Play with me, sis' ! ft. Petit Myosotis -abandon

Cela faisait au moins une bonne paire de semaines que Petit Épervier et le reste de sa fratrie étaient nés, et le petit mâle à la pelisse brune s'était déjà osé à quitter le nid confortable de mousse qu'il partageait avec sa famille. Et même si les cinq petits n'étaient pas encore autorisés à explorer le Camp -ils n'en avaient de toute façon pas l'âge-, ils commençaient déjà à jouer entre eux.

Lorsqu'il s'était réveillé, Petit Épervier avait pu constater avec joie que l'une de ses sœurs avait également terminé sa nuit. Petit Myosotis, la première-née, portait un duvet noir et blanc et depuis qu'elle avait ouvert le yeux, ses parents avaient eu l'occasion de constater le bleu pâle de ses yeux qui rappelait alors la plante dont elle portait le nom. La féline bicolore s'était déjà affirmée comme l'une des plus casse-patte de la portée; mais ça, Petit Épervier s'en fichait bien. C'était sa sœur, il l'aimait et surtout il avait présentement très envie de partager une bonne partie de jeu avec elle !

« Hé, Petit Myosotis ! » la héla-t-il de sa voix encore aiguë. « Je parie que je te bats ! A tous les jeux que tu veux ! C'est moi le plus fort ! »

Un air malicieux recouvrit alors la face juvénile du chaton tandis qu'il balançait son défi à sa sœur. Première-née ou pas, le matou aux nuances de brun comptait bien s'imposer comme le meilleur de la fratrie !

HRP:

Sa mise au défi ne tarda pas à trouver écho chez Petit Myosotis. En effet, la petite féline aux yeux clairs s'élança aussitôt avec la maladresse qu'on connaît aux jeunes chatons sur son frère. Malgré son âge, la petite semblait pourvu de hargne et affichait sur son visage une certaine détermination : elle était motivée pour clouer le bec à son petit frère lequel n'était assurément pas prêt à crier sa défaite. Toujours est-il qu'après un ou deux pas durant lesquels Petit Myosotis parut chanceler davantage que courir, la bête au duvet bicolore finit par bondir très approximativement, atterrissant sur le dos sombre de Petit Épervier qui s'écroula alors sous sa sœur.

« A tous les jeux que je veux, tu dis? On dirait bien que pour le combat, c'est moi qui gagne ! » déclarait alors la femelle, fière de son attaque.

Sous son poids, le petit mâle s'agitait déjà, préparant sans doute une revanche digne de ce nom. La lueur malicieuse de ses yeux jaunes n'avait pas disparu, et il ne tarda pas trop à se redresser avec difficulté, soulevant sa sœur un maigre instant, avant de retomber sur le flanc, à nouveau prisonnier.

« De toute façon tu triches ! C'est pas comme ça qu'on se bat d'abord, tu vas voir je vais te montrer ! » se mit à piailler Petit Épervier, bien décidé à essuyer sa honte.

Du haut de ses quelques semaines, le minuscule animal se mit à grommeler tandis qu'il tentait de rouler sur lui-même. Après un court effort, le matou parvint à se libérer de l'emprise non sans être essoufflé. Énervé par sa défaite cuisante, il reprit :

« Pffff... Bah t'es même pas cap' de courir plus vite que moi, premier arrivé là-bas ! » hurla-t-il alors, pointant l'autre bout de la pouponnière à l'aide de sa queue.

Mauvais perdant, Petit Épervier débuta sa course bien avant sa sœur et galopa -que dis-je, essaya de ne pas chuter- aussi vite qu'il le put. Ses appuis mal assurés et son équilibre encore très moyen promettaient quelques chutes avant l'arrivée !

Alors qu'il faisait aller ses petites pattes de jeune chaton, Petit Épervier perçut la réplique de sa sœur, mais l'ignora avec brio. Pfff elle n'a qu'à parler, moi je vais gagner !! Il voulut accélérer alors, frappant le sol poussiéreux de la pouponnière avec plus de fermeté mais sa maladresse juvénile le rendit plus déséquilibré, et non rapide et bien vite Petit Myosotis l'avait rattrapé, déterminée à attraper la queue du mauvais joueur. Le mâle aux pattes blanches voulut poser ses yeux jaunes sur la femelle bicolore, et tourna ainsi sa tête. C'est alors qu'il vit la chatonne s'emmêler les pinceaux, trébuchant la tête la première contre le sol. L'image de la mâchoire se refermant violemment au contact de la terre surprit le brun. La petite n'arrêta pas sa chute ici, bien loin de là; elle subit encore une ou deux roulades avant de se retrouver sur le flanc, abasourdie.

« Aïe... » fit-il alors, une grimace à la gueule.

Petit Myosotis, déjà très fière pour son âge, prit sur elle et ne se plaignit pas le moins du monde. Pour se donner un genre, elle se mit même à donner quelques coups de langues vigoureux sur son duvet plein de poussière. Son frère, pris d'empathie, se dépêcha de la rejoindre, oreilles et queue basses et le regard interrogateur. Il s'apprêtait à lui demander comment elle allait mais la jeune féline le devança :

« Je n'ai plus envie de jouer, de toute façon ce n'est pas drôle puisque je gagne tout le temps.
- Naaan t'as perdu là ! » protesta aussitôt le second-né de la portée, outré qu'on salisse sa victoire ainsi.

Puis, conscient qu'il commençait déjà à se disputer avec sa propre sœur, Petit Épervier s'adoucit.

