Livin' in a dream /Rosée Nocturne/ - abandon

Livin’ in a dream 
Feat. Rosée Nocturne. 
 

« Tu sais, c’pas facile tous les jours d’être un pauv’ vieux solitaire comme moi. Pas que je sois si desséché, paraîtrait que j’suis même pas si vieux que ça. Mais j’sais pas, la vie est dure, et plutôt silencieuse quand tu marches, tu marches, tu marches, tu dors, tu penses. T’entends que la voix dans ta tête, t’as l’impression de te faire un ami puis tu t’rends compte que si t’arrêtes pas bientôt, tu deviendras cinglé. On en revient aux vieux quoi, baveux, cinglés. Bon, c’est pas mal aussi tu vois, chasser quand tu veux, faire ce que tu veux tout court, pas comme ceux d’ici, eux ont des maîtres, fin des chefs, j’ai pas encore bien compris, mais ils ont l’air dépressifs, perdus dans des histoires pas possibles avec des tonnes de rebondissements et des tonnes d’ordres à exécuter au milieu de tout ce bordel. Moi ben… »

Le caillou ne répondait toujours pas. Il était bien gris ce caillou, bien morose, un peu comme Fjord cet après-midi-là. Le caillou ne lui offrait que le silence, ce même silence qu’il avait parfois du mal à supporter. Petit Gris n’était pas là, parti en vadrouille loin des Clans. Et lui, comme toujours, avait voulu en savoir plus. 

"T'es pas bien commode toi, tu pourrais au moins hocher la tête."

Les cailloux ont-ils des têtes ? Et si oui, combien ? Il s’était mis en tête d’explorer la Lande, celle du Clan du Vent, et il se demandait bien comment ils faisaient pour se nourrir dans un coin pareil. Rien, de la bruyère, du vent, de la poussière, parfois un oiseau de proie. Pas bien accueillant.

Un peu déçu, il s’était installé à l’ombre d’un gros rocher comme déposé là par un géant ou quelque chose du genre. Il avait faim, il se sentait devenir plus bougon de minute en minute. Voilà qu’une boule piquante s’accrochait à son pelage hirsute, il se tortillait dans l’herbe, cherchant une position confortable pour dormir, pas si emballé que ça par une balade. Voilà que le vent sifflait à son oreille. Jamais tranquille décidément.
Et voilà que des odeurs parvenaient à son nez attentif. Flairant le danger, il se colla à son rocher et tâcha de se positionner là où le vent ne pourrait pas apporter son parfum aux étrangers. Ils étaient plusieurs, dont une femelle à priori. Sûrement ces clanistes -comme ils les appelait parfois- sûrement venus pour pisser un peu partout, allez comprendre, ce marquage intensif était vraiment usant, pas moyen de faire un pas sans tomber sur une odeur de pisse sur des kilomètres. Pas subtils ces gars-là.

Une des odeurs s’approcha. Ses oreilles se couchèrent, il ne se sentait vraiment pas d’humeur, il voulait juste dormir au milieu des papillons et de la bruyère. C’est tout.
 

Bien que la saison des feuilles mortes soit déjà entamée, le temps était encore relativement clément avec les chats de Cerflanc, qui avaient même eu un peu de pluie récemment. Alors, toutes les occasions étaient bonnes pour aller chasser ! Ce jour-là, Rosée avait été assignée à la chasse avec deux autres chat, un guerrier et son apprenti. Elle-même aurait bientôt la sienne ! A dire vrai, c'était sans doute sa dernière patrouille sans être flanquée de la chatte tigrée qui serait sous sa coupe. Autant dire qu'elle avait à la fois hâte, et était anxieuse... Mais quoi de mieux pour tromper les mauvais sentiments que l'air qui battait la lande venteuse ? Les hautes landes étaient parfaites pour ce faire, et la chatte caressait l'espoir de capturer un lapin, même si elle avait sans doute l'ambition plus grande que le ventre ! Impatientée à l'idée de ramener du gibier, elle se sépara du duo avec qui elle était venue, partant un peu en avant pour aller marquer le territoire sur cette frontière-là, qu'elle savait proche du Clan de la Rivière. Mais alors qu'elle baissait son arrière-train afin de marquer la terre de quelques gouttes d'urine, elle fut interrompue par une odeur qu'elle ne connaissait pas. Un intrus ? Sur leurs terres ? Elle coucha les oreilles sur son crâne, dévoilant ses canines acérées. S'il y avait un étranger, il fallait qu'elle le débusque ! D'autres guerriers iraient même jusqu'à l'attaquer gratuitement pour le chasser des terres du Clan, comme il était de coutume sous le règne de leur nouvelle cheffe, mais la chatte grise n'appréciait que peu cette méthode de terreur. Aussi, elle se contenta de pister l'odeur, la gueule entrouverte, jusqu'à finir devant un grand rocher. Elle huma à nouveau l'air, pas de doute : Elle n'était pas seule ici. Elle se posta donc face à ce rocher qui abritait manifestement quelqu'un, un grondement grimpant le long de sa gorge, amplifié par sa gueule ouverte.

- Je sais que tu es là. Montre-toi, et j'envisagerais peut-être de ne pas te sauter dessus pour t'attaquer.

Ouh, si Tâches d'If apprenait qu'elle laissait une chance de diplomatie, elle la punirait sans doute ! Mais c'était le cadet des soucis de la jeune chatte. Après tout, elle ignorait face à qui elle allait tomber, et la perspective de se retrouver face à quelqu'un de plus expérimenté qu'elle restait bien présente. C'était un danger bien trop grand pour ne pas faire de sommation avant.

- Je ne suis pas seule et mes compagnons ne vont pas tarder, alors tu ferais bien de ne pas trop traîner.

Ce qui la perturbait le plus, à dire vrai, était qu'elle ne reconnaissait pas cette odeur. Elle n'avait donc pas croisé ce chat à la dernière Assemblée, ni aux frontières d'un Clan ou de l'autre. Un chat errant ? Elle savait qu'il y en avait quelques uns dans la forêt, mais elle en avait rarement croisés. Alors en attendant... Autant se mettre en garde. La femelle avait donc abaissé son poitrail et son ventre, pliant un peu ses pattes, la queue s'agitant de droite à gauche en signe de son anxiété et les griffes sorties et plantées dans la terre de ma lande. Ainsi positionnée, elle était prête à bondir sur son adversaire sitôt qu'il sortirait... Elle ne pouvait pas exclure la possibilité qu'il soit agressif, alors elle devait se montrer prudente.