J'te collerais jusqu'à ma mort || PV Saumon Vif <3 - END

Il s'était réveillé tôt dans la matinée, espérant intercepter les patrouilleurs de l'aube avant leur départ; il s'était mis en tête de patrouiller de bon matin sur les frontières et de chasser l'après-midi pour le reste du Clan. Jusque là, le grand matou sable parvenait à tenir le rythme, mais autant dire qu'il s'endormait aussitôt qu'il posait sa tête au menton blanc dans sa couche de fortune, en fin de journée. Mais ce matin, il avait raté les habitués de la patrouille qui n'avaient sûrement pas osé venir le réveiller... Un peu dépité, le matou aux grandes pattes s'accorda tout de même un petit déjeuner modeste; deux petits vairons qui avaient sûrement été les victimes d'un tout jeune apprenti la veille. Saumon Vif se surprit malgré lui à sourire : il se souvenait qu'on l'avait lui aussi d'abord appris sur des proies de si petites tailles et qu'à l'époque, il n'arrivait presque jamais à leur mettre la patte dessus tant les vairons étaient vivaces ! Mais son petit rictus perdit toute sa légèreté lorsqu'il se souvint des rires amusés de Rivière Sombre; oh le lieutenant de l'époque n'était pas du genre à railler son novice; c'était sa disparition brutale qui teintait le sourire du pêcheur de noir. Il finit le second animal aquatique avant de filer : il voulait profiter de la matinée pour passer un peu de temps près de la rivière et qui sait, peut-être retenter sa chance auprès des vairons ?

A mesure qu'il progressait en direction de l'eau, ses coussinets quittaient le sol meuble pour les galets, et enfin bientôt il sentit une matière plus sablonneuse sous ses pattes. Le jeune guerrier inspira profondément; il ne s'était pas retrouvé seul, dernièrement. Peut-être qu'il s'incombait de trop de tâches ? Il voulait prouver à ses camarades qu'il avait changé, mais à quel prix ? Vite, trop vite le fumet âcre du Clan du Tonnerre parvint à sa truffe et le félin haut-sur-pattes ne retint pas la grimace de dégoût qui lui montait à la face. Et oui, il devait accepter que son terrain de chasse favoris -la rivière- soit également la frontière naturelle qui le séparait de ses pires ennemis. Dire que certains de ces rats y trempaient la langue pour s'abreuver ! Quel horreur. Il s'apprêtait d'ailleurs à s'approcher de la surface limpide afin de se changer les idées et de se mettre au travail lorsqu'un poids le projeta au sol; son bassin s'effondra et très vite Saumon Vif sentit les petits galets le long de ses côtes, lui arrachant une grimace de douleur. Entre temps, le matou sable avait dégainé ses griffes et quant à sa fourrure, elle avait gonflé. Il libéra un feulement vif et se tordit pour comprendre de qui il était devenu la proie, prêt à se défendre aussi violemment que nécessaire -et même sûrement plus si d'aventure il découvrait la gueule poisseuse d'un guerrier du Clan du Tonnerre. Il fut surpris de découvrir le visage satisfait de Nuage de Nuit, vraisemblablement ravie de le voir dans tous ses états. Comme une crème, elle miaula :

« Saaaaumon, comment vas le guerrier le plus cool de la Rivière ?! J'suis sûre que tu fais des trucs trop cool alors que moi j'dois encore nettoyer les tanières ! » Il n'eut même pas le temps de répondre que déjà la novice ébène le libérait de son poids après lui avoir asséné une pichenette et enchaînait vivement : « D'ailleurs tu comptais venir me voir quand hein ?! Ça devient guerrier et ensuite ca m'oublie c'est ça ? T'avais promis de rester avec moi, t'as même pas tenu ta promesse. J'croyais que j'étais ta princesse, en tant que lieutenant tu te dois de me rendre visite ! »

Diva à ses heures perdues, la petite scène dramatique de Nuage de Nuit abasourdit complètement son compère au menton blanc, lequel eut à peine le temps de se redresser et de s'ébrouer avant de voir la plus jeune de dos, assise d'un geste sec, boudeuse. Qu...Quoi ? Il y avait moins d'une minute, il aurait juré être seul au bord de cette rivière, dans le calme de la matinée... Mais ça, c'était avec qu'une tempête de poils noirs ne s'abatte sur son pauvre corps -son flanc en était témoin. Il resta un instant là, les yeux posés sur l'échine de son amie sombre, hébété alors que la femelle marmonnait quelque d'inaudible.

« M-M... Bah j-... Désolé ? » Il était sur le cul. (Littéralement, car il venait de laisser son bassin s'affaisser, tombant disgracieusement sur son derrière, les yeux grands ouverts, comme sonné.)

Soudain, il se sentit coupable. Il était vrai qu'avec son emploi du temps réaménagé et son obsession pour les patrouilles frontalières -auxquelles il n'était pas convié en priorité-, le matou fauve n'avait pas accordé de temps à sa camarade. La voir ainsi exposer sa tristesse le touchait beaucoup; il avait idée de toute la fierté et de l'orgueil qui l'habitait. Aussi s'approcha-t-il de la femelle à pas de velours, courbant le dos comme s'il traversait un tunnel trop étroit pour qu'il puisse étendre complètement ses longues pattes.

« Je n'ai pas voulu te blesser, loin de là ! Je pensais que tu voudrais te concentrer sur ton entraînement, et enfin je sais que ce n'est pas une excuse mais... j'ignorais que tu voulais qu'on passe du temps ensemble ? Pas que je n'en ai pas envie -loin de là- mais tu avais l'air d'aller mieux, récemment, non ? »

Ah, son passé pesait encore lourd sur ses épaule de jeune guerrier, et même si Saumon Vif n'était plus le novice faiblard qu'il fut, il avait toujours du mal à réaliser que son amie ébène était attachée à lui.

HRP:

Et bientôt à la princesse de reprendre, vraisemblablement satisfaite que son plus fidèle serviteur se sente coupable de l'abandonner.

« D'abord Pluie il est même pas drôle ses cours sont ennuyaaant et puis j'laime pas ! »

Le jeune guerrier sable hocha la tête, confident silencieux pour cette fois. Saumon Vif ne savait quoi répondre à la novice ébène. Lui non plus n'avait jamais trop accroché avec Pluie Battante; son passé d'apprenti vantard et sûr de lui l'avait sûrement refroidi suffisamment pour que, des lunes et des lunes après, il en soit encore amer. Novice, il l'avait envié quelques fois. Mais lorsque le matou tigré avait eu son accident, le mâle fauve avait vu là le châtiment du Clan des Étoiles en personne. Depuis, il se contentait d'éviter le félin amnésique. Il nourrissait quelques remords : après tout, Pluie Battante était devenu un guerrier fort et respectable, droit et altruiste. Son travail acharné lui avait même permis de recouvrir une grande majorité de ses talents d'antan. Mais rien n'y faisait; Saumon Vif ne voulait rien avoir avec lui. Il se sentait mal à l'aise, et encore plus depuis qu'il s'était fait éborgné par le meneur.

Ainsi, calme, il se contenta d'écouter Nuage de Nuit, posant sa queue sur l'épaule de la féline afin de manifester sa compassion dans le silence. D'ailleurs la grande enfant n'avait pas fini et elle enchaîna bien vite :

« Eh puis il n'y a qu'avec toi qu'on peut parler des ennemis sans se faire ignorer. J'ai besoin de mon fidèle lieutenant pour vérifier que les écureuils ne manigancent rien alors, partant ? »

Il fit mine d'hésiter, très taquin comme toujours avec la petite chatte sombre. Puis, comme s'il cédait au caprice d'un chaton, il finit par lui miauler :

« Comment pourrais-je refuser une mission d'espionnage concernant les raclures du Tonnerre en ta compagnie ? Ce serait un double-gâchis ! »

Un sourire lui barra la gueule, tandis qu'il se faufilait dors et déjà parmi la végétation, invitant la novice à le suivre d'une ondulation de la queue. Bien vite, les deux matous atteignirent la frontière, dissimulés derrière les herbes hautes.

« Qu'est-ce que j'donnerais pas pour qu'un d'ses fils de chien ose poser une patte sur nos terres... »

Stimulé par cette seule pensée, l'animal aux longues pattes se mit à sortir et à rentrer ses griffes à maintes reprises, contenant au mieux son envie de vengeance. Soucieux, il lança un regard à son amie comme pour s'assurer qu'elle était toujours dans cet état d'esprit; elle était bien la dernière personne qu'il voulait voir le fuir.