Tug-O-War - abandon

♪ Chevelle — Tug-O-War

C'est le froid et le noir qui me réveille.
J'ouvre les yeux.
Le muret de pierres sur lequel j'aime dormir à cause qu'il est tout chauffé par le soleil et qu'il permet de regarder le rien de la lande, où y a juste les herbes qui se balancent et balancent au vent jusqu'à ce que leurs vooow voosh réguliers vous endorme, le muret de pierres est plus mais alors plus du tout chauffé par le soleil.

Je lève la tête.
Le soleil est couvert par de gros nuages, le vent souffle plus fort et l'air est lourd, je sens son poids se presser contre ma peau. N'importe quel demeuré peut deviner qu'il va pleuvoir ( peut-être pire).

Je me mets debout, un peu rouillé à cause de ma longue immobilité ( et des mois qui passent ouais aussi, fermez-la ). Mes griffes crissent contre la pierre et je me jette à bas du muret.

Est-ce que Rusty est allé faire un tour ? J'espère autant qu'il est resté à la cabane plutôt qu'il est dehors. J'hausse les épaules. Rusty est pas bête, et débrouillard, je m'en fais pas pour lui ( en général ).

Je décris un lent arc de cercle pour revenir vers la construxion humaine, pas pressé mais pas trop envie de m'attarder non plus.
Je sens encore cette odeur.
Plus forte.

Je tourne la tête et hume l'air, la gueule entrouverte en faisant des renâclements à cause que ça marche mieux comme ça.
Y a deux chats qui traînent par là depuis quelques temps. Souvent ils restent pas assez longtemps pour que je me donne la peine d'aller les voir. Le Verger est un bon endroit pour les voyageurs qui veulent se reposer quelques temps.

Ils sont là d'ailleurs - je vois leurs silhouettes qui se découpent sur fond de nuages gris- mais ils sont pas deux.
Ils sont deux fois plus que deux.

Oooïïïï ! je crie avant de brifuquer dans leur direxion, sans même déjà savoir la suite.

Juste qu'ils sont trop nombreux, trop près de chez moi et que ça me plait pas. J'avale la distance qui me sépare deux en quelques foulées de galop. L'air orageux et le vent qui me fouette le pelage me rappelle cette sensation d'adrénaline avant un combat.

Vous pouvez pas restez là. Ma voix est rauque de pas avoir été utilisée pendant plusieurs heures. Je racle un peu et je continue : C'est chez moi. Et j'partage pas.

Regarder les intempéries par la fenêtre était autrefois son passe-temps favori, du temps où il vivait dans son foyer à la ville. Mais la fenêtre de leur construxion n'avait pas de canapé avec un dossier où mettre les pattes et se coucher, remplacé plutôt par le siège d'une voiture-miniature (un tracteur-tondeuse) qu'on avait abandonné depuis qui sait combien de cycles. Sans peur aucune, Rusty s'était hissé sur deux pattes en posant les avant sur le volant, étirant le cou pour regarder en angle le temps qui se couvrait dehors. Plus que des nuages noirs, il vit un chat noir descendre du muret (pas de mystère: c'était Trash) et qui s'éloignait à bon pas. Probablement pour une ronde de territoire - jusqu'à ce que son regard ne le devance à sa destination et que tout ses poils cannelle grisonnants ne se gonflent.

Car s'il n'avait pas eu peur en montant sur la tondeuse-tracteur, la terreur lui prit au coeur en voyant Trash se carrer directement devant c'était tout un groupe de chats, et Rusty se roula en miche sur le volant - est-ce que c'était eux les guerriers que Monsieur Brasier cherchait? Est-ce que Trash était en danger? Depuis sa position près de la fenêtre il fixait avidemment la scène sans ciller, cherchant à scruter les étrangers à la recherche d'il y avait peut-être un de ses amis, dans toute cette congrégation.

Un chat ( non une, c'est une une ) me rejoint d'un pas calme. Je m'arrête pour la toiser toujours reniflant et raclant.

Désolée. Nous n’avons pas senti de marquage et nous n’avons pas vu de marque de passage récent. Nous pensions que cette partie du Verger était inhabitée.

Je réponds par un autre grognement. L'autre chat (elle) a le visage calme comme un lac d'eau lisse et c'est dur de crier sur quelqu'un qui vous donne aucune raison de vous énerver.
C'est vrai que moi ( et Rusty ) on vient pas trop pisser par là, mais il devait y avoir des traces de présence quand même.
Elle peut pas complement ignorer qu'on est là.
C’est de la provocassion.

Cependant, si tu n’y vois pas d’inconvénients, nous aimerions rester ici pour y installer notre campement. Je dirais à mes camarades de rester loin de là où tu es venu et nous irons chasser dans les coins opposés. Il y a suffisamment de territoire ici pour nous cinq, n’est-ce pas ?

Je quitte mes yeux des siens sur cette dernière phrase pour regarder autour. Des herbes et des herbes aussi loin que vos yeux peuvent regarder.
Donc oui. Oui probablement.
Mais -

Un campement ?? je parle enfin. Mon visage se tord dans une grimace d'imcomprenansse. M'enfin vous avez prévu quoi là ?

Un campement. C'est le même mot qu'utilisent les Clans pour décrire leur maison.

Vous pouvez pas rester là ! je re dis, plus concerné cette fois à l'idée d'avoir des nouveaux voisins permanents.

S’il te plaît ? elle insiste un peu exaspérée.
Nan.
Laisse-nous rester ici. On te donnera une partie de nos proies si tu veux, mais j’aimerais pouvoir rester là avec mes camarades.

Je m'apprête à dire "non" encore mais mes oreilles se pointent en avant à cause qu'elle a dit le mot proies. C'est une super idée ça ! S'ils m'apportent à manger, plus besoin de chasser et plus besoin de m'inquiéter qu'ils mangent tout et qu'il nous reste rien.
J'écoute moins la suite, imaginant déjà notre gamelle se remplir elle-même de proies.
Plus besoin de courir après les gros rats du cabanon, plus besoin d'aller se rapprocher de la ville quand c'est la canicule ou l'hiver, ou juste quand Rusty peut pas chasser.

C'pas une mauvaise idée c'idée d'proies. je dis, pensif. Si vous nous apportez une .. non de^ux proies chacun je reprends, comptant Rusty, par jour, et que j'vous vois pas ça me pose pas de problème.

J'me retourne vers le Verger et pointe une grosse patte courue de cicatrices vers le cabanon.

Y'a une gamelle en fer là-bas. Z'avez qu'à les laisser là dedans.

Je me retourne mais cette fois ma patte pointe vers la chatte.

Deal ? je dis, tendant encore plus la patte pour insister.

Depuis la sécurité de sa fenêtre, Rusty n'entendait rien de ce qui se disait. Ses yeux scrutaient la scène avec avidité: l'autre chat s'était assied devant Trash et Rusty tapa ses coussinets dans la vitre, froide et humide : c'était dangereux! Trash ne s'était pas assit parce-que Trash avait besoin de toutes ses pattes pour la battre!

Entre les goutelettes il vit Trash se tendre et il se tendit avec lui mais il rondit le dos en s'arc-boutant sur toutes ses pattes, qu'il n'avait toujours pas levées. Trash ne la battera donc pas (tout de suite), et comme Rusty n'entendait rien de ce qui se disait, Rusty se mit à compter les chats de la congrégation. Celle qui était assise faisait un, puis deux trois quatre, et un cinquième? Une congrégation de juste cinq chats - si une patrouille était composée de deux à quatre chats il y avait un chat de trop pour être une patrouille...

Rusty se laissa se rasséréner.



--SAUF SI C'ÉTAIT UNE SUPER-PATROUILLE !

Hérrissé, les yeux ronds et le souffle coupé Rusty tapa ses coussinets sur le rebord de la fenêtre lorsqu'il vit Trash faire demi-volte-face et lever une patte et il devait sans doute prendre un élan pour donner un coup! Mais aucun coup ne vint, et Rusty s'immobilisa, et la chatte assise s'était reculée (Voilà!! Ça, c'était prudent!) pour se rapprocher des quatre autres et oh, un temps de latence, est-ce que tout allait bien? Oh, comme c'est pénible de n'avoir aucune idée de ce qui se passe! Comme c'est pénible! Mais Rusty avait peur de réescaler Trash - Rusty savait que plus près il était du tumulte, et plus Trash voudrait le protéger (donc plus ses griffes voleraient!), et qui sait si Rusty serait vraiment en danger et Rusty, qui se tortillait sous la vitre rondit le dos d'un seul coup pour la soulever.

CLAC- et puis l'air lui fouetta les moustaches.

Il en inspira toute une bouffée avant de l'expulser à bon entendeur:

— « OIIIIIIIIIIIIIIIIIIIÏ

TRAAAAAAAAAAAASH!

Des oiseaux nichés sur le toit de leur construxion s'enfuirent à tire-d'aile, mais Rusty n'en avait cure: il avait trouvé le meilleur compromis pour savoir ce qui se passait SANS quitter la sécurité de sa fenêtre. Si Trash était près de lui Trash aurait dit qu'il était un génie (Rusty en était presque sûr).

— TU PEUX ME DIRE CE QUI SE PASSEEEEEEEEE??

J'ENTEND RIEN D'ICIIII, JE M'INQUIÈÈÈÈTE!

ET EST-CE QUE T'ES BLESSÉÉÉ??

Sa peur de super-patrouille s'évanouit.

Sans la vitre pour lui obstruer la vue il n'y avait pas cinq chats mais seulement trois, et Rusty demeura un instant interdit avant de bondir sur une autre idée:

OH -- TU PEUX LEUR DEMANDER S'ILS SONT DU CLAN DE LA RIVIÈÈÈRE??

CET HIVER, MONSIEUR BRASIER M'A DIT QU'IL CHERCHAIT SES GUERRIERS!  DEMANDE-LEUR SI ILS SONT LES GUERRIERS QUE MONSIEUR BRASIER CHERCHAIT, ET SI OUI, QUE MONSIEUR BRASIER LES CHERCHE!

Je soupire dans un grognement quand elle laisse ma patte figée dans les airs sans la saisir, et qu'elle me dit que non, elle sait pas, elle doit en parler avec les autres. Elle fait demi-tour, me laissant planté là, mais je la suis. Je la lâcherai pas, vous en faites pas.

Je reste un peu derrière, pendant qu'elle parle aux deux autres femelles. Même si je suis un peu en retrait, j'entends la plupart des mots qu'elles disent et la première à qui j'ai parlé elle a l'air plutôt de vouloir accepter ma proposission. Un petit sourire tire ma commissure. Ca serait vraiment trop bien si elles disaient oui. J'ai tout le temps faim, je déteste chasser et j'aime pas plus que ça fouiller dans les poubelles, alors, des proies mortes qui nous sont servies ça serait le rêve. J'ai hâte de le dire à Rust—

OIIIIIIIIIIIIIIIIIIIÏ

Ooï ? je pense, en me retournant d'un bloc et la voix reprend-

TRAAAAAAAAAAAASH!

Je vois la tête de Rusty qui dépasse de la construxion. Ses fesses sont toujours à l'intérieur, ce qui fait qu'il est loin et qu'il crie ce qu'il veut me dire alors qu'il pourrait simplement venir ici et arrêter de—

J'ENTENDS RIEN D'ICIIII, JE M'INQUIÈÈÈÈTE!

ET EST-CE QUE T'ES BLESSÉÉÉ??

Je.. euh... C'est... aheemm.. je commence en essayant d'ignorer Rusty pour me tourner vers les trois filles qui me regardent maintenant. Oh et puis merde. Putain.

RUSTYYYYYYYY je crie à mon tour en faisant un pas dans sa direxion. T'AS QU'A—

Mais il a pas l'air de m'entendre à cause qu'il repart sur une phrase beaucoup trop longue qui se perd dans le FHHHH FHHH du vent. Je me dresse sur mes deux pattes arrière et pose mes jarrets au sol, bien stable. Je lui fais signe de venir avec mes pattes avant, en espérant qu'il comprenne. Ca sera plus simple, de l'avoir là. Avec moi.

Il a l'air d'avoir compris du fait qu'il fait un geste pour venir, alors je me retourne vers les trois filles en attendant qu'il nous rejoigne.

C'est Rusty. je dis. On vit ensemble.