« Viens on dit qu'on est ex-æquo... Et on change de jeu, d'accord ? » dit-il alors en se collant contre la bicolore. « Alors, tu boudes plus ? » Il la charria avec son épaule.

HRP:

Mais alors que son petit cœur de chaton était au bord de l'implosion devant la mine boudeuse de la petite féline bicolore, cette dernière finit par lui rendre son précédent sourire, continuant sur sa lancée d'un : « D'accord, ex-æquo c'est bien aussi. »

L'animal aux maintes nuances de brun ne sut et surtout ne put retenir un ronronnement bruyant, ravi d'avoir à nouveau su conquérir le cœur difficile de sa fraternelle. Il était fréquent qu'il se chamaille avec Petit Myosotis; il fallait bien avouer que les manies princières et capricieuses de la chatonne n'aidait pas grand-monde à l'apprécier néanmoins Petit Épervier était son plus fidèle serviteur, cédant toujours, crise sur crise jusqu'à parfois laisser l'aînée tricher dans le dos des autres. Mais que voulez-vous, Petit Myosotis avait ce petit truc qui lui donnait à chaque fois envie de la voir sourire et rire, quitte à déclencher les pleurs des autres. Il les oubliait d'ailleurs bien vite lorsque les deux prunelles bleu clair de sa sœur s'embrumaient de larmes, et la princesse aux deux tons le lui rendait finalement bien.

« Tu veux jouer à quoi, tu as une petite idée ?
- Ah ça oui, j'ai plein plein pleiiiiin d'idées de jeux ! » s'émerveilla alors le petit brun face à la relance de sa camarade.

De nouveau excité, Petit Épervier fouilla son esprit farfelu de chaton en quête d'un concept ne pouvant provoquer aucune rivalité entre lui et Petit Myosotis. Entre partie de chat perché, de loup touche-touche et autre 1, 2, 3, soleil..., le mâle aux yeux ambrés finit par s'écrier :

« Je sais ! On a qu'à dire qu'on est des sentinelles, tout comme papa et même que on disez que des méchants arrivent et nous on doit les combattre ! Comme ça regarde ! »

Aussitôt le petit chat se mit à gesticuler en tout sens; tantôt accordant un coup de patte à droite, tantôt bondissant dans les airs avant de se réceptionner dans une roulade totalement incontrôlée -comme la majorité de ses gestes, d'ailleurs. Il s'anima ainsi un bon moment, entre feulements juvéniles -et ridicules- et menaces de pouponnière. « Viendez les méchants, même que nous on va vous manger tout crus ! » Remuant dans la poussière, Petit Épervier ne prit le temps de vérifier si Petit Myosotis l'avait rejoint qu'assez tardivement.

HRP:

Petit Épervier aimait beaucoup les histoires de guerre; peut-être même trop ? Les récits idéalisés de ses aînés entraînait toujours le chaton dans une forme d'admiration; comme presque tous les jeunes, il aimait à rêver qu'un jour lui aussi aurait sa propre histoire, ses propres cicatrices et que tout le Clan se mettrait alors à l'aimer ! Les contes de ce registre, il les consommait rapidement, n'hésitant pas à réclamer à droite à gauche de nouvelles versions, avec de nouveaux héros et de nouveaux méchants. Il paraissait alors si facile là, allongé dans l'herbe des landes, de devenir la prochaine légende de Cerfblanc, de mettre fin au règne d'un tyran ou de repousser une horde d'intrus illuminés...

C'était sûrement pour son goût des histoires de guerre que Petit Épervier aimait tout particulièrement jouer à la guerre; et d'ailleurs, le petit brun préférait de loin se battre contre des ennemis imaginaires que contre ses frères et sœurs. Dans l'histoire qu'il écrivait au rythme de ses coups de patte maladroits, Petit Myosotis aussi sauvait le Clan du Vent des envahisseurs de la Rivière. Ensemble, ils entraient en quelque sorte dans la légende.

« Ce sont des membres du Clan de la Rivière, on ne va pas laisser ces puants de l'eau nous vaincre, à l'attaque !!!! » piaillait d'ailleurs la bicolore non loin, à son tour captivée par le jeu.

Bientôt, elle le rejoignait pour qu'il fasse face aux vilains l'un contre l'autre. Pris dans le jeu, Petit Épervier se mit à froncer les sourcils et son duvet doubla de volume; il espérait bien avoir l'air méchant à son tour !

« Allez vous-en bande de grosses baleines, sinon on va vous taper dessus d'abord ! » feula-t-il alors. Il finit par bondir en avant avec maladresse, ses petits crocs immaculés dévoilés. « Nyaaah ! »

Comme à de nombreux bons petits chatons du Clan du Vent, on avait inculqué à Petit Épervier que le Clan du Vent était de loin le meilleur et que les trois autres étaient simplement très jaloux de la pureté des chats des landes. Au vu des récents événement, sa haine allait tout d'abord au Clan du Tonnerre, mais dans les histoires des anciens, c'était les Clans de la Rivière et de l'Ombre qui embêtaient toujours les chasseurs de lapin pour leur dérober une parcelle de territoire. Alors gare à ces chats-là : Petit Épervier était bien décidé à ne rien leur céder; pas même un brin d'herbe desséché !

« Déjà d'abord c'est notre territoire et même que on va vous pi-quer le votre si vous arrêtez pas ! Hein oui Pet- euh... Étoile de Myosotis ?!! »

Le chaton aux nuances de brun se tourna en direction de sa sœur, interrogateur.