Ne m'attaque pas ! | feat Nuage de Nuit - abandon

Mon ventre gargouillait. Je m'écrasais comme une pierre, à l'ombre, pour me protéger de cette chaleur écrasante. Mon corps se soulevait à des rythmes réguliers quoique rapides. Je me sentais plutôt paisible. Mais je ne l'avais toujours pas retrouvé. J'étais dans l'incapacité totale de m'orienter. Tous ces nids de bipèdes se ressemblaient. Ces routes au sol goudronné, si rêche et dur sous les coussinets, étaient parfaitement identiques les unes avec les autres. Au loin, je voyais de nombreux félins, qui ne semblaient guère commodes. C'est pourquoi je n'osais pas entrer en plein cœur de la Ville. De toute manière, Perce-Neige ne m'attendait pas en son sein, mais bel et bien à l'extérieur. Mais pourquoi, alors que je faisais des tours et des tours, je n'arrivais pas à retrouver notre lieu de rendez-vous? Cela m'exaspérait quelque peu. Et j'avais si faim...

Le doux fumet d'une souris vint picoter mes narines. Mon instinct naturel me dicta de me coller au sol, et d'avancer vers elle, la queue basse, sans faire de bruit. Mais, sans aucunes connaissances de la chasse, je me plaçai exactement dos au vent. Alors, ma proie fila sans demander son reste, me laissant le ventre vide.
Je soupirai.
Puis une nouvelle odeur m'hérissa les poils. Je sursautai, et me tournai vivement pour faire face à un parfait inconnu...

Le félin était aussi noir que moi. Ses grands yeux me fixaient. Lorsqu'elle s'approcha, je reculai légèrement, me méfiant malgré son air de paix. Je la fixai d'un air inquiet.

- Salut, je n'ai pas l'attention de te faire de mal j'me promène, tu t'appelles comment ?...

Je n'en étais pas rassuré pour autant. Et pour cause, son comportement changea bursquement. Sans avoir le temps d'esquisser le moindre geste, je tombai lourdement sur le sol. Plaqué, le souffle coupé par le choc, et abasourdi par tant de violence, je n'arrivai pas même à me débattre.

- Tu fais partis des Lunars ! T'es qui pour venir pourrir nos territoires hein ? Et t'allais faire quoi comme ça, attaquer un pauvre innocent comme vous avez l'habitude de faire ? Réponds pourriture !

Les larmes se mirent à monter. J'avais faim, j'avais soif, je n'arrivais pas à trouver Perce Neige. Son attaque était la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Incapable de retenir mes sanglots, j'explosai en larmes. La haine que la femelle ressentait me heurtait brutalement. J'avais l'impression d'être un monstre, qui n'aurait pas le droit à une autre chance.

"c'est ... c'est pas ma faute..."

pourriture, pourriture, pourriture. Ce mot tournoyait dans ma tête, résonnait. Il rebondissait sur les parois fictives de mon esprit comme l'écho pour s'amplifier encore et encore, et se multiplier. Mon cerveau était sur le point d'imploser.

"je n'ai rien à voir avec ça.. j'ai jamais voulu... JAMAIS"

Elle me lâcha subitement. Je me relevai difficilement. Chaque geste semblait me demander une énergie considérable. Je reniflai bruyamment, ravalant mes larmes. L'autre demoiselle semblait réfléchir. Je devais faire deux fois sa taille, mais mon allure si misérable que même un chaton semblait avoir la force suffisante pour me briser en deux.

- Attends moi là, j'reviens.

Que faire? Risquer d'attendre et qu'elle ramène du renfort? Attendre? Si elle avait voulu me tuer... elle l'aurait déjà fait, n'est-ce-pas? Elle avait eu ma gorge à sa portée... Alors, peut-être bien que je devrais l'attendre. Je l'observai alors. Elle regarda aux alentours, et son comportement piqua ma curiosité. Cependant, elle bondit au-dessus d'une palissade et disparût ainsi de mon champ de vision.

L'attente me sembla interminable. J'étais tiraillé par la curiosité, et cette peur des autres qui broyait mes boyaux et me donnait envie de vomir.

