L'art de la toilette [PV Papa Foudre] - abandon

Aujourd’hui, comme depuis quelques jours déjà, Boule de Chance s’était décidée à sortir le nez de la pouponnière. Ourse Polaire avait pensé qu’il était temps pour toute la petite famille de changer un peu de paysage -et d’offrir un peu de silence aux autres reines-. Aussitôt avait-elle foulé le sol herbeux de ses pattes que Boule de Chance était déjà partie en vadrouille à la recherche de nouveaux trésors pour alimenter sa cachette secrète (un petit creux dans la paroi de la pouponnière qu’elle pense introuvable). Pour trouver ses trésors, la chatonne se rendait absolument partout dans la clairière et bien évidemment rentrait de ses prospections complètement sale, de la tête jusqu’aux pattes, ce qui rendait Ourse Polaire absolument furieuse. S’en suivait ensuite une séance de nettoyage forcé aveclalanguequigrattetropfort et le poil absolumentdétrempé.

Si bien qu’elle avait fini par détester les toilettes et qu’elle avait pris la décision de ne plus se laver les poils. Ainsi, on pouvait voir vadrouiller dans le camps une petite Boule de Chance au poil plus si blanc que ça, recouvert de poussière et de feuilles entremêlé dans son pelage. Mais revenons à nos moutons.
Ce jour-là donc, Boule de Chance transportait dans sa gueule une plume de pigeon un peu trop grande pour elle. Pour éviter Ourse Polaire et sa terrible langue râpeuse, elle avait décidé de construire sa nouvelle cachette hors de la pouponnière et avait trouvé un coin génial près de la tanière des guerriers. La tanière des anciens recelait elle aussi de nombreuses planques pour ses trésors (elle y avait sérieusement pensé), mais Boule de Chance savait que si un seul ancien l’attrapait dans son déménagement, elle serait obligée de rester très très longtemps à écouter leurs commérages (même si elle aimait bien parler avec eux, elle avait d’autres chats à fouetter actuellement).

Donc, pour le moment toujours occupée à faire attention où elle mettait les pattes en tenant fermement avec ses petits crocs la plume de pigeon, elle ne remarqua pas le chat qui marchait en travers de son chemin. Et ce qui devait arriver arriva, Boule de Chance fonça tête la première dans les pattes du grand chat. Recrachant les barbules qu’elle avait arraché de sa plume-trésors, elle gonfla son poil comme faisait parfois Ourse Polaire qui n’était pas très contente et sautilla pour se fâcher contre l’inconnu.

« Eeh ! Pourquoi tu regardes pas où tu mets tes pattes, c’était mon chemin ! »

Elle gonfla les joues et leva la tête pour regarder qui lui avait barré la route. Tout son poil retomba sur le dos quand elle reconnut son papa Coup de Foudre.

« Papa Foudre ! »

Elle sautilla au-dessus de sa plume pour entamer une demie-escalade sur le dos de Coup de Foudre et atteindre l’oreille du bengal pour lui chuchoter à l'oreille.

« Bon euh…en fait tu peux rester dans le chemin. Je t’en voudrais pas… ! »

Quelque chose lui fonça sur une patte, et le bengal baissa les yeux sur le sol, haussant ses sourcils, voyant à ses pieds un tout petit chaton plus si blanc que ça, gribouillé de poussière et de feuilles et cela allait donc de soi qu'il ne la reconnut pas:

— « Eeh ! Lui héla le chaton, doublant sa misérable taille en se gonflant le poil et en sautillant pour lui montrer son mécontentement. Elle suscita un sourire à l'adulte qui pivota une oreille vers l'extérieur, déjà prêt à poursuivre sa route. Pourquoi tu regardes pas où tu mets tes pattes, c’était mon chemin ! »

Elle gonfla ses joues (il échappa le son d'un rire) et elle leva la tête et lorsque son regard croisa le sien une sorte de déclic se fit et tout ses poils retombèrent, comme son expression, penaude:

— « Papa Foudre !
— « Papa--?

