C'est tout un art [Entraînement Nuage du Cri] - abandon

Nuage du Cri, je m'appelle Nuage du Cri!! C'est tellement nouveau que j'ai du mal à m'y habituer. Du mal à répondre, enfin à réagir, quand on me nomme par ce nouveau nom. Comme j'envie Parrain Rusty de toujours garder le même nom. C'est tellement étrange de changer, de dire adieu à cet ancien nom et à avancer avec le nouveau. J'ai déjà fait le tour des territoires, mais je ne suis pas sûre d'avoir tout retenu. Heureusement, j'ai entendu dire dans ma nouvelle Tanière que c'était normal, qu'on s'y ferait au fur et à mesure. Encore une chose qui a bien changé. Je ne dors plus dans la Pouponnière et au lieu de la douce odeur lactée, c'est celle de mes camarades apprentis qui me bercent avant que j'entre dans les rêves. Mais cela ne m'attriste pas. Là-bas, je pensais trop à Maman Plume. Et aussi à Jolie Reine Désert. Leur absence se faisait sentir chaque nuit, ici ça va mieux. L'apprentissage est assez dur avec Papa Tournesol, mais c'est pas grave. Je veux devenir forte et utile au Clan. Ça va assez vite, mais après les entraînements je continue un peu et revois tout ce que j'ai appris pour essayer de ne rien oublier. Heureusement j'ai plutôt une bonne mémoire, même si à mon plus grand regret elle n'est pas parfaite. Ça m'attriste beaucoup d'oublier des choses indispensables pour devenir une Guerrière digne de ce nom.

Une patte me secoue et je reconnais l'odeur de mon mentor. Je me lève au plus vite et sort de la tanière. Dès que Papa m'aperçoit, il part vers la sortir du camp et j'emboîte son pas, sans un bruit. Parce que Papa ne veut pas que j'essaye de communiquer avec ce langage à moi. Il veut que je parle. Alors tous les soirs, avant de me coucher, j'essaye de sortir au moins un mot. Sans succès jusqu'à présent, mais je ne perds pas espoir. J'admire la forêt sous la neige. C'est tellement beau. Je me sens quasi invisible dans tout ce blanc. Papa s'assoit et je l'imite, levant mes yeux, pareils aux siens, vers lui.

- Bon, écoute-moi bien. Je ne me répèterais pas. L’hiver, c’est la saison idéale pour toi chassé. Tu te fonds bien dans le paysage, tu passes inaperçue, c’est top. Mais ce sera pas toujours pareil. En été, tu auras du mal. C’est pourquoi je vais t’enseigner l’art du camouflage. Pour répondre à la question tu ne pourras jamais poser parce que t’es trop bête pour parler, le camouflage, c’est quand tu te fonds dans le décor. Par exemple, toi dans la neige. Moi, mon camouflage est plus efficace en plein été, quand y a la canicule et que les herbes sont sèches. Si je ne bouge pas, on me voit pas. Sauf si on sait où je suis. Tu saisis l’idée ? Eh bien pour que tu puisses chasser efficacement partout en toute saison, aujourd’hui, je vais t’emmener chasser dans les buissons, ce qui signifie que si tu ne veux pas être repérer, tu vas devoir te camoufler.

Je hoche la tête effarée. C'est vrai que je n'ai connu que cette saison en tant qu'Apprentie. Mais la neige ne dure qu'un temps. J'ai hâte d'apprendre cet art que Papa me propose d'apprendre pour pallier ma fourrure si voyante hors temps de neige. Je hoche la tête à nouveau. Oui j'ai bien compris. Si je n'apprends pas, je serais inutile sauf si la neige tombe, ce qui est très peu dans l'année. Il se relève, et je l'observe gratter la neige révélant une terre brune et glacée qu'il creuse également. Aussitôt qu'il me le demande je saute sur mes pattes et lève les oreilles, le museau et les yeux, à l'affut de n'importe quoi qui sortirait de l'ordinaire et qui pourrait être un danger. Un petit bruit étouffé me fait tourner la tête, mais ce n'est qu'un peu de neige tombée d'un arbre. Un cri d'oiseau, mais lointain, sûrement en plein vol. Et c'est pas le cri d'un rapace je crois. Je lève tout de même les yeux au ciel pour admirer un minuscule oiseau qui traverse sans s'arrêter. Papa m'appelle et je m'arrache à ma surveillance pour le rejoindre. Le trou est nettement plus grand et bien plus brun qu'avant.

- Pour un camouflage parfait, il faut aussi masquer son odeur, d’accord ? C’est-à-dire que tu vas d’abord te rouler dans la neige, ça masquera un peu ton odeur de chat et ça humidifiera ton pelage. Ensuite tu te rouleras dans la terre, ça masquera ton pelage. D’ailleurs, je vais me rouler dans la neige aussi, ça masquera mon odeur.

D'accord, je note. Masquer mon odeur. Puis masquer la couleur de mon pelage. C'est vrai qu'en brun, je serais moins voyante dans les buissons alentours. Neige puis terre, un combo extraordinaire! Papa aussi a besoin d'amoindrir son odeur et je l'observe se rouler contre la neige froide. Il se relève et s'éloigne. À moi! Je me laisse tomber dans la neige grimaçant face au froid, mais ça ne me retiendra pas. Je roule d'un côté, puis d'un autre humidifiant tout mon corps. Je me relève frissonnant face au froid avant de m'allonger là où Papa s'est pris la peine de creuser. De nouveau je me roule. La terre est moins froide que la neige. Je frissonne néanmoins face à la couleur de plus en plus brune de mon pelage. Me nettoyer prendra longtemps, et je devrais sûrement recommencer pleins de fois, mais tant pis. Maman Plume me gronderait pour m'être salie mais c'est pour la bonne cause. Je m'examine, chassant du regard la moindre tache blanche avant de hocher la tête satisfaite.

- C’est bon, t’es prête ?

Je trottine vers Papa, et m'assoit à ses côtés avant de hocher la tête. Je suis plus que prête!

Papa m'indique une direction où je pose le regard. Des petits buissons bruns. En temps normal ça aurait été mettre un chat noir sur la neige, mais avec le camouflage en puis ça devrait aller. En plus, étant petite, je n'en impose pas vraiment. Je me dirige donc vers les dits-buissons, espérant y trouver une proie qui a eu le courage de sortir par ce froid. J'essaie d'inspirer, mais j'ai dû mal à sentir autre chose que l'odeur terreuse dans laquelle je me suis roulée. Et si je n'y arrive pas? Je ne suis qu'une petite apprentie qui vient à peine de commencer.

- Allez, hier, je t’ai appris la position de chasse alors prouve-moi que tu la maîtrise et attrapes ce que tu sens, tiens. Moi je te suis et je t’observe. Si t’as de la chance, tu pourras nourrir les anciens. Si t’as du talent, tu nourriras les reines en prime. Montre ce que tu sais faire.

Je hoche la tête, remotivée. J'ai une chance de pouvoir prouver à Papa que je pourrais être utile, comment ne pas la saisir? En plus double objectif, nourrir le Clan. Il faut que je me concentre. Je fais tourner dans ma tête les techniques de chasse que Papa m'a apprise la veille, celles que j'ai re-travaillé encore et encore jusqu'à l'heure du coucher. Puis vient le moment de trouver une proie. L'odeur de terre, je la mets de côté. Je n'ai pas envie de me laisser occulter par elle. Elle ne doit être qu'un élément du décor comme un autre, comme tout ce qui m'entoure. Je suis presque aux buissons et je constate que le camouflage est bien réussi puisque ma patte n'est pas si voyante. Je me baisse vers le sol, lève le museau et inspire. Je ferme les yeux, laissant mon odorat et mon ouïe tenter de trouver une proie. Là! Droit devant il y a quelque chose!

Ce n'est pas l'odeur d'un rongeur, comme j'ai mangé hier. Mes yeux se plissent et un mouvement m'apparait. Un oiseau! Un petit oiseau brun qui, comme moi, se confond presque avec l'environnement. Oiseau oiseau. L'odeur, bien qu'atténuée par la terre ne sera pas le plus gros problème. Je me souviens que Papa a dit qu'il détectait les vibrations du sol. À moins que ce ne soit les mouvements ou le bruit? Dans un cas comme dans l'autre je me dois de me mouvoir agilement et silencieusement. heureusement que je ne suis pas trop maladroite. J'avance doucement. Un pas par ci. Un autre par là. Je ne dois pas rater cette chasse. C'en est presque vital. Je retiens mon souffle. Je dois être assez près sinon les branchages me gêneront et l'oiseau s'envolera, sans espoir de l'attraper. Encore un pas. Là. Il est presque à portée. Je me tends, la proie bouge et je me fige. Suis-je démasquée? Ai-je voulu être trop rapide? L'oiseau lève la tête, tourne la tête puis retourne picorer une graine. Je retiens un soupir de soulagement et me concentre à nouveau. Je prends le temps puis d'un bond saute sur ma proie. C'est rapide, bien plus que l'approche. Un coup de croc et l'oiseau ne vit plus. Je me relève et retourne près de Papa, l'oiseau entre les crocs. Vais-je recevoir un compliment? Ou alors une liste des défauts que je devrais corriger? Ou rien?

- C’était mauvais ! Il n’y a rien à garder de ta traque ! On dirait que tu ne m’as pas écouté hier. Mais peut-être es-tu sourde, en plus ? Tu es beaucoup trop lente quand tu traque ! Les oiseaux, comme tout animal doté d’un instinct de survie, va sentir le danger arrivé ! Tu ne dois donc pas le fixer quand tu le traque, mais fixer le point où tu voudras être pour effectuer ton saut ! De plus, les oiseaux ont une meilleure vue que nous, ils te voient donc arriver ! C’est pour cette raison qu’il faut absolument que tu prennes moins de temps. Un oiseau met beaucoup de temps à s’envoler, mais une fois qu’il s’est envolé, c’est fichu tu pourras dire adieu à ton repas, c’est compris ?

Mon coeur se serre. Je m'oblige à continuer de rester assise, bien droite en face de lui. Mauvais. C'était mauvais. Je suis bien trop nulle, je le savais bien. J'ai pourtant voulu faire de mon mieux et j'ai bien attrapé la proie, mais je ne suis pas assez forte. Je retiens des larmes de déception, non je ne dois pas montrer ça, papa n'aimera pas. Et si je veux qu'il m'aime, c'est pas en pleurant que j'y arriverai. Je me redresse et tends les oreilles. Bien sûr que je l'ai écouté la veille, comme tous les jours. Je ne suis pas sourde, juste muette, mais comment te le faire comprendre à toi qui ne veux pas communiquer avec moi? Juste avec des hochements de tête, c'est impossible, à moins que tu ne poses les bonnes questions et ce n'est encore jamais arrivé. Je baisse la tête face aux remarques. Trop lente. D'accord. Oiseau égal rapidité même si on garde la discrétion. D'accord, je vais l'imprimer en moi. Ne pas le fixer d'accord, je l'ajoute à la liste Oiseau. J'engrange tous les conseils que papa peut me donner. Oiseau c'est fixer le point d'arriver, oiseau c'est une bonne vue. Je finis par hocher la tête, les conseils bien en tête.

- Recommence ! Moi j’enterre l’oiseau.

Oui, recommençons. Il me donne une nouvelle chance, il faut que j'y arrive. J'en tremble. Je ne dois absolument pas rater. Je dois y arriver, je n'ai aucun droit à l'échec. Si j'échoue, c'est que papa aura raison et que je suis juste bonne à gaspiller son temps et à manger les réserves du Clan, que j'aurais mieux fait de mourir avant de gêner autant les gens. Je prends une grande inspiration et me dirige vers le buisson suivant. Je me penche vers le sol, et attends. Je lève le museau avant de sentir de nouveau cette odeur. Elle est quand même un peu différente de la précédente, mais je suis quasi sûre que c'est un oiseau aussi. Je me dirige droit vers l'odeur et ne jette qu'un rapide coup d'oeil à l'oiseau noir. Se concentrer, ne pas le fixer, fixer le point de chute. Je me prépare et me lance. Mon saut est un peu trop court et je me retrouve juste en face du volatile... bien plus gros que je le pensais. Mince, un corbeau. Le temps que mes yeux s'écarquillent, l'oiseau a le temps de s'envoler loin dans un coassement sinistre, même si dans un sens j'en suis soulagée. J'ai entendu des histoires de corbeaux teigneux qui n'hésitaient pas à se défendre contre leurs agresseurs. Et s'il m'avait crevé un oeil? Ma possible utilité s'en serait vue éloignée de beaucoup et je n'aurais sans doute jamais fait une bonne Guerrière pour le Tonnerre. Puis je réalise que j'ai raté ma chasse et me fige. Non. Non non non et non! Je ne devais pas la rater celle-là. Mes pattes se mettent à trembler, ma respiration plus haletante. Non! Je ne suis qu'un ratée, un échec ambulant. Je ne mérite pas d'être Apprentie du Clan, Apprentie de mon père. Je n'ai fait qu'échouer aujourd'hui, je suis lamentable. Le coeur serré, les larmes aux yeux, je retourne en arrière, certaine que papa va m'annoncer qu'il ne peut plus entraîner une erreur aussi inacceptable que moi. J'ai échoué. Encore. Je suis un échec.