Imperium | Raton-Laveur & Coup de Foudre - abandon

Boule de Source~ Boule de Source~ Petit-e-Petit-e Bouboule de Sourc-e~

Faisant de grands pas trop grands pour son petit corps, afin de placer ses pattes dans les empreintes des grandes-personnes dans la neige, Petite Source chantonnait à tue-tête. Aujourd'hui était la première fois qu'elle sortait d'elle même, seule, hors de la pouponnière. Nerveuse à l'idée de faire une bêtise, chanter cette comptine sans queue ni tête en balançant la tête l'aidait à ne plus y penser. Elle était une presque-grande maintenant! Ses frères et soeurs ne se faisaient pas disputer quand ils y allaient, alors pourquoi pas elle?

Le ciel était bleu, ce qui étonna beaucoup Petite Source. De son point de vue, il était normalement blanc, avec une tache de lumière quelque part que l'on appelait soleil. Malgré tout, elle aimait bien le ciel bleu. Il était joli, comme ses yeux.
Tout ce qui l'entourait l'émerveilla. Il y avait des plantes comme elle n'en avait jamais vu avant, de grosses branches sur lesquelles elle pourrait monter un jour, des cailloux ÉNORMES et plein de grandes personnes aux pelages tous différents avec qui elle avait tellement hate de faire connaissance.
- BONJOUR MADAME ! s'écria-t-elle tout sourire pour bien se faire entendre.
Toujours sourire. C'était plus poli comme ça.
Mais le chat se retourna, l'air mauvais. C'était un monsieur, et il n'avait pas l'air vraiment content de la voir. Petite Source baissa la tête et les oreilles, se reculant la queue entre les pattes. Difficile de se retenir de pleurer, mais elle ne voulait pas avoir l'air d'avoir fait une bêtise, alors elle pinça ses lèvres très fort pour que les sanglots ne s'échappent pas de son coeur.

Elle voulu retourner dans la pouponnière, mais il y avait tellement de grandes-personnes et le ciel était si haut et il y avait plein de nouvelles choses, tellement qu'elle était perdue. Perdue dans ce petit camp trop grand pour elle.
- Mmm... mmmnnmnnnnn... hhmmmnnh....... fit-elle, les larmes aux yeux.
Petite Source voulait vraiment pleurer - peut-être que comme ça, on la retrouverait. Mais si on pensait qu'elle avait fait une bêtise? Est-ce qu'on l'aimerait encore?
Elle continua donc sa route, avançant la queue et les oreilles basses tout en mmmmmnnnh chaque fois que les sanglots voulait sortir, le visage déformé par l'envie de pleurer.

Puis elle trouva quelque chose qui sécha bien vite ses larmes.
Une sorte de pouponnière trop petite pour être une pouponnière, mais trop similaire à une pouponnière pour ne pas en être une.
Il y avait une entrée - elle était GRANDE - et un seul nid à l'intérieur. Un GRAND nid comme ceux des grandes personnes.
- Waaah
Petite Source bondit dans le nid, se roulant à l'intérieur comme elle aimait le faire dans le sien. Elle ronronna fort-fort, contente d'avoir trouvé un endroit un peu plus chaud. Le nid avait une odeur qu'elle ne connaissait pas - il était donc habité, mais par qui? Il ne lui en voudrait sans doute pas si elle l'empruntait un petit peu, pas vrai?
Elle se redressa, de l'herbe séchée et de la mousse partout sur son pelage en désordre.
Quelqu'un arrivait.
VITE! Elle se cacha dans le nid, se faisant aussi petite que possible, enfouissant sa tête à l'intérieur, sans se douter que son postérieur en l'air était plus que repérable..

Elle est ou maman ? demanda Petite Source, recroquevillée sous une boule de mousse avec laquelle elle espérait se cacher.
- Maman ? lui répondit une reine. Oh, Ourse Polaire, elle est-
- Non, maman. Notre maman, celle dont tout le monde parle, et qui est jamais là.
La reine hésita, renifla au beau milieu d'un long silence, puis toisa la petite femelle noir et blanc. Elle oubliait parfois - souvent - que ces êtres là (elle ignorait comment les qualifier exactement, car ils n'étaient pas normaux) n'auraient jamais du exister, qu'ils étaient des erreurs, car elle avait en face d'elle des chatons, exactement comme les siens, qui à première vue n'avaient rien d'anormal. Mais les Étoiles.... qu'en diraient-elles? Qu'en disaient-elles? Comment devait-elle se comporter avec eux?
Confuse, sa voix se refroidit soudainement, ce qui fit ciller Petite Source. Elle rentra la tête dans les épaules, désolée d'avoir fait quelque chose - peu importe ce que c'était.
- Eh bien, tu vois, ta maman a fait une très grosse bêtise, alors elle a été punie. Elle ne reviendra plus, maintenant. Tu peux dormir tranquille.

