(flashback) Breach of Trust [feat. Orage d'Or] - end

Une touche, mais toujours pas de miaulement, et Coup de Foudre trahit son effort soutenu en plissant légèrement le coin d'une paupière tout en crispant de moins en moins discrètement les commissures de ses babines. Allez, un miaulement, il ne lui fallait que ça pour disperser les guerriers de l'Ombre et les appâter ici, permettant à l'escouade de "Lapin" de dénicher Soleil et de s'enfuir avec elle. Heureusement chaque petite pique ne laissait pas le Chien Fou indifférent, qui cherchait à l'instant à lui labourer le nez d'un regard. Ça se jouerait avec lui, car quelque chose d'autre semblait préoccuper Plume de Sable, et c'est pourquoi Coup de Foudre lui tendit une oreille particulièrement attentive:

— « Bon Orage, Le Soleil a fui, comme mon lapin blanc d'ailleurs.
Soleil?

Et j'ai plus que hâte de rentrer au camp. Et tu sembles oublier le code ... On ne tue pas. Coup de Foudre posa ses yeux sur le comparse du chien fou, avec sa fourrure beige et dilluée et les longues dents qui dépassaient de ses babines. Enfin, il semblerait qu'il va falloir t'encourager à montrer à ce sac à puces où se trouve la frontière. T'aura qu'à marquer ton territoire sur sa face pour qu'il ne l'oublie pas ...
— AH-- !

Avant de pouvoir rire davantage, Plume de Sable bondit à la base du tronc pour griffer l'écorce et en décaper un pan tout juste sous la patte du bengal qui la recula, par réflexe, tenant sur trois en se hâtant de la replier à la recherche d'un appui mais le déséquilibre lui fit glisser d'un autre centimètre-

— « --...
— L'écorce est friable, combien de temps tu crois avant que son prochain appui ne se dérobe sous lui et qu'il fasse comme le soleil, plongeant sous la ligne d'horizon ...

Raison de plus de lancer son miaulement - la queue du bengal s'agita au bout et se mit à taper sur le tronc à la verticale.

— « Mouais mais j'aimerais qu'on le rate pas une fois au sol, il faut appeler les renforts tout de suite!

Pas trop tôt! Il se gonfla d'une inspiration au même titre que le guerrier de l'ombre mais pas pour miauler, pour se préparer, car la chute s'approchait à chaque petit lambeau d'écorce qui lui glissait des griffes. Et il lança son miaulement - trompette de victoire pour Coup de Foudre qui sentit, malgré l'atmosphère tendue, tout le soulagement d'avoir réussi sa mission d'aujourd'hui. Des chats surgirent d'entre les troncs des pinèdes et le bengal se coucha contre le sien, la respiration lente et un élancement dans les muscles (surtout les extenseurs aux pattes!).

La cavalerie se fit bien plus petite que prévue et Coup de Foudre se trahit complètement en faisant la moue, vexé. Le Soleil avait fui et maintenant un intrus n'attirait que deux guerriers? Ou bien ils étaient bouffis de confiance, à l'ombre, ou bien qui sait si une autre vague ne se cachait pas dans les tranchées - sa position lui permettait de voir loin, mais pas en périphérie, il était vulnérable à tout ce qui pourrait surgir derrière lui une fois à terre.

— Nan, mais qu'est-que vous fichez?! miaula l'un des deux émissaires, et Coup de Foudre arrondit ses yeux, les passant à tour de rôle sur le Chien fou et le nouveau guerrier: C'est la panique au camps, vous êtes pas au courant ou quoi? Maudit a eu un accident, c'est plutôt grave!
Et plus qu'un soulagement c'est de l'exaspération qui prit le bengal.

— Quoi??  Mais pourquoi je fais diversion alors??

Les deux guerriers eurent l'air surpris de voir l'intrus mais sans plus car il y avait en effet d'autres chats à fouetter - ou plutôt d'autres chats à guérir, selon leurs mots dire. Coup de Foudre considéra ses options - un autre pin (il n'avait pas la force de tenter un deuxième bond), le tas d'épines, le plancher pile au milieu de Plume de Sable et du Chien Fou - et trop tard, il tombait. Il eut tout juste assez de temps pour tendre les pattes et étirer la queue et Orage d'Or pourra se consoler car impossible de rater quoique ce soit, Coup de Foudre projeta ses coussinets sur la tête du guerrier, et tout son poids l'envoya lui clouer le menton dans les épines avant de monter son dos et de se propulser hors de portée d'un coup de postérieurs, de petites éclaboussées ponctuant ses foulées. Il se tourna sur sa queue, c'est à dire que dans sa foulée il fit une volte, et le mouvement, trop précipité, l'envoya glisser sur le ventre et se hâter à se relever.

La priorité aux guerriers restait leurs chefs alors il put repartir sans craindre d'être pourchassé, surtout que les frontières étaient proches - Soleil s'était enfuie, sans confrontation? Est-ce que Lapin avait réussi à la recueillir sans ébruiter leur plan? Mais en reniflant l'air, tout ce que Coup de Foudre sentait était l'odeur des pinèdes et des grenouilles, des marais et des passiflores et la sienne, des ormes et du sycomore de sa forêt Tonnerre. La Lande du Vent avait toutes ces fleurs qui collaient au pelage de ces chats et en arrivant au Chemin du Tonnerre, à la chaleur des rayons, inspirant l'air de la liberté, Coup de Foudre se rendit compte qu'aucun chat de la Lande n'était venu au bourbier en ce jour - quelqu'un en avait fui, plutôt, et qui sait si son intervention d'aujourd'hui l'avait aidé.

Qui sait, qui sait, qui sait, et même s'il s'était bien amusé (malgré que son dos et ses pattes qui lui lançaient), il faut dire que ce n'était pas souvent qu'on posait un lapin à un tombeur, qui, en rentrant chez lui, ne s'était pas empêché de lancer quelques regards vers la Lande au cas où un joli apprenti aux poils bruns et aux yeux d'or ne vienne le remercier. Mais un joli apprenti aux poils bruns et aux yeux d'or ne vint jamais, et lorsqu'il retrouva la forêt du Tonnerre, Coup de Foudre cessa de regarder derrière lui, la tête pleine de questions, et, à son insu? Pleine de frustration.

HRP: