Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end

◊ Meneuse

Héritage

Privé Étoile de Pierre puis libre.

Les feuilles tombaient et coloraient le territoire de teintes chaudes. Sous les pattes d’Écaille d’Or crissaient les organes des arbres, secs, aux couleurs jaunes, rouges et marrons.

L’automne était une jolie saison, pourtant si décriée car elle annonçait les prémices de l’hiver, l’arrivée du froid et la raréfaction des proies. La chasse commençait d’ores et déjà à devenir compliquée car il était plus difficile de se faire discret lorsque le sol craquait sous les pattes des chats, alertant les proies. Même la pêche en était affectée car il fallait être plus alerte, plus rapide et prendre en compte les feuilles tombant sur la rivière, dont l’ombre effrayait les poissons.
Mais Écaille d’Or se plaisait étrangement à cette saison. À vrai dire, c’était même sa préférée, celle qui se reflétait le plus en elle. Au cœur de toutes ces couleurs, elle se fondait parfaitement dans la masse et les contraintes qui s’imposaient à elle se présentaient comme un nouveau défi à relever.

Couchée sur la colline, la jeune femelle s’autorisa un instant de nostalgie. L’air était frais, particulièrement parce que le matin n’était que peu avancé, et elle appréciait se laisser aller au gré de ces températures et de la légère brise qui faisait onduler son pelage roux marbré.

Prendre une pause après tout ces drames, respirer un peu, c’était quand même agréable.

Devant ses yeux tomba une feuille, rouge, virevoltant un instant dans les airs en se découpant parfaitement sur le ciel bleu, le vent finit par l’emporter au loin jusqu’à ce qu’elle disparaisse entre les arbres du clan du Tonnerre, qui se déroulait en contrebas, juste sous ses pattes.
Comme elle l’avait prédit, la mort d’Étoile de Suie semblait avoir éradiqué la moisissure qui s’était emparé de la forêt toute entière. Mais l’automne arrivait à pic : toutes ces feuilles mourraient, les arbres se dénudaient, comme un rappel, un dernier hommage à tous ces morts, tués par la folie de l’ancienne cheffe du Tonnerre et celle des Lunar Pod. Du rouge, pour tout ce sang versé. Du marron, pour la terre, nourrie par les corps des chats décédés, qui avaient été et étaient encore tant aimés. Aigue-Marine, Petite Améthyste, Plume de Mésange et tant d’autres encore qui avaient rejoints les rangs de leurs ancêtres, représentés par du jaune pour la chaude couleur des étoiles qui brillaient de plus belle, leur éclat ravivé par les chats qui retrouvaient la foi.

Le regard d’Écaille d’Or resta accroché un instant sur le bleu du ciel, sur lequel avait disparu la feuille, quelques instants plus tôt. Du bleu… du bleu pour l’avenir, pour le renouveau du clan de la Rivière, qui renaissait de ses cendres.
Du bleu, pour la silhouette d’Étoile de Pierre qui se formait dans son esprit. Son père, son mentor, la personne à qui elle tenait le plus. Du bleu, pour son pelage autrefois si beau, si luisant, qui dorénavant s’était terni, emmêlé avec la poussière et le sang poisseux qui s’était collé, s’y était logé et ne voulait plus s’en défaire. Du bleu pour son esprit si combatif et si tolérant, instaurateur de la paix et de la prospérité. Cet esprit qui était devenu noir, embrouillé, perdu, ailleurs.

La forêt renaissait, mais semblait se nourrir de la force et de l’énergie d’Étoile de Pierre pour pousser. Et soudain, l’image des arbres colorés la dégoûta, changeant d’image aux yeux de la guerrière, se vidant de toute la poésie qu’elle avait pu leur trouver.

Il était temps de rentrer.

***

L'atmosphère était calme, au campement de la Rivière, comme si l’arrivée de l’automne avait ralenti les activités. Presque tous se rassemblaient par petits groupes, vidant un à un la pile de gibier pour commencer la cérémonie du partage, rituel instauré par leurs ancêtres pour renforcer les liens entre les membres d’un clan. Et les chats, dans un murmure, commencèrent à échanger leurs proies entre eux, s’échangeant des sourires, des regards tantôt complices, tantôt timide.

Mais Écaille d’Or traversa cette fois-ci le campement sans s’arrêter auprès d’un groupe. Près de la pile de gibier, elle saisit le met le plus appétissant : une belle perche cachée sous quelques truites.Elle n’avait pas l’habitude de se servir dans les meilleures pièces, mais aujourd’hui c’était différent, ce n’était pas pour elle qu’elle le faisait.

La guerrière rousse slaloma entre les groupes de chats, refusant poliment l’invitation que la vétérante Flaque d’Eau lui fit à venir la rejoindre, elle et son compagnon. Sa destination était toute autre, et bientôt, elle disparut dans l’antre du chef.

« Étoile de Pierre ? » S’annonça-t-elle. « Je t’apporte un bon repas, à partager ensemble, comme au bon vieux temps. »

Le temps où tout le monde était vivant.

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Le lierre filtrant les petits rayons de soleil pleuvaient comme des cascades de larmes dans une mer invisible. Une brise chaude d’été les faisait parfois frémir comme de petits sanglots d’adieux.
Étoile de Pierre savait. La mort était devenue plus qu’une amante ces dernières nuits et elle n’était pas aussi douce que la regrettée Aigue-Marine. Malgré les caresses envenimantes, les soupirs et les effluves de son parfum lorsqu’elle venait lui rendre visite, Étoile de Pierre avait refusé chacune de ses avances. Il avait quelque chose à accomplir avant de partir avec la mort et rejoindre sa douce et sa fille disparue.
Néanmoins, Étoile de Pierre savait. Il ne pourrait pas repousser cette échéance indéfiniment. La mort était une de ces femmes exigeantes qui réclamait qu’on l’écoute, qu’on la cajole, qu’on l’embrasse dans une dernière étreinte. Il recevrait son baiser ce soir.

Cette idée ne l’effrayait même plus. Il vivait pourtant avec elle, mais avait du s’habituer à sa présence. Il avait, les premières nuits, été victimes de terribles cauchemars, se réveillant en sueur confus, incapable de savoir où il se trouvait.
Son état ne s’était pas vraiment amélioré. Le meneur pouvait à peine bouger, se lever était devenue une tentation un peu folle. Pourtant, son ombre avait laissé place à une dernière lueur. Une dernière braise qu’il était parvenu à allumer, dans un élan d’espoir et de vie.
Après tout, il n’était pas encore mort. Alors, en attendant, pourquoi ne pas juste vivre?
Apprécier le bruit des feuilles de lierre contre les branches du saule, l’eau de la rivière frappant les rochers dans un tumulte étrangement délicat.
Les patrouilles allaient et venaient. Il ne les voyait pas et ne pouvait plus lever la tête pour les observer. À vrai dire, il était devenu presque aveugle. Mais ses oreilles captaient les sons et raisonnaient à ses oreilles comme une douce mélodie. Étoile de Pierre était sûr que tout cela lui manquerait, mais il n’était pas triste.

Pour la première fois depuis l’arrivée des Lunar Pods, depuis la mort de tant d’aimés, depuis la fin de la guerre… Étoile de Pierre était heureux.
Il n’en restait plus qu’une loque, une sorte de fantôme physique incapable de se mouvoir. Une statue de pierre figée dans le temps dont il ne fallait plus rien attendre. Mais il souriait bêtement, allongé dans un nid propre changé la veille par les siens.
Son Clan se remettait, vivait, jouissait d’un soleil éclatant. L’espoir était revenu, après des lunes de ténèbres.
Vieux, malade mais pas dupe, il savait très bien qu’il n’avait pas tellement participé à cette reconstruction. Bien au contraire. Mais il pouvait laisser son Clan la conscience tranquille; il vivrait bien et longtemps et il pourrait l’observer depuis les Étoiles.
Il ne lui restait qu’une chose à accomplir avant de pouvoir abandonner ce corps de pierre devenu trop lourd.
Un flambeau à passer. Un lourd héritage, construit de victoires, de défaites, de succès et d’échecs. De beaucoup, beaucoup d’échecs.
Ce serait un lourd fardeau, plus qu’un flambeau. Lui même avait ploie face à cette charge. Mais il savait à qui le confier.
Ce ne serait pas Douce Orchidée, la belle et ancienne lieutenante venue lui confier ses craintes et sa fatigue, sortie victorieuse mais abattue de cette longue guerre.
Mais ce serait quelqu’un d’autre, de jeune, trop jeune il le savait, et pourtant Étoile de Pierre en était persuadé, ce ne serait pas une erreur.

Sa plus grande réussite. Sa plus grande fierté. Ce qu’il avait construit de plus beau, avec ses enfants.

Il avait souvent honte de s’admettre à lui-même qu’il en était presque heureux que Rivière Sombre ait déserté. Car cet acte, aussi déplorable et triste soit-il, lui avait permis de prendre sous son aile Nuage d’Écailles, sa chère et tendre apprentie.
Les choses avaient été dures parfois, éclatante également et teintées de joie. La plus vaillante et fidèle à ses yeux. Celle qu’il considérait comme sa propre fille; Écaille d’Or.

Si jolie dans sa robe crème et rousse, il l’accueillit dans un sourire et un clignement d’yeux lents pour lui transmettre sa tendresse même de loin. Avec une pointe de regret sur le coeur, celui de ne plus voir correctement pour admirer la belle guerrière qu’elle était devenue.

- Étoile de Pierre ? Je t’apporte un bon repas, à partager ensemble, comme au bon vieux temps.

Elle avait apporté avec elle une pièce de gibier magnifique, comme on en voyait peu souvent. Étoile de Pierre n'avait pas tellement faim. En fait, il avait plutôt une légère nausée. Mais il s'agissait là de son dernier repas, partagé avec Écaille d'Or. Il pourrait bien faire un effort.
Le vieux meneur l'invita à s'installer dans le deuxième nid de mousse fraiche qu'il avait demandé aux apprentis venus l'aider ce matin. Il n'avait encore dit à personne pourquoi il en voulait un second. Beaucoup pensaient que c'est parce qu'il était sénile, et qu'il avait oublié, encore, qu'Aigue Marine était morte et enterrée.
Cependant ce jour là, il savait parfaitement ce qu'il faisait.
Ce nid là serait pour elle, ce soir. Tout serait prêt pour après son départ, lorsqu'elle reviendrait de son périple vers la pierre de lune avec ses neuf vies et son nom d'Étoile.
Il savait qu'elle accepterait. Il l'espérait et s'accrochait à cet espoir de toute sa force.

- Écaille d'Or, l'invita-t-il d'une voix faible et chaleureuse. J'avais justement à te parler. Viens donc, installe toi.

Étoile de Pierre s'en voulait, malgré tout. Depuis des lunes entières, le rang de meneur de la Rivière n'avait été que pertes, malédictions et regrets. Quand bien même il était certain de son choix, sûr de ne pas faire d'erreur et convaincu qu'elle serait la seule à pouvoir remettre son Clan sur le droit chemin, il avait en lui cette culpabilité de lui faire endosser un tel fardeau.
Il croqua dans la perche, en arrachant un petit morceau. Le gibier aurait-il ce gout là au Clan des Étoiles?

- Aujourd'hui sera sans doute mon dernier jour. Je le sens, tu sais. Mais ne t'en fais pas... ne sois pas triste. Nous nous reverrons... bien plus tôt que tu ne le penses.

Il marqua une pause, déçu de ne pas pouvoir voir l'expression qui s'afficherait sur son visage, si ce n'était pas de la tristesse. Qu'allait-elle comprendre de cette dernière phrase? Qu'une prophétie allait annoncer sa mort? Qu'il allait l'empoisonner? Il se mit à rire doucement mais de bon coeur en pensant à ces funestes idées. Il espérait bien qu'elle ne s'imaginait pas une chose pareille.

- Je te rassure, tu ne vas pas mourir aujourd'hui. Mais assez plaisanté, reprit Étoile de Pierre lorsqu'il cessa de rire. Comme tu le sais sans doute, Douce Orchidée ne deviendra pas chef après mon départ.

Quelques quintes de toux le firent s'arrêter. Il avait avalé une arrête de travers.

- J'aimerais que tu prennes ma place, quand je serais parti.

Étoile de Pierre redressa la tête, ce qui lui demanda un effort phénoménal. Il la voyait floue, trop peu distinctement pour savoir ce qu'elle pouvait bien penser.

- J'aimerais que tu deviennes la prochaine meneuse du Clan de la Rivière.

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Au coin de la pièce mal éclairée, son ancien mentor semblait l’attendre. Son pelage bleuté se fondait dans la pénombre, mais quelques paillettes de lumière, filtrée par le fin rideau de lierre qui dissimulait l’entrée, venaient faire luire sa fourrure par endroit.

« Écaille d'Or, j'avais justement à te parler. Viens donc, installe toi. » Lui miaula-t-il tout bas.

Sa voix était rauque, éraillée, témoignant toute la fatigue qu’Étoile de Pierre avait accumulé ces dernières lunes, mais pourtant, la guerrière rousse pouvait encore y percevoir cette douce chaleur qui était si chère à son cœur. Et malgré la requête inquiétante du grand mâle, Écaille d’Or se sentit un peu rassurée de le voir si lucide.

Elle hésita toutefois un peu avant de s’installer près de son flanc, là où un deuxième nid avait été installé. Recevait-il la visite d’Aigue-Marine, dont la présence avait régulièrement hanté les délires de son chef, ces derniers temps ? Elle ne voulait pas prendre sa place et lui laisser le soin passer du baume sur les blessures d’Étoile de Pierre, grâce à sa présence fictive. Mais rapidement, la guerrière réalisa que ce lit lui était destiné, pour une raison qui lui était encore inconnue. Alors, déposant sa pièce de gibier aux pattes du grand mâle, elle prit ses aises près de lui. Attendait-il sa visite ?
Elle ne lui posa pas la question, se tut, silencieuse, le laissa continuer.

« Aujourd'hui sera sans doute mon dernier jour. Je le sens, tu sais. »

La cœur de la femelle manqua un battement, avant de se mettre à battre la chamade. Elle ouvrit la bouche pour protester, mais la boule qui se formait dans sa gorge était si grosse qu’elle ne put rien articuler.
Tais-toi Écaille d’Or. Tais-toi et laisse le finir.

« Mais ne t'en fais pas... ne sois pas triste. Nous nous reverrons... bien plus tôt que tu ne le penses. »

Elle ne releva même pas la blague. Les yeux fixés sur le mur d’en face, elle était trop concentrée à lutter pour retenir ses larmes. Elle refusait de se rendre à l’évidence, refusait d’accepter que le chat qui était le plus cher à ses yeux, à son cœur, s’en irait rejoindre les étoiles aujourd’hui. Et pourtant, au fond d’elle, elle savait qu’Étoile de Pierre lui disait la vérité. Les Étoiles allaient le rappeler auprès d’elles.
Tendant l’oreille, elle écouta la suite sans mot dire :

« Je te rassure, tu ne vas pas mourir aujourd'hui. Mais assez plaisanté, comme tu le sais sans doute, Douce Orchidée ne deviendra pas chef après mon départ. » Lui miaula le mâle bleuté, avant de se voir stoppé par une toux sèche qui fit sursauter la guerrière. « J'aimerais que tu prennes ma place, quand je serais parti. »

Écaille d’Or se redressa subitement, surprise par la demande. Son regard, aussi étonné qu’embué par la tristesse, se tourna vers le meneur.

« J'aimerais que tu deviennes la prochaine meneuse du Clan de la Rivière. »

Si elle n’était pas sûre d’avoir bien compris la première fois, elle en était certaine dorénavant. Étoile de Pierre voulait d’elle en tant que cheffe. Ils se reverraient bientôt car tous les deux communiqueraient dans deux mondes différents : celui des cieux et celui de la terre. Celui des étoiles et des terriens. Celui des morts et celui des vivants.

Non.

Non.

Non.

Et pourtant…

« Je le ferai. » Répondit-elle, la voix tremblante.

Sa gorge menaçait d’imploser et ses larmes continuaient d’affluer, si bien que bientôt elle ne put plus les retenir. Silencieuses comme une ombre, elles se mirent à rouler sur ses joues, créant ses sillons sur son pelage roux.

« Je… Je le ferai. Mais pas aujourd’hui. Pas aujourd’hui. » Elle secoua la tête, refusant de se rendre à l’évidence. « Je suis trop jeune, je… Tu dois m’apprendre. » Elle avait commencé calmement, mais ses protestations se firent de plus en plus vives et les sanglots ne tardèrent pas à venir secouer son corps et sa voix. « J’ai encore besoin de toi. Les chatons aussi. N-Nuage d'Opale et Nuage d'Émeraude. Nuage de Jaspe et… et Nuage de Quartz. Tu peux pas me laisser ! Tu peux pas nous laisser !! »

La dernière phrase fusa, elle l’avait presque criée. Et puis comme épuisée, comme terrassée par l’évidence, sa tête chuta, vint s’écraser contre le poitrail d’Étoile de Pierre.

