Nuit noire, étoile mortes ~ Esprit Soucieux - abandon

Une à une les lumières s’éteignent. Me suis-je remis de cette guerre ? Je ne crois pas. Mon cœur est froid, et mes yeux ne me montrent plus la lumière des étoiles. Oui, je crois qu’elles m’ont abandonnées. Je me souvenais encore de ce moment terrifiant, déchirant, où j’étais seul, sans que les étoiles viennent me voir alors que je venais de mourir. Je croyais en eux. Etait-ce encore le cas ? Je n’en savais rien. Ou alors, la question était plutôt, sont-il encore au dessus de mon étoile ? J’étais dans ma tanière, fixant le vide, à tel point qu’il aurait pu être une matière. Je devais voir Esprit Soucieux. Seul lui pourrait me dire si elles sont toujours là. Si je suis toujours le meneur légitime, si je ne suis pas refusé. Maintenant, il fallait que mon esprit tourmenté accepte ce qu’il allait me dire.

Je me levai, et sorti de mon antre caché de la nuit. La nuit tombait, petit à petit, laissant apparaître des nuages sombres par-ci, par-là, cachant nos ancêtres. Je me dirigeais vers la tanière du guérisseur de l’Ombre. J’en profitais pour jeter un œil au camp. Il était toujours aussi bien organisé, semblait de bonne humeur à cette heure tardive, partageant des repas, il y avait des éclats de rire, le chahut des jeunes. Tout ce que je voyais était, pour un chef, que du bonheur, mais encore une fois, je ne fixais que du vide. Rien de plus. Je me secouai la tête, revenant à moi. Esprit Soucieux. Je posai une patte à l’entrée, en m’annonçant.

« Esprit Soucieux ? Pourrai-je te parler un instant ? »

Ma voix était lointaine, elle voulait garder le silence.

Il me salua également. Digne représentant des étoiles

«Je devais te parler aussi. »

Je penchais la tête du le côté. Me parler ? Sa parole était alors plus importante… Je m’enfonçais un peu plus dans cet antre sain, aux odeurs de plantes, de vie. J’avais l’impression de ne pas y avoir ma place. Peut-être parce que dans cet endroit sombre j’avais l’impression d’être plus proche des étoiles encore. Pourtant elles me semblaient encore trop loin. De plus en plus, je ne me sentais plus digne d’être le meneur. Plus digne selon nos ancêtres. L’ambiance de cet endroit pouvait être apaisante pour tous, pour moi elle devenait pesante. J’attendais qu’il reprenne parole.

« J'ai eu une vision, je crois qu'elle te concerne. Mais tu avais besoin de quelque chose ? »

Une vision ? J’avais les oreilles droites, et j’étais, pour la première fois depuis la guerre, vivant. Mon œil redevenait vif, alerte, en bref, je venais de voir un rayon de lumière céleste dans les paroles de Soucieux.

« Je… Je voulais te parler de ça justement. Je crois que, depuis la guerre, les étoiles m’ont abandonné. Lorsque j’ai perdu une vie, il n’y avait personne. Pas un scintillement. Rien. »

Ma voix était sombre, pleine d’inquiétude. Mes yeux, bien qu’ils aient repris vie en entendant les paroles de mon guérisseur, reflétaient la même chose que mes mots. J'avais peur de ce qu'il pouvait me dire. Avait-il vu ma montée en puissance ? Ou au contraire ma déchéance ?

« Mais… Que te disait ta vision ? Si tu peux en parler bien sûr. »

« Etoile Maudite, je, euh... Nos ancêtres. Ils sont là. Ils, ils veillent sur toi. »

Mes yeux retrouvaient leurs couleurs. Ce vert si porteur d’espoir, ils n’étaient plus sombres. Non, je revenais à moi. Mes ancêtres étaient alors toujours au dessus de mon étoile ? Mon nom n’était qu’une coïncidence, et non annonciateur d’un désastre futur ? J’en avais des frissons. Si je n’étais pas aussi fier, je crois que j’aurais versé une larme de soulagement, tant j’étais heureux d’entendre ça. Je voyais une lumière nouvelle. Ils étaient là. Au dessus de moi. Mon cœur battait à la chamade. Soucieux semblait encore soucieux. Ah ah, si prévisible. Quelque chose d’autre ?

« Ils sont venus me prévenir. Quelque chose va se passer, quelque chose de désagréable, quelque chose de noir, sombre, froid. Effrayant. »

Tendu. J’écoutais. Ma déchéance ? Ascenseur émotionnel. Soulagement puis tremblement. Maudit. Maudit, nom de malheur, nom qui annonce le mal. Prévu depuis longtemps par les étoiles ? Mon clan. Il ne devait rien arriver à personne. Ma famille. Je tremblais. Non, ils seront tous toujours en sécurité tant que je serais là. Non, tout va bien. Tremblement. Il reprenait la parole. J’écoutais.

« C'est à propos de Papillon de Lune. Je crois que quelque chose va lui arriver. »

Papillon. Les tremblements devenaient plus violents. Non. Pas eux. Immobile, mes pattes prenaient racine. C’était impossible. Ils étaient en sécurité ? Non.

« C’est pas possible. Non. »

Je secouais la tête, la colère me montait. Etoile toujours présente ? A d’autre ! Ils étaient censés nous protéger, ils devaient être là pour nous. Je serrais les dents. Tendu. Mes griffes se plantaient dans le sol. Ma voix grondait.

« C’est impossible. Tu dois te tromper. Ils se trompent. Non, non, non… Je lui là, je les défendrais. Tout va bien. Tout ira bien. »

Je relevais la tête vers lui. Le désespoir se lisait sur mon visage, semblable à une plainte déchirante, mais silencieuse. Impossible.

