Alone + easy target - abandon

♪ Alone + easy target

L'oreille du matou pivota en direction de la source du bruit. Il tourna à droite, empruntant le chemin le plus court se frayant un passage entre les buissons, faisant craquer leurs branches.
Mais le bruit était toujours là.
Il l'attendait sporadiquement.
C'était un son aigu, ténu mais lancinant, impossible à ignorer.

Les cris devenaient plus forts à mesure qu'il se rapprochait et Mouche fendait les buissons avec plus d'ardeur. Et lorsqu'il arriva, il ne vit rien.
Il attendit que les cris reprennent, pour en localiser précisément la provenance.
Ses yeux ricochèrent du sol à la cime des arbres sans rien trouv -

PIIIII

Il baissa la tête et fit quelques pas, le nez au ras du sol-

CUII CRIII CUIIIII

Pour se retrouver nez à nez avec une bête misérable. Mouche se coucha sur le ventre, pour être à sa hauteur. C'était un oisillon tombé du nid et malgré ses cris stridents, personne ne lui était venu en aide. Le matou était un bien piètre chasseur, et des bêtes éclopées, c'était tout ce qu'il arrivait à ramener la plupart du temps.

Mais là... Cet oiseau ne nourrirait même pas la moitié d'un chaton. Il n'avait rien d'un oiseau à vrai dire. Mouche aimait les oiseaux ( pas autant que les insectes tout de même ) car ils avaient des ailes eux aussi. Ils étaient libres de partir où ils voulaient, quand ils voulaient, beaucoup mieux que lui ne pourrait jamais le faire avec ses pattes trop grosses et son corps trop grand.

Mais la petite chose à ses pattes n'avait rien de ce symbole de liberté et de majesté. Il ouvrait juste grand son petit bec brun, et tordait pitoyablement sa chair noire et nue dans la terre. Heureusement, Mouche était là pour mettre fin à ses souffrances.
Il ouvrit la gueule, puis la referma, indécis sur la manière de mise à mort.
S'il l'écrasait, il avait peur que l'oisillon disparaisse en poussière vu sa taille.
S'il le tuait d'un coup de crocs, il avait peur de l'avaler et de ne rien pouvoir ramener au camp.

Il allait le mordre très précautionneusement.

Mouche inclina la tête pour prendre entre ses crocs un genre d'os proéminent sur son flanc et ferma sa mâchoire d'un coup sec. Les cris redoublèrent d'intensité et tout ce qu'il réussit à faire c'est arracher un bout de chair qui fut immédiatement recouverte par du sang.

Pouah !

Il était infecte. Mouche recracha vite ce bout d'aile avorté. Et pourtant, il en avait goûté des insectes ! Mais trop petit pour nourrir et trop mauvais pour être mangé, il n'avait aucune raison de tuer et ramener cet oisillon.
Ça tombait bien, il aimait ramener des choses vivantes au camp. Il avait même une petite cachette à élevage d'insecte, qu'il avait dû déplacer maintenant qu'il était devenu guerrier. Beaucoup d'insectes s'étaient enfuis pendant le processus et les guerriers lui avait bien fait comprendre qu'il était hors de question qu'il en installe une autre dans leur tanière.
Ca serait donc l'occasion de recommencer sa collection.

Sa décision prise, il prit la boule de chair dans sa gueule et trottina en direction du camp.

***

Il descendit le léger dénivelé pour arriver dans le camp du Tonnerre. Il avisa une petite boule blanche non loin de la pouponnière. Il ne se rappelait plus de son nom mais il sait qu'elle est la fille de son beau père. Ca fait d'eux des genre de cousins non ?

Pfffssssst !

Il essaya d'attirer son attention, mais son chuchotement ressemblait plus à un crachat à cause de son passager clandestin. Il le laissa choir sur le sol. La pauvre bête n'avait même plus la force de crier après ce voyage.

Narre-moi, tu serais pas en possession de la connaissance de bonnes cachettes par hasard ??

Ce matin, Petit Loir doit jouer tout seul -quelle horreur ! C'est que pour une fois, le tout jeune mâle gris s'est réveillé un peu trop tôt, et Joli Cygne et Petite Souris sont encore endormis dans la pouponnière. La reine à l'unique tache noir et son fils à l'unique tache blanche ont bien de quoi être épuisés : vivre avec une boule de poils comme Petit Loir est un exercice quotidien exténuant ! D'ailleurs l'intéressé n'était initialement pas parti pour sortir sans compagnie : il s'apprêtait à réveiller son acolyte de toujours avant que l'une des nourrices rabat-joie ne le lui interdise fermement.

Vraiment pas drôle. Mais alors vraiment pas drôle du tout ! ronchonne intérieurement d'ailleurs le petit aux yeux ronds, alors qu'il quitte la chaleur du nid.

Pourtant pas d'une nature capricieuse, il a soudain l'envie de bouder. Problème : personne en vue pour constater son courroux passager. Le chaton se contentera donc de lever les yeux au ciel en se dirigeant vers sa boule de mousse préférée. Pourquoi préférée ? Parce que c'est son papa Corne de Bouc qui lui a confectionné, rien que pour lui et Petite Souris. Et même s'il accepte parfois de la prêter à ses camarades de tanières, Petit Loir veille toujours très consciencieusement à ce que personne n’abîme son précieux présent. Il commence à la pousser du bout de la patte, lui-même pas très convaincu d'avoir envie de la lancer tout seul lorsque soudain :

« Pfffssssst ! »

Mh ? Il arrive vers le grand chat brun en trottinant joyeusement. Enfin un peu de stimulation !

« Narre-moi, tu serais pas en possession de la connaissance de bonnes cachettes par hasard ?? »

Petit Loir cligne des yeux. Il se penche, pour voir ce que vient de lâcher le jeune guerrier à terre et lâche un grand sourire excité lorsqu'il découvre ce truc vivant.
Cachettes ? Il en connaît pleins des cachettes ! Il joue toujours à cache-cache avec Petite Souris et Joli Cygne -d'ailleurs, pour une raison inconnue Joli Cygne ne comprend jamais qu'elle n'a pas le droit de les appeler d'une voix inquiète puis réprobatrice pour gagner.

« Oui oui j'en connais pleins pleins des cachettes ! » Il secoue la tête vivement de haut en bas pour appuyer ses propos. « Y en a dans la pouponnière, dans la tanières de Secret du Firmament, derrière les buissons là-bas, moi je peux me glisser sous les ronces là-haut -même si maman déteste quand je fais ça- et surtout y en a une giga méga trop bien dans la tanières des apprentis, mais ils sont jamais gentils avec nous parce qu'ils disent qu'on a même pas le droit d'y aller. Mais toi comme t'es guerrier t'as le droit d'aller partout, pas vrai ?! »

Il tourne autour des grandes pattes fines du mâle brun, sautillant presque de joie. Petit Loir déteste jouer tout seul. Et là le guerrier aux drôles d'oreilles vient lui apporter mieux qu'un jeu : une mission ! Il dit, pas discret du tout :

« Dis, dis, dis c'est quoi ? C'est quoi ?! C'est vivant ? Tu vas le manger ? »

— Oui oui j'en connais plein plein des cachettes !
— Mh ! acquissa Mouche, ravi de cet enthousiasme.

Le petit reprit :

Y en a dans la pouponnière, dans la tanières de Secret du Firmament, derrière les buissons là-bas, moi je peux me glisser sous les ronces là-haut -même si maman déteste quand je fais ça- et surtout y en a une giga méga trop bien dans la tanières des apprentis, mais ils sont jamais gentils avec nous parce qu'ils disent qu'on a même pas le droit d'y aller. Mais toi comme t'es guerrier t'as le droit d'aller partout, pas vrai ?!

Mouche s'assit pour réfléchir à toutes ces options. Les cachettes à l'intérieur de tanières le l'intéressaient pas trop. Il en voulait une secrète, dont il serait le seul à connaître l'existence et le seul à avoir accès. Mais peut-être qu'en attendant de trouver sa cachette idéale, il pouvait donner sa chance aux cachettes du chaton.

Il hocha la tête - accompagnant son mouvement d'un autre hum ! - à l'évocation de la cachette dans la tanières des apprentis. Le chaton gris faisait sûrement référence à son ancienne cachette à insectes. Mouche fut un peu attristé de savoir que les apprentis étaient méchants à l'égard des chatons. Les chatons étaient rigolos et ils venaient souvent voir les apprentis les yeux plein d'étoiles, ce qui était assez agréable pour certains apprentis qui pouvaient se vanter autant qu'ils en avaient envie.

Mouche réfléchissait toujours à ses possibilités quand le chaton cria :

Dis, dis, dis c'est quoi ? C'est quoi ?! C'est vivant ? Tu vas le manger ?

Le mâle brun ouvrit ses grands yeux et pencha la tête au sol, comme s'il venait de se rappeler seulement maintenant de l'existence de la misérable créature qui gisait à ses pattes.
Son regard s'illumina devant tant de curiosité. L'oisillon n'était pas un insecte et Petit Loir échapperait donc à une longue explication confuse sur l'animal. Mouche relata simplement sa découverte :

Je l'ai trouvé sur le par terre. J'ai voulu l'ingestionner mais il est pas franchement délicieux.

Il secoua la tête et conclut :

Je vais l'entrepo-déposer avec mes insectes ! Ah, mais j'en ai plus trop des invertébrés....

Il baissa les oreilles à ce souvenir.

D'acc, empare-le et va le mettre dans ta cachette roncière. Je reviens.


Sur ce Moche s'éloigna dans un saut pataud, la tête frôlant le sol, cherchant des vers de terre.