Lieutenant maintenant ! ~ ft Feulement - Abandon

Toutes mes pensées étaient tournées vers ce solitaire que j’avais rencontré, et la discussion que nous avions eu. Comment je pouvais réparer mes erreurs si je n’essayais même pas de les comprendre ? Mes enfants étaient tout ce qui comptait dans ma vie, mon clan aussi évidement, mais… C’était ma descendance, ce qui restera de moi après ma mort. Ils sont mon souvenir, ils font parti de moi, comme je fais parti d’eux. Ce Rusty m’avait provoqué tout genre d’émotion. Moi qui suit habituellement impassible, je me suis laissé avoir par des mots qui m’ont marqué, et qui ont changé ma manière de voir les choses. Nous sommes loin d’être supérieur ou plus sage sous prétexte que nous croyons au clan des étoiles ou au code du guerrier. Nous sommes fiers et ce qui peut courir à notre perte.

Je pouvais enfin sortir de ma tanière le jour ! La chaleur était moins étouffante, et tout reprenait la forme d’un marécage. Je pouvais enfin sentir la boue sous mes pattes, l’eau s’infiltrer entre mes coussinets. C’était rafraichissant. Mais revenant au camp, j’étais sorti de ma tanière pour faire un tour. J’étais certes un ancien à présent, mais j’aimais me promener, m’assurer que tout le monde allait bien. Vieilles habitudes de meneur. C’était difficile de se dire que je ne pouvais plus diriger, mais il fallait faire avec ! Alors que je regardais chaque tanière, m’apprêtant à saluer mes guerriers – les guerriers pardon – je repérais Feulement du coté de mon œil valide. Je n’étais pas allé le voir depuis sa nomination. Je marchais lentement vers lui, pour ne pas trop traumatiser ma patte folle. Je fis un signe amical au lieutenant avant d’engager la conversation.

« Bonjour Feulement ! La chasse est bonne ? »

C’était bien sûr une politesse, une bonne manière d’engager la conversation. J’étais plus bavard depuis ma conversation avec Rusty. J’avais l’esprit plus clair… Mais aussi plus embrouillé encore.

Mollement le crapaud que tenait Feulement entre ses mâchoires tomba sur le haut de la pile de gibier. Avec l'arrivée d'une saison nouvelle elle se faisait plus garnie et bien plus alléchante. Rien à voir avec les deux-trois proies squelettiques qui s'y battaient en duel au cours de l'été dernier. Plus de couleurs, plus de variété et plus de viande s'y amassait de jour en jour. Il faudrait profiter de l'automne avant que l'hiver ne vienne.

" Bonjour Feulement ! La chasse est bonne ? "

Le son de sa démarche lente et claudicante avait alerté le lieutenant de sa présence mais Feulement ne s'attendait pas à ce que l'ancien s'adresse à lui.

Le grand guerrier au pelage sombre se tourna pour faire face à son ex-chef. Cela lui ferait toujours étrange de le voir dans un tel état. Il avait grandi auprès de Maudit, le fier, l'impassible. Rien à voir avec Oeil Vert. Bien qu'il ne s'en plaignait pas si ce nouveau nom rimait avec moins de guerre et moins de meurtres.

" Plus simple qu'avant. "

Répondit-il, toujours de ce ton neutre et roque qui faisait sa signature.

" Les proies r'viennent. "

Conclus alors le "sauvage" avant de se décaler un petit peu. Il imaginait que le brun était venu pour un repas et non pas pour ses beaux yeux, ignorant que le boiteux souhaitait converser avec lui.

« Plus simple qu'avant. »

Je tournai rapidement le regard vers le tas de proie. Il était bien plus garni qu’en période de canicule. Parfait, tout le monde pourra manger à sa faim pendant quelques temps, du moins avant l’hiver. Sa voix était neutre et sombre. Je regrettais l’époque où je l’ai engagé dans les chuchoteurs… Ils ont du faire des choses terribles. Hum… Les pauvres. J’ai été la source de terribles malheurs, j’espère qu’il ne fera pas les mêmes erreurs que moi.

« Les proies r'viennent. »

Et il se décala comme pour me laisser la place, pour que je puisse accéder au tas de proie. C’était gentil de sa part mais je n’avais pas faim, ou du moins, ce n’était pas l’heure pour moi de manger. Je souhaitais parler au matou.

« Oh je ne suis pas venu vers toi pour manger, je suis venu te parler. »

Je m’assis calmement aux côtés du lieutenant, tout lui laissant son espace vital. Vu ce qu’il avait vécu dans le passé, je pouvais comprendre s’il souhaitait avoir son espace privé.

« Tu t’en sors pour l’instant dans tes tâches de lieutenant ? »

J’essayais de rester bienveillant auprès du chasseur, il devait avoir confiance en moi.

" Oh je ne suis pas venu vers toi pour manger, je suis venu te parler. "

Surpris, le lieutenant dévisagea un instant son ancien chef. Maintenant qu'il n'était plus l'ombre du Maudit il se demandait bien ce que pouvait lui vouloir Oeil Vert. L'ancien prit place à côté de lui, sagement assit ce qui invita Feulement à faire de même. Hiérarchiquement, le grand charcoal était passé au-dessus de l'atrophié mais cela ne lui empêchait pas de lui accorder le respect et l'obéissance qu'il avait tant eut l'habitude de lui dévouer.

Il lui était presque inimaginable que le tigré vienne discuter avec celui qui était son chien de garde sans vouloir quelque chose de lui. Un ordre ? Ou plutôt une requête ? Un nouveau secret ? Il écouterait, comme il l'avait toujours fait.

" Tu t'en sors pour l'instant dans tes tâches de lieutenant ? "

Pas de réclamation ni de doléance, peu-être était-ce une forme de politesse ? Il ne s'y connaissait que trop mal dans le domaine des manières.

L'orphelin n'était pas du genre à bavarder et il l'aurait fait comprendre s'il ne s'agissait pas d'Oeil Vert. Mais pour son pour son ex-leader il acceptait de sacrifier de son temps.

" J'prend le puits. "

Quelque chose sonnait faux. C'était pas ça l'expression, non? Le pis ? Le- Ah. Le plis.

" Le plis, j'prend le plis. "

Il se sentait un peu bête, n'y fit pas tant attention que ça.

" C'pas si difficile quand on comprend comment ça marche. "