Changement de programme : le chaton lâcha la plume qu'elle tenait en bouche pour l'enjamber d'un petit bond, sortir ses toutes petites griffes et s'agripper à la patte du bengal qui s'apprêtait à brusquement se reculer - au lieu de quoi il se statufia, « IIiEeck-- » un frisson lui traversa toute l'échine en relevant légèrement ses poils car chaque petites pointes de poignard dans sa peau réveillaient ses sens enfouis et il dut bien reculer la tête pour permettre à la petite de lui glisser dans l'oreille:

— « Bon euh… en fait tu peux rester dans le chemin. Je t’en voudrais pas… !

Il fronça les sourcils pour tenter de se concentrer au travers de tous les signaux que lui envoyaient son esprit. Il y avait les griffes mais pas seulement - la poussière s'accrocha à la pointe de ses poils, et les feuilles rèches lui égratignèrent la peau dessous. Pas Source - Source était noire et blanche, et il reconnaissait sa voix maintenant, et il reconnaissait ses mouvements ; pas ceux-ci. Pas Neige - Neige était blanche et colorpoint et il l'avait tenue dans sa gueule, le poids était différent que celui qui lui pesait sur l'épaule, dans la nuque. Ah - mais les chatons grandissaient, pas vrai? Par conséquent leurs poids changeaient, donc ce genre de repères physiologiques n'était peut-être pas très fiable, en fait. Allez quoi - c'était trois boules et une petite. Et l'une des boules était un mâle. Si celle-là n'était pas un mâle, alors....?

— Chance, j'ai bon? Il tiqua d'une paupière - il avait besoin de vite s'habituer aux griffes ou elles deviendraient un problème. Il tendit le cou, pencha sa tête, cueillit la plume qu'elle avait délaissée pour se tourner à moitié et la lui tendre de côté.
— Tu as échappé ça. »

Et en se redressant, il monta les épaules et baissa la croupe en étirant un maximum ses jarrets, allongeant tout son dos d'un ronron de régal avant de commencer un pas, traînant, envoyant à sa petite passagère derrière:

— « A- Looors.... Je t'amènes où? ♪

Elle était sur son dos alors pourquoi pas, après tout!

« Chance, j'ai bon ? »

Boule de Chance releva la queue bien haute et acquiesça avec énergie à la réponse de son père.

« Boule ! De ! Chance ! Boule de Chance ! Moi aussi je suis une Boule comme Boule de Chaleur et Boule de Neige. Et euh, Boule de Source ? Pourquoi elle s’appelle pas Boule de Source ? »

Posant milles question à la fois, la chatonne ne remarqua pas que Coup de Foudre se baissait pour se saisir de sa plume-trésor. Ce n’est que lorsqu’il lui tendit qu’elle se souvint de l’existence de la plume grise qu’elle avait trouvé du côté du garde-manger.

« OH ! C’est ma PLUME ! Même que les autres ils m’ont dit que c’était une plume de pigeon et que les pigeons c’était stupide. Et même que les apprentis ils ont dit que j’étais stupide parce que j’étais un chaton. Dis ça veut dire quoi être stupide ? Je crois que c’est quelque chose de méchant mais je suis pas sûre. »

Occupée à chercher la signification de ce nouveau mot qu’elle ne connaissait pas, elle fut surprise par les mouvements de Papa Foudre qui se tortillait et… la voilà sur le dos de son Papa Foudre ! Elle laissa un cri d’émerveillement s’échapper de sa bouche : d’un coup, la voilà plus haute que tous les guerriers du clan. Ensuite, Coup de Foudre lui demanda où ils se rendaient.

« Je sais ! A la poup… EUH NON EN FAIT »

Si jamais elle pointait une seule de ses moustaches dans la pouponnière, Ourse Polaire viendrait la réprimander et elle devrait subir la terrible douche râpeuse de sa nourrice. Elle essaya d’atteindre -un peu maladroitement- l’oreille de Coup de Foudre et s’accrocha à ses épaules en plantant ses petites griffes. Sentant les muscles du bengal se raidir sous sa prise, Boule de Chance tenta de les rentrer mais elle ne maîtrisait pas encore la chose.

