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Thème X - Terres Inondées
 
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 Courbatures (libre)

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Courbatures (libre) Empty
MessageSujet: Courbatures (libre)   Courbatures (libre) Empty04.12.18 13:53

Spoiler:

J'ai passé la journée à frotter. Frotter, frotter, frotter, frotter. Ces putain de mômes (et je pourrais dire l'inverse) de Cerfblanc me mènent la vie dure, avec leurs bombes de peinture. Ce coup-là j'ai nettoyé un mur couvert, mais COUVERT, de jurons obscènes. Ah les épaules, je vous dit pas. Les bras, les jambes, le dos. Le cou, aussi. Je crois bien qu'il n'y a pas un seul muscle de mon corps qui ne soit pas en feu. Y'en a qui payent pour faire du sport, et moi, je suis payé pour travailler. Bon, pas très cher, d'accord, et j'ai l'impression que tout le monde me jette des regards en coin, d'accord aussi. Mais quand même. Moi, on m'entubera pas, jamais, avec ces conneries de sport. Et puis, bon, le plus gratifiant, c'est de se dire que je montre l'exemple à mes petits frères et sœurs.

Jamais eux, ils pourront tourner aussi mal que les raclures de leur âge. Ah ! Ce que je suis fier. Et ce que je peux m'en moquer, au fond, de cette pauvre meuf qui n'a même pas été foutue de me remercier de lui nettoyer son mur. De ces pauvres cons qui se baladent avec des chiens et qui font semblant de pas savoir que ça va chier sur le trottoir. De ces voyous qui salissent les murs, chaque soir, ou qui vomissent par terre. Ah tous ceux-là, je m'en moque. Parce que je sais que je n'aurai jamais à espérer d'eux quelque chose. Ils n'ont rien à voir avec moi. Ce sont des animaux. Je bosse, ils me laissent bosser, et à l'occasion, lorsque j'en surprend un, je lui fais une grimace pour le dissuader de tout salir, pour lui faire remarquer que je l'ai vu, que j'enregistre sa tronche, et que si quelque chose pue derrière lui, il aura de mes nouvelles.

Je laisse derrière moi un joli mur en briques qui a retrouvé ses couleurs d'origine. Pas peu fier, je sors de ma blouse une solution hydroalcoolique, et je roule la blouse, soigneusement. Dessous, je suis en marcel, avec un vieux pantalon qui craint rien. C'est pas terrible-terrible, mais bon, je me suis bien coiffé ce matin, comme toujours. Je met ma blouse dans un sac poubelle, que je ferme soigneusement et que je met dans mon sac, avec mon matériel de nettoyeur. Tout ça, je m'arrêterai dans mon local pour le nettoyer au jet d'eau. En attendant, mon balai-brosse coincé sous l'épaule et mon énorme sac à dos derrière, je me désinfecte les mains et je me dirige, à pied, vers mon local. Et à chaque pas je réalise à quel point cette journée m'a usé.

J'ai même pas trente ans, j'ai déjà mal partout, chaque soir. Plus aucune souplesse. Ma jeunesse se perdra vite, je m'en doute bien, mais au moins, moi, je me serai jamais arrêté. J'aurais toujours fait quelque chose. Et tant pis si j'ai toujours vécu chez ma mère, au moins, elle, elle est sincère, et elle a besoin de moi. De toute façon, les autres, je vois bien qui ils sont. Je vois bien ce qu'ils font. Je les suis à la trace, quand je bosse, eux et la merde qu'ils laissent derrière eux. Quand on voit ça, difficile de vraiment les aimer.

Ce soir-là quand même, avant de rentrer chez moi, je fais une pause. Ça m'arrive rarement, c'est même la première fois qu'à cette heure-ci, je ne suis pas pressé de rentrer. La vérité, c'est qu'il fait froid, mais que je sais très bien que chez moi, je ne pourrai pas me laver à l'eau chaude. On est une dizaine de gamins à vivre là-bas, avec notre mère, et y'a qu'un seul ballon. Alors forcément, je transpire, je pue, mais pour me laver, je suis bien obligé d'attendre que les autres soient mis au lit, pour le faire à l'éponge, soigneusement, dans la cuisine. Quand il fait chaud, je me lave à l'eau froide dans mon local, en même temps que je nettoie mon matériel de pro, mais par ce temps, c'est difficile.

Avant, l'hiver, je rentrais au plus vite, pour aider ma mère à nourrir et coucher les frangins. Mais depuis peu, ma présence l'énerve, je le sens bien. Elle trouve que je prends de la place. Elle se met à me dire qu'un garçon beau et costaud comme moi, ça devrait penser à aller vivre quelque part ailleurs avec quelqu'un d'autre. Je m'assois lourdement sur une chaise, à un bar auprès duquel je passe, d'habitude, sans m'arrêter, parce que du côté du trottoir, c'est un vrai nuage de tabac. Et par terre, un tapis de mégots.

Mes courbatures me font souffrir, mais la chaise est confortable.

Le serveur me regarde avec ses petits yeux de fouine. Il doit se dire qu'il m'a déjà vu emmerder une ou deux fois ses connards de clients parce qu'ils avaient un chien ou ils s'habillaient mal. Finalement, la perspective de faire du chiffre, comme ils disent, le pousse à s'approcher de moi.

" Qu'est-ce que ça sera, Monsieur ?
- J'en sais rien, j'ai soif. "
que je lui répond, sans sourire, en tiraillant ma moustache avec l'index et le pouce.

Juste pour l'emmerder. Et aussi pour lui faire remarquer que moi, ce que boivent ses connards de clients d'habitude, j'y ai jamais goûté et je sais encore moins comment ça s'appelle. Je sais juste que ça les empêche pas de tout salir le soir, ces gorets.
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