Elle ne posa pas plus de question, voyant bien qu'elle dérangeait la grande-personne, et se contenta de rejoindre son nid. Ses mots tournaient et tournaient dans sa tête. Maman avait fait une bêtise, puis avait disparu.
Petite Source n'avait pas envie de disparaitre - elle aimait beaucoup trop ses frères et soeurs, Boule de Chance et de Chaleur et de Neige - et puis aussi d'autres grandes personnes même si c'était plus rare déjà. Et pourtant, à voir le reste de ces grandes personnes, elle avait l'impression de passer sa vie à faire des bêtises.
Il avait donc été décidé, par elle-même et elle seule, qu'elle n'en ferait plus jamais. Que désormais, elle serait droite, sage, sérieuse, et ne commenterait aucun écart. Elle s'était endormie dans un cauchemar, qui avait d'autant plus validé cette décision.
Mais Petite Source restait un chaton.

———

Une grande personne s'avança dans l'antre qu'elle avait trouvé. Bien vite, elle reconnu Raton-Laveur, à son masque comme le sien, et sa queue rayée aussi, qu'elle partageait avec lui et son grand-grand frère préféré (il fallait insister sur le double "grand", car ce n'était pas la même chose que son "grand frère", Boule de Chaleur) Nuage Roux.
Elle se dressa, tout sourire, la queue en l'air, faisant voler autour d'elle toute la mousse qu'elle avait sur le dos, comme une pluie verte, grise et brune, pour les parties les plus sèches. Elle voulu lui partager un bonjour plein d'entrain, à plein poumon, mais déjà il ouvrait la gueule, et couper la parole, c'était très très mal, on ne faisait pas ça, alors Petite Source attendit, heureuse, le coeur battant et-

- Que fais-tu ici Petite Source ? Viens avec moi, je ne dirai à personne ta bêtise … !

et elle se figea soudainement, l'horreur recouvrant son petit visage, prête à exploser. Sa queue retomba sur le sol, ses pattes tremblèrent, ses oreilles et ses moustaches se plièrent alors que ses yeux fixaient le sol, ne sachant que regarder d'autre.
Une bêtise. Elle avait fait une bêtise.
Que faire? Non, comment savoir que la prochaine chose qu'elle ferait ne serait pas une autre bêtise? Mieux valait ne rien faire. Et si- non. Non non non.
Allait-elle disparaitre? Rejoindre sa maman là où tout ceux qui font des bêtises vont? Alors elle ne verrait plus ses frères et soeurs et ses grands-grands frères et soeurs, et Coup de Foudre et plus personne et elle serait seule, est-ce qu'il ferait froid, que pourrait-elle manger, y aurait-il des monstres et

Petite Source éclata en sanglot, le souffle court, sentant sa gorge comme écrasée par une force invisible qui voulait l'étrangler jusqu'à ce qu'elle ne respire plus jamais, et qu'elle reste là sans plus jamais faire de bruit. En attendant, elle en faisait, du bruit. Chaque inspiration qu'elle prenait raisonnait dans un crissement aigu sur les parois de la pouponnière. Il lui fallait quelqu'un — Boule de ChaleurNeigeChanceFoudre peu importe ! Il fallait que la bêtise disparaisse ! Elle la sentait sur son dos, s'agrippant comme une tic pour lui murmurer que bientôt, elle allait disparaitre.
Aucun autre son n'en sorti. Pas un mot, rien. Petite Source resta juste là, sans bouger, sans rien faire, submergée par trop de pensées pour un petit chaton, à chercher quelque chose pour se raccrocher. Elle ne se demanda même pas quelle avait été sa bêtise. Peut-être qu'exister, tout simplement, en était déjà une de trop.

Elle avait du mal à respirer — et c'est comme si tout son souffle, toute sa panique et tout le chaud des larmes qui coulait s'accumulait dans sa poitrine, encore et encore et encore et gonflait super fort comme les joues d'un crapaud jusqu'à éclater.
Il y avait trop d'émotions, bien plus qu'elle n'en avait besoin, et sur le moment, elle aurait beaucoup aimé s'en débarrasser. C'était égoïste, comme idée, quand on pensait par exemple à Coup de Foudre qui lui les avait perdu lors d'un blizzard et qui ne revenaient plus très bien depuis, c'était un peu triste. Enfin pouvait-il être triste pour ça? Elle ne savait pas. Petite Source ne savait plus grand chose à cet instant.

- Hé, hé … Arrête de pleurer Petite Source. Regarde autour de toi, personne n'a vu ta bêtise. Elle restera notre petit secret.

Personne ? Mais le vent et les feuilles et le soleil et toute la nature toute entière, c'est le monde qui avait vu la bêtise, comme celle de Nuit Hivernale, toute la forêt le savait, ça se répandait comme un écho maléfique, alors bientôt, quelqu'un finirait par l'apprendre, et quelqu'un d'autre encore et puis un autre, pour n'en jamais finir, et on raconterait cette histoire aux chatons, de celle qui n'avait pas écouté et qui avait fait une bêtise — elle ne savait même pas quelle bêtise elle avait pu faire, c'était vraiment la pire chose de toute cette histoire — et qui avait disparu malgré toutes les mises en garde.
Petite Source explosa.
Dans une déferlante de larmes et de cris et pris une grande inspiration, aussi forte qu'elle pu après avoir expiré, car elle avait besoin de plus d'air que toute la forêt pouvait produire.

- JE VEUX PAS DISPARAIIIIIIIIITRE, s'écria-t-elle en sanglot. JE VEUX PAS PARTIR!!!!!! JE VEUX PAS REJOINDRE MAMAAAAAN !!!

Tout ce qu'elle voulait, c'était rester avec sa famille - sa famille qu'elle aimait tant, et qui lui rendait tout son amour par un amour plus fort encore. Retourner à la pouponnière et ne plus jamais en bouger jusqu'à ce qu'elle obtienne ses six lunes, pour être sure de ne jamais faire de bêtises et ne pas disparaitre. Mais il était trop tard pour ça maintenant.

C'est car il avait entendu des cris qu'il avait été tiré de la tâche qu'il faisait (qui sait, aujourd'hui il avait choisi d'apporter quelques proies aux reines de la pouponnière, tiens, pour les remercier de leur dur travail de s'occuper de ses trois nouveaux chatons et de la dernière). Il n'y aurait pas prêté attention, les chatons avaient un piaillement distinct qu'il avait appris à ignorer. Mais celui-là était dans la note de l'unes des siennes.

— ██ ████ ███ ████████████████ retentit depuis la tanière du chef et c'est sans même entendre les mots qu'il s'arrêta dans sa marche, dressa la tête, pivota une oreille vers le son et changea de cap. Il reconnut la voix de Source « ██ ████ ███ ██████ !!! ██ ████ ███ ████████ MAMAAAAAN !!! » Puis une seconde voix lui répondit: « ░░ ░'░░░░ ░░░ rejoindre ta Maman. »

Son regard changea. Sa respiration se coupa - brusquement, avant de reprendre sur un rythme plus lent, beaucoup plus lent, dangereusement lent, en ralentissant tout autant les mouvements de sa marche. Foin Blanc qui marchait à contre-sens eut un mouvement d'écart en voyant Coup de Foudre car à cet instant, à ce rien que petit instant où il croisa son chemin, alors que lui rentrait au campement, et que l'autre marchait vers le promontoire et la tanière du chef, il aurait pu rêver qu'il n'était plus le même. Foin Blanc s'interrompit et se retourna sur sonchemin pour ne plus voir du bengal que son dos qui s'avançait en silence vers sa destination, la queue et les oreilles immobiles et l'air changé - loin des rigolades, des paroles détournées et des sourires affables desquels il se parait habituellement.

— « C'est nous ta famille désormais. Tu fais partie du Clan du Tonnerre et tu as autant ta place ici que n'importe qui.

Raton Laveur était penché au-dessus de Petite Source qui pleurait à gros bouillons.

Il ne réussit pas à analyser les circonstances - il n'en avait pas besoin. Qui sait si elle n'était pas simplement rentrée par mégarde dans la tanière du chef et s'était ensuite faite disputer. Les erreurs étaient normales - encouragées, même, à cet âge, car c'était en vivant des erreurs de tout son corps qu'on pouvait s'en rappeler et se corriger à la prochaine réitération de situation.

Raton-Laveur était penché au-dessus de Petite Source qui pleurait à gros bouillons, et il octroya un coup de langue sur son front. C'est par instinct qu'il se recula et tourna la tête, jetant un regard par-dessus son épaule. Et c'est par instinct qu'il se hérrissa en croisant les pupilles fines du bengal dont le reproche dans le regard aurait pu lui ouvrir la face d'une seconde cicatrice.

Le bengal se posta à juste distance, tendant légèrement une patte pour intimer Source à venir s'y ranger, sans toutefois lâcher des yeux le guerrier au masque en face:

— Qu'est-ce que tu fais à ma fille, Raton-Laveur.

Car c'était la sienne, maintenant.

« Tu n'iras pas rejoindre ta Maman. C'est nous ta famille désormais. Tu fais partie du Clan du Tonnerre et tu as autant ta place ici que n'importe qui. »

Petite Source continua de pleurer, mais se rapprocha de Raton-Laveur. Elle colla sa tête contre ses pattes, espérant que peut-être, pour une raison quelconque, le contact d'un adulte empêcherait les forces invisibles de l'enlever.
Elle ne releva pas le désormais de la phrase du guerrier. En fait, elle ne le remarqua même pas. Un jour, peut-être lui reviendrait-il, mais pour l'heure, ce n'était qu'un mot parmi tant d'autres, et non une minuscule tentative de lui faire lentement comprendre, tout en douceur, qu'elle ne faisait pas parti de ce monde.
Si seulement elle n'avait pas si bonne mémoire.

Elle se calma petit à petit, rassurée par le contact — Petite Source adorait ses sens, et parmi tout ceux là, le toucher était celui qu'elle préférait de loin. Mais le mâle gris se recula, alors que la petite était restée à sa place. Sa tête encore trop grosse pour son corps bascula vers l'avant lorsqu'elle quitta l'appui qu'elle avait quelques secondes plutôt sur les larges pattes de celui qu'elle appelait tonton.

Coup de Foudre apparu devant ses yeux humides lorsqu'elle releva la tête. Elle trottina vers lui, se réfugiant entre ses pattes — Raton Laveur n'en avait peut-être plus envie.
« Pap— »
Elle coupa net sa phrase. Petite Source avait toujours eu l'impression qu'il n'était pas particulièrement à l'aise quand on l'appelait papa; et elle était plutôt attentive aux réactions des autres, bien qu'elle avait très souvent tort quant à leur interprétation. Elle avait donc décidé de ne plus utiliser ce mot, et se ravisa aussitôt.
« Coup de Foudre », corrigea t-elle d'une voix basse mi tremblante. « J'ai... j'ai fait.... »
Il lui fallut tant de courage pour poursuivre sa phrase ! Plus qu'elle n'en avait jamais eu besoin jusque maintenant. Et elle éclata à nouveau en sanglot, son corps sursautant lorsqu'il y en avait trop.
« J'ai fait une bêti-i-i-i-i-i-iiiiiiiise !! »

Source répondit immédiatement à l'offre de réconfort et vint se caler contre sa patte.

« Pap— » elle s'interrompit - sans doute car son père n'avait même pas prit la peine de baisser ses yeux sur elle, trop occupé à toiser de toute la froideur du Grand Blizzard le guerrier qui le dévisageait devant. Source se reprit, mais Coup de Foudre ne prêta pas attention à cette bête correction quant au nom qu'ils utilisaient pour lui:

— « Coup de Foudre, sa voix tremblait, comme ses mots, J'ai... j'ai fait.... et elle prit une grande inspiration pour donner tout l'air du monde à sa phrase et tenter de la recalibrer mais tout ce qui sortit fut une averse de sanglots:
J'ai fait une bêti-i-i-i-i-i-iiiiiiiise !! »

De l'autre patte il pressa dans le dos du chaton pour l'aider à se redresser contre lui et raffermir le contact, mais alors qu'elle hoquetait dans ses pleurs lui se faisait sa statue de glace, sa gargouille confortablement assise érigée dans le seul but de la protéger et de chasser ceux qui lui voulaient du mal.

Çe-dernier se prononça:

— « J'apprenais simplement à ta fille qu'il y avait des bêtises bien plus graves que d'autres et que celle-ci n'était que futile. Mais vu que tu es un très bon père, je vais te laisser l'éduquer.
— Tu entends ça, ma petite Source de bonheur? Tonton Raton a dit que je suis un très bon père. »

La provocation ne tomba pas dans des oreilles sourdes mais elle se fit plutôt retourner sur sa tête pour se la réapproprier. Comme Source ne le regardait pas, le nez entre ses poils, il trahit une seconde son front de sévérité pour esquisser l'ombre d'un sourire à ses babines et renvoyer au vétéran son animosité - sans sortir les griffes, cependant.

Enfin il baissa la tête, donna une dernière caresse dans le dos de source et posa ses coussinets au sol.

— « Avant de qualifier si ce que tu as fait était une bêtise, je vais te poser trois questions. Réfléchis-y, puis réponds:

Un: suivant ce qui s'est passé, est-ce que quelqu'un en est mort?

Deux: est-ce que quelqu'un a été blessé?

Trois: est-ce que tu as nui à quelqu'un? »

Il fusilla du regard Raton-Laveur après la seconde: lorsque quelqu'un pleurait, on les laissait pleurer. On ne tentait pas de les empêcher ou de leur apprendre à intérioriser leurs émotions, il fallait les aider à apprendre à les comprendre, afin d'apprendre à mieux les contrôler.