[APRÈS-FEU] Le Garde-Malade [feat. Trash] - end

Sa tête lui tourne, il ne comprend pas trop pourquoi, il devrait être debout à l'heure qui est, il devrait être sur ses pattes, il devrait être sur ses pattes, ou sur Ollie, ou le ventre dans l'herbe ou n'importe où d'autre qu'ici et chasser car c'est à lui de chasser! Non, pas chasser, il doit faire autre chose, sa tête lui tourne et il a mal et bizarrement la narration est au présent en ce moment, ça fait longtemps qu'elle ne l'a pas été, Rusty n'arrive pas à se rappeler quand elle l'a été la dernière fois.

On retourne à l'imparfait, une chaleur monta dans son corps en partant de ses coussinets jusqu'à sa tête. Rusty eut un soubresaut de la patte, et le mouvement lui fit pousser quelque chose de moelleux. Il était emmitoufflé entre les draps et les duvets qu'il avait amené avec lui, durant le grand déménagement. Le grand déménagement, c'était lorsqu'il avait quitté sa maison vide, l'été dernier. Enfin pas exactement l'été dernier-dernier, car l'été dernier, toute la Lande avait souffert d'une hausse de température sans même pouvoir bénéficier du vent d'un air-climatisé! Heureusement que sa fourrure était claire, sa couleur canelle et ses poils tiquetés lui avaient épargnés l'insolation thermique que la canicule avait fait subir à beaucoup d'autres chats - nottament au Clan de l'Ombre, de l'autre côté de l'autoroute (est-ce que Monsieur Oeil Vert allait bien?), et peut-être aussi au Clan du Tonnerre, bien qu'il ne se tenait plus vraiment au courant de ce qu'il s'y passait (Et Petit Cri? Et Waffle? Nuage du Firmament?).

Pour ce qui est de la Rivière il ne s'inquiétait pas vraiment, car la Rivière avait, eh bien, la Rivière, et par conséquent il était impossible pour les chats du Clan de la Rivière de manquer d'eau. Cette conclusion, bien sûr, avait été faite avec l'esprit d'un chat, car comment un chat aurait pu savoir que l'eau s'évaporait lorsqu'il faisait trop chaud? Comment un chat aurait pu savoir, sans moyen de leur communiquer, que la Rivière, l'été dernier (mais pas celui du déménagement), s'était complètement désséchée?

Un chat si prompt à aider les autres comme lui se retrouvait soudain démuni: il n'arrivait pas à se lever et il commençait à s'inquiéter de l'heure qui tournait. Combien de temps leur sac de super-croquettes durerait? Il devait retourner chasser - c'était son devoir - un chat si prompt à aider les autres comme lui négligeait souvent comment il se sentait et en se levant, aujourd'hui, au milieu de la nuit, la lune ronde qui brillait dans la fenêtre de leur cabane à outils l'aveugla et lui donna un effroyable mal de tête. Il avait l'impression qu'une douzaine d'Ollies roulaient dedans et si d'habitude une telle image l'aurait fait sourire, il fut réduit à grimacer.

Il sortit ses paupières nictitantes, et du coin de l'oeil il vit un reflet de la lune glisser les courbes des baies de belladone qu'il avait ramassées la saison dernière, dans leur lit de feuilles en formes d'étoiles légèrement flétries. Il sortit les griffes, jeta un regard sur le côté malgré la berlue, entrouvrit ses babines comme sur un sourire en se félicitant sa furtivité et c'est ainsi qu'un chat complètement fiévreux quitta le confort du nid douillet que lui avait rembourré son ami pour tenter d'aller gober une baie empoisonnée.

— Comment tu sais ça toi ?
— C... C'est connu ! Elle bafouille, ses yeux faisaient tout pour pas croiser les miens. C'est plein d’oligoéléments et d'oméga 3.
— Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre des gogoéléments et des doméga 3 ?
— Ca veut dire q-q-que ç..ça redonne des forces.

Je fais une tête de pas convaincu du pouvoir de guérison de la boite qui pue, mais après tout qu'est-ce que j'ai à y perdre ?
J'ai pas trouvé de médicaments.
J'ai plus le temps pour en chercher.
J'ai peur que tout le temps où je sois pas là-bas, avec lui, c'est du temps où ( ta gueule Trash ), du temps où il meu— ( tu vas la boucler oui, abruti ? )

Je dois être le plus crétin des imbéciles mais je laisse la femelle avec sa viande qui sent foutrement bon pour embarquer la boite grise puante avec ses sardines mortes puantes, qui nagent plus vraiment dans une huile jaune puante.
Mes crocs crissent sur la surface lisse de la boite, alors je serre la mâchoire plus fort et je ferme mes babines sur le rebord métallique dans une grimace, à cause que ça coupe.

Je jette un dernier regard à la femelle. Est-ce que vraiment je pars avec ça, sans avoir tapé personne ?
Mais j'imagine que oui, je le fais, et j'ai plus le temps, plus le choix alors voilà je suis parti vers la Verger.

La lumière jaune sale des lampadaires laisse bientôt place à la lune et les étoiles qui éclairent suffisamment un chemin que je pourrais faire les yeux fermés tellement je l'ai fait souvent.
Rusty. Tu m'attends ? J'arrive.
J'arrive et tiens bon.

Je dois faire attention à cause qu'il faut rien que je renverse et c'est tellement, frurstrant alors que je veux courir, courir, courir pour le rejoindre le plus vite possible.
Mais si ce truc redonne vraiment des forces, alors on a besoin de chaque goutte.

Ru ty ! je dis, après avoir posé délicatement la boite sur le plancher.

J'ai la mâchoire trop engourdie pour articuler et de toute façon parler me fait mal à cause des entailles qu'à fait le fer sur mes commissures.

L'odeur de la maladie flotte dans l'air.
Il a toujours l'air aussi mal en point. Chaque jour son état est pire que le jour d'avant. Et même si je sais qu'il essaie de faire comme si ça allait, et que ça allait s'arranger ça va pas.
Ca s'arrange pas.

Je pousse délicatement la boite qui pue vers lui. Au moins il est réveillé, même s'il est moitié sorti du lit, putain alors que tout ce qu'il a à faire c'est pas bouger et se reposer et comme ça la maladie va pas l'emporter lui aus—

Mange ça. C'est plein dolli..... Ça donne des forces quoi.

Tout ses muscles se crispèrent.

Presqu'aussitôt, il tourna la tête vers la porte de leur cabane, par lequelle venait d'entrer son ami dont la fourrure toute noire et son absence de queue l'avait rendu invisible dans l'obscurité. Lorsqu'il s'avança vers un carré de lune, sur les lattes du plancher, Rusty arriva à distinguer sa silhouette et à détourner momentanément son regard des baies qui l'appelaient pour suivre des yeux un autre reflet.

— « Bonjou_aaar...?

Une drôle d'odeur lui piqua au nez, et Trash poussa gentiment du sien ce qui semblait être une canne (il reconnaissait le son qu'elle fit sur le plancher), de forme pas tout-à-faitement ronde, entre-ouverte, tachant le plancher d'une eau jaune qui lui fit plisser les paupières, interdit. Toujours accroupi, Rusty s'avança d'un pas prudent vers la cane, allant la renifler de plus près. Ya pas à dire...

Ça sentait tellement bon.

Ça sentait comme le foyer et la télévision qui parlait à son humain. Ça sentait comme son café le matin - ces matins, où, après s'être servi sa tasse, il ouvrait l'armoire à conserves, baissait les yeux pour lui envoyer un petit sourire (et Rusty s'entendit immédiatement miauler dans les oreilles de ses pensées) et choisir une cane à pâté qu'il lui ouvrait ensuite. Le métal qui se tordait sous sa poigne avait ce son qui lui faisait friser les moustaches.

Au travers de la fièvre, Rusty s'émeut, relevant ses yeux sur son ami qui avait du faire on ne sait quel chemin pour lui trouver ces petites bouchées d'antan. C'était... C'était pour lui?

— « Mange ça. C'est plein dolli.....
— « C-c'est plein d'Ollies?
— Ça donne des forces quoi.
— Oh!... »

La vision d'horreur d'une production en chaîne de familles de skateboards réduits en conserves se dissipa de ses yeux, et il secoua sa tête, et son regard se perdit dans le vague un peu, mêlant souvenir et cauchemar en même temps. Qu'est-ce que Trash lui avait dit?

Si ça donnait des forces...

— « Ah, euh... Il tenta de retrouver le fil en lui offrant son plus beau sourire. Alors, peut-être que ce serait mieux que ce soit toi qui les mange, non? Comme c'est toi qui chasse, en ce moment, tu vas avoir besoin de tout ces... et Rusty jeta un nouveau coup d'oeil derrière lui, pas vers les baies mais vers le mur à l'opposé, s'avançant vers Trash pour lui glisser, tout bas:  ...Ollies.

Ollie, qui était appuyé sur le mur, ne réagit pas à ce genre de micro-agression lui étant destiné, parce-qu'il était un skate.

Il a les yeux vitreux, le regard perdu dans le vague de ses pensées.
C'est la fièvre ? C'est cette foutue fièvre qui s'est empirée pendant que j'étais parti ? La fièvre c'est comme un animal vivant, tapi dans un creux de votre cervelle et qui grandit et grandit à cause qu'il mange votre force et ça chauffe et quand vous êtes brûlant, que vous pensez que c'est fini vous allez prendre feu, alors la fièvre s'en va du fait qu'il y a plus rien à manger et elle vous laisse là vidé et vide.

Ah, euh...

Rusty tente de reconnecter, et c'est un mélange de lui et de fièvre mais juste après c'est tout à fait lui :

— Alors, peut-être que ce serait mieux que ce soit toi qui les mange, non?
— QUOI ?? je crie, outré avant même d'entendre la suite.
— Comme c'est toi qui chasse, en ce moment, tu vas avoir besoin de tout ces...

Je me penche en avant, suspendu par sa pause et je suis son regard qui va vers le mur où son skate ( j'en ai fait une fois et bah plus jamais ) est appuyé contre le mur.
...Ollies. il finit, si bas que je dois me pencher encore plus pour l'entendre.

Non c'est doligro...ment quelque chose le mot. je tente de corriger, avant de jeter un coup d’œil à la boite, espérant qu'il y a vraiment mais alors vraiment pas de skate là-dedans.

Puis je secoue la tête et corrige encore :
T'as pas compris, c'est toi qui les mange et qui prends tes forces et comme ça après tu peux m'accompagner à la chasse et ramener bien plus d'animaux morts que tous ceux que moi j'peux ramener.

Je me couche sur le ventre, en face de lui. La boite d'olli est éclairée par un rayon de lune entre nous deux. CA pue la maladie et le poisson ( c'est ça l'odeur, je m'en rappelle maintenant) et même s'il fait sombre j'arrive à voir combien ses traits sont tirés.

Mais si t'as peur à cause que ça a l'air dégueu bah... je tends une patte vers la boite et vers Rusty. J'peux en prendre un bout avec toi.

— « Non c'est doligro...ment quelque chose le mot.

Alors Ollie était sauf! Quel soulagement!... Rusty détourna ses yeux du skate pour les remettre dans ceux de son ami, le sourire niais, les pensées légères flottant comme les poissons-d'eau-jaune.

— Qui c'est le gros qui te ment?...
— T'as pas compris, « Oh... » c'est toi qui les mange et qui prends tes forces et comme ça après tu peux m'accompagner à la chasse et ramener bien plus d'animaux morts que tous ceux que moi j'peux ramener.
— ... »

L'abyssin plissa les paupières - pas seulement. Il plissa les paupières, et fronça les sourcils, et sortit le nez et les dents dans une exagérée grimace. Il voulait qu'il. Il voulait qu'il mange? C'est vrai qu'il pouvait manger, c'est vrai que des forces, il en avait besoin (ils en avaient tous besoin, il s'entendit penser) mais il n'appréciait pas spécialement savoir qu'il serait le seul à en profiter. Car et Trash, alors? Trash aussi avait besoin de forces!

Il se coucha sur le ventre, et Rusty se mit à ronronner faute de leur proximité, l'imitant derechef en oubliant ce qui l'avait obnubilé plus tôt. Sa tête était lourde - c'était bizarre car plus tôt elle était légère, elle semblait même flotter - mais elle flotta bizarrement vers le bas et il mit le menton sur le parquet en poussant un soupir.

Le poisson...

Il renifla du nez.

Le poisson, euh, ne sentait pas très bon.

Rusty leva ses yeux ronds sur son ami, pivotant une oreille devant.

— « Mais si t'as peur à cause que ça a l'air dégueu bah... J'peux en prendre un bout avec toi.
— Tu ferais ça? T'es vraiment le meilleur, Trash...!

Un petit rire secoua son dos et ses épaules, ou c'était peut-être un frisson, et l'abyssin tendit le cou et la tête pour attrapper celle d'une sardine et la tirer de son eau. Du bout des dents, le nez levé, ses vibrisses se tirant péniblement avec la tentative d'un sourire se voulant rassurant: « Cul-shec? »

Il grimace un sourire. Malgré la situassion ça me fait rire du fait que c'est moi qui souris comme ça d'habitude, vous savez, le sourire trop grand et avec trop de crocs.
Peut-être que ça veut dire qu'il y a un peu de fièvre, dans ce sourire là, un peu de douleur dans la grimace, mais là tout de suis j'y pense pas ( j'y pense pas ) et ça me fait rire. Pas un rire sonore, juste un rire intérieur.

Tu ferais ça? T'es vraiment le meilleur, Trash...! il dit.

Lui, fait le rire sonore, qui ressemble plus à une convulssion si vous me posez le questionnement, mais c'est pas grave à cause que ha ha ha c'est un peu du Rusty enthousiaste et dynamique de d'habitude qui chasse un peu le Rusty malade et amolli.

Il tend le cou et il prend un morceau. Le poisson émerge tout dégoulinant et un instant je pense qu'il va se casser en deux dans sa gueule tellement il est flasque et mou et j'entends les gouttes qui font des plic plic réguliers sur le plancher. Des plic plic mais pas de flaash sploouf.
La bête est entière. Pour l'instant.

Cul-shec?

Je suis trop loin pour en attraper une sans bouger. Je lève ma patte qui était posée jusqu'à côté pour planter une griffe ( je veux le moins possible de ma patte en contact avec cette substansse ) et je tire le rectangle métallique vers moins dans un krrrrcccllang.
C'est pas tant la texture qui me dégoûte, j'ai déjà mangé et vu bien pire que ça, mais c'est l'odeur, ça pue et me tord le cœur, je m'y habitude pas.
Ma griffe se lève puis replonge pour se planter dans la chair cette fois et je pêche un poisson d'eau jaune que je lève jusqu'au niveau de mes yeux.
L'eau jaune dégouline encore. C'est jaune comme de la pisse, je percute que maintenant.
Même si la lumière de la lune est faible je le vois, et je l'ai vu sous les lampadaires.
J'ai un poisson à la pisse suspendu au dessus de ma gueule et vais le bouffer.
( bordel, qu'est-ce qui a mal tourné ? )

Je fais un petit mouvement de poignet qui donne une impulsion au poisson qui est suspendu un instant dans les airs et CLAC je referme la gueule dessus.
C'est mou, si mou y'a juste les os de poisson qui craquent sous mes crocs. Ça goûte pas ce que ça sent. L'odeur est forte mais le gout est doux. Le liquide gras se répand partout dans ma gueule et fait glisser le poisson, que je veux pas trop mâcher de toute façon.

C'est fini, je l'ai avalé. Reste juste l'eau jaune un peu agité après qu'on lui ai pêché ses poissons.

Alors... je commence. Tu sens quelques chose ?

S'il avait été moins flottant et lourd il aurait peut-être disputé Trash d'avoir encore une fois amené une.... proie (c'était une proie? disons que oui, les mots se diffusaient dans sa fièvre) aussi douteuse que l'avait été le rat l'été dernier. En repensant au rat sa tête le lança et ses muqueuses se déformèrent dans une grimace, ce qui lui fit appuyer les dents dans le poisson, et glisser des goutelettes de - mieux valait ne pas y penser - directement au fond de son gosier. Et tout en grâce Rusty recula vivement la tête, envoyant balotter la sardine sous sa langue tandis que derrière il s'étouffait, prit d'une toux qui s'étira en un long sifflement de malaise qui fit se dresser toute son échine, précurseur à une boule de poils qu'il s'apprêtait à recracher en même temps que tout le reste.

Son coeur courait et Rusty se dit que s'il sortait dans la boule peut-être qu'il se sentirait mieux, et il inspira bruyamment de ses narines bloquées, et du coin de l'oeil (et dans le reflet de sa paupirère nictitante sortie) il vit le poisson de Trash tenter de lui échapper (?) par un bond dans les airs, et finir sa fuite entre ses mâchoires qui - et Rusty se braqua sur le parquet - crounchèrent ses arrêtes, envoyant tout un frisson dans les poils cannelle du malade qui calma sa précédente crise en s'immobilisant complètement.

Et Trash avala son poisson, et Rusty fronça à nouveau ses sourcils, et s'efforça à serrer les dents jusqu'à ce qu'elles se touchent au travers du gras et des filaments de sardines qui se détachaient de ses os. Rusty n'avait pas sa mâchoire à Trash, alors il abattit sa patte sur la queue du poisson qui sortait de sa bouche pour tirer dessus tout en le faisant avec les dents et s'éviter de l'avaler tout rond. Il entendait une voix dans les oreilles de ses pensées, et c'était la voix d'un ami (qui n'était pas Trash), c'était la voix de Monsieur Brasier qui lui conseillait de ne pas manger les arrêtes.

Et plutôt que de tout recracher il se fit violence de tout avaler, bruyamment, la gorge enflée et brûlante mais qui s'assouplit avec l'huile. Il en avait dans les moustaches cependant, et il s'oublia un peu en tentant de lécher ses moustaches - il arrivait à toucher ses babines, son nez, son menton, et l'air, mais pas ses moustaches, et ce n'était pas faute d'avoir essayé.

— Alors... Tu sens quelques chose ?
Rusty s'aida de sa patte avant de se rendre compte que celle-ci, pleine d'huile, ne faisait qu'étendre le problème.
— Euh -...

Sentir quelque chose? Avec son nez qui s'était bouché? Rusty eut un moment de flottement, son regard se perdit dans le vague (ou plutôt dans les vagues d'huile où flottaient les dernières sardines dans leur lit de métal) et il en sortit en dressant hautes ses oreilles.

— Oui? Attends-- je sens comme un... un mal à la tête?

Et c'est pas seulement la fièvre, et Rusty monta sa patte à son visage (plus précisément, à son front) avant de grimacer et de siffler son air entre ses dents serrées. « Hckkff!! » La douleur était comme à l'extérieur, et il y posa les coussinets, et palpa, et la douleur parcourrut la pointe de sa tête triangulaire jusqu'à sa nuque, paralysant l'abyssin d'une douleur sourde. Il expira son air, sortit la langue, et reposa sa patte contre les lattes en la repliant. Qu'est-ce qui s'était passé? Pourquoi il avait froid, il avait chaud, et pourquoi il avait l'impression qu'il devait vraiment absolument impérativement sortir de la construxion de Lui et Trash...? Son coeur courait encore mais sans ses pattes il n'irait pas bien loin - où est-ce qu'il voulait aller de toute façon? Et pourquoi aussi vite...?

— Trash?

La migraine lui reprit, et elle lui reprit le train de ses pensées, aussi. Avec une cacophonie d'Ollies qui roulaient entre ses oreilles, le forçant à fermer les yeux et tenter d'encaisser tout ce qui arrivait. Qu'est-ce qui arrivait? Il s'était passé quelque chose, et il avait besoin d'y être, là, tout de suite, sinon--

Rusty tortille sa langue dans tous les sens pour essayer de récupérer les gouttes d'huile posées sur ses moustaches, comme la rosée qui fait des petites boules d'eau brillantes qui capturent le soleil pour le mettre sur les tiges des hautes herbes.

Ça me fait penser que j'ai moi aussi de l'eau jaune qui dégouline de ma gueule alors je lève une patte pour tout enlever ( bon, plutôt étaler ) d'un revers de poignet.

Oui? Attends-- je sens comme un... un mal à la tête?
Ah. C'est à cause de la f...
Et c'est pas seulement la fièvre

Il se touche la tête et grimace de douleur à ce contact et c'est marrant, c'est exactement à l'endroit où je l'ai frappé.

Trash?
Il m'interroge des yeux.
Tu te rappelles de rien ?

C'est peut-être pas plus mal à cause que je suis pas sûr qu'il va aimer ce que je vais lui dire.

C'est normal ça. C'est quand j'tai cogné la tête à cause que t'arrivais pas à te calmer.
Je baisse les yeux vers mes pattes au souvenir de Rusty fou de d'inquiétude en voyant les lumières du feu au loin dans la lande.
T'étais malade, tu m'écoutais pas, j'essayais de te retenir pour pas que tu te préripite dans le feu.

Je faisais barrage de mon corps à un Rusty fiévreux et délirant, qui tenait à peine sur ses quatre pattes mais qui voulait aller vers le feu pour les sauver. Alors qu'il pouvait pas se sauver lui. Moi ça va pas m'empêcher de dormir la nuit si tous les chats de ce Clan finissent carbonisés. Y'a plus personne, y'a personne là-bas qui mérite que je le sauve.
Mais Rusty il pensait pas ça, et aurait jamais atteint le camp dans son état. Il pouvait pas se sauver lui mais moi je pouvais et il aurait jamais abandonné d'essayer et il se débattait alors un coup de patte sur la tête et c'était fini.

Il est tombé sur moi comme une poupée molle et je l'ai tiré à l'intérieur de la cabane. Et j'ai attendu qu'il se réveille, mais j'avais faim alors je suis allé chercher à manger et voilà.

Je savais pas quoi faire... mes yeux restent à regarder mes pattes. Alors j'ai fait ça.

— « Tu te rappelles de rien ?

Ben, il se rappelait de qui il était (il était Rusty! Allez, c'était débutant, ça!), et de Trash (c'était son meilleur ami!), aussi, de leur construxion (ils l'avaient emménagée avec des restes de sa maison abandonnée), de bien sûr Ollie (sa seule famille)... Et bien sûr qu'il se rappelait des circonstances qui les avait menés tout trois à vivre ensemble, mais il n'avait pas besoin de s'en rappeler parfaitement et au détail près, à l'instant! Enfin, peut-être que si?...

— « C'est normal ça. C'est quand j'tai cogné la tête à cause que t'arrivais pas à te calmer.
— Hein...?

Trash baissa ses yeux, Rusty aussi, et la douleur dans le front revint. Comme un coup - comme un coup quand on cogne. C'était, c'était Trash qui avait--?...

— « T'étais malade, tu m'écoutais pas, j'essayais de te retenir pour pas que tu te préripite dans le feu.

Il faisait chaud dans son corps - dans la cabane. Il avait fait chaud tout l'été à cause de la canicule, et leur constuxion n'était pas bénie d'un air-clim, alors Rusty sortait plutôt la nuit lorsque les temps se raffraîchissaient un peu. Il sortait chasser et il sortait cueillir et il croisait quelques claniques qui semblaient souffrir plus qu'eux encore. Mais ce jour-là il s'était réveillé, eh bien, le jour, car la chaleur avait été insoutenable. Il était allé dehors et il l'avait vu. Le feu, le feu rouge et jaune et bleu en distance qui avait donné des ailes à ses pattes et il avait tenté de courir, seulement pour être stoppé par son meilleur ami et ses poils noirs. Dans les oreilles de ses pensées Rusty n'entendit pas bien ce qu'il dit. Sa voix grinçait, elle était sèche, et il paniquait (et s'en rappeler redonnait la panique à son coeur au présent).

« Sans-la-Voix » Le feu, le feu provenait de la Lande! Le Clan du Vent! -- Et le feu s'était rendu où? Est-ce qu'il avait touché le Clan de la Rivière? S'était propagé au Clan de l'Ombre?? Plus aucun Ollie ne roulait dans sa tête et Rusty s'était levé sur ses quatre pattes, se campant dessus, la tête basse.

— « Je savais pas quoi faire... Alors j'ai fait ça.
— « ... Non, dit Rusty en levant brusquement le nez pour tourner ce-dernier vers la porte de la cabane. Non non non, est-ce qu'ils vont bien?? Ils ont besoin d'aide! - le malade se motiva d'un coup de croupe pour se mettre en marche, poussant la canne rectangulaire de son chemin en se traînant les pattes vers le seuil. Ils ont besoin d'aide, Trash, je dois les aider!! »

Il perdit l'équilibre, sa queue en piquet alla vaciller sur un côté avec sa croupe et ses postérieurs mais ce n'était pas suffisant pour arrêter Rusty qui rampait, sortant les griffes, griffant les lattes en tentant de se hisser contre elles (il avait vécu toute sa vie dans une maison, il savait s'aider des murs et des meubles pour se donner une poussée sur le plancher). L'état du Clan du Vent était plus important que la, la seconde information auquelle Rusty ne voulait pas faire face, en ce moment. Comme on dit, "on traversera la rue quand on sera arrivés au trottoir".

— ... Non.
— Non ?

Fidèle à lui même, Rusty oublie que je l'ai cogné sur la tête pour reprendre là où il s'était arrêté, c'est-à-dire courir vers la lande du Clan du Vent pour -

Ils ont besoin d'aide, Trash, je dois les aider!!
C'est ça c'est ça...

Je regarde Rusty qui se met sur ses quatre pattes plus vite que ce que j'aurais cru. Il est debout, mais tout tourne, je le vois comme si j'étais derrière ses yeux. On dirait ses humains qui puent l'alcool et qui chancelent à travers les verres brisés et les lumières sales des lampadaires.
J'entends le k-kling de la boite qui dégage du chemin puis l'élan de Rusty le déséquilibre, il fait juste quelques pas de plus avant de s'écrouler au sol et de ramper plus qu'il avance vers la sortie.

Rusty... Pourquoi t'acceptes pas que tu dois d'abord t'occuper de toi et que t'es dans l'état d'aider personne de chez personne ? Pourquoi toi t'imprimes pas cette leçon numéro 1 de la survie qui est gravée dans mes veines et qui pulse dans mon sang ?
Je marche aussi vers la porte. Je le suis d'en haut, je le regarde suer et ramper pour y arriver et l'odeur de maladie excitée par l'effort me pique le nez. Si y'a un Dieu quelque part là-haut comme le pensent certains, c'est sûrement comme ça qu'il doit faire : nous regarder ramper pendant que lui, il est debout bien solide et capable sur ses quatre pattes. Mais il peut rien ( veut rien ) faire. Juste, il nous regarde.

Je regarde Rusty.

C'en serait presque drôle si c'en était pas effariblement triste.

Tu vas aider qui ? je demande, toujours marchant lentement à ses côtés. Ca c'est passé y'a plusieurs heures tu sais. Et à ce rythme là il t'en faudra encore plusieurs heures pour y arriver.