« Je suis pas aussi forte que toi, Étoile de Pierre… j’y arriverai pas sans toi... » Elle murmura, en un souffle. Paroles de son cœur meurtri. Dernier argument pour le faire revenir parmi les vivants.

Mais c’était vain, et elle le savait. Pourquoi diable luttait-elle ? Pourquoi était-elle si égoïste ? Étoile de Pierre avait tant souffert, pour elle, pour son clan, pour ses proches. Et après tant de tortures, comme un purgatoire, il méritait le repos. Pourtant, son cœur, son être entier refusait de le voir partir, se raccrochait à ses derniers instants de vie.

Elle ferma les paupières, se gorgeant de la chaleur qu’il restait encore à Étoile de Pierre, ses derniers instants. Seul ses sanglots agitaient encore son corps et résonnaient dans le silence de la pièce.

Aujourd'hui, elle perdrait son père...

... pour la deuxième fois de sa vie.

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Je le ferai. répondit Écaille d'Or.

Je le ferai. Ce mot raisonnait dans la tête d'Étoile de Pierre comme un soulagement certain. C'était un énorme poids qui s'était ôté soudainement de son corps trop lourd. Mais il ne réagit pas, retenant un soupir comme il la sentait tendu. Ce n'était pas tout.
Au fond, il s'en voulait terriblement. De la laisser seule en ces lieux. De l'abandonner ce soir dans cette tanière solitaire, avec toutes les responsabilités qui allaient avec. Mais avait-il le choix?
Il n'avait eu aucun signe des Étoiles. Personne pour le conseiller dans cette décision. Il la prenait seule, et en dépit de toutes ses incertitudes, il savait qu'il laissait son Clan entre les meilleures pattes possibles.
Au prix de combien de sacrifice? À quel point allait il changer sa vie, avec ces quelques mots? Vers quel chemin la menait-il?
Il avait redouté tant de fois de la faire souffrir.
Elle s'en sortira. pensa-t-il. J'en suis certain.

La voix d'Écaille d'Or était brisée. Étoile de Pierre connaissait bien se craquement. Il ne lui était que trop familier. Son coeur avait subit un terrible choc. C'était là beaucoup de choses à avaler. Pleure, Écaille d'Or aurait-il voulu lui dire. Pleure tant que tu en as l'occasion, car en tant qu'Étoile tu devras être forte.

- Je… Je le ferai. Mais pas aujourd’hui. Pas aujourd’hui. Sa certitude s'était envolée. Il s'y attendait. Je suis trop jeune, je… Tu dois m’apprendre.

Écaille d'Or craqua, se mit à pleurer. Calmement, il l'invita à se rapprocher de lui d'un mouvement bref de la queue. Ça passerait, avec le temps. Elle s'y ferait.
Comme d'habitude, elle se sous-estime. Rien n'est jamais assez bien pour toi, Écaille d'Or...
En tant que mentor, il n'avait jamais rien pu faire pour guérir son perfectionnisme quasi-maladif. Mais ce serait un mal pour un bien. Le Clan de la Rivière se porterait mieux que jamais. Il en était sûr.
Il espérait seulement qu'elle n'aille pas jusqu'à se blesser, s'en rendre malade. Tout ira bien, je serais là.

- J’ai encore besoin de toi. Les chatons aussi. P-Petite Opale et Petite Émeraude. Petit Jaspe et… et Petit Quartz. Tu peux pas me laisser ! Tu peux pas nous laisser !! Je suis pas aussi forte que toi, Étoile de Pierre… j’y arriverai pas sans toi...

Il ne les laisserait jamais. Certes, il lui faudrait partir. Mais pas à jamais. Il serait toujours là, prêt d'eux, pour eux, à veiller.
Pas triste du tout, Étoile de Pierre se mit à ronronner dans l'espoir de la consoler.

- Tu y arriveras, lui dit-il d'une voix ferme mais douce. Tu as appris sans même t'en apercevoir. Lorsque tu as organisé la cérémonie du lien... lorsque tu m'as remplacé ces derniers jours... ou encore pour le baptême de Coeur de Lynx... j'en ai entendu parler, tu sais. J'étais si fier de toi. Je suis si fier de toi.

Étoile de Pierre serra son museau contre elle, dans une étreinte chaleureuse. Elle lui manquerait, c'était certain. Mais de là haut, il pourrait la voir dans ses réussites et ses échecs. La voir grandir, murir, rire, pleurer...

- Je ne vous abandonnerai jamais, Écaille d'Or. Lorsque viendra le moment de venir chercher tes neuf vies... je t'attendrais, à la Pierre de Lune. Et j'espère avoir l'honneur de te donner la mienne! Si jamais ce n'est pas le cas, crois moi, je ferais scandale, blagua-t-il entre deux quintes de toux. Avec cette vie, je serais toujours avec toi. Je t'accompagnerai en chaque pas. Et si un jour tu doutes, si un jour tu es incertaine, je serais là. Dans tes victoires et tes défaites, je serais là.

Il poussa la truite vers Écaille d'Or, l'invitant à se servir. C'était un repas qu'il fallait partager. Manger seul était bien triste.

- Je suis désolé de t'imposer ça, Écaille d'Or... mais je sais, je sais que tu sauras mener ce Clan mieux que personne. Tu as fait face à tout ses déboires, tout ses échecs... tu sauras comment réparer ses blessures. Il suffit juste... que tu aies davantage confiance en toi. Malgré les apparences, malgré ce sentiment de solitude, tu ne seras jamais seule. Le Clan tout entier sera là, à tes côtés. Je sais que tu peux le faire. Je sais que tu peux devenir la plus jeune et la plus brillante des Étoiles de Cerfblanc.

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Un ronronnement vint emplir la pièce silencieuse, calmer les sanglots d’Écaille d’Or, dispersant ses pleurs en répandant son aura bienveillante. Étoile de Pierre n’avait pas peur. Pour la première fois depuis des lunes, il était serein, étrangement calme, réconfortant.
Et elle, comme elle s’en voulait d’être si égoïste ! Elle pleurait, pleurait alors que celui qui avait tant de raisons de s’en faire, tant de raisons de verser des larmes depuis plusieurs lunes avait les yeux secs.

« Tu y arriveras, »

Sa voix résonna dans son oreille collée contre le corps du mâle bleu, comme un écho, comme si déjà son âme s’envolait vers les étoiles.

« Tu as appris sans même t'en apercevoir. Lorsque tu as organisé la cérémonie du lien... lorsque tu m'as remplacé ces derniers jours... ou encore pour le baptême de Coeur de Lynx... j'en ai entendu parler, tu sais. J'étais si fier de toi. Je suis si fier de toi. »

Il était fier, mais de quoi ? Tout ce qu’elle était, c’était lui qui l’avait forgé. Il lui avait appris à réagir face aux situations, à se battre, à réfléchir, à s’ouvrir aux autres aussi, parfois.
Cependant, elle n’objecta pas, se contentant de l’écouter, de s’imprégner de sa voix, son essence, ses dernières paroles, de profiter de la chaleur de son museau qui perçait à travers son épaisse toison.

« Je ne vous abandonnerai jamais, Écaille d'Or. Lorsque viendra le moment de venir chercher tes neuf vies... je t'attendrais, à la Pierre de Lune. Et j'espère avoir l'honneur de te donner la mienne! Si jamais ce n'est pas le cas, crois moi, je ferais scandale. Avec cette vie, je serais toujours avec toi. Je t'accompagnerai en chaque pas. Et si un jour tu doutes, si un jour tu es incertaine, je serais là. Dans tes victoires et tes défaites, je serais là. » Sa toux fit vibrer le crâne de la guerrière, appuyée sur son flanc. Elle redressa la tête, piochant dans la truite qu’il lui tendait. Mais elle n’avait aucun goût, aucune saveur. « Je suis désolé de t'imposer ça, Écaille d'Or... mais je sais, je sais que tu sauras mener ce Clan mieux que personne. » N’avait-elle pas dit ça de sa personne, elle aussi ? Que personne, personne et surtout pas elle ne serait un meneur aussi juste et courageux qu’Étoile de Pierre. « Tu as fait face à tout ses déboires, tout ses échecs... tu sauras comment réparer ses blessures. Il suffit juste... que tu aies davantage confiance en toi. Malgré les apparences, malgré ce sentiment de solitude, tu ne seras jamais seule. Le Clan tout entier sera là, à tes côtés. Je sais que tu peux le faire. Je sais que tu peux devenir la plus jeune et la plus brillante des Étoiles de Cerfblanc. »

Le compliment toucha son cœur de plein fouet. Il le savait, il en était sûr, et dans ses derniers instants, il lui soufflait sa requête, lui soufflait de diriger le clan avec justesse et parcimonie, lui soufflait de le croire, de lui faire confiance… une dernière fois.
Étoile de Pierre ne lui avait jamais menti, ne l’avait jamais déçue. Ils avaient traversé tant d’événements ensemble et elle s’était toujours sentie honorée de porter sa confiance et d’être si proche de lui. C’était un grand chat qu’elle avait toujours admiré, qu’elle admirerait toujours. Avoir fait parti de son cercle de proches avait été une chance extraordinaire qu’elle ne saurait gâcher.