« Euh, est-ce qu’on peut se cacher ? Pour que Ourse Polaire ne me trouve pas ! Sinon elle va encore me fâcher ! En plus elle arrête pas de baver sur moi quand elle me nettoie les oreilles ! Moi j’aime pas qu’on fasse ma toilette ! C’EST NUL ! Moi je préfère quand c’est Petite Source ou Boule de Neige ou Boule de Chaleur qui vient faire ma toilette ! Pas Petit Phoque, lui aussi il bave trop alors c’est moi qui lui fait sa toilette. Mais des fois ils veulent pas faire ma toilette alors du coup je leur saute dessus et on joue à la bataille ! Même que Neige des fois elle me mort les pattes, c’est pas très gentil ça ! »

Si ce n'était pas évident par le lent débit de sa voix, ce jour-là, Coup de Foudre ne s'était pas préparé à être loquace. Mais le chaton:

— « Boule ! De ! Chance ! » Elle s'écria, et Coup de Foudre pencha la tête pour dévisager de biais sa passagère. Boule de Chance ! Moi aussi je suis une Boule comme Boule de Chaleur et Boule de Neige. Et euh, Boule de Source ? Pourquoi elle s’appelle pas Boule de Source ?
— Euh,
— OH ! C’est ma PLUME ! Elle rammassa le trésor qu'il lui tendait entre ses petits crocs. Même que les autres ils m’ont dit que c’était une plume de pigeon et que les pigeons c’était stupide.
— ...
— Et même que les apprentis ils ont dit que j’étais stupide parce que j’étais un chaton. Dis ça veut dire quoi être stupide ? Je crois que c’est quelque chose de méchant mais je suis pas sûre.

P-par où commencer? Pourquoi Source s'appelait Petite et pas Boule? Que les apprentis la prenait de haut car ils n'aimaient pas se voir en elle? La définition complète du mot "stupide" ? Ses oreilles vrillèrent avec les petites pépiements incessants de sa fille et face à autant de stimulis le bengal ne put se retenir de rire en penchant la tête et en remuant les épaules, secouant la petite qui réfléchissait à la destination de son voyage:

— « Je sais ! A la poup… -- elle se ravisa : EUH NON EN FAIT!
Allez, il avait le temps d'en glisser une:
— C'est bizarre, Chance, tu ne veux PAS aller à la pouponnière? le nargua son père en s'avançant d'un long pas, roulant de ses muscles et de ses dorsaux.

Mais Chance trouva cela inacceptable (naturellement!) et elle dut comprendre que son véhicule marbré n'était pas insensible à ses griffes alors elle s'agrippa à ses épaules pour tendre le museau à son oreille et lui glisser:

— « Euh, est-ce qu’on peut se cacher ?
Mi-hilare, mi-frissonant, c'est qu'elle empiétait dans sa bulle personnelle à l'instant:
— Se ca-_ha-hacher??
— Pour que Ourse Polaire ne me trouve pas ! Sinon elle va encore me fâcher ! En plus elle arrête pas de baver sur moi quand elle me nettoie les oreilles !

Soit - Coup de Foudre croisa les pattes pour changer de direction et s'engager sur un petit trot sautillant, gardant à peine le nez devant puisqu'il avait la tête tournée pour regarder sa passagère.

— « Moi j’aime pas qu’on fasse ma toilette ! C’EST NUL ! Moi je préfère quand c’est Petite Source ou Boule de Neige ou Boule de Chaleur qui vient faire ma toilette !
— Ah bon!
— Pas Petit Phoque, lui aussi il bave trop alors c’est moi qui lui fait sa toilette. Mais des fois ils veulent pas faire ma toilette alors du coup je leur saute dessus et on joue à la bataille ! Même que Neige des fois elle me mord les pattes, c’est pas très gentil ça !
— Non, c'est pas très gentil, ça! Ha ha ha!

Vite, une pause! Il la relança:

— Ourse Polaire a la fourrure presque toute blanche, Chance, ça veut dire qu'elle n'a pas besoin de se donner du mal autant que nous pour faire sa toilette. Aucune finesse! Je comprends que n'aimes pas ça. Il leva haute sa tête, la dodelinant avec fierté en allégeant ses pas tout en montant ses pattes, comme s'il piaffait:

— Même Nounou avait du mal, avec moi!

Il se laissa rêvasser quelque peu en se rappelant qu'apprenti, ses poils rebiquaient en tout sens car il ne trouvait aucun intérêt à soigner son apparence - vraiment, comme si la foudre l'avait frappé.

Il regardait tous les autres chats le faire, et parfois se le faire mutuellement, pendant la cérémonie du Partage, mais avant de voir Nounou se lisser les poils et se les épiner par endroits il n'avait jamais voulu l'imiter. Lorsqu'il avait découvert que son apparence influençait directement le degré de réceptivité qu'autrui avait face à lui cependant, il avait vite changé d'avis.

Il s'était suffisament éloigné - les feuilles lui grattaient le dos et la poussière contre sa fourrure commençait à l'énerver alors arrivé à l'ombre d'un arbre, dans une section dense de la forêt, il s'assied, tordit le cou et le torse pour ramasser le chaton par la nuque et len-te-ment et avec la minutie d'une chirurgie (car il était question de scalpels dans sa peau) l'ex-tir-pa de sa position sur son dos pour tout doucement aller la poser dans l'herbe. Ceci-fait, il se donna un gros coup de langue sur l'épaule, lissant les poils en s'occupant de la poussière avec énergie, quitte à devoir se lever à demi pour s'atteindre toute la colonne.

La vitesse à laquelle Boule de Chance parlait et le nombre de questions qu’elle posait à Coup de Foudre semblait déstabiliser le concerné, qui arrivait difficilement à se placer dans la conversation ; pourtant la petite ne sembla pas en tenir compte. Le matou marbré parvint néanmoins à un semblant de silence de sa part lorsqu’il se mit à trottiner, arrachant à la chatonne des piaillements hoquetant de joie.

« WaHaaHAA ! Tr..Trop BIEN ! »

Profitant d’une pause de la chatonne, son père prit les devants pour continuer la conversation.

« Ourse Polaire a la fourrure presque toute blanche, Chance, ça veut dire qu'elle n'a pas besoin de se donner du mal autant que nous pour faire sa toilette. Aucune finesse! Je comprends que n'aimes pas ça. »

Enfin quelqu’un qui approuvait ce qu’elle pensait d’Ourse Polaire ! Est-ce qu’il accepterait de venir à la pouponnière pour lui dire ? Comme ça, plus de toilette forcée ! Se tenant bien droite et le poitrail bien gonflé en pensant à son tout nouveau plan, elle écouta –chose rare pour elle– la suite de leur échange.

« Même Nounou avait du mal, avec moi! »

Cette phrase de Coup de Foudre éveilla tout un nouveau panels de questions, que Boule de Chance s’empressa de faire sortir ! Il ne fallait pas faire attendre les questions qu’elle avait dans la tête, sinon elle savait qu’elle les oublierait très très vite.

« Toi aussi elle faisait des toilettes qui grattent trop fort ? C’est pas cool ! Dis, comment tu faisais pour lui échapper ? Parce que Ourse Polaire elle arrive toujours à me retrouver alors que je me cache vraiment bien ! Même que la dernière fois j’ai réussi à rentrer dans le tronc des anciens sans qu’ils s’en aperçoivent ! De toute façon j’étais trop rapide pour leurs yeux qui voient plus ! Et même que c’est vrai parce qu’ils me l’ont dit une fois. OH et tu sais quoi ? EH BAH ! Ourse Polaire m’a retrouvée ! Je suis sûre qu’elle a des contacts dans le Clan des Etoiles, parce qu’ils voient tout eux, pas comme les anciens qui voient rien. »

Occupée à déverser ses paroles comme le torrent de la rivière, elle couina de surprise lorsque les crocs de Coup de Foudre vinrent gentiment la tirer pour la déposer au sol. A peine avait-elle touché le sol que son flot de question avait repris.

« AH ET ! Nounou ? Toi aussi t’as une Nounou ? »

Mais le moulin à parole qu’elle était s’interrompu lorsqu’elle dévisagea son père. Le bengal avait commencé une toilette précise de son pelage devant les yeux ronds de sa fille. Comment et pourquoi il faisait sa toilette, ici et maintenant ? Boule de Chance leva la queue bien droite et héla en piaillant –encore une fois- Coup de Foudre.

« Attends ! Tu te LECHES ? Mais, mais POUR-QUOI ? »

Pour Boule de Chance, se laver les poils tout le temps était beaucoup trop ennuyant. Elle préférait jouer plutôt que de devoir faire s’occuper de cette corvée qui l’empêchait de faire ce qu’elle voulait. Est-ce qu’on avait trop répété à Coup de Foudre de faire sa toilette ? Le pauvre ! En plus, il avait toujours le poil impeccable, il n’avait pas besoin d’y passer autant de temps, surtout quand on était dé-jà PROPRE ! Heureusement (ou malheureusement), Boule de Chance était là pour l’aider !

« MAIS PAPA ! Faut pas se lécher ! Sinon comment tu fais pour jouer ? Ça prend trop de temps et après tu as des poils pleins dans la bouche, et c’est pas rigolo. S’il faut se laver après je peux plus jouer à Attrape-la-balle-en-mousse ou à Etoile-de-Chance-contre-le-Clan-l’Ombre parce que Ourse Polaire elle veut qu’on rentre ! Et même qu’elle veut plus qu’on « chat-hute » dans la pouponnière parce qu’on est trop gros ! C’est quoi un « chat-hute » ? »

Il s'était demandé l'espace d'un moment si Chance ne s'agissait pas d'une sorte de Mini-Boule (Mini-Braise) dont les pensées étaient aussi décousures que les siennes... Car en l'espace de secondes, Chance avait déjà sauté à la gorge des conclusions avec tellement d'enthousiasme qu'elle croyait maintenant que Coup de Foudre se faisait toiletter par Ourse Polaire, que cette dernière avait des contacts avec le Clan des Étoiles (quoi que c'eut voulu dire), que les anciens ne voyaient rien (c'était plutôt qu'ils étaient sourds, hein Mauvaise Graine?) et que ce pauvre Renouveau Printanier était aussi sa Nounou (ce qui n'était pas tout à fait faux, mais...).

— « Attends ! Elle s'écria, une fois déposée par terre, les yeux grands et ronds en dévisageant son père qui s'affairait à sa toilette.

Tu te LECHES ? Mais, mais POUR-QUOI ?
— Mmh? »

Il venait de lui dire qu'Ourse Polaire n'avait pas besoin de se donner du mal à faire sa toilette qu'eux-deux, qu'est-ce qu'elle croyait qu'il faisait? La question le fit rigoler, et il fit mine de hausser très haut ses sourcils, ignorant l'urgence dans la voix de sa fille qui protestait d'une série de nouveaux piallements:

— « MAIS PAPA ! Faut pas se lécher ! Sinon comment tu fais pour jouer ?
— Je joue après! Même s'il lui arrivait de jouer pendant, mais Chance était peut-être un peu trop jeune pour le savoir...
— Ça prend trop de temps et après tu as des poils pleins dans la bouche, et c’est pas rigolo.
— Je les crache.
— S’il faut se laver après je peux plus jouer à Attrape-la-balle-en-mousse ou à Etoile-de-Chance-contre-le-Clan-l’Ombre parce que Ourse Polaire elle veut qu’on rentre ! Et même qu’elle veut plus qu’on « chat-hute » dans la pouponnière parce qu’on est trop gros ! C’est quoi un « chat-hute » ?
— ...

Trop de questions.

Coup de Foudre termina une dernière longue lapée sur sa patte jusqu'aux griffes, se frottant le front à l'aide de la salive qui avait collée au revers, bourdonnant d'assentiment contre l'auto-massage. Il secoua sa tête et tendit sa patte vers le chaton pour l'approcher de lui et lui réserver le même traitement - le sommet de sa tête d'abord, retirant vite la sienne pour cracher une feuille qui collait dans son poil, puis il descendit sa nuque, son dos, remontant à petits coups en tiquant à tous les noeuds et ses yeux à lui s'arrondirent car si sa première impression avait été d'avoir arraché son poil à sa fille, sa seconde, après relecture, lui fit comprendre que son poil n'était pas naturellement marron, brun et gris, mais lavande et color-point et qu'elle devait s'être sacrément salie depuis sa dernière sortie.

Il s'écarta d'un geste, léchant sa patte pour se débarrasser de ce goût de saleté, envoyant un petit coup de queue au chaton pour l'admonester:

— Chance, fais comme moi! »

Jamais mieux servis que par soi-même : puisque Ourse Polaire n'avait pas une technique de toilette adaptée au poil bengal/siamois de sa fille, il fallait qu'elle apprenne elle-même à le tenir en ordre! Il lui jeta un coup d'oeil, en léchant le dos de sa patte, puis le tranchant, se le passant sur les joues pour les garder bien rondes.