Sa pelisse noire apparut enfin. Et s'accompagna d'un doux fumet. Une odeur si alléchante que la salive vint abondamment dans ma bouche. Mon regard s'illumina. Je ne pus m'empêcher de fixer la proie que la femelle ramenait. Je la fixai comme si ma vie en dépendait, comme si elle n'existait pas véritablement et que cligner des yeux la ferait disparaître. Tous mes sens s'étaient aiguisés en un quart de seconde. Je me jetai sur la proie, pour planter mes crocs dans sa chair et arracher un lambeau que j'avalais goulument. Le plaisir se lisait sur mon visage. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu un tel repas... Si ce n'est jamais.
Je dévorais la grive en une poignée de secondes. Jamais je n'avais été si heureux qu'en cet instant précis, où la faim me quittait enfin.

J'avais déjà terminé alors qu'elle me rapportait une mousse. Intrigué, je m'approchai de cette boule verte et la reniflai. De l'eau. Je me mis à la laper, appréciant la douce caresse du liquide frais dans mon œsophage.

Cela faisait tellement longtemps.

Avais-je une fois dans ma vie été repu ainsi?

Je levai mon regard vers la femelle, ne sachant plus trop où était ma place. Pourquoi avait-elle été si gentille après m'avoir attaqué?

"Je heu... merci."

Je baissai les yeux, honteux à présent d'être si misérable et incapable de subvenir à mes propres besoins.

- Ne me remercie, je déteste les Lunars et le Tonnerre mais je ne suis pas sadique au point de laisser un pauvre félin mourir de faim, tu devrais apprendre à chasser avant l'hiver parce que ce n'est pas cette graisse qui te sauvera.

Le ... tonnerre? L'incompréhension posa un voile sur mon visage, le temps d'une seconde, puis, les souvenirs remontèrent. Il s'agissait du nom du clan avec lequel la tribu s'était allié. Je remuai ensuite les oreilles, gêné. Il était bien plus simple de dire d'apprendre à chasser que d'y arriver par soi-même. Je n'y connaissais rien, et toutes mes chasses s'étaient soldées d'un échec lamentable. Je sentis mes flancs s'enflammer sous le regard insistant de la demoiselle. La honte me submergeait complètement maintenant.

- Excuse moi mais pourquoi tu furettes par ici, tu t'es enfuis des Lunars, toi aussi t'étais un chaton enlevé et ou vas-tu ainsi, si ce n'est pas indiscret.

Un chaton enlevé? Ah oui, il était vrai qu'il y avait eu bon nombre de chatons capturés des autres clans... Comme ce chaton des marécages... J'ignorais d'ailleurs ce qu'il était devenu.

"Non, je ne suis pas un chaton enlevé... j'ai...toujours été là-bas... Je me suis enfui.... je... cherche quelqu'un."

Je marquai une pause, hésitant.

"Elle s'appelle Perce-Neige, de couleur écaille, tu ne l'aurais pas vue par hasard?"

- Désolée je ne suis jamais venue ici et son nom de ne me dis rien, tu vas devoir trouver tout seul mais méfie toi du Tonnerre maintenant que tu n'est plus un chat de la Lune. A ce propos, y'a toujours des chatons enlevés là-bas, je veux dire comme mon frère on nous l'a rendu mais peut-être que d'autres Clans en ont été victime. T'as déjà senti d'autres odeurs que les Lunars là-bas ?

Du tonnerre? J'affichai une moue interrogatrice. Elle déblatéra une série d'informations que j'eus du mal à comprendre. Je ne savais pas ce que c'était le tonnerre. D'autres odeurs? Dans le camp? C'était vrai que nous étions allée chez les écureuils pendant un moment, mais je n'avais jamais eu le droit de sortir d'un petit périmètre, c'est pourquoi je n'avais pu croiser personne.

Un long silence s'installa entre nous deux. Il ne me gênait pas, puisque je réfléchissais. Mais le regard de la femelle se fit de plus en plus intense. Je finis par comprendre qu'elle attendait une réponse.

" eh bien... j'avais pas le droit de sortir d'où j'étais donc je... j'en sais rien désolé..."

Je me recroquevillais sur moi-même, un peu honteux. Je servais vraiment à rien. Inutile comme un déchet. Peut-être que mon nom m'allait bien, finalement...
Mais je n'avais pas le coeur à avoir des pensées si sombres. Tout ce que je voulais, c'était connaître l'amitié. J'étais bien triste qu'elle ne connaisse pas Perce-Neige. Mais peut-être elle s'y connaissait en amitié?

"Dis... Tu sais ce que c'est l'amitié? T'as beaucoup de euh amis?"

La curiosité éveillait mes sens. Une petite flamme s'était rallumée dans mon regard.