Rousse comme un renard [PV Éclat du Crépuscule] - abandon

La veille, Rire d’Hippocampe avait fait passé une évaluation à Nuage de Poisson. Le novice se déroulait mieux qu’il ne le pensait. Mais le professeur n’avait jamais douté des capacités de son élève. Nuage de Poisson était loin d’être bête, et surtout, il était très appliqué. L’apprenti avait eût un jour de repos, aujourd’hui. Il l’avait bien mérité après son dur travail de la veille. Le guerrier, lui, ne s’accordait aucun repos.

Il était en patrouille frontalière avec trois autres camarades. Le meneur de patrouille, Pluie Battante, avait repéré l’odeur d’un renard. Odeur que la patrouille à remonter, traversant une partie de son territoire jusqu’au pont humain donnant sur les Quatre Chênes. Dubitatif, Pluie Battante observa le pont, renifla l’air et décida de faire demi-tour.

- Le renard à traverser la frontière, ce n’est plus de notre ressort.
- Mais, il pourrait revenir, non ? On devrait pas juste s’assurer qu’il est bien parti ?
- Oserais-tu me contredire, Petite Tête ? On poursuit la patrouille, point.

Rire d’Hippocampe était confus. Le borgne était un mâle plutôt doux et gentil, comme il avait pu l’apprendre. Mais ces derniers temps, il semblait avoir le cheval de mer à l’oeil. Peut-être parce que ce dernier essayait de passer tout son temps libre avec Oreille Déchirée, fille aînée du vétéran. Le matou bicolore secoua sa petite tête tandis qu’il observa sa patrouille partir sans lui, sans même s'apercevoir de son absence. Le guerrier observa le pont, puis après une seconde d’hésitation, franchit la frontière, en direction des Quatre Chênes.

Il voulait juste s’assurer que le renard ne reviendrait pas et qu’il avait un terrain hors du territoire de son Clan. Avec un peu de chance, il ne croiserait pas le renard et ne s’absenterait pas suffisament longtemps pour que ce soit remarqué. Il suivit la piste un petit moment. Jusqu’au Quatre Chênes en fait. Apparement, le renard semblait avoir croisé des chats belliqueux. Des Sentinelles du Vent, peut-être ? Une odeur de peur se mêlait à sa piste. Pour autant, il resta sur ses gardes. Le canidé était peut-être encore dans le coin.

Puis, un éclair de fourrure rousse apparut entre les broussailles. L’animal bicolore se cacha à l’ombre d’un buisson. Le renard était revenu, il en était persuadé. Si l’animal le flairait, un combat s’engagerait, et il était seul. Mais avait un peu plus confiance en sa force qu’auparavant. Et s’il chassait un renard tout seul, il arriverait peut-être à impressionner deux-trois chats. Surtout Sangsue.

Le pelage aplati, le matou decida de prendre l’animal roux à revers. Il s’avance tout doucement vers lui, dans son dos, puis quand il fut assez proche, il lui sauta sur le dos, poussant un feulement rageur juste avant de lui atterrir sur le dos, sortant les griffes pour bien rester accroché.

Puis, il réalisa. Il réalisa que ce n’était pas un roux renard, mais plutôt un roux Aube Orangée. Ce n’était même pas une carrure de renard. C’était un chat. Roux. Femelle. Qui sentait le lapin. Et il se souvient.

- Oh ! Éclat du Crépuscule ! Désolé ! Je vous ai confondue avec un renard à cause de votre pelage tout roux !

La minute de surprise passée, le jeune mâle descendit du dos de la femelle, la libérant de ses griffes, se confondant en excuse pour l’avoir attaquée dans un lieu sacré.

La journée avançait doucement. Eclat de Crépuscule, ayant fait une chasse dès l'aube avec une patrouille, s'était vue congédiée jusqu'au soir. Elle avait partagé un lapin avec son compagnon et quelques camarades, tout en se dorant au soleil. Après une courte sieste, et une toilette de chat, la guerrière commença à s'ennuyer. L'ennui la conduisait toujours à penser à ses enfants, dont l'entraînement l'inquiétait un peu. Chardon et Poivre n'avaient pas l'air très en accord l'un et l'autre, tandis que Koudou semblait bien être en difficulté à se faire apprécier de son mentor, Colère du Feu.
La rouquine frissonna, un peu stressée de ne pas pouvoir faire grand chose pour ses boules de poil qu'elle chérissait tant. Elle ne s'était jamais trouvée maman poule, et pourtant elle se sentait un peu mal de ne pas être l'unique responsable de leur avenir.

Décidant de couper court à ses noires pensées, elle se faufila dans le tunnel d'ajoncs, sans prévenir personne. Elle savait qu'on ne la rechercherait pas avant le crépuscule, et de toute façon, ils n'avaient pas besoin d'elle. Prendre quelques heures de liberté étaient encore permises, alors autant en profiter !
Appréciant la brise légère et un peu piquante, la féline laissa ses pattes la porter jusqu'aux Quatre Chênes. Ce lieu, plein de ressources, la rendait toujours un peu plus sereine. Même si, une fois arrivée, elle décela une odeur qui la raidit. Eclat de Crépuscule tourna ses oreilles, et se tapit derrière un buisson, à la recherche d'une fourrure d'un orange presque similaire au sien : un renard était passé par ici récemment.

Pendant quelques minutes, ses prunelles de jais parfaitement rondes parcouraient le paysage, à l'affût d'un mouvement.
Et aïe !
Un gros poids lourd lui tomba sur le dos, et la rouquine sentit des griffes s'enfoncer douloureusement dans sa peau. Un feulement rageur lui déchira les tympans, et elle tenta de se déloger de son assaillant, sans même essayer de comprendre pourquoi quelqu'un l'attaquait dans ce lieu chargé d'histoire et de paix forcée. Mais l'autre se tenait fermement (en même temps, vu comme il enfonçait ses griffes).
"Oh ! Éclat du Crépuscule ! Désolé ! Je vous ai confondue avec un renard à cause de votre pelage tout roux !"

La guerrière lâcha un soupir de soulagement, quand la matou descendit, et se recula. Elle se donna quelques coups de langue, comme pour se redonner une contenance, redressant ses poils ébouriffés. Puis une fois cela fait, elle adressa un regard à le chat pâle face à elle. Et un sourire fendit son visage quand elle le reconnut. Son timbre de voix était bien le même, et ses yeux étaient reconnaissables entre tous. Dernièrement Nuage de l'Hippocampe, le félin avait bien grandi et pris de la musculature. Il la dépassait nettement, si bien qu'elle ne put s'en vouloir de ne pas avoir pu le déloger de son dos !
Le coupant dans ses excuses qu'il déblatérait, elle s'écria, un brin narquoise :
"C'en est une façon de dire bonjour à une vieille amie ! Franchement, on sent que la galanterie est ta première qualité, Hippocampe. Au fait, quel est ton nouveau nom ?"

Elle s'assit, et d'un mouvement de queue, l'invita à en faire de même.
"Alors, qu'est-ce que tu deviens ?"

Puisqu’Éclat du Crepuscule sembla s’offusquer, Rire d’Hippocampe se crispa un instant. Pourtant, la femelle était souriante. Mieux, elle était narquoise. Elle faisait juste semblant d’être offusquer. Alors le guerrier partit d’un rire, à la fois nerveux, mais aussi amusé. Ça faisait une jolie chanson. Et quand la rouquine lui demanda son nouveau nom, il ronronna de fierté avant de répondre sur le même ton un peu narquois.

- Eh bien tu ne vas pas le croire, mais Étoile d’Or m’a renommé Rire d’Hippocampe !

Comme pour démontrer qu’il portait bien son nom, le jeune mâle rigola à nouveau à sa petite blague. Puis, il s’assit en face de la chatte du Vent, comme elle lui avait demandé. Il était plus assuré à présent. Toute façon, sa mère n’était plus là pour être blâmée. Et il ne faisait rien de mal. Il discutait, seulement.

"Alors, qu'est-ce que tu deviens ?"
- Oh. Je suis guerrier, maintenant. C’est pas toujours facile, mais je fais au mieux. J’ai perdu Maman à cause d’une maladie, avec Sangsue Cendrée on se sert les coudes. Mais on la reverra au Clan des Étoiles, alors ça va ! Faut continuer notre vie, c’est ce qu’elle aurait voulu. Et qu’on reste proche avec Sangsue Cendrée. Elle veille sur nous, je le sais.

Ce genre de pensée l’avait aider à faire son deuil, même si il n’oublierait jamais Méduse Pourpre qu’il aimait plus qu’il ne s’aimait lui-même. Quand il avait un petit coup de mou, il adressait toujours une pensée à sa mère. L’imaginer descendre de la Toison Argentée pour le réconforter le consolait énormément. Ça lui mettait du baume au coeur, et ça l’aidait à mettre une patte devant l’autre. La présence de Sangsue Cendrée l’aidait aussi beaucoup.

Puis, il se rendit compte qu’il avait un peu plomber l’ambiance. Après un rire nerveux, il se secoua. Eclat du Crepuscule attendait peut-être de bonnes nouvelles, plutôt.

- Oh, on m’a donné mon premier apprenti ! Il s’appelle Nuage de Poisson, il est trop adorable. Il est encore plus nerveux que moi, je pensais pas que c’était possible. J’ai peur qu’un jour, il me demande la permission de respirer. Ha ha ha ! Il est adorable, il s’applique dans tout ce qu’il fait ! Il patauge un peu, mais moi je fais qu’il fait de son mieux, et c’est le plus important. Et toi ? Quoi de neuf ?