Make a new friend ft. Petit Lycoris - abandon

Petit Épervier avait bien grandi, et depuis peu, il faisait parti des chatons les plus vieux de la pouponnière. Le brun prenait son rôle d'aîné très à cœur, même si Petit Myosotis restait techniquement la doyenne des chatons. D'ailleurs, c'était principalement pour montrer qu'il était le plus courageux que le fils d'Œil de Biche s'aventurait dehors aujourd'hui malgré la météo. En effet, les chats de Cerfblanc avaient quitté les chaudes nuits d'été depuis un moment et déjà la saison des feuilles mortes s'invitait dans le paysage. Ce matin, la bruine avait tant humidifié le sol qu'il s'était transformé en une gadoue poisseuse par endroit, souillant ça et là les fourrures des guerriers. La tête haute, le chaton au poitrail blanc quitta alors la chaleur de la pouponnière, prouvant à quiconque l'aurait nié qu'il était super méga cap' de sortir.

Ce fut une brise glaciale qui l’accueillit sur le seuil-même de la tanière. L'animal ne retint pas son sifflement de surprise mais il s'interdit surtout de faire demi-tour. Ce serait trop la honte ! Petit mais effronté, le mâle aux yeux dorés se glissa sous la bise et trotta jusqu'au seul arbre encore debout dans le Camp; maigre et déformé par les rafales des landes, ledit arbre n'avait pas fier allure. Cependant, Petit Épervier était bien content d'avoir pu le trouver là. Pensant à haute voix, il miaula sans savoir qu'il serait entendu par l'un de ses camarades :

« Dire que les guerriers du Clan du Tonnerre peuvent y grimper... Quelle drôle d'idée ! Ils sont vraiment bizarres ceux-là, comme tous les autres d'ailleurs ! »

Et alors son regard s'éleva jusqu'à la cime de l'arbre, comme s'il cherchait justement un matou ennemi haut perché.

HRP:

Encore une nuit sans sommeil, malgré la chaleur de sa mère et la présence rassurante de ses frères et sœurs.
Petit Lycoris regardait la lumière de l'aube filtrer à travers les trous de la pouponnière. A mesure que le jour se levait, les tâches de lumières devenait de plus en plus grandes.
Le jeu était donc de se tenir immobile à un endroit jusqu'à ce que la lumière viennent lui lécher les pattes pour plonger à nouveau dans les ténèbres.

Mais ce jeu le lassa plutôt rapidement ( et pour cause ) alors dés qu'il vit un chaton sortir de la pouponnière, Lycoris lui emboîta le pas.
C'était Petit Epervier, son aîné. Une des rares personnes dont Lycoris appréciait la compagnie et la discussion.
Le chaton deviendrait bientôt apprenti et Lycoris ne se faisait pas d’illusions : comme tous ceux avant lui, il oublierait sa vie de chaton et ses compagnons de pouponnière.
Mais pour l'instant il était là et pensait à voix haute, comme le chaton blanc le faisait souvent lui même.

Ouais 'sont cons. J'vois pas à quoi ça peut servir.

En réalité, Lycoris ignorait totalement que les chats du Clan du Tonnerres se livraient à de pareille activités.
Le territoire du Clan du Vent n'offrait pas beaucoup de possibilités d'escalade. Il n'y avait de toute façon aucun but utilitaire à grimper à un arbre. Il était impensable de réussir à attraper un oiseau en grimpant à un arbre. L'oiseau était imbattable sur son propre terrain.
La dimension symbolique des hauteurs échappait aussi à Lycoris.
C'est donc dans un but purement récréatif qu'il s'élança toutes griffes sorties vers l'arbre après avoir déclaré :

Mais si ils peuvent leur faire, alors nous aussi.

Le tronc était lisse et les muscles de Lycoris trop faibles pour lui permettre une ascension. Il se laissa glisser lamentablement de l'arbre après s'être accroché à trente centimètres au dessus du sol.

