Connaissance -abandon

Nous étions tellement concentrés sur ce petit jeu verbal que le but annoncé de la patrouille avait été un peu oublié. Je profitai des quelques instants de silence entre nos paroles pour reprendre connaissance du terrain qui nous entourait. La rivière toujours à notre côté, éternel serpent aquatique, point capital de notre territoire. Le bruit des chutes s'était déjà bien fait oublier, il ne restait plus que le calme de ce flot constant, inarrêtable. Une idée de stabilité, de paix, qui était bien nécessaire en ces périodes difficiles, pour nous rappeler que certaines choses ne changent jamais.

Interrompant mes pensées - nulle offense conservée ! - Museau Bleu finit par me répondre, d'un œil malicieux et d'une voix qui l'était tout autant. "Pourquoi parles-tu de Douce Orchidée ? Je ne t'ai parlé que d'une certaine personne... Prendrais-tu par hasard, très cher, certains de tes désirs pour des réalités ? Tu me diras, elle mériterait bien ce bonheur-là, et un tout nouveau rôle, après tout." Ouch ! C'était beaucoup à écouter d'un coup. Déjà, oui, j'avais moi-même prononcé le nom de l'ancienne lieutenante, mais je trouvai rapidement une parade - chaque chose en son temps. Ensuite, des sous-entendus complètement évidents qui je l'avoue me faisaient un peu de mal, puisque honnêtement je n'avais jamais réfléchi à une telle possibilité... Mais enfin. ENFIN. M'appeler "très cher" ?!

"T-très cher ?!" répondis-je immédiatement, à moitié en balbutiant, à moitié en m'exclamant. Je réfléchis ensuite à une réponse un peu plus structurée, et regagnai mon calme habituel.

"Quant à Douce Orchidée, n'importe qui aurait pu savoir que tu parlais d'elle. Je n'ai fait que dire tout haut ce que tu pensais tout bas... D'ailleurs, heureusement que je ne répète pas tous tes sous-entendus." lui répondis-je un peu plus froidement que mon ton précédent. Retour au contrôle, au calme, j'en avais assez dit pour l'instant.