J'ouvre la gueule pour ajouter un truc, puis finalement rien, et Rusty devrait pas tarder, c'est un peu inconfrotable de l'attendre comme ça qu'il nous rejoigne et qu'on les a coupées et...

Il va venir. Vous nous direz si c'est oui ou non.

Je m'assieds.
J'attends.
Il va venir.

La matinée de chasse avec Soleil avait été des plus agréables ! Je me sentais enfin appartenir à une famille que je ne risquais pas de perdre sous les griffes et les crocs. J’étais revenue de plusieurs jours de recherche la veille. J’étais encore fatiguée, mais j’avais besoin de me défouler un peu les pattes avec la tribu. Je comptais rester quelques semaines avant de repartir pour aller trouver mes petits. Selon la rumeur, mon Petit Flocon était parti très loin, et ne remettrait jamais les pattes ici. Mais il était heureux en chat domestique, alors je n’avais d’autre choix que de le laisser voler de ses propres ailes. C’était sa vie. Il ne me restait que Petit Désert, elle avait été aperçue chez le soigneur des animaux chez les bipèdes, mais rien de plus. Personne ne savait où elle vivait, personne ne pouvait m’aider à la trouver. Pourtant je n’abandonnais pas. Je la trouverais pour lui demander si elle voulait vivre avec moi.

Alors que nous dégustions le résultat de notre chasse, un cri au loin détourna notre attention. Une attaque ? Mon sang se glaça dans mes veines, mais pourtant j’étais quand même prête à défendre ma nouvelle famille. Je ne voulais plus d’attaque injustifiée, je voulais seulement la paix. Était-ce trop demandé à la fin ? Je restais en arrière observant la forme noire qui s’approchait. Un gris chat couvert de cicatrise. Il en était presque terrifiant. Il avait le physique parfait du bagarreur. Soleil s’était approchée de lui. Leurs mots ne me parvenaient pas tous. Mais le solitaire ne semblait pas vouloir notre présence ici. Mais pourquoi ? Nous ne faisons de mal à personne. Soleil défendait notre position, disant qu’il y avait assez de place pour tout le monde. Je m’avançais en douceur, contrôlant mes craintes. Tout pouvait très bien se passer sans avoir à sortir mes griffes et crocs. Finalement, il y eut une idée.

« Laisse-nous rester ici. On te donnera une partie de nos proies si tu veux, mais j’aimerais rester là avec mes camarades. On te donnera ce que tu voudras, mais s’il te plaît, laisse-nous vivre ici, on ne te dérangera pas, on ne fera même pas parler de nous, je te le promets ! Pour nous, c’est un endroit de rêve ici, on peut s’abriter du mauvais temps, on trouve assez de nourriture dans les environs sans qu’on ait besoin de s’éloigner, on trouve des plantes médicinales. On est bien ici. On ne t’embêtera pas, si c’est de ça dont tu as peur. »

Chasser pour eux ? Au printemps, en été d’accord, mais en hiver ? Tout allait être si difficile pour nous ! Et je pourrais moins m’absenter pour aller chercher ma fille. Pourtant c’était peut-être la seule solution pacifique. En toute évidence, le félin noir semblait satisfait de cette proposition. Soleil se tourna alors vers nous pour donner nous demander notre avis. Que pensons-nous de cette proposition ? Elle était pour. Moi j’étais indécise.

« Je sais pas Soleil… au printemps et en été, pourquoi pas, mais en hiver ? Même si nous ne sommes pas nombreux, nous aurons sûrement du mal à trouver de quoi nous nourrir… alors si en plus on doit lui apporter plusieurs proies… »

Je n'eus pas le temps de terminer mon argumentation qu’un cri se fit entendre au loin. Quoi encore ? La voix venait du cabanon d’où semblait venir le matou noir. Il s’appelait Trash, et le cri du cabanon Rusty. Deux solitaires qui vivaient ensemble. C’était une famille alors eux aussi. Peu importait les liens qui les unissait, ils partageaient un abri. Je tournais le regard vers Soleil, cette fois sûre de ce que j’allais dire.

« Je veux bien les aider. Par chasser totalement pour eux, mais les aider à se remplir l’estomac. »