« Je ferai de mon mieux, Étoile de Pierre… Que les étoiles en soient témoins, je t’en fais le serment. » Miaula-t-elle à voix basse, enfouissant sa truffe dans son encolure.

Ce n’était pas des paroles en l’air, mais elle savait qu’elle pouvait les prononcer : le reste de sa vie serait dévoué au clan de la Rivière, à sa prospérité, sa sécurité et à rien d’autre. Son cœur resterait pur, loin des tentations qui n’entraient pas dans le code du guerrier. Et jusqu’à ce qu’ils la rappellent à eux, elle défendrait l’honneur et la tradition de ses ancêtres, d’Étoile du Corbeau, d’Étoile de Pierre et de tous ces chats qui avaient foulé la terre bien avant sa naissance.

Elle ne sanglotait plus, son corps n’était plus agité de soubresauts qui lui donnaient des hoquets, faisaient trembler sa voix. Seules ses larmes coulaient encore, silencieuses.

Ses pensées rejoignirent celle d’Aigue-Marine qui là-haut attendait son bien-aimé, celles de Petite Améthyste aussi. Ils avaient été séparés depuis si longtemps, Écaille d’Or n’avait plus le droit de le retenir.
Elle l’aimait de tout son cœur, comme un père. Il avait été le chat le plus important à ses yeux, son guide dans le brouillard et personne, non jamais personne ne pourrait détrôner la place qu’il avait dans son cœur. Mais il était temps pour lui de partir, c’était sa dernière confidence.
Étoile de Pierre était mort en même moment où sa belle rejoignait les étoiles, mais prisonnier de son serment, il avait été condamné à errer sur terre, l’âme en peine.

« Tu ne peux décemment pas rejoindre les clan des Étoiles dans cet état... » Elle s’était trompée : sa voix tremblait encore.

La guerrière renifla, se força à garder un peu de décence et de courage pour affronter ce qu’elle aurait bientôt à vivre. Qu’est-ce qu’Étoile de Pierre allait retenir de ses derniers instants en sa compagnie ? Une guerrière pleurnicharde et détruite ? Elle ne dirigerait pas un clan avec des pleurs et des sanglots.
Pourtant, malgré toute sa volonté, ses larmes ne cessèrent de s’échapper de ses yeux, et c’est la vision brouillée qu’elle étendit son cou pour lisser la fourrure de son meneur et père, en extirpant la poussière et la saleté qu’il avait laissé s’accumuler depuis des lunes.

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Dans le calme silencieux de la pouponnière, Étoile de Pierre sentait la mort l'appeler. Ses vies restantes données par ses camarades disparus il y a plusieurs lunes de ça devaient retourner à leurs détenteurs originaux.
Il n'avait pas peur. Il n'était pas triste. Bientôt, il donnerait lui-même la sienne à celle qu'il chérissait comme étant sa propre fille.
Quelles vies lui restait-il? Cinq lui avaient été arrachées. Il rejoindrait donc les Étoiles avec celles d'Écaille de Carpe, son père; Croc Acéré, son mentor; Feuille d'Algue; une camarade d'apprentissage, et enfin celle de Nuage d'Or. Son meilleur ami. Il ne partirait pas seul.
Comme si son esprit quittait petit à petit le monde des vivants pour rejoindre sa prochaine demeure, il lui semblait pouvoir entendre leurs murmures.

Mais son esprit se tourna vers son Clan et chacun de ses membres. Il aurait tant aimé s'en aller les rencontrer, ne serait-ce qu'une dernière fois. Il aurait tant aimé s'excuser auprès de ceux qu'il avait blessé, et le Clan des Étoiles lui-même savait qu'ils étaient nombreux. Dans son malheur, il les avait trop négligé et au final, il se rendait compte qu'il ne les connaissait que trop peu.
Étoile de Pierre savait qu'il n'en aurait pas l'occasion, et qu'au fond, il était inutile de se morfondre à ce sujet. Au fond, en nommant Écaille d'Or en meneuse, il leur offrait plusieurs lunes de paix, de stabilité et de prospérité. Serait-il suffisant pour se faire pardonner?
Il poussa un léger soupir. On ne choisi pas qui vit, qui meurt, qui raconte ton histoire.
La haine que lui portaient certains des siens étaient relativement justifié. Il ne leur en voulait pas. Il ne leur en avait jamais voulu.

- Je ferai de mon mieux, Étoile de Pierre… lui répondit Écaille d'Or. Que les étoiles en soient témoins, je t’en fait le serment.

Il lui adressa un sourire, gardant le silence. Il écoutait son Clan dans ses derniers instants. Que faisaient-ils, alors qu'il s'en allait? Ils faisaient vivre le Clan, à n'en pas douter. Pourquoi devraient-ils s'inquiéter? Tous portaient pleinement confiance en leur prochain chef. La vie continuerait après son départ. Le Clan de la Rivière vivrait encore longtemps.
Silencieusement, il adressa une pensée à chacun d'entre eux, s'imaginant ce qu'ils pourraient bien faire.

Jolie Abeille discutait peut être avec les apprentis.
Papillon Blanc partageait un moment avec Pluie Battante, tandis que Cœur de Bruine leur jetait une oeillade mauvaise.
Pelage de Crème était sans doute en train de pêcher. Il se rappelait encore de cet entrainement qu'il avait partagé avec Nuage d'Écaille... Saumon Vif était-il avec lui?
Brasier Glacial participait-il à une partie de chasse aux côtés de Douce Orchidée? Qu'elle profite de son repos largement mérité.
Pie Curieuse? Il l'imaginait discuter avec Cœur de Ronce, tandis que celui-ci s'entrainait, comme souvent, en solitaire.
Cœur de Lynx patrouillait peut-être. Il avait toujours admiré sa loyauté et sa détermination. Il ferait un bon mari pour Écaille d'Or, pensa Étoile de Pierre dans un sourire niais.
Son frère, Merle Noir, complotait à tout les coups pour devenir le prochain meneur du Clan. Mettrait-il des bâtons dans les roues de la douce femelle rousse? Elle ne se laisserait pas faire, il n'en doutait pas.
Nuage d'Émeraude se baladait-elle avec Nuage de Blaireau? Il lui souhaitait de s'assagir avec le temps, sa fougue pourrait lui jouer des tours.
Nuage d'Opale? En train de faire la sieste avec Nuage de Méduse, à n'en pas douter.
Nuage de Hyène et Nuage de Nuit jouaient peut être ensemble, avec Nuage d'Ambroisie? Il ne doutait pas qu'un jour viendrait où tout les trois deviendraient d'excellents guerriers.
Qui reprendrait l'entrainement de Nuage d'Édelweiss? C'était une guerrière prometteuse. Étoile de Pierre faisait parfaitement confiance à Écaille d'Or pour lui trouver un mentor à sa taille. Meilleur qu'il n'aurait pu l'être dans ses vieux jours, ça ne devrait pas être très difficile...
Nuage de Jaspe se ventait à tout les coups de ses derniers exploits à Nuage de Quartz. S'ils pouvaient se partager un peu de leur machisme et leur douceur, ces deux là...
Les petits de Matin Embrasé grandissaient sans doute doucement mais surement, aux côté de Perche Farouche et des chatons qu'il avait lui-même eut avec Eau Turquoise.
Comment allait-il, d'ailleurs? Les deux félins ne s'étaient jamais portés dans leur cœur, et il se demandait comment se dérouleraient leurs retrouvailles au Clan des Étoiles.
Nuage de Taupe? Il lui pardonnait.

Écaille d'Or avait commencé une toilette minutieuse du vieux meneur alors qu'il adressait une dernière pensée aux siens. Il était vrai qu'Étoile de Pierre se trouvait en piteux état...

- Tu ne peux décemment pas rejoindre les clan des Étoiles dans cet état... lui avait-elle dit.

Elle acceptait son départ. Il en fut tellement, tellement soulagé.
À mesure qu'elle retirait la poussière de son corps, Étoile de Pierre avait la sensation de se faire plus léger. Il partait, lentement. Son heure était venue.
Le félin gris-bleu releva la tête dans ce qui était pour lui un effort phénoménal pour venir presser son museau contre le pelage roux de son apprentie. S'il voulait lui adresser ses derniers mots de son vivant, alors le moment était venu.

- Je suis heureux d'avoir eu la chance d'être ton père, murmura-t-il. On se reverra demain, à la Pierre de Lune...

Doucement, Étoile de Pierre reposa sa tête contre son nid de mousse fraiche. Son regard se porta vers la sortie de son antre. Il ne voyait plus rien, à l'exception de cette lumière vive qui émanait depuis l'extérieur.

- Merci, pour tout, lui dit-il dans un dernier soupir.

Et il ferma les yeux.

Spoiler:

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#288BA9
Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end TYxoo7b

Source et ses (nombreux) enfants, par Chicken !!
Avatar par Nix :keur:

Autres signas:

Ancien perso:

◊ Meneuse

Et lentement, tout en douceur, à mesure que sa langue râpeuse glissait sur le poil terne de son meneur, de son père, elle sentit le corps de ce dernier s'affaisser. Sa chaleur, lentement quittait son corps en même temps que son âme.

Écaille d'Or aurait voulu s'arrêter, secouer le corps frêle d'Étoile de Pierre pour le ramener parmi les vivants ; le supplier, encore une fois. Mais elle savait qu'elle ne le pouvait pas, elle n'avait pas le droit de décider qui devait vivre, pas plus de qui devait mourir. Seules les Étoiles étaient maîtresses de la destinée de chacun. Et c'est à ce moment là que la futur meneuse prit la première décision qui régirait son clan, et l'une des plus importantes : il n'y aurait plus de peine de mort, sauf en cas de faute extrêmement grave.

Étoile de Pierre semblait s'endormir et ses forces, le quittant peu à peu, semblaient se transférer droit dans les larmes d'Écaille d'Or, qui elles redoublaient d'intensité à mesure qu'elle le sentait partir.
Son meneur puisa dans ses dernières forces pour lui faire un dernier adieu. Relevant la tête avec difficulté, il enfouir sa truffe dans l'épais pelage de sa fille.

« Je suis heureux d'avoir eu la chance d'être ton père. On se reverra demain, à la Pierre de Lune... »

Il l'avait dit, ce que tout d'eux n'avaient jamais osé, intensifiant les pleurs de la guerrière : il avait été son père, elle avait été sa fille. La fille la plus comblée qu'il y avait pu avoir dans ce bas monde, elle en était sûre. Il avait été le père dont elle avait toujours rêvé, sincère, droit, honorable, courageux. Il ne l'avait jamais ménagée, avait placé tous ses espoirs en elle et c'était tout ce qu'elle avait toujours voulu. Étoile de Pierre avait fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui, il l'avait façonnée.
Il avait rempli le rôle que Rivière Sombre n'avait pas pu remplir. Quelle tristesse pour son vrai géniteur : il n'aurait jamais l'occasion de réaliser l'ampleur de l'amour qu'elle pouvait avoir pour quelqu'un, l'amour qu'elle avait eu et qu'elle aurait à jamais pour Étoile de Pierre. Un amour de père à enfant, c'est tout ce dont elle avait eu besoin.
On ne choisissait pas sa famille et c'était vrai. Étoile du Corbeau avait décidé pour eux et les Étoiles s’étaient chargées du reste.

Et mettant tout son cœur, tout son amour dans ce toilettage, veillant à le rendre le plus agréable possible pour le défunt, cette pensée acheva de la décider : elle n'avait plus le droit de le retenir. Les Étoiles lui avaient déjà offert le loisir d'aimer, aimer si fort que la perte était douloureuse, mais le bonheur qu'elle avait eu aux côtés d'Étoile de Pierre et d'Aigue-Marine, lui offrant une place privilégiée au cœur même de leur famille, ce bonheur là valait tous les trésors du monde. Les Étoiles lui avaient offert le plus beau cadeau qu'elles auraient pu lui faire.

« Merci, pour tout » La voix d'Étoile de Pierre n'était plus qu'un souffle, un mince filet d'air qui s'échappait de sa gueule entrouverte.

« Merci à toi... pour tout ce que tu m'as apporté... » Sanglota-t-elle. « Fais bon voyage... Je... »

Une larme s'échappa encore, roula sur sa joue avant de s'écraser contre le corps tiède du meneur.

« Je... » Elle butait, butait sur ces dernier mot qu'elle n'avait jamais réussi à dire à personne. Les larmes n'arrangeaient rien, mais elle devait le dire. Maintenant. « Je t'aime, papa... »

Et sa truffe mouillée vint s'enfouir dans le corps inerte d'Étoile de Pierre. Il n'était déjà plus là, elle le savait. Elle sentait son âme s'envoler dans le ciel.

Mais peut-être, dans son voyage, avait-il réussi à percevoir ces trois mots...

***

Elle ne savait dire combien de temps elle était resté près du corps du défunt. Un instant ? Une heure ? Plusieurs ? Quoiqu'il en soit, lorsqu'elle ouvrit ses paupières collées par ses larmes sèches, Étoile de Pierre était gelé. Il ne faisait aucun doute qu'il avait rejoint la Toison Argentée et qu'il profitait de ses retrouvailles avec Aigue-Marine et sa fille qu'il avait si peu connu : Petite Améthyste.

Écaille d'Or se releva péniblement, abattue par le poids du deuil, et se déplaça jusqu'à l'entrée de la tanière du chef. Sa tanière, dorénavant, bien qu'elle ne ressentait aucune envie d'y dormir.
Le pas lourd, elle passa la barrière de lierre, qui glissaient sur son poil comme une dernière étreinte d'Étoile de Pierre, lui donnant du courage. La journée était déjà bien avancée mais pourtant, la lumière lui agressa les yeux.

Elle ne se sentait pas l'âme d'annoncer la mort du chef, pas plus que d'annoncer sa prise de pouvoir, mais elle se devait de remplir la dernière requête d'Étoile de Pierre, n'ayant pas pu assurer celle d'Aigue-Marine, après son décès. Alors, le cœur lourd, elle sauta sur le promontoire et balaya la place du regard, attendant que les premiers curieux s'approchent, en attirant d'autres. Elle n'avait aucune légitimité à se trouver ici, à la place d'Étoile de Pierre.
Elle ne pleurait plus, mais ses yeux gonflés étaient rouges et sur ses joues restaient les traces des sillons qu'avaient creusé ses larmes. Les plus perspicaces comprendraient sans qu'elle ait besoin de parler.

« Étoile de Pierre est... » Sa voix se cassa alors que son regard croisait celui de Nuage d'Opale et Nuage d'Émeraude. « Étoile de Pierre a rejoint le Clan des Étoiles. Il chasse désormais à leurs côtés... »

La tristesse s'entendait dans son timbre, elle n'était pas dupe. Mais qui voudrait d'un chef jeune et inexpérimenté, qui en plus ne savait pas réagir face à la mort ?
Elle se redressa pour se donner un peu de constance : exposer ses faiblesses à tous, elle haïssait ça.

« La veille, Douce Orchidée lui a confié son souhait de se retirer du poste de lieutenante. Nous avons tous souffert de l'arrivée des Lunar Pod, nous ne pouvons donc que respecter son choix et lui souhaiter un prompt rétablissement. » Elle chercha des yeux le regard de son aînée, partageant sa douleur, puis reprit à l'attention de toute l'assemblée : « Avant de s'éteindre, Étoile de Pierre m'a confié une dernière requête... Celle de reprendre la direction du clan de la Rivière... à sa place... »

La phrase lui écorcha la bouche. Elle avait peur, si peur de perdre ses filleules comme elle avait failli perdre Étoile de Pierre, plusieurs lunes plus tôt, lorsqu'il avait remplacé son père disparu dans son rôle de lieutenant.

« Je comprends votre méfiance, » Elle prenait les devants avant de devoir supporter les regards réticents qui se poseraient sur elle. « Je suis jeune et je manque d'expérience mais je ferai de mon mieux pour remplir la tâche qui m’a été confiée... Museau Bleu ? »

Elle chercha la vétérante des yeux, le choix était tout trouvé pour elle. Lorsqu'elle son regard se posa sur elle, dans l’Assemblée, elle put reprendre d'une voix douce, presque suppliante.