« Dis-moi que c’est impossible. C'est impossible pas vrai ? »

+:

« Des mauvais temps sont à prévoir, chef, mais avec la foi tu passeras au travers de la tempête. »

La foi ? LA FOI ? Ils m’enlèvent… Ils prennent toute ma famille ? Mes parents, mes oncles, et là… Ils m’enlèvent ma compagne ? Quelle est la prochaine étape ? Mes enfants ? Comment je pouvais encore avoir une once de foi pour… Pour CES TRAITRES. Mon nom était alors vraiment un signe, je suis maudit, je suis le malheur, la tempête de sable qui va s’abattre sur les miens. Ma vie, mon sang va mourir. J’avais envie de hurler ma peine à ce ciel qui ne m’écoutait plus et qui ne voulait que ma douleur. Me voir souffrir doit être un bel amusement pour eux. Serpentaire avait-il raison de ne pas croire en eux ? Alors je ne devrais pas être une étoile. Juste Maudit, plus d’Etoile Maudite. Non. Le guérisseur continua.

« Nos Ancêtres ont parfois des desseins obscurs, mais tout arrive pour une raison. »

Mon regard, jusque là, tourné vers le sol, se dirigea lentement vers le frêle félin. Colère, rage. Seules émotions de ce que je ressentais. Les dents serrées je pestais contre les étoiles. Non, je ne suis plus le meneur légitime. Les étoiles ont décidé de me bannir de leur grâce en s’en prenant à la seule famille qu’il me restait. Pourquoi vous me faites ça ? Vous me privez de toute ma famille ? Ils étaient tous sans exception des serviteurs dévoués, j’ai été un serviteur dévoué et vous m’enlevez…. Non, ça n’arrivera pas. Le regard sombre, empli de colère et de haine, ma tête à peine levée je fixais le guérisseur intensément. Non, il n’était pas le responsable, je ne le punirais pas pour son honnêteté, il n’est qu’un humble messager. Il n’empêche que je devais avoir un regard à faire peur.

« Depuis ma naissance je suis un serviteur des étoiles. Ils m’enlèvent mes parents et le reste de ma famille meurt à petit feu. Mais je reste fidèle parce que je me dis que tout peut changer. Je fonde ma propre famille et là… »

Pas de pleurs. Des yeux fous.

« Et là, ils m’enlèvent MA famille ? Parce que j’imagine qu’ils ne vont pas en rester là pas vrai ? Ma compagne ne va pas suffire, alors mes enfants vont aussi y passer ? »

Ma fourrure gonflait. La lumière disparaissait de mes yeux. Que l’obscurité pesante.

« Et moi je vais rester ? Les voir tous mourir un par un ? Mon clan entier mourir sous mes yeux après ma famille ? »

Forte respiration. Voix plus grave et résonnante. Tension plus puissante.

« Mon nom est la preuve de ce que je suis. Sauf l’Etoile. Non, je ne veux plus être une Etoile. Ils veulent tout m’enlever ? Qu’ils essaient. Je m’appelle Maudit. »

Les étoiles ne sont pas mortes, les nuits sont seulement noires.

« Etoile Maudite, s’il te plait… je sais que tu es bouleversé, mais, mais. »

Rien que le nom d’étoile me rendait fou. Je ne niais pas leur existence, loin de là, je doutais juste de leur efficacité. Ils n’étaient plus présents au dessus du clan. Ils nous avaient abandonné lors de la Lune Rouge.

« Le clan n’a pas besoin d’un nouveau Serpentaire. Ressaisit toi, je t’en prie, je peux te trouver des plantes, je peux te trouver des remèdes, je peux, je peux retourner voir les étoiles, je peux les prier, je peux, je vais jeûner, je vais prendre le mal, mais reste lucide, tu dois, je, je dois – le Clan. Pense au Clan, je t’en prie. Ne te perds pas, nous avons besoin d’un meneur. »

Un nouveau Serpentaire ? Il ne croyait pas aux étoiles, je doute qu’il y a cru un jour. La différence est que j’ai toujours été un véritable serviteur. Et j’avais tout perdu. J’allais tout perdre. Ils allaient tous mourir parce que les étoiles n’avaient aucune pitié, elles étaient… perfides, mauvaise. Elles n’étaient plus au dessus de nous. Voir mon clan mourir, périr devait être leur seul loisir. Je n’allais pas devenir un nouveau Serpentaire, non, loin de là. Le nom Maudit ne me convient plus, et pourtant il me suivra surement jusqu’à que je sois renversé, mais il était tellement en rapport à ce qui allait arriver. Mon règne était maudit. Je devenais un automate. Ma tête se leva, fixant intensément Esprit Soucieux. Je suis perdu. L’air plus féroce que jamais, en restant tout à fait calme, je lui dis

« Je suis le meneur du Clan de l’Ombre. Je le resterais jusqu’à ma mort, ou jusqu’à ce que je sois renversé. Les étoiles m’ont abandonné. Alors pourquoi les suivre ? Je refuse de les honorer alors qu’ils vont m’enlever tout ce que j’aime. On ne peut pas se battre contre les étoiles, pourtant, je leur déclare la guerre. Que le clan continu à les prier ce n’est pas mon problème. Ce n’est que ma guerre, pas celle du clan. Ne compte plus sur moi pour les aimer, les adorer, je ne vie plus que pour mon clan et pour moi-même. De toute manière vous allez tous mourir ? Alors pourquoi s’en préoccuper ? »

C’était une fatalité, je n’étais qu’une tragédie grecque, les étoiles me disaient ce qui allait arriver, mais je ne pouvais pas changer le destin. Quoi que je fasse, ça arrivera.

« Je vais donner à l’Ombre la force de se battre, parce que de toute manière, on est tous déjà mort. »