« Ouais 'sont cons. J'vois pas à quoi ça peut servir. »

Petit Épervier, surpris qu'on lui réponde, se retourna. Il reconnut alors son camarade de tanière, Petit Lycoris. Le matou bicolore était plus jeune que lui, cependant le brun appréciait sa compagnie. Ce sentiment semblait réciproque d'ailleurs.
Le chaton aux yeux dorés se mit à réfléchir un instant. Il était improbable, dans ces landes, que grimper aux rares arbres ait une quelconque utilité. Les lapins se réfugiaient sous la terre, et les oiseaux régnaient dans le ciel. Entre les deux, il n'y avait rien. Rien de bon à manger ne vivait dans les arbres, et il était improbable d'attraper lapin ou oiseau de là. Alors pourquoi les guerriers du Clan du Tonnerre y grimpaient, franchement ? Ou bien n'y chassaient-ils pas... ? Petit Épervier n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage, la voix de son ami retentit à nouveau.

« Mais s'ils peuvent le faire, alors nous aussi, fit le mâle noir et blanc avant de tenter sa chance.
- T'as bien raison ! Je suis sûr qu'ils font ça juste pour pouvoir faire les malins et faire croire aux autres qu'ils sont plus forts. Mais c'est faux; tout le monde sait que c'est le Clan du Vent, le meilleur. »

Déterminé, et surtout encouragé par la participation de son ami, le fils de Cobra Royal et Œil de Biche bondit en direction du tronc. Toutes griffes dehors, l'animal aux pattes blanches tenta de grimper également. Il parvint à loger ses griffes dans l'écorce du végétal, mais très vite il se retrouva immobile, à quelques tristes centimètres au-dessus du sol. On ne lui avait jamais appris à monter aux arbres, alors il fut pris de honte : il avait trop peur pour se lancer plus haut, et trop d'orgueil pour se laisser glisser en bas. Mais il n'était qu'un chaton et ses muscles le firent rapidement souffrir, ainsi tendus pour rien.

« Humpf ! » lâcha-t-il lorsqu'il eut trop de peine à tenir. « C'est sûr qu'on peut y arriver Petit Lycoris, je suis certain qu'on va y arriver ! »

Fort de son caractère, la petite bête ne se laissait pas démolir et alors Petit Épervier s'essaya encore quelques fois à l'escalade. Il parvint une fois à grimper d'au moins un mètre ! Mais il se fatiguait vite et bientôt ses pattes le faisaient souffrir. Il est hors de question que j'échoue là où d'autres ont réussi ! jurait-il intérieurement, tenace.

Lycoris atterrit mollement sur les fesses et jeta à son comparse un regard de déception.

Tu peux rire si tu veux.

Maman ne pourra pas me gronder si je me suis battu parce qu'on s'est moqué de moi.
Mais Epervier n'avait aucune malice dans le regard. C'est pour cela que Lycoris l'aimait bien. Il était mature pour son âge, et pas abruti comme bien trop d'autres chatons qui pouffait pour un oui ou pour un non.

Le matou brun tenta lui aussi l'escalade.
C'est sûr qu'on peut y arriver Petit Lycoris, je suis certain qu'on va y arriver !
Bah apparemment non.

Lycoris se coucha sur le ventre, vaincu et épuisé. Ils devaient accepter l'évidence : ils étaient trop nuls pour grimper ou trop fiers pour se prétendre chats du tonnerre.
Il promena son regard sur le camp, recherchant d'éventuels témoins de cette glorieuse tentative. Mais personne n'était assez courageux ou assez fou pour braver la lande glaciale et son vent hurlant dans l'aube du matin.
Lycoris reporta son attention sur son aîné. Il avait en réalité réussit à monter deux fois plus haut que lui même.

C'est pas mal en fait. son pessimiste fut tout de même obligé de le reconnaître. Encore un peu et t'atteins les branches.

Le chaton rassembla ses pattes sous son ventre, attendant la suite des événements avec intérêt.

« Bah apparemment non. » concluait le bicolore alors que son comparse au médaillon blanc continuait de tenter sa chance.

Petit Épervier se retourna, constatant que son ami n'était vraisemblablement pas aussi motivé que lui. Le fils de Cobra Royal était un peu déçu de voir le mâle aux yeux bleus s'avouer vaincu si vite. Il se mit en tête qu'il avait tort de baisser les pattes et, fronçant les sourcils en signe de détermination il se remit à la tâche. Si les boules puantes du Tonnerre peuvent le faire, alors moi aussi ! Lorsqu'il parvint à battre son propre record, il se réjouit d'entendre l'autre chaton revenir sur ses mots.