« J'aimerais, si tu es d'accord, que tu me secondes en tant que lieutenante. Tu es sage et mature, ton expérience compensera mon jeune âge. » Des yeux, elle chercha le soutien de son nouveau bras droit avant de détourner son regard pour trouver celui de la petite apprentie blanche. « Nuage d'Edelweiss, c'est Plume de Coton qui se chargera de terminer ton apprentissage. » Elle se tut avant de reprendre la parole un peu plus fort, afin que tous l’entendent nettement. « Nous enterrerons Étoile de Pierre ce soir. D’ici là, vous pouvez allez vous recueillir près de lui. Cependant... » Annonça-t-elle avant que tous ne se détournent pour aller faire la queue devant la tanière du chef : « Je vous prierais de légitimement laisser la priorité à sa famille. » Pause. « Quant à moi... je me rendrais à la Pierre de Lune dès demain. Nuage des Ruisseaux, Cœur de Lynx et Nuage d'Émeraude m'accompagneront. »

Sur ces mots, elle sauta au pied du promontoire, bien contente de se dérober à son nouveau rôle. Elle s'habituerait... peut-être.

HRP:

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#955252

AVATAR & SIGNA (c) NIX (Nuage de Méduse)

LasignaturequeSélétrouvemochemaisquiestpasmoche:

▬ Guerrière

Douce Orchidée était assise au milieu du camp lorsqu'elle vu Ecaille d'Or ressortir de la tanière d'Etoile de Pierre. Elle voulut la rejoindre pour avoir des nouvelles, mais la femelle tigrée ne lui en laissa pas le temps. Cette dernière se rapprocha du promontoire avant d'y bondir, qu'est ce qu'il se passait donc? Ce n'était pas normal, et en regardant le visage de la femelle, Douce Orchidée comprit bien trop tard qu'une catastrophe était arrivée. Elle semblait si fatiguée. Et Etoile de Pierre qui n'était toujours pas ressorti de sa tanière. Douce Orchidée savait trop bien la suite. Tandis que le reste du clan se rapprocha, la féline resta fixer Écaille d'Or du bas du promontoire. Les crocs serrés.

« Étoile de Pierre est... » C'était le début de la fin pour Douce Orchidée. « Étoile de Pierre a rejoint le Clan des Étoiles. Il chasse désormais à leurs côtés... »

Douce Orchidée cessa un instant de respirer, comme si on venait de la poignarder, comme si on venait de lui serrer le cœur. Elle baissa les yeux, regardant le sol, n'osant pas affronter les réactions des autres. A vrai dire, c'était très silencieux, personne ne disait mot. C'était horrible. Et pourtant, ça ne faisait que commencer. La féline releva ses yeux vers la guerrière rousse, cette dernière regardait droit devant elle. Elle avait déjà l'allure d'une meneuse pour son si jeune âge. C'était écrit. Et enfin..

« La veille, Douce Orchidée lui a confié son souhait de se retirer du poste de lieutenante. Nous avons tous souffert de l'arrivée des Lunar Pod, nous ne pouvons donc que respecter son choix et lui souhaiter un prompt rétablissement. » L'intéressée leva ses yeux verts qui commençaient à laisser couler les larmes. Les deux femelles se croisèrent du regard. « Avant de s'éteindre, il m'a confié une dernière requête... Celle de reprendre la direction du clan de la Rivière... à sa place... »

Et voilà. La suite, Douce Orchidée l'a connaissait déjà. C'était écrit à l'avance, elle n'aurait jamais pu reprendre les reines, elle n'aurait jamais pu devenir la meneuse du clan de la Rivière. Et pourtant, ces quelques mots vinrent lui déchirer le cœur, même si elle avait elle-même annoncé sa décision la veille. Et bientôt elle n'allait plus pouvoir se retenir.

« Je comprends votre méfiance, » Pause. « Je suis jeune et je manque d'expérience mais je ferai de mon mieux pour remplir la tâche qui m’a été confiée... Museau Bleu ? »

Entendre les paroles de la nouvelle meneuse était un supplice, même si elle avait elle-même demandé sa démission, c'était dur à entendre. Elle devait encaisser la mort de son chef, et en plus la perte de son rang devant le clan entier. Elle n'aurait jamais pensé tout perdre aussi rapidement, mais finalement si. Elle venait de perdre une partie de ce qui la rendait la plus heureuse, essayer d'aider son clan et tenter de rendre fière son chef. Mais elle avait échoué. Et voilà maintenant, elle se faisait remplacer par son amie, qui était bien plus apte à pouvoir jouer ce rôle. Elle était contente pour elle, mais triste de ne pas avoir su être une bonne lieutenante. Elle était déçue d'elle-même, et elle se dégoûtait.

« J'aimerais, si tu es d'accord, que tu me secondes en tant que lieutenante. Tu es sage et mature, ton expérience compensera mon jeune âge. » Elle avait les yeux rivés sur Museau Bleu avant de passer à une apprentie. « Nuage d'Edelweiss, c'est Plume de Coton qui se chargera de terminer ton apprentissage. » Nouvelle pause. « Nous enterrerons Étoile de Pierre ce soir. D’ici là, vous pouvez allez vous recueillir près de lui. Cependant... » Douce Orchidée jeta un coup d'oeil vers la tanière de son chef en serrant les crocs. « Je vous prierais de légitimement laisser la priorité à sa famille. » Bien évidemment.. . « Quant à moi... je me rendrais à la Pierre de Lune dès demain. Nuage des Ruisseaux, Cœur de Lynx et Nuage d'Émeraude m'accompagneront. »

Ecaille d'Or quitta le promontoire. Et Douce Orchidée resta planté là, elle sentait les autres se diriger vers la tanière du défunt, prêts à faire la queue. Finalement, elle avait fait tout ça pour rien. Tout ça pour rien, et maintenant elle venait de perdre beaucoup. D'un claquement de doigts, tout s'était envolé. Ses espoirs et sa joie, Ecaille d'Or était devenue meneuse, et Museau Bleu venait de la remplacer comme si rien de ce qu'elle avait pu faire ne s'était produit. Comme si finalement, Douce Orchidée n'avait jamais été sacrée lieutenante. Même si elle l'avait été, qu'est ce qu'elle avait réellement fait pour subvenir aux besoins du clan ? Pour réussir à l'amener loin ? Rien, elle n'avait rien fait de bien, elle était déçue de son parcours. Ce jour là, lorsqu'Etoile de Pierre l'avait sacré lieutenante, elle aurait du refuser. Ce boulot n'était pas faite pour elle, et elle s'en était rendue compte bien trop tard. Elle avait été trouvé Etoile de Pierre bien trop tard. Certes elle était contente pour ses collèges, c'était évident. Mais sur le moment, elle se sentait si nulle.. Finalement, elle se sentait inutile, elle l'avait été hier et elle allait encore l'être demain. En plus de cela, son chef était parti rejoindre le clan des Etoiles, et elle n'avait pas pu lui dire au revoir comme elle l'aurait souhaité. Même si Etoile de Pierre n'avait jamais peut-être porté dans son cœur l'ancienne lieutenante, elle, l'avait toujours beaucoup apprécié et surtout idolâtré. C'était quelqu'un quelle avait beaucoup aimé, et pour qui elle avait eu beaucoup de respect. Douce Orchidée finit par se redresser et partir la tête baissé vers un coin plus reculé du camp. Elle n'avait pas l'envie de voir la foule, ou de dire au revoir à Etoile de Pierre, et de toute façon la famille était prioritaire et elle ne méritait pas de voir son chef une dernière fois. Maintenant, elle pouvait pleurer en paix. Et elle se mit à pleurer comme une enfant. Pour elle, ces 12 dernières lunes n'avaient servi à rien.. Elle se sentait bien seule sur le moment.

