Faiblesse (avec Nuit Bleutée) - end

" Alors vas-y, cherche. Fouille tout de fond en comble, je ne te retiens pas. Si tu sais que Nuage d'Alizé est ici, vas-y cherche. Tu sais quoi ? Si tu te fais trouver par d'autres guerriers assez remontés contre leurs attaquants, tu n'auras qu'à dire que c'est moi qui t'ai laissé gambader sur notre territoire. Seul le Clan des Étoiles pourra te convaincre, à ce que je vois... " se contenta de siffler l'écureuil, la mine mauvaise, en bougeant un peu.

Bizarrement, cela mit Crocs Nacrés mal à l'aise. Il songea qu'il ferait mieux de le surveiller, ce jeune guerrier, et d'éviter de lui tourner le dos. Qu'on lui montre une direction par où aller de cette façon-là, ça n'indiquait que du mauvais. L'odieux doute revenait. Il doutait de perdre son temps. De chercher pour rien, au mauvais endroit, une fille qui était définitivement disparue, ou bien loin de là.

Il commença à avancer, guettant le guerrier du coin de l’œil, mais marchait lentement. Il comprenait bien sûr que s'il s'aventurait dans le camp, il ne s'en sortirait, lui, jamais vivant et libre. La mort était devant lui, la sienne. Et sa fille ?

Ses pattes fatiguées se mirent à trembler.


" Je n'en peux plus. " grommela-t-il, d'une voix fatiguée dans laquelle se percevait un fond de colère, et même de rage. " Je n'en peux plus. " répéta-il ensuite, plus calme.

Rien ne serait plus lâche que de se laisser disparaître à un instant pareil. A une minute comme celle-ci qu'il aurait dû, s'il avait été vraiment honnête, consacrer à la recherche de sa fille perdue plutôt qu'à sa propre délivrance. Les Étoiles le maudissaient sans doute déjà, mais elles le maudiraient plus encore. Et elles auraient raison.

L'hiver était là, et si, peut-être, il avait perdu une fille, il ne pouvait pas ignorer qu'il lui en restait deux, et des neveux, et des frères, et des sœurs. Tous avaient faim, et lui, il perdait son temps. Il en était arrivé au point exact où la fatigue vous rendait raisonnable.

" Elle n'est pas là. Elle n'est pas là et... " sa lucidité à demi-retrouvé, mais le regard toujours lointain, il en oubliait presque la présence du noiraud. Un regard l'aida à se souvenir.

" J'ai déjà perdu assez de temps. " marmonna-t-il, sans, bien sûr, le moindre semblant de reconnaissance ni même de considération ou d'excuse pour cet écureuil qu'il avait injustement soupçonné. " C'était un héros, Nuage de Silex. Sans lui, j'aurais été tué il y a longtemps. Mais n'oublie pas, n'oublie pas comment tout ça finit toujours. "

Il radotait, et ne savait pas vraiment ce qu'il disait. Mais il avait l'impression qu'il y avait là-dedans quelque chose d'important et de bien placé. Ses pattes, peu à peu, cessèrent de trembler, et il se retourna, prêt à retourner vers la frontière sans plus de façons.

Spoiler:

Spoiler:

- Je n'en peux plus. Je n'en peux plus. Elle n'est pas là. Elle n'est pas là et... Le guerrier semblait réellement déséspéré. Comme si il avait eu une profonde réflexion avec lui même qui n'aboutissait absolument à rien de joyeux. Mais Nuit Bleutée ne connaissait pas ce sentiment de perdre un proche, en vérité. Il n'avait pas de compagne et pas de portée, s'imaginer ce que le guerrier devait réellement ressentir était compliqué. Il planta son regard bleu océan dans celui de Crocs Nacrés et ce dernier sembla se rappeler aussitôt de sa présence.

- J'ai déjà perdu assez de temps. C'était un héros, Nuage de Silex. Sans lui, j'aurais été tué il y a longtemps. Mais n'oublie pas, n'oublie pas comment tout ça finit toujours.

Ces mots dits, il fit demi tour et commença à se traîner tristement sur le chemin retour. Nuit Bleutée se surprit à avoir de la pitié pour ce guerrier qui venait de perdre sa fille, alors qu'il venait tout juste de lâcher tout ce que Nuit détestait entendre. Il eut d'ailleurs un étrange sentiment dans le fond de la gorge, comme si il regrettait d'avoir failli se battre avec ce guerrier désespéré, au bord du gouffre, prêt à sauter si le moindre signe indique la mort de sa fille.

Le guerrier du Tonnerre l'observa marcher tristement. Il ne pouvait pas le laisser comme ça. C'était hors de question. Et si il voulait prouver que ce qu'il affirmait sur son clan était vrai, c'était l'occasion ou jamais. Mais au diable sa fierté de clan et ses rêves de respect. Dans l'instant présent, il n'avait qu'une envie: aider Crocs Nacrés. Mais cette envie était contre le Code du Guerrier. Chacun pour soi, qu'ils disaient... Était-ce cela, le Code du Guerrier ? Laisser les autres clans dans la misère et se reposer sur ses lauriers ? Non. Nuit Bleutée n'était pas d'accord, le code du Guerrier était ce qui faisait d'un chat un guerrier noble et respectable: un Guerrier qui aidait son prochain, parfois au détriment même des pensées de son chef.

Il se rua à la rencontre de Crocs Nacrés et vint se poster à côté de lui (car se mettre devant lui agirait comme lui barrer la route de sortie). Peu importe que le guerrier venteux s'arrête ou continue à marcher, Nuit irait à son allure.

- Je veux t'aider Crocs Nacrés. Laisse moi t'aider à retrouver ta fille, dit-il doucement au guerrier. Il se répétait ce mot dans sa tête : «héros.». Considère que je ne suis pas juste un guerrier du Tonnerre qui te propose son aide. Je suis Nuit Bleutée et je veux t'aider à retrouver ta fille. Il n'était pas sûr que ces mots étaient les meilleurs à employer, mais c'était tout ce qu'il avait pour essayer de convaincre le guerrier qu'il était plus que juste "un guerrier du Clan du Tonnerre".

Ça lui était pénible de partir ainsi, indemne et ignorant comme il y était venu. Mais il n'avait que ça à faire. Ce serait déraisonnable de sa part de marcher plus longtemps et de chercher davantage. Ce serait même ridicule. Il sentait bien qu'il était si fatigué que s'il ne rentrait pas directement vers sa couche, sans doute ne rentrerait-il jamais. La vie d'un guerrier du Clan du Vent était toujours prenante, et l'hiver plus que tout, et cet hiver-là plus que tous les autres puisque beaucoup de sentinelles ne chassaient jamais. Il ne pouvait pas se soustraire à son devoir indéfiniment, même pour chercher sa fille. Sa place au sein du Clan du Vent, son sang, croyait-il, la lui interdisait. Ce serait donc, de sa part, particulièrement odieux de trahir le confiance des siens en désertant à un moment pareil.

Tout comme c'était effroyablement lâche de ne pas chercher plus. D'abandonner ainsi et d'accepter de dormir et de manger alors qu'il ne pouvait même pas être sûr que sa fille, elle, le pouvait encore. Il trahissait une promesse faite à Brise Argentée. Une promesse très importante. Crocs Nacrés, toujours, avait le cul entre deux chaises, et se disait, ce qui n'avait rien d'absurde, qu'il échouerait quand même sur tous les plans. Il ne rembourserait sans doute pas plus la dette qu'il devait à son Clan qu'il ne tiendrait sa promesse faite à Brise Argentée.

Une voix se fit entendre, à côté lui. Une voix qui l'étonna à la fois par sa provenance et par son ton très particulier :

« Je veux t'aider Crocs Nacrés. Laisse moi t'aider à retrouver ta fille, dit-il doucement au guerrier. Considère que je ne suis pas juste un guerrier du Tonnerre qui te propose son aide. Je suis Nuit Bleutée et je veux t'aider à retrouver ta fille. »

Il tourna la tête pour s'assurer qu'il s'agissait bien là du noiraud. Je dois être sacrément fatigué, si je ne l'ai ni entendu venir ni reconnu... Qu'est-ce-que je pourrais espérer, à chercher encore... constata-t-il intérieurement avant de retourner la tête en avant, comme si le message le laissait superbement indifférent, comme s'il allait reprendre sa route.

Mais en fait, il fallait juste le temps qu'il se souvienne. Et rapidement, il se tourna vers Nuit Bleutée pour lui répondre, grave, sérieux :

« Tu ne rendrais service à personne. Pas à moi, parce que je... je n'ai pas besoin de toi. » c'était un mensonge, mais au fond, peut-être que son inexpressivité naturelle le masquerait assez. « Ni à toi, parce que ton Clan te le reprochera et le mien n'en conservera aucun souvenir. Et encore moins à elle. Parce que si à son retour, on sentait sur elle une quelconque odeur étrangère... »

Sa voix trembla, sans révéler, néanmoins, la façon dont on traitait, au Clan du Vent, ceux sur qui pesaient des soupçons de trahison. Mais la terreur de Crocs Nacrés était perceptible, elle. Parler de ça le forçait un peu à imaginer sa fille, remmenée au Clan pour en être chassée, elle, ainsi que ses sœurs, et même sans doute, lui, le père, le père au sang mêlé. Le secret serait trahi un jour, forcément. Et aucun scénario n'était pire que celui-la.

« Il faut que ce soit moi qui la trouve. Et de toute façon, de nous deux, c'est moi qui suis en dette. » conclut-il, sinistre. Puis, estimant qu'à cet argument, Nuit Bleutée ne pourrait jamais répondre, le tigré reprit sa marche fatiguée.

Spoiler:

- Tu ne rendrais service à personne. Pas à moi, parce que je... je n'ai pas besoin de toi. Ni à toi, parce que ton Clan te le reprochera et le mien n'en conservera aucun souvenir. Et encore moins à elle. Parce que si à son retour, on sentait sur elle une quelconque odeur étrangère...

D'un côté, c'était vrai. Mais cela paraissait dûr à Nuit Bleutée d'accepter qu'il ne pouvait pas aider Crocs Nacrés, parcequ'il était persuadé qu'il le pouvait. Cela lui paraissait inconcevable, de laisser le guerrier venteux dans la misère, maintenant qu'il l'avait suffisamment compris pour avoir pitié de lui au point de lui proposer son aide, alors qu'ils étaient normalement pires ennemis, par définition.
Si Nuit Bleutée voulait retrouver Nuage d'Alizé, il allait ne pas devoir la toucher. C'était jouable, totalement même. Mais encore fallait-il la retrouver, ce qui n'allait pas être chose aisée. Mais avant ça, il lui fallait convaincre Crocs Nacrés. Il ouvrit la bouche pour répliquer.

- Je...

- Il faut que ce soit moi qui la trouve, le coupa le guerrier venteux. Et de toute façon, de nous deux, c'est moi qui suis en dette.

Aucun son ne sortit de la bouche de Nuit Bleutée. Ce qu'il craignait était donc le cas, Crocs Nacrés ne voulait pas de son aide. Peu importe que Nuit Bleutée le fasse en aidant Crocs Nacrés ou implicitement, il ne voulait pas de l'aide d'un guerrier-écureuil. Il fallait se rendre à l'évidence : Cela ne servait à rien de forcer, Crocs Nacrés était résolu. En mal certainement, car l'aide d'un excellent chasseur comme Nuit avec un très bon odorat lui aurait certainement beaucoup apporté, mais bon. À un moment, il fallait accepter les choses telles qu'elles étaient, fin de l'histoire.

- ... Très bien. Je suis tout de même ravi d'avoir fais ta connaissance, Crocs Nacrés. Bonne chance dans tes recherches. dit finalement le guerrier au pelage ébène, le museau froncé. Il était tout de même déçu de ne pas avoir pu aidé le guerrier venteux dans ses recherches, c'était une bonne occasion de prouver que le Clan du Tonnerre n'était pas une bande de monstres, en plus d'aider un félin dans le besoin.

« La prochaine fois ... » soupira Nuit Bleutée.

Quand Crocs Nacrés eut disparu derrière les buissons, le guerrier du Tonnerre fit demi tour et traina les pattes jusqu'à son camp.