Il a voulu atteindre le soleil, ses ailes de cire ont fondu et il s'est écrasé [PV Foufou et Cricri] - end

Disclaimer:

CHIALEZ AVEC MOI !

La vie d'un Guerrier est vraiment ennuyante. Tous les jours on se lève, seules les tâches du jour sont différentes. Je crois que je préférais la vie de Novice. Le travail était vraiment semblable, mais au moins je pouvais passer du temps avec Papa. Et même si c'était sûrement une obligation pour lui, moi j'en profitais, autant que je le pouvais. Il était exigeant et un peu dur, mais ce sont des souvenirs que je garde précieusement. Maintenant, pour le voir, c'est direction la Tanière des Anciens. Et à part pour changer les litières ou leur enlever puces et tiques... En plus ce sont en général les Apprentis qui en sont chargés, même si ça ne me dérange pas. Même si Papa est indépendant et n'a pas vraiment besoin d'aide pour tout ça, quand il est dans la Tanière, il n'est pas loin de moi. Je suis triste qu'il soit allé rejoindre les Anciens quasiment au moment où je devenais Guerrière et rejoignais enfin le même refuge que lui. J'avais rêvé du moment où je pourrais m'endormir non loin de lui, sentir son odeur m'entourer et pourquoi pas, ne serait-ce que l'ombre d'un instant, l'effleurer. Mais ça n'arrivera pas et ça me fend le coeur. En attendant, je dois occuper mes journées. Et comme je n'ai été assignée à aucune tâche, je me suis décidé à profiter du beau temps pour chasser.

À peine sortie, mon regard se fixe sur un pelage tigré bien connu. Où va donc Papa? Se promène-t-il? C'est sûrement le cas et une envie me prend. Sera-t-il en colère si je l'accompagne? J'ai envie d'être avec lui. Et s'il allait à la rencontre d'un autre félin? Je ne ferai que déranger, non? Je sais! Je n'ai qu'à le suivre un moment et si je vois un autre chat, je n'aurais qu'à faire demi-tour! Excitée par cette idée, j'en oublie toute prudence, toutes les recommandations de Papa. Sans aucun camouflage, je ne fais que le suivre, à quelques queues de distance. On va droit vers le chemin du Tonnerre et j'espère qu'il ne va pas faire une bêtise. Je le vois soudain s'arrêter et je m'aplatis au sol, priant les ancêtres de dissimuler mon pelage éclatant. En vain, méchants Ancêtres!

- Coup de Foudre, Cri du cœur, sortez de là, j’vous ait grillé. Pour filer quelqu’un, il faut d’abord camoufler son pelage, il me semble te l’avoir enseigner, Cri du Cœur…

Je me relève, penaude, j'avance vers Papa et aplatis mes oreilles contre ma tête en relevant les yeux puis en les baissant au sol. Je suis surprise que Coup de Foudre soit là aussi. Je crois l'avoir déjà vu en compagnie de Papa, mais je ne l'ai ni entendu ni senti, il est meilleur que moi, ou c'est moi qui suis vraiment nulle. Je me demande ce qu'il fait là. Et aussi et surtout où allait Papa. Et me voilà bloquée. J'aimerais demander à Papa où il allait, mais comment me faire comprendre lorsqu'il ne veut pas regarder mes gestes? Et puis même s'il me comprenait pourquoi voudrait-il répondre à son indiscrète de fille mal aimée? Mes épaules se voutent et ma vision se rapproche du sol.

Il avait vu Mauvaise Graine marcher - jusque là rien à signaler.

Il l'avait vu marcher un peu vite - jusque là rien à signaler.

Il l'avait vu passer le tas de gibier sans même chiper quelque chose sur la route - o.k. : louche.

Lui qui s'affairait à manger un écureuil, il le poussa sous le nez d'un chat qui l'accepta à coeur joie pour se mettre en piste. Mauvaise Graine ne l'intéressait pas - de lui ne naissaient que de pauvres et malheureuses Mauvaises Fleurs et il ne l'avait toujours pas rejoint dans sa renardière pour se faire pardonner.

Mais il bougeait trop vite, et la journée était de toute manière trop ennuyeuse - il se dit qu'il pourrait bien le suivre à distance, avant de s'apercevoir qu'une chatte, toute blanche sauf aux oreilles, au bout de la queue et aux yeux comme des larmes noires, s'était mise en piste, elle aussi.

C'était Cri - la fille de Mauvaise Graine, avec Plume Duveteuse. Une histoire de famille? Le bengal eut un mouvement de recul, revenant sur sa décision de les suivre. Il regarda sa patte, fit rouler un caillou dessous, pivotant ses oreilles de tous les côtés, en se disant qu'en rentrant au campement, il allait s'ennuyer. ...Il mit le plat de sa patte au sol, et pesa son poids dedans pour reprendre la filature.

Seulement contrairement à Cri, il se cacherait dans les arbres - les feuilles neuves et le redoux avaient redonnées au hauteur un feuillage assez épais pour lui conférer de l'ombre et lui permettre de se faufiler dedans. Il courut sur un tronc et se percha sur une branche, la frôlant du ventre en se tapissant dans le feuillage et en marchant sur tout entrecroisement assez solide dessous lui.

Suivant l'une et l'autre odeurs il se rendit compte que rien n'avait stoppé le domexstique sur son chemin : Il s'avançait en ligne droite sans se laisser interrompre par un quelconque obstacle sur son chemin - c'est que depuis le temps, il devrait la connaître par-coeur, la forêt, autant que lui connaissait par-coeur le réseau des branches de ses arbres. Tellement qu'il en avait rentré ses griffes, histoire qu'aucun son de tic ne le trahisse, mais:

— « Coup de Foudre, Cri du cœur, sortez de là, j’vous ai grillé. Pour filer quelqu’un, il faut d’abord camoufler son pelage, il me semble te l’avoir enseigné, Cri du Cœur…

Cri du Coeur - c'était donc ça, le nom de la fille de Mauvaise graine. Elle se redressa de sa position entre les buissons et ainsi témoin Coup de Foudre comprit que puisqu'elle se cachait elle ne se contentait pas d'accompagner Mauvaise Graine, elle le filait, comme lui. Il vit une raideur lui prendre dans les épaules, qui lui fit baisser le nez comme impuissante devant la situation. Ça lui revenait - si Mistigris était sourd, Cri du Coeur (quel nom ironique) était de son côté muette, et Coup de Foudre consentit à sortir de sa cachette en se redressant, en sortant les griffes, et en se jetant depuis la hauteur pour amortir sa chute accroupit. Un tour de queue et il trottinait déjà à côté de la jeune chatte, la frôlant de son poil pour lui signaler sa présence, penchant sa tête près de la sienne.

Il monta une patte à son oreille pour y faire flotter ses griffes et esquisser un mouvement leste, joignant la parole à l'action:

— « Il est sourd (ses oreilles sont griffées), qu'est-ce que tu veux lui demander? Je lui dirai. Il désigna le domexstique devant d'un mouvement sec du menton, sans toutefois détourner ses yeux de la jeune guerrière, tout "ouïe" à son message.

Peut-être que si elle lui avait demandé de communiquer quelque chose à l'ex-domestique, ce-dernier aurait eu la décence de s'arrêter dans son quoi-que-ce-fut qui le rendait si « occupé ». Peut-être qu'ils auraient même pu parler - en connaissant les circonstances, Coup de Foudre aurait peut-être même pu l'aider à retrouver Curieuse Pémombre. Mais la fille de l'ex-domestique, dans ses poils blancs et son mutisme, ne réussit à rien lui dire (ou enfin, rien lui signer). Elle était restée bloquée, les yeux sur l'herbe neuve, voûtant les épaules en s'asseyant dans une position de soumission. Coup de Foudre la toisa d'un regard un instant avant de le remettre sur Mauvaise Graine qui leur avait tourné le dos. Vite-fait il emboîta son pas, et alors qu'il descendait la colline pour atteindre la dépression en bordure de route, Mauvaise Graine avait déjà les pattes sur la terre noire. Coup de Foudre monta les siennes sur l'accotement, les oreilles droites, bien décidé à le suivre où qu'il aille. Mais un son attira son attention -

« Mauvaise Graine - »

Le bougre était sourd, alors il monta davantage l'accotement pour se sortir les pattes de la pente, poussant plus fort:

« Tournesol - »

Toujours aucune réaction, les pupilles du bengal se dilatèrent dans ses yeux en engloutissant ses iris jaune électrique tandis qu'il s'époumonnait

« MISTIGR I S »

et un éclair sortit de la droite et il fonça sur le chat dans un vrombissement qui se déforma au loin - la moto, la chaussée (il courait) et le hurlement d'agonie de Mistigris. Brusquement Coup de Foudre recula la tête et les pattes et se freina dans son sauvetage car il se rappelait d'une autre fois où un chat souffrant avait hurlé à l'agonie de la sorte et il eut desuite envie de l'abandonner à son sort, comme il l'avait fait à Esprit du Loup. À son sort, à son sort, lui qui avait autrefois été son ami. Pas qu'il le fut encore, Mistigris le lui avait fait savoir, et cette réflexion porta Coup de Foudre à se demander si ce-dernier n'avait pas voulu le leurrer lui sur la chaussée à se faire tuer (comme la promesse qu'il lui avait faite après avoir rompus). Ses oreilles tiquèrent, ses coussinets aussi, Cri du Coeur n'avait pas bougé derrière et le bengal pressa le pas pour contourner le tracé de sang et le corps qui se tordait de douleur tout en perçant ses oreilles de cris perçants et il se pencha, à l'épicentre de sa détresse, près de sa gorge, où il alla donner un coup de langue, avant de s'asseoir sur l'accotement et d'attendre, attendre que les cris deviennent de moins en moins forts, de moins en moins audibles, et que lui aussi soit réduit à un état de mutisme complet à l'instar de sa fille.

"Peut-être que", mais on ne refait pas la vie avec des peut-être. Un coup d'oeil en coin aux mouvements désarticulés de la poupée de chair à ses côtés. Plus saccadés, mais l'intermittence entre chacun d'eux s'étirait et s'étirait jusqu'à ce qu'il be bouge plus du tout. Sa tête, qui était remplie de plans de chantage contre Mistigris, s'accrocha à cette familiarité jusqu'à ce qu'elle devienne malaisante pour lui et ne le pousse à se relever sur ses quatre pattes, regarder des deux côtés de la chaussée, et s'éloigner direction la forêt, mi-figue mi-raisin quant à s'il devait annoncer la nouvelle. C'est que, comme lui, Mistigris n'avait pas beaucoup d'amis.