Ni vu, ni connu [PV Perle] - abandon

Même de bon matin, la chaleur de la saison chaude était étouffante. Étoile du Corbeau n'avait pas dormi à son aise, il avait transpiré toute la nuit. Et pourtant, que le Clan des Étoiles soit loué, il avait une fourrure plus courte que ses congénères.
Au réveil, tôt dans la matinée, il put même voir le soleil se lever et les étoiles disparaitre dans le ciel, ciel d'ailleurs vide de nuages pouvant calmer les rayons brûlant de l'astre. Là, le chef soupira. Les rivières étaient en constante décrue. Si la sécheresse gagnait davantage du terrain, les autres Clan pourraient voir une occasion de les attaquer. Autre préoccupation, les poissons de moins en moins nombreux... Ou morts sur les berges. Dire que le Clan de la Rivière était le plus fort pendant la saison des neiges, quelle ironie !

Étoile du Corbeau quitta sa contemplation des cieux et descendit la corniche menant au camp. Il passa devant la tanière des guerriers et la pouponnière sans tourner la tête, puis il quitta le camp en saluant les veilleurs, prêts à être relayés.
Le noiraud avança sur son territoire, jusqu'à ses rendre aux chutes, au Nord des collines. La buée fraiche de la cascade englobait les lieux. Étoile du Corbeau s'installa au pied de la cataracte, près du bassin. L'eau était forte ici, alors pourquoi disparaissait-elle en aval ? Étrange, peut-être était-elle déviée vers les marais à cause de la profondeur de la tranchée.

Les pattes avant dans l'eau, le corps couché dans l'herbe grasse, le mâle ferma les yeux et inspira profondément. Dans l'air humide, il sentait une nouvelle odeur. Familière et connue. Sans ouvrir les yeux, il dit de sa voix grave :

« Depuis combien de temps es-tu là, Perle de Pluie ? »

Une tige de roseau sèche constituant le nid de la guerrière craqua sous son poids lorsque celle-ci voulu se retourner, ce qui eu pour effet de le faire s'affaisser à moitié en éparpillant quelques échardes par-ci par-là. Quelques-unes parvinrent à se loger dans le dos de la brune avant qu'elle n'est eu le temps de se redresser. Elle grommela en n'en sentant une en particulier qui commençait à vouloir se loger dans sa chaire. Heureusement que son nid était situé juste à côté de l'entrée ou celle pu s'éclipser sans déranger les autres félins et surtout nettoyer les bouts de roseaux qu'elle avait parsemée en se levant. Une fois cela fait elle agrippa son nid qu'elle démantela et poussa dans la barrière avec les épines, comme tous les guerriers avaient l'habitude de faire. Il était complètement défait, toutes les tiges étaient sèches et il était maintenant plein d'échardes. Autant dire qu'il n'y avait aucun intérêt à remplacer la tige cassée et qu'elle aurait plus vite fait de le refaire en entier avec des roseaux ayant moins souffert de la sécheresse de la saison des feuilles vertes.

Même si le soleil était déjà assez haut l'air était lourd, mais cependant moins lourd que dans la tanière des combattants où il était devenu irrespirable. Perle de pluie balaya le camps du regard. Personne en vue et même la pouponnière et la tanière des apprentis étaient encore calmes. La réserve de gibier avait connue des jours meilleurs, mais ils n'avaient pas trop à se plaindre, pour l'instant du moins. Les cours d'eaux de leur territoire étaient pour la plupart déjà asséchée et la rivière servant de frontière avec le Clan du tonnerre avait de plus en plus mauvaise mine, tout comme les carcasses de poissons échoués sur les berges qui pourrissaient progressivement sous les rayons du soleil. En somme, une petite partie de pêche matinal ne serait pas du luxe. La chatte se fit une toilette rapide en essayant d'enlever toutes les épines qui c'étaient logées dans sa fourrure. Si elle réussit à enlever celles qui la dérangeaient le plus, ainsi que quelques autres, elle ne pouvait cependant être sûr de les avoir toute eu. Enfin bref, elle n'en voyait et n'en sentait plus alors pourquoi devrait-elle insister ? De plus la position qu'elle devait prendre pour atteindre la dite zone de son dos était plus qu'inconfortable et elle commençait à avoir au cou à force de se tordre dans tous les sens.

Cela fait la guerrière de la rivière emprunta d'un pas feutré le chemin menant à la sorti du camp où elle salua d'un mouvement de queue les deux gardes. Gardes qui l'a snobèrent allègrement, mais cela n'était pas bien important. La brune se mit à trottiner en remontant la rivière à la recherche à la fois d'un bon spote de pêche, mais aussi de quelques roseaux encore flexibles pour se reconstituer un nid. Ses pattes foulèrent l'herbe sèche jusqu'aux chutes d'eaux où elle devrait enfin pouvoir trouver son bonheur. L'eau coulait ici en abondance, l'odeur des plantes de la belle saison étaient même entêtante et la chatte pouvait même sentir une fine bruine se faire emporter jusqu'à elle par le biais d'une légère bise. La fraîcheur de l'eau lui fit un bien fou, bien qu'elle put percevoir une odeur que trop familière flotter dans les environs. Son chef était là, tout près. La jeune guerrière tendit le cou pour essayer de mieux le localiser, mais il fut apparemment plus rapide qu'elle.

« Depuis combien de temps es-tu là, Perle de Pluie ? »

La voix grave du meneur la fit presque sursauter, mais elle se reprit très vite. Elle avança d'un pas calme et trouva le matou noir au détour d'un bosquet d'herbes hautes. Allongé, les pattes dans l'eau et les yeux fermés, il semblait profiter de la fraîcheur de l'endroit, chose qu'elle pouvait très aisément comprendre. La chatte s'inclina respectueusement en guise de salut avant de lui répondre calmement et en toute sincérité.

« - Je viens juste d'arriver Etoile du corbeau. Je voulais pêcher ici pour regarnir la réserve de gibier, mais si je te dérange, je peux tout aussi bien aller autre part. »

Étoile du Corbeau rouvrit les yeux et tourna sa fine tête vers la guerrière. Perle de Pluie, aussi jeune qu'intrépide, elle avait été nommée guerrière il y avait peu, en même temps qu'Aigue-Marine. Elle avait une sœur aussi, Fleur de Saule, une chatte un peu empotée et assistée. Étonnant qu'elle avait eu un apprentissage irréprochable, peut-être que son mentor avait su la remettre sur le droit chemin.
La queue d’Étoile du Corbeau fit rouler le gravier, dispersé sur la berge, au milieu des galets, puis le mâle se remit à contempler l'eau agitée sous la chute.

« Non, tu peux rester. » répondit-il simplement, avec douceur.

Étoile du Corbeau ne se sentait nullement dérangé par sa présence, c'était d’ailleurs une bonne occasion pour questionner des jeunes sur leur loyauté, leurs ambitions... Après tout, il savait peu de choses sur ses propres recrues, il connaissait mieux ses vétérans. Mais il ne se voyait pas demander à Perle de Pluie si elle lui était fidèle et si elle se battrait jusqu'à la mort pour les convictions de son meneur. Il y avait de quoi créer des tensions et des remous.
Le noiraud fit un signe de tête en direction des cascades et poursuivit :

« Regarde. N'est-ce pas impressionnant tout cette force ? » il fit une pause. « Ces chutes nous appartiennent, alors qu'elles se trouvent logiquement sur le territoire du Clan du Vent. Est-ce que tu sais pourquoi ?»

Il regarda Perle de Pluie cette fois, ses yeux bleus sombres plantés dans les siens, ses pattes toujours plongés dans l'eau fraiche.

Étoile du Corbeau cligna plusieurs fois des yeux quant à la réponse de la guerrière, selon si elle répondait logiquement... Ou à côté de la plaque. Enfin, "à côté de la plaque", façon de parler, le meneur avait ses convictions. Elle semblait très axée sur la technique de capture des proies. Malheureusement, Étoile du Corbeau doutait qu'il s'agisse un bon argument, Étoile Fauve, ce fourbe, pouvait à tout moment faire une mimique de la manière de chasser des membres du Clan de la Rivière et obtenir ce qu'il voulait par la ruse, pas par la force. Une méthode qu’Étoile du Corbeau adorait user, il était déçu de voir qu'un chef ennemi pratiquait la même.
Quoiqu'il en soit, la réponse de Perle de Pluie le laissait un peu sur sa faim.

« Eh bien, respire un peu, tu parles beaucoup. » ironisa-t-il avant de reprendre son sérieux. « Ce n'est pas vraiment la réponse que j'attendais... Mais très bien. »

Étoile du Corbeau se lécha les babines et repris :

« Je n'étais pas né quand les chutes ont été reprises, car elles ne sous appartenaient pas avant... Le combat fut terrible, des chats ont été jetés des falaises -une méthode fourbe, mais efficace. Nous avons gagné les chutes et elles devinrent un lieu morbide, surtout pour les chats du Clan du Vent... Un cimetière si tu préfères. Encore aujourd'hui, je suis sûr que l'on peut retrouver des ossements sous ces eaux. »

Il marqua une pause. C'était un lieu fort en symbolisme, beaucoup de chats avaient péri ici, dans les deux camps. Parfois même en dehors de la guerre, dans une simple partie de chasse. Un lieu privilégié donc.. Pour faire disparaitre quelqu'un en silence.

« Il n'est pas difficile de faire taire à jamais un chat dans ces lieux... Je pense que c'est pour ça que ce morceau de territoire nous appartient. Pas pour ses maigres proies qui se battent en duel, mais pour le pouvoir politique que l'on peut exercer dessus... Seul le Clan de la Rivière est capable de se tenir dans cette forêt et ne pas assassiner à tout va. Pas comme ces acharnés du Clan du Vent. »

Le meneur se lécha les babines. Il avait déjà pensé à éliminer ses opposants par ce biais, mais il préférait les avoir à l’œil, pour démasquer d'autres potentiels rebelles. Les chutes étaient souvent mortelles, mais à systématiquement, il serait mal venu de pousser quelqu'un dans l'eau pour qu'il réapparaisse ensuite.