Tu veux parler ? [PV Petit Orage] - END

Voilà quelques temps que Maman n’est pas venu me voir. Je me suis levé très tôt aujourd’hui et je n’ai pas réussi à me rendormir souffrant du manque de ma mère. Je soupire et continue de me tourner et de me retourner dans mon lit dans le but de retrouver le sommeil. Je finis par y parvenir et je suis réveillé par ma petite sœur qui s’assieds dans ma litière. Je me relève et en fait de même et je regarde l’entrée de la pouponnière repérant vite une silhouette familière et une odeur qui l’est encore plus. Mamaaaaan ! Je cache ma joie voyant que mes sœurs et mon frère en font de même.

« - Bonjour, mes chéris. J’ai ma journée entière à vous consacrer, alors que voulez-vous faire ?»

Je la fixe et me balance d’une patte sur l’autre, me sentant mal à l’aise. Je suis soulagée lorsqu’elle capte mon regard et me dit d’un ton tout doux :

« - Oui, Petit Orage ? Tu veux me dire quelque chose ?»

J’hoche la tête et me frotte entre ses pattes, heureux de sentir sa fourrure contre la mienne. Je lui tire la patte du bout des crocs - sans lui faire mal - pour l’inviter à me suivre et je sors de la pouponnière pour être seul, pour discuter avec ma Maman toute seule, j’ai besoin de réponse à mes questions :

« - Maman je comprends pas … Pourquoi tu viens pas plus nous voir ? Pourquoi Papa vient jamais ? Pourquoi Petit Myosotis est méchante avec moi ? Pourquoi tu n’aimes pas Cobra Royal ? Pourquoi Patte Lunaire essaye de me faire faire des bêtises ? »

Beaucoup trop de questions se heurtent dans ma petite cervelle et je cherche sans cesse des réponses, si bien que je ne trouve plus le sommeil. Mes yeux sont emplis de larmes mais je les retiens, décidé à grandir. Aujourd'hui serait une grande étape de ma vie.

Toutes mes questions attendent des réponses depuis quelque temps. Bien que Maman passe parfois, on dort ou je n’ai pas le temps de l’avoir que pour moi pour lui expliquer ce qu’il ne va pas. J’avais besoin de me confier et aujourd’hui était le bon moment. J’avais besoin de le faire : Maman était là pour moi.

« - Si je ne viens pas vous voir, c’est parce que je n’ai pas le temps, mon chéri, ou alors, vous dormez encore quand je passe vous voir. Mais je pense très fort à vous chaque seconde de chaque jour. Pour votre père, eh bien, nous sommes fâchés et je suppose que ça se reporte sur vous. Je lui en toucherais un mot lors d’une patrouille. »

Papa et Maman sont fâchés. Je comprends “mieux” pourquoi il ne vient pas nous voir même si à mes yeux ce n’est pas une excuse. Il est bizarre. Pourquoi il réagit comme ça Papa ? C’est une sacré cervelle de souris. Toute façon j’ai l’impression que toute la famille n’est qu’une cervelle de souris. Si Papa venait nous voir, je fuirai. Je ne suis pas quelqu’un que l’on va voir parce qu’on l’a demandé.

« - Quand a Petit Myosotis et Cobra Royal, ils ne faut pas les approcher. Pas plus qu’il ne faut s’approcher d’Œil de Biche, de Petit Renard, Petit Plumage, Petit Épervier et Petit Mamba. Ils sont méchants, ils disent du mal de moi. Ils complotent contre moi. Ils ne souhaitent que me voir morte pour pouvoir prendre ma place et si ce jour arrive, ça signera la fin du Clan du Vent. Tu m’écoute bien, Petit Orage ! Il ne faut pas s’approcher d’eux ! Ils sont méchants, ce ne sont que des vipères au cœur de renard. Ils ont une influence néfaste sur les gens. Et ils n’hésiteront pas à te manipuler s’ils le peuvent ! Ne les approche plus JA-MAIS ! Ne leur parle pas, ne les regarde même pas et ne leur montre pas tes faiblesses, sinon, ils en abuseront et tu ne seras qu’un pantin servent à leur funeste desseins. Tu ne veux pas être un pantin, n’est-ce pas ? »

Je barbouille un “non” effrayé. Maman fait peur quand elle parle comme ça. J’aime aucun des petits qu’elle a cité alors ça va. Petit Myosotis est une peste, je suis d’accord avec Maman. Cependant … Cobra Royal a l’air d’être un valeureux guerrier, je dois sans doute me tromper.

« - Si Patte Lunaire t’entraîne dans ses bêtises, c’est qu’elle s’ennuie et qu’elle pense que tu t’ennuies aussi. Du coup, elle s’amuse avec toi, voilà tout. Mais dis-moi, tu t’ennuies pas trop à la pouponnière ? Ça se passe bien avec tes frères et sœurs ? Et tes nièces ? Tu veux bien me montrer ce que tu sais faire, mon petit guerrier ? »

Sa queue glisse du haut de ma tête jusqu’à mon dos. Je ronronne, heureux d’avoir un petit peu d’affection de la part de cette mère que je chérie tant. J’ai eu les réponses que j’attendais bien que toutes ne me satisfassent pas. J’allais devoir trouver des réponses tout seul :

« - Je te montre après si tu veux Maman. J’ai discuté avec Griffe Tropicale ton lieutenant, il est gentil. Il est sentinelle et il m’a expliqué ce que c’est : ça ne me plait pas. Je veux devenir guerrier moi. J’ai aussi discuté avec ton ancien apprenti Nid de Mousse … Il est pas vraiment gentil avec moi. Il m’a fait pleurer. Il a dit que tu étais autant sa Maman que tu es la nôtre … C’est pas vrai hein ? »

Je la fixe de mes prunelles ambrés - semblable aux siennes - et j’attends avec impatience sa réponse.

Ma question semble la surprendre. Peut être que Nid de Mousse est gentil mais moi je ne l’aime pas. Mes sourcils sont froncés et l’énervement revient, repensant à notre discussion. Maman me regarde et finit par reprendre d’un ton très froid et franc :

« - Tu sais, je connais Nid de Mousse depuis la pouponnière. Il est un peu plus jeune que tes frères aînés, j’ai donc eût à m’occuper de lui aussi. Pour tout dire, je considère Nid de Mousse comme mon fils. Il m’est très cher. Tout comme Griffe Tropicale que je considère comme un petit frère. Et il faut bien t’entendre avec tes frères mon petit. Raconte-moi précisément ce qui s’est passée avec Nid de Mousse, veux-tu ? »

Elle me sourit et me regarde de son air sévère. Je n’aime pas trop la voir comme cela et je préfère quand elle est joyeuse mais apparemment il faut qu’elle me réprimande un peu. Je ne me rappelle plus précisément ce qu’il s’est passé avec Nid de Mousse lorsqu’il était encore nuage. J’essaye de me remémorer notre discussion et je raconte :

« - Je crois qu’il m’a trébuché dessus, après il s’est excusé et j’ai appris qu’il était ton apprenti. Du coup je lui ai dis que c’était à cause de lui qu’on te voyait pas beaucoup et que tu n’étais pas à la pouponnière. Il va regretter d’avoir été ton apprenti ! »

Pour la première fois depuis ma naissance, mon regard est animé d’une certaine haine, d’ambition et de désir de vengeance.

La mère recule d’un ou deux pas comme si elle était effrayé par son propre fils. L’un effraye l’autre. Cette relation est étrange. La fusion qui semblait être présente pendant ces 6 premières lunes étaient en train de s’effacer doucement mais surement. Le chaton commençait à lui en vouloir d’être si absente. Cette rancune n’était pas dangereuse tant qu’elle ne se transforme pas en haine :

« - Tu es sûr de ne pas exagéré un peu dans tes propos ? Je n’ai pas le temps de passer, je te l’ai dit. Nid de Mousse est un très gentil, tu sais ? Il pourrait t’apprendre plein de choses si tu lui demandais, tu sais ? C’est important de sortir de sa bulle et de s’intéresser aux autres. »

Le petit est convaincu de ne pas exagérer ce qu’il dit mais sa mémoire lui joue peut être des tours. Petit Orage est déçu par sa mère mais n’ose pas lui dire, au contraire, il s’énerve. Il en a assez de son absence, il ne comprend pas qu’elle ne délaisse pas un petit peu ses responsabilités plutôt que sa famille. L’incompréhension règne dans l’esprit du petit être, si bien qu’il feule :

« - Si tu étais là pour nous tu pourrais te permettre de telle paroles. Tu ne me connais pas. Je n’ai pas de “bulle”, bien au contraire. »

La fourrure en bataille et les larmes au bord des yeux, Petit Orage vit ces paroles comme une trahison. Sa mère ne lui fait pas confiance, quelque chose vient de se briser et Tâche d’If n’en avait pas encore conscience, Petit Orage non plus.

C’est la première fois que Petit Orage dévoile à sa mère ce qu’il peut ressentir. L’abandon lui fait mal même s’il commence à prendre conscience que sa mère n’a pas vraiment le choix. Il feule et crache, les deux s’écoutent même pas. Cette discussion n’a ni queue ni tête. C’est pourquoi Tâche d’If y met un terme de manière simple et efficace :

« - Si j’étais là pour vous ? « Le Clan passe avant chacun de ses membres ! » Ça vaut pour moi et ça vaut pour vous ! Je suis la cheffe du Clan et je fais de mon mieux pour que vous aillez à bouffer chaque jour, pour que vos litières soient changées tous les jours, pour que vous puissiez dormir sans craintes et voilà comment tu me remercie ? Espèce de petit ingrat ! Si c’était pour entendre une chose pareille, j’aurais mieux fait d’aller chasser ! C’est ce que je vais faire tiens ! T’as tout gagner ! Petite Neige te remerciera, je pense !»

Petit Orage rentre son menton dans son cou. Il ne comprend pas pourquoi sa mère s’est énervé de la sorte. Il tient tête à sa chef et mère et ne se démonte pas. Il est entrain de grandir et de mûrir, il se pose de nombreuses questions. Encore immature, sa réaction n’est pas la meilleure qu’il ait pu avoir :

« - T’es égoïste ! Va t’en ! Tu as raison, t’es même pas ma mère. »

À peine avait-il prononcé ses mots qu’il les regrettait. Sa mère a déjà disparu hors du camp. Le petit regrette et part en chouinant dans la pouponnière, déçu de la tournure de cette discussion. Il se love près de sa fratrie qui faisait une sieste et sèche ses larmes contre le pelage chaud de Brise Argentée.