Danse du Cerf - Tonnerre

Famille:

Dans la nuit, une trace de pinceau blanc, dans la nuit, des cris des corbeaux se chamaillant, dans la nuit, la chanson de la forêt, dans la nuit, la danse des nuages, le hurlement d'un animal pour l'ode de cette lune, dans la nuit,

Une naissance.


Mais les étoiles sont loin. Froides. Inaccessibles. Que peuvent faire les étoiles pour toi, mère qui se meurt sur terre ? Elles ne protégeront pas ton fils, étendu contre ton pelage qui se refroidit avec les secondes qui passent. Cette tâche te revenait. C'était à toi de protéger ton enfant, mais maintenant, tu es morte.

Et qui s'en occupera ?

Qui s'occupera de ton enfant ?


Souffla-t-elle en s'éteignant.


Une enfance paisible, sous un règne qui n'intéressait guère un môme bizarre. Étoile de lion, c'était un nom qu'entendit le petit, mais que dans des conversations entre reines de la pouponnière. Lui, il s'en foutait un peu. Dans sa jeunesse où le temps se déroulait sous ses pattes, orchestrant une foule de découvertes, le petit chaton vécu comme il ne le ferait plus jamais. Tout était liberté dehors, et l'excitation, l’ectasie de découvrir toutes ces choses ! Être en vie était un cadeau.

Se trouvait-il que sa mère avait échangé une vie pour une autre. Tendant une patte, elle avait troqué avec ces petits points dans le ciel; son enfant contre sa vie. Il ne la connut donc jamais et le trou dans la poitrine de ces chats qui rencontrent la mort ne le hanta que très rarement. De ses yeux, il observait les autres portées, de sa parole, posait les questions, mais que vouliez-vous ? Ce petit avait une autre mère, même si ce n'était pas sa maman. Ce petit avait un père, qui était aussi son papa, et qui venait le voir avec un drôle de regard dans les yeux, parce que, Petit Cerf ne le savait pas, ça, mais il avait les yeux de l'amour de sa vie.

Et on ne l'oubliait pas aussi facilement.


Nuage du Cerf. Comme deux musiques que l'on fait jouer en même temps, le petit était un peu bizarre. On parvenait difficilement à le comprendre, parce qu'il était aussi transparent qu'une rivière sans couleur et que personne n'aime les choses fades. Il est peut-être un peu seul, qu'on chuchotait tout bas en l'observant du coin de l’œil.

Et le blizzard. Voilà ce qui devait donner de la couleur à cette RIVIÈRE ! Émerveillé des premiers flocons de neige, les premiers qui tombèrent sur sa fourrure lui firent l'effet d'un braiser glacé. Voilà qui allait être sa saison préférée.

Toujours un peu décalé, ce fut dans l'ordre des choses qu'il rencontra Nuage Foudroyant. Son premier ami. Sa première discussion. Son premier rire. Son premier tout. Lui aussi, il était un peu lui, un peu brillant, un peu inversé, désynchronisé, tout recollé avec du scotch usé. C'était comme ça que le voyait Cerf – et c'était comme ça qu'il lui disait.

Il passa donc ce froid en compagnie de deux personnes importantes. Son mentor, Vautour Fauve, qui faisait office de première figure d'autorité qu'il rencontrait, puis son ami désynchronisé. Il fut un bon apprenti. Il plongeait tête première dans ses entraînements, était curieux comme tout et adorait particulièrement le combat, qu'il plaçait dans sa tête comme une danse spéciale qu’il fallait pratiquer sans relâche.

Il vécut donc tout. Admiratif devant ce qui s’offrait à lui, une tristesse sans nom s’empara de lui lorsque le blizzard quitta les terres. Certes, la faim qui tapait chaque seconde dans son ventre et la peur de perdre ses deux seuls amis l’avait hanté – pour ça, il fut heureux de voir la température s’en aller, mais la neige allait tellement lui manquer! Sa première admiration le laissait tomber et avec lui la disparition de leur chef, remplacé par la nouvelle Suie. Il ne l’appréciait pas spécifiquement, mais n’avait pas grand-chose contre sa politique – sauf si elle mettait des barrières dans ses roues. Mais ! Si un aspect lui plaisait bien, c’était la bataille. Elle semblait l’aimer beaucoup et le mâle dansait avec plaisir dans toutes les danses qu’elle lui présenterait, comme celle des rochers du soleil. Subliminal.

Un jour qu'il rentrait, comme d'habitude, à son campement, une masse de chat significatif le fit s'avancer d'un pas curieux. Au centre de ses éclats de colère se trouvait un matou et la surprise sur le visage de l'apprenti brilla au côté de celle coupable de son père. En effet, celui-ci était accusé de traîtrise et d'avoir couché avec l'ennemie, une femelle du clan de la rivière, le pire des crimes qui aurait pu exister.

Ils l'exécutèrent.

Le petit regarda avec une grande surprise le corps sans vie de son paternel tressauter, s'écrasant avec un dernier gargouillis sur le sol recouvert d'une fine couche de sang. Sans famille, Nuage du Cerf resta longuement au milieu du campement, ses yeux rivés sur le cadavre de son paternel. Lorsqu'il se détourna de ce spectacle, il n'avait plus de larmes à laisser tomber, plus de pertes à vivre. Il allait s'en sortir vivant.


Danse du Cerf. Nouvellement guerrier, il passait son temps dans les arbres, ne retournant dans le clan que pour ramener des proies et passer une bonne nuit de sommeil. Il adorait toujours passer du temps avec Coup de Foudre, découvrant de nouvelles expériences avec ce mâle si particulier à ses yeux.

Les Lunars Pods le ravirent. Cette troupe fut pour lui un grand éclat d'amusement et le choix de Suie de les accepter fut une des décisions qui le ravit au plus haut point. Curieux, il passait son temps à (essayer) de leur parler, demandant des histoires sur les voyages qu'ils avaient effectués au cours de leur vie. Il ne dit rien non plus quand les chatons furent enlevés et n'éleva pas la voix après la grande bataille qui ravagea des vies. Se battant comme s'il n'y allait pas avoir de suite, il mit tout son cœur dans celle-ci et n’eut pas trop de mal avec la morte de leur ancienne cheffe. Un bien pour un bien, puisque c'était son ancien mentor qui montait au pouvoir..

Et qu'allait-être la suite ?