HRP:

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Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end Gx6i

Merci Uwny elle est très jolie :heart:

Et merceee :

MA PROGÉNITURE PAR TOP :

Douce Orchidée s'exprime en 3E8E97

♪ Apprentie

L'automne s'était bien installé, avec ses feuillages colorés, sa lumière plus douce et pourtant flamboyante sur chaque éclat rouge, orange ou or, ses températures qui se faisaient plus froides, et le vent qui jouait dans les tas de feuilles mortes comme dans les fourrures. C'était une saison particulièrement magnifique, que Museau Bleu affectionnait, et ce jour-là, ayant déjà pêché et patrouillé, elle prenait un peu de temps, assise avec une proie, pour manger et contempler les paysages familiers. Elle vit passer Écaille d'Or, portant un poisson à leur meneur, Étoile de Pierre, vision qui la fit sourire doucement, tandis que plus loin, des voix d'apprentis lui apprenaient une sortie pour chasser. Mais la vétérane, elle, restait installée devant la tanière des guerriers, apaisée. La guerre finie, la vie pouvait reprendre, et cette fois, quoique teintée d'amertume, elle lui semblait plus douce que jamais, dans ce clan qu'elle aimait, et pour lequel elle avait risqué sa vie. Elle leur aurait offert, s'il l'avait fallu... Étrangement paisible à cette idée, Museau Bleu secoua la tête avec autodérision, et songea, au fond d'elle-même, qu'elle avait bien changé; elle le sentait; elle n'était plus la jeune apprentie ou la nouvelle guerrière, se battant pour qu'on reconnaisse sa valeur, affamée d'affection, de fierté, assoiffée de vie. Non, aujourd'hui, elle n'avait rien à prouver, et acceptait les décisions du Clan des Étoiles... Même si sa vie devait s'achever. - Pas qu'elle se sente mal, elle n'était pas malade et ses blessures cicatrisaient bien, n'étant du reste pas trop grave. Mais un jour, bien sûr, elle aussi irait chasser dans la Toison Argentée, rejoignant la voûte céleste qu'elle avait passé tant de nuits à admirer. Un jour, oui. Mais pas aujourd'hui. Alors elle ferma les yeux, et laissa les rayons du jour caresser sa fourrure. L'eau chantait, le vent soufflait. Tout allait bien.

*****

Ce fut une étrange agitation qui la tira de ses pensées; un bruit, parvenant de l'antre de leur chef. Aussitôt, Museau Bleu rouvrit les yeux, et la vision qui lui parvint rendit toute parole inutile: Écaille d'Or, les yeux rougis de larmes, sortait seule, les épaules semblant porter le poids du ciel, pour se hisser d'un bond sur le Promontoire. La vétérane s'approcha, se débarrassant au passage des petits restes de sa proie, qu'elle avait finie auparavant, et qui à présent, avait un goût de cendres. Étoile de Pierre n'était plus, la gracieuse femelle à la pelisse de sable et d'écume le devinait sans peine. Et soudainement, les couleurs ne comptaient plus. La lumière semblait baisser. Et il restait la toute jeune guerrière, là-haut, endeuillée et hésitante - Museau Bleu était presque tentée de lui faire un câlin. Elle resta silencieuse, écouta l'Assemblée, oubliant les fourrures derrière elle, pressées; détourna la tête, même: une feuille morte se détacha d'une branche, pour tournoyer lentement jusqu'au sol dans le vent. Son épaisse fourrure protégeait bien la guerrière aguerrie mais à cet instant... Il faisait presque froid. Étoile de Pierre n'était plus, et la fille de la rivière voyait s'achever le règne du troisième meneur qu'elle ait connu. Elle vivait pour voir les autres partir. Elle n'était pas proche de leur ancien meneur, mais... Elle eut malgré tout un pincement au cœur.

« Étoile de Pierre est... » La voix d'Écaille d'Or se brisa, son regard se posant sur les apprenties au nom de pierres précieuses. « Étoile de Pierre a rejoint le Clan des Étoiles. Il chasse désormais à leurs côtés... »

C'était vrai. Il rejoignait enfin Petite Améthyste, arrachée trop tôt, et Aigue Marine, qui avait tant souffert. La petite famille méritait bien ce bonheur... C'était simplement difficile pour ceux qui, eux, restaient. Pour la jeune guerrière du haut de son perchoir plus que pour tous, peut-être. L'ancienne apprentie d'Étoile de Pierre avait la voix vibrante de chagrin. Et pourtant... Sa fierté la fit se redresser pour la suite de l'Assemblée. Museau Bleu, prunelles jade fixées doucement sur elle, l'écoutait, soutien silencieux, son regard brillant d'une lueur de surprise muette à l'entente de la suite, et du dernier souhait de ce grand mâle bleu qu'elle avait respecté. De la surprise, parce qu'Écaille d'Or était jeune. Très jeune. Trop jeune, peut-être, diraient certains. Et ce, même si cette journée semblait l'avoir faite vieillir de vingt lunes. De la surprise mêlée de tristesse, et de tendresse pour l'ancienne lieutenante, aussi.

« La veille, Douce Orchidée lui a confié son souhait de se retirer du poste de lieutenante. Nous avons tous souffert de l'arrivée des Lunar Pod, nous ne pouvons donc que respecter son choix et lui souhaiter un prompt rétablissement. » Museau Bleu approuva, cherchant du regard son amie dans la foule. Pauvre, pauvre Orchidée. Elle avait bien souffert de toute cette guerre... « Avant de s'éteindre, il m'a confié une dernière requête... Celle de reprendre la direction du clan de la Rivière... à sa place... »

Des murmures ne tarderaient pas à s'élever, des objections, peut-être. La rousse avait anticipé, sa voix un peu basse mais claire et audible, pleine de détermination. À cet instant, Museau Bleu pensa que, oui, peut-être Étoile de Pierre avait-il bien choisi. Écaille d'Or avait beaucoup à apprendre, mais elle avait une étincelle en elle, qui ferait d'elle, sans doute, une bonne meneuse. Du moins, si elle savait accepter aide, conseils, et aussi prendre le pas sur l'orgueil de certains...

« Je comprends votre méfiance, » Elle prenait les devants avant de devoir supporter les regards réticents qui se poseraient sur elle. « Je suis jeune et je manque d'expérience mais je ferai de mon mieux pour remplir la tâche qui m’a été confiée... Museau Bleu ? »

La vétérane sentit son cœur manquer un battement, mais fit un pas en avant et chercha le regard de sa cadette.
Elle avait très bien compris ce qu'Écaille d'Or attendait d'elle, et cherchait déjà en elle la réponse. Dans son cœur.
Elle aurait voulu refuser. Ne serait-ce que pour Douce Orchidée, son amie, sa jolie fleur, qui devait souffrir de tout ça.
Même si renoncer avait été son choix, cette dernière devait se sentir bien seule. Museau Bleu aurait voulu dire non.
Elle aurait voulu dire non, aussi, parce que tout ça la prenait par surprise. Écaille d'Or n'en avait pas discuté avec elle, avant.
Elle aurait voulu dire non parce que l'antre du chef et le promontoire lui rappelaient cruellement Étoile Pâle et Étoile du Corbeau.
Bien sûr qu'elle avait toujours voulu s'améliorer, prouver sa valeur, dans un Clan autrefois misogyne. Mais elle ? Lieutenante ?
Elle comprit malgré tout qu'au fond, elle n'avait pas le choix. Étoile de Pierre mort, Écaille d'Or était seule. Son entourage, jeune.
Et après la guerre, le Clan devait se remettre. Refuser devant eux tous... C'aurait perturbé encore un peu les choses.
Elle devait dire oui. Pour son Clan, pour la jeune guerrière qui le lui demandait. Malgré Douce Orchidée. Malgré les souvenirs.
La voix douce, presque suppliante, confirma ses pensées et fit pencher la balance. Elle prit son choix.

« J'aimerais, si tu es d'accord, que tu me secondes en tant que lieutenante. Tu es sage et mature, ton expérience compensera mon jeune âge. »

Museau Bleu hocha doucement la tête, sans relever les compliments, qui l'auraient peut-être faite sourire en d'autres circonstances, mais qui à cet instant lui coûtaient bien trop, puis choisit de donner voix à ce qu'elle venait de décider. Elle n'abandonnerait pas la jeune chatte éplorée, et si la plus jeune Étoile de Cerfblanc avait besoin d'elle, alors elle serait là. Clan des Étoiles, je vous fais confiance... Toujours...

« J'accepte, Écaille d'Or. Je serais honorée d'être ta lieutenante. »

Et la nouvelle future meneuse de reprendre, assumant sa charge avec courage et distribuant les tâches comme il le fallait, attribuant un mentor à l'apprentie blanche qui venait de perdre le sien, et haussant la voix pour parler au Clan entier de la cérémonie:

« Nuage d'Edelweiss, c'est Plume de Coton qui se chargera de terminer ton apprentissage. Nous enterrerons Étoile de Pierre ce soir. D’ici là, vous pouvez allez vous recueillir près de lui. Cependant... Je vous prierais de légitimement laisser la priorité à sa famille. »

Pause.

« Quant à moi... je me rendrais à la Pierre de Lune dès demain. Nuage des Ruisseaux, Cœur de Lynx et Nuage d'Émeraude m'accompagneront. »

Et elle bondit du rocher, annonçant la fin de l'Assemblée, tandis que tous s'alignaient devant la tanière d'Étoile de Pierre - non, d'Étoile d'Or, à présent, bientôt, pensa Museau Bleu, observant la foule sans s'y mêler, d'abord. Elle irait, plus tard, mais elle voulait être seule pour le veiller, lui souhaiter une bonne chasse au Clan des Étoiles, lui dire tout à la fois merci et au revoir. Merci, une dernière fois, d'avoir protégé son secret, Méduse, Blaireau et Ambroisie. Merci à ce chef dont elle n'avait pas été proche, mais qu'elle avait estimé, et qui l'avait respectée. Merci de ne pas l'avoir jugée. Elle avait aussi une promesse à lui faire... Veiller sur son ancienne apprentie, qui prendrait demain sa place. Il y aurait un temps, pour tout cela. Mais avant... La guerrière beige et grise aux yeux vert jade tourna le dos au Clan, balaya la clairière pour trouver une fourrure. La rousse et crème, toute seule, semblait bien isolée. Plus seule que jamais. Museau Bleu savait qu'il y aurait un temps pour pleurer la mort; pour l'instant, il valait peut-être mieux consoler les vivants. Alors elle s'approcha, en quelques pas, et vint effleurer la fourrure d'Écaille d'Or en un mouvement réconfortant.

Tu n'es pas seule.

« Ne t'inquiètes pas, je serai là pour t'aider, tu le sais. Pars sans crainte, demain, pour la Pierre de Lune. Et crois en toi, tu feras une bonne étoile. Mais... » L'aînée marqua une pause pour chercher les mots justes. « Écaille d'Or, être meneuse, ça ne veut pas dire être sans faiblesses ou sans émotions. » Elle ajouta une dernière phrase, accompagnée d'un sourire peiné, mais bien encourageant. « Demain, tu seras Étoile d'Or et nos ancêtres te donneront neuf vies. Je n'ai pas le pouvoir d'un aussi précieux cadeau, mais je peux faire ceci: aujourd'hui, sois encore ce que tu es - une jeune guerrière endeuillée qui a perdu quelqu'un. Pleure, pleure tout ce que tu as à pleurer. Prends le temps pour ta peine. Sois présente pour tes proches, si tu le désires. Mais surtout, repose-toi, prends soin de toi. Je n'ai pas neuf vies à t'offrir, seulement quelques heures, et de l'écoute si tu en as besoin. Mais le rôle de cheffe peut attendre à demain. D'accord ? »

Avec tendresse, la vétérane accompagna ces mots de quelques coups de langue sur la fourrure de sa nouvelle meneuse, lui faisant une toilette légère puis posant son museau taché de bleu sur l'épaule de la jolie femelle. Un geste d'affection et de respect, aussi. Une allégeance muette, après tous ces discours. Une présence, simplement. Puis Museau Bleu détourna la tête, avec un dernier regard pour la file de félins qui, tour à tour, venaient saluer Étoile de Pierre, signant la fin d'une ère. Écaille d'Or n'était pas la seule vivante à devoir être consolée...

« Excuse-moi. » murmura-t-elle à celle-ci. « Je reviens, et je suis là si tu as besoin de moi. »

Mais pour l'instant, au diable le rôle de lieutenante.
Elle voulait... Elle voulait juste trouver Douce Orchidée.
La trouver, et lui dire quelle merveilleuse lieutenante elle avait été.

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Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end Vague_11

Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end Vague_13

La référence de Vague :

Merci Lou d'avoir immortalisé ma jolie muse :

Autre Mumuse :

Cuuuuute :

Δ Petit

« Hé, toi, là ! » hélà Nuage d'Émeraude en voyant passer un apprenti au bout de sa truffe. « T'as pas vu Écaille d'Or ? » Le novice fit non de la tête et s'éloigna rapidement.

Ce n'était pas le premier à qui la rouquine demandait des nouvelles de sa marraine et mentor, et ce n'était pas le premier à répondre par la négative. Mais où pouvait bien être la guerrière au poil roux clair ? Nuage d'Émeraude pesta : elle l'avait entraperçue de bon matin mais elle ne l'avait plus vue ensuite, et elle l'avait attendue au camp, sans rien faire d'autre qu'attendre que la femelle se pointe et décide de lancer l'entraînement du jour. Mais cela n'arriva pas et la journée défila, de façon lente et morose, un supplice insupportable pour l'apprentie aux grands yeux émeraudes qui était connue pour son hyperactivité.
Elle n'aurait jamais deviné qu'Écaille d'Or se trouvait au chevet de son père mourant ; elle savait qu'il n'allait pas fort, elle entendait les murmures entre les félins, mais elle ne pouvait résolument croire en la disparition prochaine de son père, et celui-ci n'avait pas vraiment expliqué à ses enfants qu'il était temps de se dire au revoir... Aussi la portée des Cailloux continuait-elle sa vie tranquillement, sans trop se soucier de ce poids qui menaçait de leur tomber dessus ; ils allaient bientôt apprendre que l'insouciance ne leur était plus réservée.
Étoile de Pierre est... Étoile de Pierre a rejoint le Clan des Étoiles. Il chasse désormais à leurs côtés... La nouvelle tomba comme une massue sur la tête de Nuage d'Émeraude, qui s'arrêta dans son élan de se diriger vers le promontoire où Écaille d'Or venait de monter. Elle venait de prononcer des paroles maudites, des paroles redoutées que l'apprentie ne voulait pas entendre, et refusait d'entendre. Mais peu importe où son esprit s'était envolé immédiatement après l'annonce de la mort de son père, Écaille d'Or continuait de parler, encore et encore. Étoile de Pierre avait exprimé son souhait de voir Écaille d'Or prendre la tête du Clan - c'était possible, ça ? - et celle-ci désirait que ce soit Museau Bleu qui la seconde - c'était possible, ça ? - sans une allusion à Douce Orchidée, l'actuelle lieutenante. Toutes ces nouvelles, aussi incongrues qu'inattendues, n'en finissaient plus de tomber comme des poids sur le corps de Nuage d'Émeraude : sa tête, ses épaules, son dos, ses flancs, et même ses pattes.
Elle était figée, debout au centre du camp, elle tremblait de tout son long et son regard, s'il était fixé sur Écaille d'Or, était aussi aveugle que celui d'un nouveau-né. Ses oreilles n'entendaient rien de plus que des murmures qui lui parvenaient avec peine, et sa bouche ne put s'ouvrir, pas même l'espace d'une seule seconde. Nuage d'Émeraude n'était plus celle qu'on connaissait, cette boule de feu hyperactive, intenable et trop bavarde.

Elle entendit à peine Écaille d'Or l'appeler pour l'escorter, le lendemain, aux Hautes Pierres, où elle entrerait en communion avec le Clan des Étoiles grâce au contact avec la Pierre de Lune. Elle qui quelques temps auparavant parlait avec Nuage d'Opale de se rendre précisément dans la Grotte de Vie, elle ne ressentait désormais plus la même excitation. À vrai dire, à présent, ses pattes la conduisaient machinalement vers la tanière du chef, la tanière de son père, qui avait été sa pouponnière lorsqu'elle était chaton. Sans attendre que quiconque ne lui en donne l'autorisation, elle en franchit le rideau de verdure, sans même sentir la caresse des lianes vertes sur son pelage, et elle avança droit sur son père, ou plutôt sur le corps de son père, ce cadavre gelé et tout dur qui était si éloigné de ce qu'elle avait toujours connu de lui.
Elle s'allongea contre ce corps dur comme de la pierre, froid comme de la neige, et elle enfouit son museau dans ce pelage bleuté et brillant, qui était le seul à conserver encore un peu de vie dans la pièce sombre et triste. Étoile de Pierre n'était plus, son pelage bleuté sombrait dans l'obscurité de la tanière, ses yeux fermés ne révélaient plus aucune trace de vie ; à côté de lui, sa fille, pleine de vie, dans la fleur de l'âge, contrastait de par son pelage éclatant et ses yeux étincelants - même si ce n'était que des larmes. L'ombre et la lumière, la lune et le soleil, la mort et la vie. L'histoire de la vie.

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Héritage [Mort d'Étoile de Pierre] -end Rivizo10

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