« C'est pas mal en fait. Encore un peu et t'atteins les branches. »

Le petit au duvet brun s'accorda un sourire victorieux bien qu'il ne grimpa jamais à l'arbre : il avait battu le pessimisme de Petit Lycoris, et ça lui suffirait pour aujourd'hui. Il lui glissa un regard assuré, désireux de transmettre au fils de Cri des Albatros sa combativité.

« Tu vois, il suffit qu'on s'entraîne et je suis sûr qu'on pourra grimper ! » Il lui accorda un sourire sympathique, avant d'ajouter en s'appuyant sur ce qu'il savait déjà du bicolore. « Une fois perché là-haut, tu pourras être sûr que personne ne viendra nous embêter ! »

Petit Épervier abandonna un moment l'idée de recommencer; son corps manquait encore de muscles et d'adresse. Ces quelques tentatives avaient épuisé l'énergie du petit, qui finit par s'approcher de son ami. Il s'assit à une distance respectable de ce dernier et jeta un coup d’œil au Camp : ils étaient les seuls de sortie.

« ... On s'ennuie trop ici. J'ai hâte d'être apprenti et d'enfin quitter le Camp, découvrir nos terres. Pas toi ?! »

Le baptême du mâle brun ne tarderait plus, encore une paire de lunes et il recevrait son nom de Nuage en compagnie de toute sa fratrie. Pour l'heure, l'animal aux iris dorés ne s'inquiétait pas encore de son orientation mais bientôt Étoile Tropicale viendrait sans doute le questionner sur ses préférences : allait-il devenir guerrier comme sa mère ou bien ferait-il une aussi bonne sentinelle que son père ?

HRP:

— ... On s'ennuie trop ici. J'ai hâte d'être apprenti et d'enfin quitter le Camp, découvrir nos terres. Pas toi ?!
— Ouais. Lycoris comprenait l'enthousiasme de son aîné. Pour lui le baptême pouvait arriver demain, pour Lycoris c'était une perspective plus lointaine et intangible. Toi c'est bientôt en plus. Moi j'vais rester encore un moment à crever d'ennui ici.

Le chaton se redressa pour s’asseoir. Ses yeux bleus qui vagabondaient d'habitude çà et là sans croiser le regard des autres se fichèrent dans les prunelles du mâle brun. Ouais, il enviait un peu Épervier. Il allait voir en vrai ce qu'on leur racontait depuis qu'ils avaient mis une patte sur cette lande balayée par les vents.
Il allait voir les lapins, les buissons bas, les rochers chauffés par le soleil et les autres chats différents et terrifiants car on les disait mauvais.

Tu me raconteras ? demanda t-il. Y'en a plein quand ils deviennent apprentis, tu les revois plus jamais. Ils oublient leurs potes. Tu feras pas ça toi, hein ?

Spoiler:

La réponse du chaton noir et blanc ne tarda pas.

« Ouais. » fit-il assez platement. « Toi c'est bientôt en plus. Moi j'vais rester encore un moment à crever d'ennui ici. »

Petit Lycoris se redressa, si bien qu'il finit par s'asseoir et planter le bleu de ses yeux dans les iris dorés de son ami. Le brun l'observa avec compassion. Il savait combien le bicolore s'ennuyait dans le Camp, et comme tout chaton le temps qui le séparait de son baptême lui paraissait être une éternité. Quelque part, Petit Épervier ressentait un pincement au cœur à l'idée de ne plus passer autant de temps avec son ami. Il dormirait bientôt dans l'antre des apprentis avec le reste de sa fratrie, et sans doute ses journées seraient-elles rythmées par l'entraînement.

« Tu me raconteras ?
- Je te le promets. répondit-il solennellement.
- Y'en a plein quand ils deviennent apprentis, tu les revois plus jamais. Ils oublient leurs potes. Tu feras pas ça toi, hein ? »

Le brun prit le temps de réfléchir. Il ne fallait pas répondre bêtement que non et ne pas parvenir à tenir ses engagements : ce serait grave. Il n'avait qu'une parole. Cependant, il paraissait impossible pour le brun d'oublier son ami de la pouponnière, même une fois devenu un Nuage. Le fils de Cobra Royal secoua vivement la tête de droite à gauche.

« Bah non Petit Lycoris. Je ne pourrais pas t'oublier, quand même ! » Il marqua une pause, pensif. « Je veux être une sentinelle... Alors je ne sais pas si j'aurais le temps de jouer avec toi à nouveau très souvent. Mais je viendrais te voir quand je le pourrais, ça c'est sûr ! »

Il glissa un sourire assuré au mâle malingre; c'était comme une promesse. Ils resteraient amis pour la vie, Petit Épervier en était convaincu à cet instant précis.

