This is not a game (NUAGE DU MIMOSA) - abandon

« You strike me as a woman who has never been satisfied.
- I'm sure I don't know what you mean. You forget yourself.
- You're like me. I'm never satisfied.
- Is that right ?
- I have never been satisfied …
- My name is Angelica Schuyler.
- Alexander Hamilton.
- Where's your family from ?
- Unimportant. There's a million things I haven't done ! But just you wait … Just you wait ! ♫ »

Le soleil s'était couché il y a bien longtemps. L'atmosphère du territoire Ombreux transpirait l'insécurité et l'obscurité. Pour un chat qui n'y était guère habitué, ce royaume fait de ténèbres et d'incertitudes n'avait rien d'un endroit conseillé pour entretenir des rendez-vous galants. Et ce n'était pas plus mal, en fin de compte. Nuage d'Ouragan cheminait une route menant tout droit aux Passiflores, songeant au fait que personne ne viendrait ici le déranger avec Nuage du Mimosa. L'apprenti noir tigré, contemplant le ciel bleu sombre et parsemé d'étoiles, voyait son cœur se gonfler d'espoir pour l'avenir tandis que le sang de ses veines se voyait galvanisé par le goût de l'interdit, qui fut celui d'être sorti du camp sans en avertir personne. L'apprenti-guerrier croyait fermement en son avenir, il se hâtait d'avoir l'occasion de montrer ses compétences aux siens au détour d'une bataille ou d'un acte héroïque. Naïvement, il ne songeait pas à la douleur que cela pourrait lui procurer, lui qui n'y connaissait presque rien à la peur, la souffrance et la peine. Il croyait que le monde – bien que Grain de Sel eût tendance à lui prouver le contraire à l'aide de ses entraînements – était fait de fantaisies et d'aventures valeureuses où si l'on demandait à devenir un héros, on pouvait le devenir aisément. Il éprouvait quelques attirances envers Nuage du Mimosa d'ailleurs, mais il ne s'en souciait guère, pourquoi devrait-il en avoir peur ? L'affection ne pouvait pas causer la perte d'une personne … Pas vrai ?

Sur ce, le fils de Chant du Lac atteignit le vaste champ composé de multiples fleurs : des petites taches blanches et violettes tapissaient le sol humide et tremblaient sous le poids du vent par moment. Quelques lucioles planaient ci et là, conférant une beauté sans pareille au lieu. Et puis, il faisait nuit, le silence planait sur les Passiflores et s'appuyait de la lumière conférée par les étoiles pour rendre l'endroit tout bonnement divin. Nuage d'Ouragan se jeta dans le champ de fleurs et ne se gêna pas pour faire des petites roulades, écrasant certaines fleurs, savourant l'humidité de ces dernières, et se parfumant d'une certaine manière. Ses yeux bleus pétillèrent de contentement et il se releva, les oreilles aux aguets. Nuage du Mimosa était censée le rejoindre ici, à l'abri des regards et des règles imposées par leurs aînés.

Il attendit.

La nuit berçait le monde d'une féerie très douce, illuminée d'étoiles, tandis que Morphée fermait les yeux de tous les animaux, et même des humains; partout, les « bonne nuit », « douce nuit », « fais de beaux rêves », se faisaient entendre, dernières mélodies de tendresse et d'amitié, d'amour, qui chassaient les cauchemars et souhaitaient, tout en douceur et en délicatesse, aux enfants et à ceux qu'on aimait les plus belles couleurs, la plus grande magie. Le ciel était d'un noir d'encre paré de mille constellations, le vent était frais, mais n'était qu'une caresse, loin du mordant qu'il pouvait être parfois - Caresse du Vent, un nom comme un secret, une pierre d'ambre en guise de cadeau, une preuve d'amitié aimée, protégée, préservée. Certains avaient peur de l'obscurité; princesse des ombres, une petite fleur, amie des plantes, n'y voyait, elle, qu'un moyen d'être plus calme, plus paisible, un écho à sa sensibilité, écoutant le chant de la brise, un refuge juste pour elle, loin des aveuglantes lumières et des regards des autres. La timide apprentie avait toujours aimé la nuit, et depuis son nid, Nuage du Mimosa, heureuse, attendait simplement, le cadeau de son inconnu du cirque entre les pattes, que tous s'endorment enfin. Elle sourit, se leva, délicate danseuse, silencieuse, agile, une silhouette très fine, gracile, presque fragile, effleurant à peine le sol de ses coussinets, et quittant le Clan avec précaution avant de se mettre à courir, le cœur battant.

Elle laissait derrière elle, juste un instant, une amitié, pour retrouver un autre lien très fort, parce que la petite princesse avait son conte de fées; aux Passiflores, sous les étoiles, elle et Nuage d'Ouragan se retrouveraient, moment de poésie et de sentiments, secret de cette clairière fleurie, loin de tous les commentaires que pouvaient faire les autres apprentis, et surtout, les grands. Mimosa sentit son cœur battre très fort; elle avait toujours adoré son ami - un de ses meilleurs amis, avouons le - et avait toujours été un peu jalouse, un peu trop, même pour elle, gentille mais possessive (c'était sans doute un de ses plus grands défauts, à part sa timidité). Et même si la brunette aux prunelles de soleil avait pris un moment à se l'avouer, peut-être que c'étaient des roses qui fleurissaient, dans le jardin de son cœur, pour le jeune mâle qui avait été son camarade d'observation d'étoiles, de jeux et de rêves. Parce qu'en cette jolie nuit, vivant son rêve éveillé, elle se sentait spéciale, et son bonheur seul suffisait, lumineux, à éclairer ses pas au milieu des ténèbres et sous les grands sapins de son royaume. Un sourire se dessina sur son visage aux traits fins, qui peu à peu, perdaient leur caractère enfantin mais restaient néanmoins immensément délicats, très beaux; elle était bien trop réservée et modeste pour s'en vanter, mais la fille d'Étoile Maudite était des plus jolies... Et son cœur illuminait cette enveloppe, frêle écorce cachant des trésors de sensibilité et d'affection, de loyauté et d'intellience. À cet instant, Nuage du Mimosa pouvait même croire en elle. Et, graduellement, elle ralentit le pas, restant cachée pour observer celui qui l'attendait, se glissant entre les arbres pour l'observer, se cachant dans la tendre étreinte de la pénombre pour mieux se trouver derrière lui; alors seulement, elle s'aventura dans la clairière, et, s'arrêtant derrière lui, se redressa pour poser une patte sur ses yeux bleus.

Le monde endormi aurait pu disparaître
Ne demeuraient plus que deux âmes éveillées
Les battements de cœurs entrelacés
Un sentiment et un espoir
Pour des milliers de rêves.
Elle ronronna, simplement:

« C'est moi. »

Et son museau se posa doucement dans le cou de son ami.
Quoique, Ouragan et elle ne seraient-ils qu'amis, après cette nuit ?
Qu'importe, au fond; il était simplement important, dans sa vie.
Et sans poser les mots, ils savaient; c'était tout ce qui importait.

Alors elle souriait.

« You strike me as a woman who has never been satisfied.
- I'm sure I don't know what you mean. You forget yourself.
- You're like me. I'm never satisfied.
- Is that right ?
- I have never been satisfied …
- My name is Angelica Schuyler.
- Alexander Hamilton.
- Where's your family from ?
- Unimportant. There's a million things I haven't done ! But just you wait … Just you wait ! ♫ »

Il attendit la venue de la petite fleur brune, tout en contemplant les étoiles et les lucioles. Petit à petit, un éclat lumineux trouva écho dans ses pupilles bleutées. Le petit chat baignait dans le champ de fleurs d'ivoire et violacées, lui faisant étrangement songer à Nuage de Lys et Nuage de Violette – mais la seule fleur qu'il désirait voir en cet instant, n'était pas encore arrivée, et c'était bien évidemment du mimosa dont il parlait. Quelquefois, il se demandait si ses ancêtres le voyaient ici, l'approuvaient, connaissaient toute l'étendue de son destin qu'il désirait forger de la même façon. Et si ses rendez-vous avec Nuage de Mimosa correspondaient à certains rouages de son futur ? Le chat noir poussa un léger soupir de contentement, réalisant quelques roulades pour ralentir son excitation et son désir de retrouver Nuage du Mimosa. La seule, la petite douceur de l'Ombre, il ne connaissait pas deux femelles comme elle. Peut-être était-ce cela qui l'attirait tant chez elle. Mais la graine de l'amour n'avait pas encore germé dans son cœur. Elle prenait son temps. Petit à petit, ils se rapprocheraient, et peut-être, lieraient-ils plus qu'une alliance amicale entre eux. Nuage d'Ouragan n'avait pas peur pour l'avenir. Ni pour son amitié avec la petite Mimo. Ni pour ce qu'ils construiraient ensemble … dans le futur.

Si tu veux jouer avec moi
Il va falloir m'apprivoiser
Et créer des liens pas à pas
Pour commencer a s'attacher

Peu à peu, les minutes défilèrent et, sans tellement s'en rendre compte, le fils de Chant du Lac se laissa piéger par la présence enfantine mais légère de la petite Mimosa qui apparut dans son dos et lui cacha les yeux à l'aide ses pattes avant. Il entendit un doux ronronnement, puis sentit un contact humide contre son cou plein de poils ébène. Il sourit doucement, soutenu par le propre sourire de la fille d'Etoile Maudite qui ne lui faisait pas encore face. Simplement, elle s'annonça :

« C'est moi. »

On ne peut connaître vraiment 
Que les choses que l'on apprivoise
Mais les hommes n'ont plus le temps 
De s'attarder quand ils se croisent

Il fit volte-face et malgré l'atmosphère nocturne, put contempler son amie sous un nouveau jour, tandis que son pelage brun tigré baignait dans les rayons lunaires conférés par la lune elle-même. Il pressa gentiment sa truffe contre la sienne, lui rendant le contact affectueux à sa façon. Ils étaient amis, mais déjà si tactiles. Ça ne dérangeait pas Nuage d'Ouragan. Le jeune mâle souffla :

« J'avais hâte de te retrouver cette nuit. Tu es très jolie, sous l'astre solaire comme lunaire. »

C'était son petit « compliment », sa façon de lui dire qu'elle était belle, où qu'elle soit, et peu importe les changements de luminosité prodigués par leurs ancêtres. Etoile Maudite avait vraiment de la chance … sa compagne lui avait donné de très belles filles. Nuage d'Ouragan aurait sûrement des enfants un jour, il espérait pouvoir ressentir cette même fierté en les voyant pour la première fois. Une fleur vint titiller sa truffe, et le fils de Fierté du Renard, malgré lui, éternua vivement, le forçant à reculer d'un pas pour ne pas embêter Nuage du Mimosa. Il se frotta la truffe avant de demander, l'air soudainement excité :

« Tu as vu ces fleurs violettes et blanches ? Elles me font penser à tes sœurs. Eeet … Tu aimerais qu'on fasse quelque chose en particulier ? On a toute la nuit devant nous. On est les super-guerriers, les meilleurs amis de la forêt et les gardiens de l'innocence. On peut tout faire. »

Il nous faudra des rendez-vous
Pour pouvoir s'habiller le cœur
Et tous ces moments entre nous
M'apprendront le prix du bonheur

Nuage de Mimosa, c'était la seule femelle avec qui il se permettait tant de candeur.
Nuage de Mimosa, c'était l'une de ses lumières de vie, ce soleil qui ne s'éteignait jamais, cette faible lueur dans la nuit noire qui continuait de le faire espérer. Il l'aimait d'une telle force, et d'une telle sincérité, que nul ne pouvait remettre en cause le lien qui les liait depuis toujours et pour toujours. Au fond, Nuage d'Ouragan ne savait pas tellement pourquoi il était tant attaché à elle, ni comment ça s'était fait, ni à quel moment son cœur avait commencé à s'emballer pour elle. L'amour, disait-on, était semé dans le cœur par un jardinier bien avisé, puis il prenait son temps pour éclore et gagner en beauté. Et plus elle inspirait de couleurs, de douceurs et de senteurs agréables, plus la sincérité et la beauté de cet amour étaient confirmées.

Histoire éternelle, qu'on ne croit jamais,
De deux inconnus, qu'un geste imprévu, rapproche en secret...
Et soudain se pose, sur leurs cœurs en fête,
Un papillon rose, un rien pas grand chose, une fleur offerte....

Il fallait croire que dans le cœur du jeune apprenti, ne sommeillait pas une fleur, mais un jardin infini de fleurs multicolores ; des parfums doux, agréables, soporifiques, du miel sur la langue, représentant toutes les fleurs du monde.
Le parfum floral le plus fort demeurait celui du mimosa, et ce n'était pas pour lui déplaire. Il adorait le mimosa. Son mimosa préféré, se tenait justement devant lui. Belle. Émue. Délicate. Souriante. De toutes les femelles qui pouvaient se prétendre désirables au sein du Clan de l'Ombre, il n'y en avait pas une qui surpassait Mimo. Il la préférait, c'était sa meilleure amie, sa confidente, sa sœur de cœur mais aussi sa princesse. Une infinité de surnoms miroitant ses sentiments contradictoires mais réels, confondant l'amitié à l'amour. Présentement, il était le plus heureux des chats sur cette terre, et ce sentiment décuplait lorsque ses yeux bleus croisaient ceux de la chatte enfantine. Lorsqu'elle l'entendit dire qu'il avait été pressé de la retrouver cette nuit et qu'il la trouvait jolie, elle eut également des mots pour lui, des mots aussi réconfortants que les rayons de soleil eux-mêmes. Le cœur de Nuage d'Ouragan se réchauffa plus que de raison lorsqu'il comprit qu'elle avait éprouvé le même sentiment que lui jusque lors, et qu'elle pensait que la beauté était dans les yeux de l'observateur. Il sourit, tendrement, attendri par la poésie de sa partenaire nocturne. Alors, dans le silence des passiflores, ils se contemplèrent, sans rien dire. Que pouvait-il lui dire, lui proposer pour éviter de se contempler trop longtemps dans l'immobilité totale ? Pas que cela le gênait, au fond, mais le temps passait vite, et le protégé de Grain de Sel craignait de ne pouvoir profiter de son amie autant qu'il l'aurait souhaité. Fort heureusement, de sa voix mélodieuse, elle sembla entendre la requête silencieuse de son partenaire et reprit sans se départir de son innocence :

« On a la nuit, le monde, aussi... Et on s'était promis de le découvrir. Ensemble. Peut-être qu'il serait temps de tenir cette promesse, tu ne crois pas ? Notre royaume, comme quand on était petits. » La jolie demoiselle le poussa alors, taquine. « On fait la course jusqu'à cet arbre, là-bas ? Le gagnant a un vœu. N'importe lequel. »

Il cligna des yeux, s'arrachant aux rêveries dans lesquels il s'était plongé. Il se souvenait de leurs aventures et de leurs promesses comme s'il s'agissait de la nuit dernière, alors qu'il était passé depuis plusieurs lunes. Nuage d'Ouragan jeta un coup d’œil en direction de l'arbre qui lui offrirait un vœu, puis hocha la tête, approuvant les règles de jeux de Mimo. S'il gagnait, quel vœu pourrait-il bien faire ? Souhaiter le pouvoir ? La réussite ? Les louanges ?

Chanson éternelle, au refrain fâné,
C'est vrai c'est étrange, de voir comme on change, sans même y penser...

Ou bien, que cette nuit ne se termine jamais, et que ni le prince de la lune ni la princesse du soleil n'aient à se demander de quoi le lendemain sera fait ?
Il pourrait aussi souhaiter l'immortalité, le bonheur ou le soulagement, le fait de ne plus jamais être séparé de Nuage de Mimosa ou de l'un de ses amis, parce que le temps s'écoulant, le fils de Fierté du Renard grandissait et il craignait de plus en plus l'avenir. Il voulait toujours devenir ce guerrier redoutable et valeureux qu'on contait aux chatons de la pouponnière, mais à quel prix ? Que devra-t-il faire pour atteindre ce niveau-là ? Quels sacrifices devra-t-il consentir à réaliser pour que ce statut lui revienne de droit ? Ses yeux bleus croisèrent ceux de sa comparse et alors, il oublia. Ce n'était pas le moment, ni le bon endroit pour faire de telles réflexions.

« D'accord. J'te parie que je pourrais te battre les yeux fermés ! Sans même me fatiguer ! » lui lança-t-il, dans un clin d’œil malicieux.

L'apprenti n'attendit pas davantage, et fila aussitôt vers l'arbre en question. Ses pattes fauchèrent une bonne dizaine de fleurs et ces dernières, dans son sillage, laissèrent s'envoler une sorte de poussière dorée ; le pollen ? Il ne saurait jamais. Toujours était-il qu'il ne désirait qu'une chose : atteindre cet arbre, et voir de qui des deux était le plus rapide.