore, toutes griffes sorties, usant des crocs s'il le fallait, sur le chaton de la lune.
Ce n'était pas pour lui faire du mal.
Ce n'était pas pour ce venger.
Patte Venteuse avait juste besoin de tout évacuer. La tristesse, la colère, la haine, tout ce que l'absence de sa mère avait fini par engendrer.

Venteuse, mentalement, là maintenant: