Corvée sur corvée ft. Pelage de Boue - end

Caché à l'ombre d'un rocher pour fuir la chaleur tapante du soleil, je venais tout juste de finir ma souris quand mon nouveau mentor, Pelage Tacheté, vint me déranger. Apparemment je devais aller nettoyer la litière d'au moins un ancien parce que c'était dans l'ordre des choses. Ce fut donc sans grande motivation que, lentement, je me levai pour aller nettoyer la merde des autres. Dans toutes les tâches à faire, c'était celle que, pour ainsi dire, je comprenais le moins. Non mais comprenez moi bien, ils sont vieux, certes, mais pas handicapés ! Ils peuvent bien enlever deux-trois crasses de leur nid douillet eux mêmes. En plus, avec tout le respect que je leur dois, les vieux ça puent et parlent à tout va. Je m'en passerais volontiers des histoires d'antan... Mais eux, ils ne peuvent pas s'empêcher des les raconter. Alors si ça leur fait plaisir, incroyable mais vrai, je peux bien fermer mes yeux et mes oreilles pour une fois et laisser ça couler.

Je me dirigeai vers le fameux tronc des anciens. D'abord, je passai uniquement une patte et déjà je pouvais sentir la chaleur qui y régnait. Ils devaient rester enfermer là-dedans toute la journée pour réussir à atteindre une température pareil, je n'osais donc même pas imaginer l'odeur. Après une profonde respiration je pénétrai complètement dans leur tanière. Ce fut à ce moment là que je remarquai plusieurs autres apprentis s'attardant à la tâche. Je cherchai donc du regard un ancien ou une ancienne seule, pas trop grognon dont la litière n'était pas encore faite. Je repérai Pelage de Boue, seule, à sûrement attendre qu'on s'occupe d'elle. Je me disais qu'il n'était pas encore trop tard pour partir discrètement et dire que la tâche fut accomplie. Mais bien sûr, le Clan des Étoiles ne devaient être de mon avis car pile à ce moment là, mon regard croisa le sien. Aucun retour en arrière était donc possible... Je m'avançai vers elle, néanmoins la tête haute car même si je devais me réduire à une tâche aussi ingrate pour ma personne, je restai le fils d'un grand guerrier, que dis-je, d'un grand lieutenant ! Arrivé à sa hauteur, je m'assis en face d'elle.

« Bonjour Pelage de Boue, je vais m'occuper de ta litière pour toi. »

Me tenant de toute ma hauteur, je m'attaquer à ma corvée ne cachant à aucun moment sur mon visage le fait que je n'appréciais pas être ici. Et ce fut en enlevant la première crasse du bout de ma griffe du nid de Pelage de Boue, que je me rendit compte de ma grossière erreur. Je me retrouvais en face de Pelage de Boue, aka la mère de Pelage Tacheté, mon nouveau mentor. Crotte de Renard... Je suis maintenant obligé de m'appliquer.

Pelage de Boue s'assis et m'observa. Être au centre de l'attention, de la lumière est quelque chose que j'apprécie. Mais je préfère que cela arrive quand je fais quelque chose d'incroyable ou en tout cas d'un peu plus glorieux que de nettoyer une simple litière. Dans ces conditions, je me sentais presque mal à l'aise. Je voulais partir, oh oui, mais pas sans avoir fini, sinon bonjour la réputation. J'entends déjà des critiques comme quoi je n'étais pas capable de réussir une tâche aussi vulgaire que celle-là. Le plus drôle c'est que ces chats qui critiqueront le feront discrètement dans mon dos, ne voulant probablement pas s'attirer les foudres de mon père. Mais j'aime me dire que c'est moi qui leur fais peur et qui leur inspire cette petite impression de crainte.

« Bonjour, Nuageux Plumage, c’est gentil de ta part. Dis-moi, tu es l’apprenti de Pelage Tacheté, non ? Alors dis-moi, Tatache n’est pas trop dur ou sévère avec toi ? Je l’ai plutôt élevé à la dure, tu sais ? »

Trop pris dans mes pensés, je sursautai face à ce retour sur terre forcé occasionné par cette vieille peau. Je n'avais pas prévu de faire la conversation. Je voulais seulement être poli en lui disant bonjour en rentrant... De plus, j'ai comme l'impression que les anciens, ne recevant pas souvent de la visite, veulent en profiter au maximum. Et j'appuie mes propos car celle-ci en fait le parfait exemple. Elle vient de me poser au moins trois questions en l'espace d'une respiration. Bon, il est vrai qu'ils n'ont plus mon temps devant eux. C'est peut être une autre raison pour laquelle ils parlent beaucoup.
De quoi me parlait-elle déjà ? Ah oui, Pelage Tacheté, mon nouveau mentor, son fils. Ce n'est pas parce qu'ils étaient en mauvais terme que je devais en recevoir les répercussions...

« Oui c'est exacte, je suis l'apprenti de Pelage Tacheté. Non ça va. Certes il a un caractère bien trempé, mais je ne me laisse pas si facilement impressionné. »

Eh une réponse claire et concise pour la dame. Je ne voulais pas m'éterniser sur des détails futiles de ce qu'il se passait lors de mes entraînements. Si elle voulait en savoir plus, elle n'avait qu'à ravaler son ego et aller le voir. Je dois bien avouer que ce n'est pas une chose facile, personnellement je ne le ferai probablement jamais. Mais c'est surtout parce que je n'ai jamais tord et que je me retrouverai jamais dans cette position. Après, si par malheur cela m'arrive, je ferai une exception pour ma famille, mais seulement pour elle.
Je m'attelai avec un peu plus de vigueur sur son nid. Je me concentrai vraiment sur le nettoyage en surface de ce dernier, comme ça il aura l'illusion d'être propre sans véritablement l'être. Ainsi, je pourrai m'évader rapidement d'ici.

Mais pour qui elle se prend pour me faire la morale ? J'aime qu'elle souligne le fait que je sois le fils du lieutenant, mais pas pour ensuite l'utiliser contre moi et me rabaisser de la sorte. Sa brindille, j'allais la ramasser ! Encore une remarque de la sorte et je la transforme en une chose indéfinissable, sa litière, pas elle bien sûr, quoique... Cependant, en y repensant, je devrai probablement nettoyer la pagaille laissée derrière cet élan de rage et je préfère me prélasser au soleil... Ça n'en vaut pas la peine.
Un autre point que je n'ai point apprécier dans son commentaire, c'est qu'elle me compare avec son "fils chéri". Encore une fois, qui est-elle, me connaissait-elle seulement un peu avant que je ne pénètre dans cet endroit nauséabond ? J'ai du mal à y croire. Je la toisai, de haut en bas de toute ma stature. Lui faire un sourire emplit de bonnes ondes serait faux-cul de ma part et je ne suis pas comme ça. Certes, pour gravir les échelons il vaut mieux avoir plus d' "amis" que d'ennemis. Mais premièrement, je pense me satisfaire du titre de guerrier, sinon advienne que pourra, deuxièmement, il n'y a rien à faire, je ne pense pas pouvoir tolérer cette vieille peau plus de trois battements d'ailes d'oiseau.

« Attention, ce n'est pas bien de juger quelqu'un qu'on ne connait pas, uniquement sur ses premiers faits ou ce qu'il inspire au premier regard, souvent ce qu'il cache à l'intérieur est digne d'un trésor et plus d'une fois les chats qui ont commis cette erreur s'en sont mordus les pattes. »

J'affichai un léger sourire carnassier qui disparu bien vite quand je tombai sur une sorte de boule de poils rester bloqué là depuis bien trop longtemps à mon goût. Depuis quand son nid avait-il été fait la dernière fois ? Il est tellement sale que cela ne m'étonnerait même pas d'y retrouver le cadavre d'un rat à l'intérieur. J'aurais déjà pété une crise depuis longtemps, j'entends par là me plaindre s'en m'arrêter jusqu'à ce que quelqu'un vienne. C'est comme ça que je suis, un fainéant qui aime se faire servir pendant qui aime se coucher au soleil. Mais certainement pas un lèche-cul qui joue la fée du logis pour les autres et qui, en plus, se fait réprimander gratuitement.

Eh la voilà qui commençait à me donner une leçon de vie en mêlant son expérience passée. Est-ce que je l'écoutais ? Non. Pourquoi ? Tout simplement parce que cela ne m'intéressait pas le moins du monde. Je la regardais, partie dans son monologue d'ancienne, et la jugeais. Mis vint alors quelque chose d'intriguant. Un autre ancien, Coeur de Blizzard, remit gentiment cette vieille peau à sa place. Je ne pouvais qu'apprécier son intervention. Pelage de Boue se racla la gorge et, j'avais comme l'impression qu'elle était gênée.
Dressé, je regardai la vieille de haut, mon regard bleu glacial plongé dans le sien. Un sourire narquois se dessina sur mes babines et dans un petit rire je dis :

« Alors comme ça, on fait la maligne avec une petite remontrance, mais finalement on est "pire" que moi ?! » Enfin selon ses dires, car je suis parfait. « C'est le guérisseur qui se fout de la charité ! »

Je portai mon regard sur sa litière, encore à moitié sale, et soupirai.

« Tu sembles encore mal à l'aise avec cette bêtise passée. C'est peut-être parce que tu ne t'es pas encore pardonnée à toi même. Mais ne t'inquiètes pas, voici l'occasion de le faire en terminant de laver ta litière. C'est comme si tu rangeais le bazar mis dans la tanière des guerriers. Cet acte est symbolique. »

J'avais pris un ton sérieux, presque compatissant. Je tirais sur ses ficelles si douloureuses. Mais il fallait que tout soit de mon côté pour que je puisse rapidement retourner me reposer comme à mon habitude.