[Canicule] Regarder vers de nouveaux horizons ft.Fifou - abandon

Elle l'avait retenu de sa patte en y sortant les griffes - le pincement l'avait fait sursauter avant de vite tourner la tête pour gentiment la dévisager. Certes la renardière était (relativement) au frais, elle ne les protégeait pas complètement des réprecussions de la canicule sur les sols, sur la rivière asséchée, et sur leurs points d'eau qui se raréfiaient. Il avait secoué son postérieur pour lui faire lâcher prise - qu'elle le comprenne, il ne voulait quitter le confort de sa proximité pour rien au monde, mais il n'ignorait pas qu'une siamoise, enceinte de surcroît, ne tiendrait pas longtemps sans eau. Et elle avait ri (faiblement, fatiguée), en rétorquant qu'il "était guérisseur, maintenant"? Et bien sûr qu'il ne l'était pas! mais elle parlait à Coup de Foudre, et s'il y avait bien un domaine dans lequel Coup de Foudre excellait, c'était le beau-parlage, batifoler dans des nids, et la gestation des chattes. Il l'avait taquinée en lui glissant sa queue au nez pour lui provoquer un éternuement, et il s'en était allé après quoi - c'était bien parce-qu'il l'aimait qu'il devait sortir des terres de moins en moins clémentes du Tonnerre pour trouver suffisament d'eau pour l'alimenter, elle et leurs prochains chatons. Il était inutile dans la journée mais, à l'instar de son homologue de l'Ombre, il était sorti en soirée, esquivant les patrouilles d'excursions de Raton Laveur pour se hâter vers les broussailles et le désert de pierre noire qu'était le chemin du Tonnerre, le descendant par les bandes d'herbes et de buissons plutôt qu'en y mettant les pattes.

Contrairement à son homologue, cependant, Coup de Foudre n'avait aucune idée de la direction dans laquelle aller. Il reniflait les sols à la recherche de ne serait-ce qu'une goutte de rosée (même si une rosée ne suffirait pas pour Fifi et tout ceux qu'elle portait), se rappelant sa dernière chasse à l'eau qui s'était soldée d'un (cuisant) échec, avec Oeil du Tigre. Enfin, pas complètement un échec, mais il y avait plus pressant à penser, et la tiédeur de l'air n'avait rien de soulageant pour un chat à la fourrure sombre. Le vent était désagréable sur les moustaches, mais il lui mena une odeur - ou plutôt, plusieurs. Le bengal pressa le pas.

Le vent mourrut lorsqu'il atteint la hauteur des terres des Quatre Chênes, et avec eux mourrut sa piste mais qu'à cela ne tienne - il n'était pas venu ici pour faire la causette. En mettant les pattes dans la clairière, descendant une petite colline, le doux bruissement de ce qu'il restait des feuilles de ces arbres ancêstraux fit se rétracter ses peurs. D'arbres aussi gros devaient boire beaucoup d'eau (Coup de Foudre se rendrait compte plus tard à quel point il avait sous-estimé leur soif), aussi il se motiva à passer les herbes sèches et à ignorer les souvenirs encore vifs de la bataille que les quatre Clans s'était livrée ici. D'ignorer le sang qui avait été versé. D'ignorer les corbeaux qui voletaient l'aube d'après (le bruissement de leurs ailes le hantait encore). D'ignorer -- il trébucha sur une patte et son corps alla culbuter la pente d'une colline jusqu'à son pied dans un PLOUF!

... Plouf...?

Une toux lui prit, il se hâta de planter les griffes au sol et de sortir la tête et soudain il marchait dans les Étoiles et ça y est, la faiblesse avait-elle enfin eue raison de lui? Mais non, à bien y penser (et ses moustaches tiquèrent), les Étoiles semblaient bizarres, et un mouvement de la patte lui fit fendre la surface et révéler une gerbe d'eau claire reflétant parfaitement le ciel dégagé au-dessus. La flaque n'était pas si grande, l'eau lui allait à peine en dessous des poignets, mais le bengal caracola sur place pour ensuite se pencher et boire à grandes lapées, en sortant les épaules avec autant d'enthousiasme que les ruminants au Clan du Vent broutaient leur herbe. Tellement qu'il n'en vit pas l'autre chat, non loin, qui tentait de se cacher, lui et ses rayures tabby, en tentant de se faire tout petit.

De l'eau, de l'eau, bordel, de l'eau! Il avait presque oublié ce qu'elle goûtait et la sensation qui venait en se désaltérant - cette satisfaction était encore mieux que (et pardon du blasphème) de tirer son coup avec un/e partenaire. Il avait l'impression de boire les Étoiles. Là - il s'avança d'un pas, piqué par le jeu, visant une Constellation jusqu'à ce qu'une ombre ne se glisse derrière lui et ne lui envoie sa patte dans le flanc. Coup de Foudre perdit l'équilibre et alla s'éclabousser sur une épaule, puis sa hanche tomba dans l'eau, trempé jusqu'aux os, et les yeux ronds d'incompréhension. Lorsque de nouvelles ondes se mirent à fendre la surface de la flaque, ses deux oreilles se dressèrent (elles firent voler quelques goutelettes dans le mouvement) et il suivit leur épicentre jusqu'au museau d'un autre chat qui lapait - tsk. Forcément, quelqu'un l'avait poussé.

— « Eh, faut pas se gêner! il lança à l'intention de l'autre chat, ripostant en fendant la surface pour lui éclabousser le visage.

Un sourire et un gloussement lui échappèrent malgré lui: boh, il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir d'avoir soif. Lui-même s'était retrouvé à épuiser sa patience à perdre ses journées à crever dans la renardière. D'où que vienne ce chat - car il ne sentait pas le Tonnerre - la canicule avait du le frapper, lui aussi. Ils étaient tous ensemble dans ce calvaire. Ils avaient tous soif, alors vraiment, ils méritaient tous de boire.

C'est pourquoi il ne fit pas son radin: s'il pouvait marcher dedans, il y en avait plus qu'assez pour lui et-- et le bengal trottina jusqu'au rebord de la flaque, se hissant dans l'herbe en sortant les griffes pour éviter de trébucher dans la pente à nouveau. Il se distança de l'autre chat pour lui laisser tout le plaisir et surtout tout l'espace de se désaltérer à son tour.

HRP:

Arrivé en haut de la pente, Coup de Foudre s'ébroua de long en large sous la lune, que l'autre chat l'interpella:

— « Que fait-tu ici en pleine nuit l’écureuil ? T'as pas autre chose à faire ? Je sais pas, comme grimper aux arbres comme un lâche ?
— Euh--

Perplexe par le fond de la question, l'écureuil eut un mouvement de recul pour peser sur l'autre guerrier toute l'étendue de sa confusion. Il passa tour à tour ses yeux sur le guerrier et sur l'eau dans la flaque.

— ...Mon pauvre, le soleil t'as cuit la cervelle?... »

Vraiment, pourquoi d'autre serait-il n'importe où ailleurs qu'à la forêt de son Clan, en ce moment? Il échappa un nouveau rire, autant moqueur qu'exaspéré - devait-il vraiment renvoyer sa question au tabby pour que ce-dernier ne trouve sa réponse? Il avait mieux à faire que de souligner ce qui était évident.

Raffraîchi par cette petite baignade impromptue, Coup de Foudre tourna le dos à l'importun pour se diriger vers la silhouette des Quatre Chênes, non loin. Plus il s'en rapprochait, plus il vit leurs branches, et à quel point elles étaient presque complètement dégarnies. Vraiment, on se croirait en automne. Bien qu'il sentit l'envie d'en grimper un (quoi? Ce n'était pas seulement les mots de l'autre chats, de tas de bons souvenirs venaient lorsqu'il s'approchait ces quatre gros arbres ancestraux!), Coup de Foudre s'affaira plutôt à s'approcher de leur pied, amoindri par la robustesse et la grosseur de leur troncs ainsi que par les quelques racines qui sortaient de terre. Il se rappelait - c'était sur une racine qui se recourbait en alcôve qu'il avait amené Museau Bleu, avant de lui apprendre à grimper. Cette nuit, cependant, il ne grimpa sur rien. Il s'approcha des racines pour frotter ses babines contre les noeuds, arrachant la mousse qui lui tombait sous la dent.

Il comptait en faire des boules entre ses griffes, enfin, à condition d'en trouver assez... Peut-être les arbres avaient de quoi s'abreuver en ces temps difficiles, mais leur extérieur était plus sec, plus friable que d'habitude (l'écorce craquelait sous ses frottements), et la mousse et les lichens qui prospéraient habituellement sur leurs troncs se raréfiaient en une telle saison.

Combien de boules de mousses gorgées d'eau une chatte enceinte avait besoin? Il n'avait pas de chiffres exacts, alors il arriva à la seule conclusion : autant que possible.