« J'espère que tu me rejoindras vite chez les apprentis quand même. T'imagines ?! » fit-il, très enthousiaste. « On s'entraînera ensemble, ce sera trop bien ! »

Un sourire s'invita sur la gueule du petit alors qu'il les imaginait, lui et Petit Lycoris, bravant le vent de la lande et partir à l'aventure en duo.

Silence. Epervier hésitait.
Lycoris le fixait dans l'attente d'une réponse.
Ça voulait dire qu'il préparait un mensonge. Ou qu'il allait dire non poliment. Son attitude ressemblait plus à celle des adultes quand il leur posait des questions auxquelles ils ne voulaient pas répondre, qu'à des chatons quand on leur demandait à peu près n'importe quoi et qu'ils braillaient "oui" avec enthousiasme.

— Bah non Petit Lycoris. Je ne pourrais pas t'oublier, quand même !
— Mouais.

Le gosse afficha une mine dubitative. Et déjà son compère reprit :

« Je veux être une sentinelle... Alors je ne sais pas si j'aurais le temps de jouer avec toi à nouveau très souvent. Mais je viendrais te voir quand je le pourrais, ça c'est sûr !

Il lui offrit un sourire sincère, que vit vaciller le pessimisme de Lycoris. Peut-être qu'Epervier croyait vraiment à ce qu'il disait après tout. En tout cas sa voix débordait d'un enthousiasme sincère, qui lui fit tout bizarre dans la poitrine. Un peu comme quand il parlait à son frère, et à sa soeur, et qu'il avait le sentiment de se sentir aimé.
C'était chaud et agréable. Ca compensait doucement la fraîcheur du sol sec qui montait par ses pattes.

J'imagine que tu reviendras pour changer les litières. répondit-il, plaisantant à moitié.

Et déjà le brun de planifier le futur :

— J'espère que tu me rejoindras vite chez les apprentis quand même. T'imagines ?! On s'entraînera ensemble, ce sera trop bien !
— Je veux être sentinelle aussi ! déclara t-il avec ferveur. Défendre le territoire c'est le plus important. Ca sert à rien sinon d'être un guerrier si on pas protéger ceux qu'on aime.

Lycoris se mit debout, pliant et dépliant ses pattes déjà engourdies par le froid matinal. Il lorgna Epervier qui était plus grand et plus gros que lui ( car plus âgé ).

J'espère que je vais devenir aussi fort que toi à cause que sinon je vais continuer à me faire défoncer dans les combats.

Les luttes amicales entre chatons se finissaient toujours mal pour lui. Il n'arrivait pas à gagner et terminant plaqué au sol, incapable de bouger et c'était souvent Boule Colorée qui le maintenait au sol avec un sourire triomphant.

Nuage d'Épervier s'émerveilla d'entendre son ami se laisser à son tour envahir par l'excitation. Petit Lycoris de miauler avec ferveur :

« Je veux être sentinelle aussi ! Défendre le territoire c'est le plus important. Ca sert à rien sinon d'être un guerrier si on pas protéger ceux qu'on aime. »

Et son ami au médaillon d'acquiescer vivement d'un hochement de tête. Là dessus, ils étaient d'accord : être guerrier, ça ne servait vraiment à rien si on était incapables de protéger les siens. Petit Épervier laissa une douce chaleur l'habiter alors qu'il s'imaginait combattre vaillamment des intrus malintentionnés. Il était déjà fier de se destiner à cette tâche : celle de protéger.

« J'espère que je vais devenir aussi fort que toi à cause que sinon je vais continuer à me faire défoncer dans les combats. » poursuivit le chaton bicolore, visiblement pensif.

Il était vrai que le fils de Cri des Albatros remportait rarement les combats parmi les chatons de la pouponnière... Mais Petit Épervier voulut relativiser : son ami faisait également parti des plus jeunes. Dans l'espoir de rassurer le mâle aux yeux bleus, le matou brun lui répondit :

« Ne t'en fais pas Petit Lycoris, même si tu restes petit tu es trop intelligent pour te faire défoncer continuellement. Tu surprendras tes adversaires par ton esprit, et leur cloueras le bec ! »

Il agrémenta ces douces paroles d'un clin d’œil complice.

HRP: