Un étrange phénomène - end (ft Muguet)

Nous regardions tous les deux les dégâts causés par l'incendie sur le territoire du Clan du Vent. C'étaient nos adversaires, nos rivaux, il est vrai ; mais jamais je ne m'abaisserai à dire qu'ils le méritaient. Personne ne mérite une catastrophe d'une telle ampleur, à moins d'avoir fait quelque chose d'extrêmement grave. Bouquet de Muguet poursuivit la réflexion : qu'est-ce que l'on ferait, si ça nous arrivait ? Si jamais il y avait le feu sur notre territoire ? Eh bien, à part fuir, pas grand chose... Si un incendie menaçait le camp, on ne pourrait pas l'éteindre nous-mêmes, c'était impossible. Aucun Clan n'avait de réponse à ça.

"Nous ne sommes pas plus capables qu'eux de maîtriser un incendie. D'où la nécessité de plus de surveillance du territoire. Si on détecte le feu alors qu'il est encore loin du camp, ça nous laisse le temps de déplacer les plus vulnérables aux Quatre Chênes par exemple, ou aux Rochers du Soleil dans le pire des cas."

Les deux lieux que j'avais mentionnés étaient en effet séparés de notre territoire par la rivière, le "pire des cas" étant de se réfugier sur le territoire du Clan du Tonnerre le temps que l'incendie s'essouffle. S'il en allait de la survie du Clan, alors on pouvait bien mettre notre dignité de côté quelque temps, plutôt que de tous brûler avec le territoire. Un son qui m'était bien connu interrompit mes pensées. La guerrière l'avait manifestement entendu aussi, et me fit un signe de la queue, que je ne compris pas plus que ça. Néanmoins, je restai immobile par réflexe et par expérience. Nous regardâmes tous deux dans la direction du bruit, nos mouvements lents et insonores. Il y avait là un oiseau, probablement tout juste posé. La guerrière bicolore semblait vouloir tenter sa chance sur cette proie, et je lui laissai la priorité en un accord silencieux. Elle s'approcha peu à peu, lentement, silencieusement... Son bond fut rapide, et son attaque précise. L'oiseau était pris. Un succès à la chasse, qu'il soit mien ou non, ne manquait jamais de me faire sourire.

Bouquet de Muguet remercia les Étoiles brièvement, comme on en a l'habitude, et suggéra d'apporter la proie aux malades. Bien qu'une seule proie ne suffise pas pour le nombre grandissant de patients, j'appréciais l'initiative. J'allais le lui dire quand elle déposa le corps de l'oiseau devant moi. Elle me fit comprendre qu'il serait mieux que je l'apporte moi-même, étant donné son statut de "nouvelle" du Clan. Je comprenais son inquiétude, mais... Justement, de la façon dont je voyais les choses, c'était à elle de leur donner cette proie.

"Non." lui répondis-je simplement, d'un ton neutre mais qui pas particulièrement froid. Juste sérieux, comme d'habitude. Je poursuivis, "C'est toi qui as attrapé cette proie, et c'est toi qui a pensé à qui elle profiterait le plus. Les malades te seront reconnaissants, je pense, et s'il ne le sont pas, personne ne pourra dire que tu ne fais rien pour le Clan. Ne te dévalorise pas."

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L'expression neutre voir inquiète de Brasier Glacial ne me rassura pas plus sur notre avenir si jamais nos terres prenaient feu. Même les chats de l'eau n'avaient pas trente six solutions face à un incendie dévoreur. Avec sa connaissance du terrain par contre, il pouvait déjà imaginer où nous pourrions nous installer si le pire devait arriver. Les Quatre Chênes ou les Rochers du Soleil car ils se trouvaient derrière la rivière. Bon à savoir en cas de problème. Mes oreilles s'agitèrent sous le nom du territoire du Tonnerre. Je commençais seulement à bien savoir où se trouvait tous les endroits, mais pour les Rochers du Soleil.. Les anciens en parlaient tellement que je savais très bien que cette agréable zone appartenait à la Rivière avant d'être prise par le Tonnerre. Des conflits qui me dépassaient, mais qui faisaient partie de mon quotidien désormais.

Bref, tout cela n'était que des inquiétudes sur un possible avenir, mais le présent était bien plu important et inquiétant pour le moment. Les malades, la proie, il fallait les aider. Le guerrier roux me repoussa la proie vers moi. Je le regardais, confuse. Il insista que je le leur donne moi même, car j'étais celle qui l'avait attrapé et qui avait eu l'idée. Puis comme il le disait, que pouvait - il arrivé de pire ? Ils la refusent ? Il y en aura au moins bien un qui l'acceptera. Du coup j'inclinai ma tête en silence pour le remercier une nouvelle fois de ses mots, et repris la grive entre mes crocs. Je relevai la tête vers là où je pensais être le camp.

" Rentrons donc en in'ormer Etoile d'Or. "

Je le relaissais prendre la tête de la patrouille, et les premières longueurs de chats parcourues se firent dans le silence. Mais alors que je pensais à ma fille que j'allais donc revoir et rapidement informer de ce que nous avions vu, je pensais à ce qu'avait dit Brasier Glacial plus tôt. Lui aussi avaient des enfants. Étaient - ce des amis de ma Nuage de Lavande ? Je réfléchis mais il n'y avait pas de jeunes apprentis tout roux. Je ne pouvais pas deviner seule les membres de sa famille. Alors je lui demanderai ! Il m'avait posé des questions, je pouvais bien lui en poser une ou deux !

" Tantôt, tu as dit avoir des chatons. Lesquels sont les tiens ? Peut - être qu'ils sont amis avec ma petite fille, ce serait comique. " miaulais - je avec amusement et la grive en bouche.

Après un certain moment de silence entre nous deux, Bouquet de Muguet s'inclina légèrement - marque de respect, remerciement ? - puis reprit sa proie. Je hochai brièvement la tête en approbation. Un peu de confiance en soi ne lui ferait pas de mal, même s'il était difficile de trouver cette confiance après avoir changé de Clan. La guerrière proposa de rentrer au camp pour rapporter ce que nous avions vu sur le territoire du Clan du Vent, entre autres. J'acquiesçai à nouveau, il était bien temps de rentrer. Nous en avions assez vu, et assez fait ici.

De manière assez naturelle, je repris la tête sur le chemin du retour, peut-être par expérience. Une bonne partie du chemin se fit en silence. Je ne savais plus trop de quoi parler, après tout, et maintenant que je connaissais un minimum la guerrière bicolore, j'espérais que le silence ne lui était plus si inconfortable qu'avant. Cependant, Bouquet de Muguet avait encore quelque chose à dire, de parent à parent cette fois-ci. Parmi les petits jeunes du Clan, lesquels étaient mes enfants ? Question compréhensible après tout, il y a beaucoup de monde et ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver ! Je pris le temps de formuler ma réponse dans ma tête quelques instants, avant de lui miauler avec une toute petite pointe de tendresse dans la voix.

"J'en ai cinq. Il y a Nuage de Charbon et Nuage de Fleurs, les deux sœurs au tempérament bien différent. Il y a Nuage de Héron et Nuage de Tigre aussi, les deux frères. Toujours en train de traîner ensemble quand ils étaient chatons, un peu comme leurs deux sœurs. Et puis il y a Nuage Naturel, que nous avons recueilli âgé de quelques jours à peine, que nous avons fait de notre mieux pour élever comme un fils. Sans doute que Nuage de Lavande connaît au moins un des cinq !"

Je pris une petite pause, histoire de reprendre mon souffle avant de poursuivre, la mine un peu plus sérieuse, un peu plus sombre.

"Nuage Naturel ne sait pas qu'il est... adopté, même si ce n'est un secret pour personne. Ça n'a rien à voir avec ta question, mais..." Je regardai soudainement loin devant moi, les yeux perdus dans le décor, imaginant déjà la scène qui pourrait se produire d'ici quelques lunes. "Je compte lui dire, bientôt. Pas facile de trouver les mots. Mais il mérite de savoir, même s'il est heureux sans."

Je n'osai pas lui demander plus de détails sur ses propres chatons, sachant déjà que l'un d'entre eux était mort, sans doute il y a assez peu de temps. Aurait-elle voulu les amener ici avec elle à la Rivière, comme elle l'avait fait avec Nuage de Lavande ? Ce serait une question pour une autre fois.

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Après le guide de patrouille, le nouveau camarade et le vétéran de la Rivière, ce fut le père en Brasier Glacial qui me parla. Il prit un peu de temps, comme à son habitude commençais - je à deviner, avant de me dire sa réponse. Je souris fort sous la surprise. Cinq chatons ? Et bien, cella devait être une portée bien tumultueuse ! Dire qu'en tant que jeune mère, j'avais déjà eu du mal avec mes quatre chatons... Mais bon, je n'en avait plus qu'une sous mon aile désormais. Même si je ne perdais pas espoir de revoir les autres, juste une fois, pour apaiser mon coeur en sachant qu'elles allaient bien. Et ce peu importe le clan où elles étaient. Le guerrier roux me décrit sa descendance, deux filles qui formaient une première paire, deux garçons qui en étaient une paire, et un petit dernier, adopté. Wouah, adopter un chaton alors qu'on en avait déjà quatre... La mère en moi lui donna tout le respect du monde. Il avait l'air d'un bon père, sans doute que sa compagne était une bonne mère aussi. Nuage Naturel avait de la chance d'avoir trouvé une famille aimante malgré tout. Tout parent serait rassurer de savoir son enfant entre de bonnes pattes, tout comme je l'étais en sachant Dents de Sabre, et étonnamment Feulement, prendre soin de Nuage de Gingembre et Nuage de Digitale -je les supposais apprenties depuis le temps !-

" Il a déjà de la chanc'e d'a'oir des parents adopti's qui prennent s'oin de lui. C'a n'arri'e pas à toutes les en'ants.. "

Je repensais malgré moi à mes "parents" adoptifs, que je ne considérais plus que tels dorénavant que j'avais retrouvé mes parents biologiques. Décédés, mais biologiques. Mon père était encore un mystère, mais la famille de ma mère était déjà tout pour moi. Plus de Grain de Sel qui te faisait rentrer dans un moule et te regardait mal malgré qu'il devait être ton "père". Plus d'Esprit Lent qui avait bercé ton enfance de mensonge avant de te trahir et de t'abandonner.. On me disait souvent que j'exagérais, mais je restais persuadée qu'ils n'étaient plus mes parents. L'ont - ils seulement été l'espace d'un instant ? Les rires et jeux d'Esprit Lent revinrent en écho dans ma tête. Peut - être oui, un instant..

Mais soit. Moi, je savais dès le début que j'avais été recueillie. Grain de Sel ne me l'avait jamais caché. Donc je ne pouvais imaginer à quel point cela devait être délicat d'annoncer à un chat qu'on considérait comme son propre enfant, qu'il avait d'autres parents. Je rattrapai Brasier Galcial pour parler plutôt à ses côtés que derrière lui.

" S'i vous' a'ez une relat'ion de confianc'e, je n'ai aucun doute que tout s'e pass'era bien ! "

Et le vétéran n'avait pas du tout l'air d'être de la même trempe que le vieux guerrier de l'Ombre, alors ça devrait aller.

La guerrière me répondit tant bien que mal, malgré la proie qu'elle rapportait au camp. Ses quelques mots firent éclore une pointe de fierté en moi, pas par la satisfaction d'être bien vu, mais plutôt d'être perçu comme un bon père. J'avais longtemps eu peur de... de tout ça. Des naissances, de m'occuper de mes propres petits, et tout ce qui va avec. Mais en fin de compte, tout s'était si bien passé ! Je ressentis aussi un peu de rancœur, d'amertume peut-être dans la voix de Bouquet de Muguet. Je ne connaissais pas les détails de la vie qu'elle menait au Clan de l'Ombre avant de nous rejoindre, mais je savais que ses deux parents biologiques n'avaient pas pu l'élever. Ses premières lunes n'avaient sans doute pas été de tout repos...

Elle finit par me rattraper pour me réconforter un peu au sujet de Nuage Naturel, le chaton que l'on avait adopté il y a maintenant plus d'une dizaine de lunes. Je lui souris, reconnaissant de cet encouragement. Ce ne serait sans doute pas le moment le plus facile de ma vie, mais elle avait raison. Ça devrait aller, après tout.

"Merci." lui repondis-je simplement, d'un miaulement calme mais chaleureux.

Sur le reste du chemin, je restai silencieux. Plus de malaise, cela dit - 'suffit de connaître un peu les gens pour ne pas trop avoir besoin de parler, au moins c'est ce que je pensais. J'étais plutôt content d'en avoir appris un peu plus sur la guerrière bicolore. Les autres peuvent bien penser ce qu'ils veulent, je pense que c'est une très bonne addition au Clan. Elle a su marcher à travers pas mal de difficultés qui l'ont menée ici, au Clan dont elle partage le sang, et pour cela nous devrions la respecter comme l'une des nôtres, pas l'ignorer. Une fois arrivés au camp, je me tournai vers elle pour conclure cette patrouille, en m'assurant de la remercier.

"Bon, je te laisse apporter ta proie à ceux qui en ont le plus besoin. Je vais informer Étoile d'Or de ce que l'on a vu pendant cette patrouille. Merci d'être venue avec moi ce matin !"

Sur ces mots et un dernier sourire, je bifurquai vers la tanière du chef pour faire un petit rapport sur ce que l'on avait vu ce matin.

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Le camp devient visible à l'horizon. J'étais contente d'observer qu'on le voyait encore avant de l'entendre. Mais combien de temps cela allait rester ainsi ? On ne pouvait fermer les yeux sur le nombre de toux montant. Mes crocs se refermèrent sur ma grive. Faite que cela soit que de passage. J'avais enfin trouvé un clan qui était une vraie famille, comme Brasier Glacial me le démontrait. Ne me la prenez pas trop vite. En parlant de famille, le vétéran roux conclut la discussion sur la sienne avec un merci. Je souris comme je pus malgré l'oiseau. Le reste du chemin se fit dans le silence, ce qui ne fut pas plus ma, vu que ma gueule était chargée.

J'inspirai, apaisée. Un nouveau camarade au sein de ce clan. Ma timide intégration était finie. Les chats ont sûrement du s'habituer à la vue de ma fourrure. Dorénavant ils feront connaissance avec elle. Je voulais tout savoir, le plus possible en tout cas, pour être une guerrière efficace dans le clan de ma mère. Malgré le désespoir de la canicule et de la maladie soudaine, une énergie brillait en moi. Un peu parler, un peu échanger comme nous l'avions faut ce matin, je créerai ma place de cette façon. Je deviendrai quelqu'un dont je n'aurais peur ou honte. Nous fîmes quelques pas dans le camp avant que Brasier Glacial ne rompit la patrouille. Je le saluai également quand il se retira. Je demanderai à ma fille si elle connaît l'un de ses chatons ! Comme prévu, je regardais ensuite à qui j'allais donner ma proie fraîchement attrapée. Une fourrure noire n'avait pas bouger depuis mon départ. Elle pestait peut-être contre moi d'habitude, mais là elle avait besoin de mon aide, sang pur ou pas. Je me dirigeai alors vers la tanière des guerriers où la femelle noire était restée, toussant depuis notre réveil.

Je me faisais ma place.