Les petites histoires du Clan du Vent (avec Nuage d'Epervier) -abandon

Spoiler:

Nuage d'Épervier venait tout juste de se réveiller dans la tanière des novices qu'il avait fraîchement pu réintégrer après un séjour dans l'antre du guérisseur. Lorsqu'il s'en extirpa, le mâle brun put constater que le soleil était déjà bien haut dans le ciel, aussi cela ne le dissuada pas de s'accorder un brin de toilette. Et alors que le jeune matou se léchait soigneusement l'antérieure droite, il ressentit la présence d'un congénère qui l'approchait. Le fils du lieutenant relevait tout juste les yeux lorsque :

« Tu as l'air d'aller bien mieux. »

C'était Crocs Nacrés, un guerrier gris tigré à qui il n'avait encore jamais adressé la parole. Cependant, il s'agissait du père de Nuage des Vents, Nuage d'Alizé et Nuage de Foehn, qu'il avait côtoyé dans la pouponnière un temps. La future sentinelle ne savait quoi dire : oui, évidemment qu'il allait mieux. Heureusement, l'adulte enchaîna au moins assez vite pour éviter un pesant silence.

« Nuage Tordu se faisait du souci pour toi je crois, et il n'était pas le seul !
- Ah ? fit-il, sincèrement surpris. Il n'avait jamais fait preuve de camaraderie avec l'orphelin de mère, cependant il ne soupçonna aucun mensonge : quel intérêt ? Savoir qu'un camarade qu'il connaissait si peu s'inquiétait pour lui était étrange, mais finalement assez agréable.
- J'ai patrouillé avec ta mère juste le lendemain de quand tu es revenu, et elle était dans un état pas possible...
- Je vois. » finit-il, plus sèchement.

Il était en colère. Pas contre Crocs Nacrés, évidemment -ce pauvre-là n'avait rien fait- mais plutôt contre Œil de Biche. La rouquine n'avait jamais pris la peine de s'occuper correctement de lui, ni du reste de sa fratrie : elle n'avait d'yeux que pour leur père, et jouait au bonne mère devant et pour lui uniquement. Nuage d'Épervier n'avait jamais digéré cette nuit où, chaton, il s'était réveillé dans la nuit en constatant son absence; puis très vite elle s'était mise à passer davantage de nuit en dehors de la pouponnière qu'en dedans, au détriment de ses petits que le cadet avait tant cherché à protéger. La seule chose qui avait bien pu l'inquiéter étaient les paroles de Cobra Royal. Le bicolore lui avait-il reprocher son manque d'investissement dans l'éducation de leur portée ?
Au fond, Nuage d'Épervier s'en fichait. Elle ne lui rendrait jamais toutes ces lunes sans mère digne de ce nom. Son inquiétude, elle pouvait bien se la mettre ailleurs.

« Enfin bref ! Tu reprends l'apprentissage bientôt ? »

La voix du mâle gris tira le novice de ses pensées. Il se concentra de nouveau sur son congénère, et répondit vivement :

« Hm. Je l'ignore ! J'ai à nouveau le droit de quitter le Camp, alors j'imagine que ça ne tardera plus. » Il laissa le silence s'installer un instant, avant de reprendre, ne voulant pas paraître impoli en répondant simplement quelques mots. « Enfin, ça me manque. Il me tarde de reprendre mon poste à la frontière, aussi. »

Il se garda bien de préciser qu'il était assez déçu de ne plus pouvoir approcher les Quatre Chênes seul; ses moments de solitude le poussaient parfois à repenser à l'étranger qu'il y avait rencontré une fois : un guerrier du Clan du Tonnerre particulièrement habile et sympathisant.

« Et les entraînements avec Nuage Tordu, ça se passe bien alors ? »

« Ça, on peut le dire. » affirma le tigré lorsque le novice aborda l'apprentissage de Nuage Tordu.

Il parut d'ailleurs être dans ses pensées un instant durant, sûrement songeant à ce qu'il apprendrait au bicolore par la suite. Le fils de Cobra Royal quant à lui, n'avait pas de lien très profond avec sa tutrice bien qu'il eut du respect pour la féline claire. Il était plutôt satisfait de leurs entraînements même s'il eut préféré s'exercer auprès d'un félin avec lequel il s'entendait mieux.

« J'espère que...
- Oui ?
- On a bien du mal à vous tenir, les apprentis. Mais je ne dis pas de ça à propos de quelqu'un en particulier, hein ! » Il hocha la tête, assurant au plus âgé qu'il n'interprétait pas mal ses propos. « C'est juste qu'avec l'hiver, entre Nuage des Vents et Nuage d'Alizé... Tu comprends... »

Comprendre, ça il ignorait s'il pouvait le faire. Il était dernièrement arrivé de sacrés mésaventures aux filles de Crocs Nacrés, ça c'était sûr ! Mais quelque part... Nuage d'Alizé avait sa part de responsabilité. Il se réjouissait secrètement de constater que ses frères et sœurs se tenaient mieux. Quant à son propre comportement...

« J'espère qu'il n'arrivera pas plus de malheurs. Les... les chats des marais ont l'air déchaînés en ce moment... poursuivait le guerrier gris, en référence à l'agression de sa propre fille, qui était apprenti-guérisseuse et à la supposé attaque surprise dont son camarade était censé avoir été victime également.
- Oui, en effet... » se contenta-t-il de miauler, peu assuré.

Un petit moment de silence plana, assez pour que Nuage d'Épervier soit pris de remords. Son mensonge n'était pas anodin; son père et lui risquaient gros avec de telles sornettes ! Et ce grand guerrier des marais qui parlait d'honneur, il ne serait pas déçu d'apprendre ce que l'arrogant et provocateur novice ennemi était allé raconter à son Clan. Il n'en était pas fier mais en même temps... Sa réputation, et peut-être même son avenir de sentinelle étaient en jeu, non ?! Et avec ça, le prestige de son père et le confort de vie de sa fratrie. Il ne pouvait risquer ceci.

« C'était un... c'était un dingue, celui qui t'a fait ça ? Ils s'y sont mis à plusieurs ? »

L'apprenti déglutit, encore gêné par ce ramassis de bêtises. Mais il se reprit rapidement : il n'avait qu'à entrer dans son rôle, comme avec Tête de Grive. Tout n'était qu'une histoire de personnage.

« Oh oui, un fou ! Il m'a sauté dessus alors que j'étais sur nos terres. Et il était seul : un gros matou sombre complètement barge. J'ai essayé de le raisonner, penses-tu... » Il marqua une pause et reprit de plus bel. « Il n'a rien voulu entendre et s'est mis à me lacérer : il m'a pris par surprise aussi ! Je lui ai infligé quelques sales blessures, qu'il se souvienne de son passage sur nos terres mais je ne faisais pas vraiment le poids. Il m'a laissé là, comme ça, ensanglanté. Heureusement que mon père traînait dans le coin ! » Il planta ses yeux dorés dans le vert de son aîné. « Et heureusement que ta fille m'a correctement soigné aussi. »

Il esquissa un sourire léger. Un "tu as de quoi être fier" qu'il pensait sincèrement, cette fois. Être un peu honnête avec le guerrier gris était peut-être une chance pour Nuage d'Épervier de laver un peu sa conscience ? Et de changer de sujet de conversation, par la même occasion...

Crocs Nacrés se montra soudain moins bavard, relevant d'un air distrait l'importance de Cobra Royal dans l'histoire, et l'étendant au Clan. Nuage d'Épervier n'accorda pas beaucoup d'attention à la réplique du guerrier gris : il lui paraissait évident que son père était un élément primordial pour le groupe; guerrier promu au rang de sentinelle, ayant si bien tenu ce nouveau rôle que le nouveau chef en fait son second... Le bicolore n'avait plus rien à prouver, n'est-ce pas ?

Lorsque le novice brun mentionna la fille du guerrier, ce dernier resta de marbre. Le fils du lieutenant s'en voulut un instant : avait-il été maladroit ? Après tout, peut-être que Crocs Nacrés entretenait de mauvaises relations avec l'apprenti-guérisseuse ? Un silence pesant s'en suivit, durant lequel le mâle au médaillon blanc contempla ses pattes, gêné.

« N'empêche que je n'aime pas du tout ça. C'est notre territoire qui est menacé... »

Il hocha la tête, l'air grave. C'est que Nuage d'Épervier commençait à se convaincre lui-même qu'il avait bien été agressé sur ses terres... Il ne put retenir une pensée pour le mystérieux guerrier du Clan du Tonnerre qu'il avait rencontré plus tôt, et auprès duquel il s'était exercé à jouer des rôles -aujourd'hui, il devait au comédien une fière chandelle.

« Tu te sens en forme pour marcher un peu ?
- Bien sûr.
- J'ai deux ou trois choses à te montrer. »

Piqué par la curiosité, Nuage d'Épervier suivit le matou tigré qui lui emboîtait le pas. Qu'est-ce que le guerrier pouvait bien vouloir lui montrer ? Il put retenir la question plus longtemps.

« ... De quoi s'agit-il, au fait ? »

HRP:

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Pour toute réponse, le guerrier tigré se contenta de presser l'apprenti à le suivre. Ce dernier, curieux et à la fois un peu contrarié de ne recevoir aucun indice ne broncha pas non plus et trottina à la suite de Crocs Nacrés. Les deux mâles quittèrent rapidement le Camp, laissant derrière eux l'ambiance apaisante et rassurante des lieux pour s'élancer dans la lande, imprévisible et pleine d'aventures. Alors que l'herbe pliait sous ses coussinets, le fils de Cobra Royal était inquiété par une multitude de questions. Qu'est-ce que l'étrange matou gris voulait tant lui montrer ? S'agissait-il de quelque chose de vraiment trépidant, ou bien encore plus ennuyant que les histoires gaies des pouponnière ? Le brun commençait à se laisser envahir de frustration lorsqu'enfin son aîné finit par s'arrêter sur l'un des reliefs les plus hauts du territoire. De là où ils étaient, les deux matous pouvait voir les terres marécageuses du Clan de l'Ombre. Penser à la boue s'infiltrant dans sa pelisse arracha presque une grimace de dégoût à l'apprenti-sentinelle.

« Je suppose qu'après ce qui t'est arrivé tu dois avoir très peur de tout ça. Mais pourtant, c'est quand même là que tu vas devoir passer le plus gros de tes journées. Tu vois où je veux en venir ? » fit le guerrier, très tranquille.

Nuage d'Épervier ne répondit pas immédiatement. Il voulut avoir l'air de réfléchir davantage que ce ne qu'il ne faisait réellement. Il n'avait pas peur de devoir à nouveau se battre, une part de lui désirait même en avoir l'occasion à l'avenir. Il voulait retrouver sa dignité et revenir victorieux cette fois d'un affrontement. Ce qui l'effrayait en revanche dans l'idée de se retrouver à nouveau près de la frontière qui séparait les Clans du Vent et de l'Ombre était la simple idée de recroiser son dernier adversaire. D'affronter le regard vert, celui du guerrier dont il avait lâchement entaché la réputation pour protéger la sienne. Celui qu'il avait désigné comme un fou, un indigne du Code et même sûrement parfois un lâche, celui-là n'était qu'un membre d'un Clan rival qu'il avait provoqué comme un enfant, testé, poussé par une pulsion inconnue. Il ne redoutait pas les griffes dans sa chair, mais le mensonge dans lequel il s'était voilé la face un moment. Son honneur passait avant sa propre vie.

« Non, je ne comprends pas... Je n'ai pas peur de devoir affronter à nouveau un Ombreux., fit-il alors, d'un air sérieux.
- On voit bien, à tes blessures, que ton agresseur ne t'a pas ménagé. Excuse-moi, mais il doit être beaucoup plus grand que toi, il aurait tout à fait pu te tuer, et d'ailleurs... » Le regard du mâle adulte se promena sur la cicatrice la plus impressionnante, juste sur le côté du cou. « Et bien... tout ça aurait pu se finir bien plus mal. Et il n'y a aucune honte à le comprendre. »

Nuage d'Épervier demeura silencieux un instant. Qu'est-ce que Crocs Nacrés essayait de faire ? Lui arracher des larmes de honte, qu'il se montre si vulnérable auprès d'un inconnu ? Le fils du lieutenant se ferma brutalement, inspectant du regard l'étranger. L'animal aux yeux ambrés ne lui avait jamais parlé dès lors, et lui demandait de se mettre à nu aussi soudainement ? C'était malvenu, non ? Il se sentit forcé, et réagit assez sèchement.

« Quels mots cherches-tu à m'arracher de la gueule, Crocs Nacrés ? Tu veux que je te dise que j'ai peur de me battre pour mon Clan ?! » Ses iris dorés fixèrent l'autre félin froidement. « Je n'ai pas peur de défendre ma famille. J'affronterai chaque cœur de renard du Clan de l'Ombre qui songerait seulement à poser l'une de ses satanées griffes sur l'un de mes frères ou l'une de mes sœurs. Et la hargne qui m'habite lorsqu'il s'agit de mes amis est telle qu'elle écrase toute once de peur. »

Il bomba le torse, se donnant un peu plus de contenance, de quoi attirer l’œil ailleurs que sur les vilaines marques qu'avait laissé son opposant en terres ennemies. Bien sûr, cela demeurait un incident assez traumatisant. Mais le jeune mâle brun ne tenait vraiment pas à craindre chaque seconde de sa vie la mort qu'il rencontrerait bien assez tôt.