Estranged [feat. Nuage Brisé] -end

« Les coups ne seront pas nécessaires. Les paroles sont aussi une bonne arme. Et heureusement, tu les maîtrises plutôt bien. »

Il maîtrisait plutôt bien les paroles.

« Il faut faire les choses petit à petit, sinon les chats se braquent dans ce qu’ils connaissent depuis leur naissance. »

Il fallait faire les choses petit à petit - sans quoi les chats se braquaient.

« Nous ne sommes pas camarades de Clan ?! »

Il n'était camarade de personne.

Le couvert des arbres était moins garni que pendant les saisons chaudes, mais il conférait au charcoal un voile d'ombre dans lequel feutrer ses pas. La proie qu'il chassait avait beau ne pas être tangible, elle ne lui donnait pas moins l'eau à la bouche. L'eau à la bouche, ainsi qu'une appréhension au creux du ventre, qu'il avait bien envie d'arracher à coups de dents ou à coups de reins (et avec un/e partenaire enthousiaste, de préférence). Les fourrés portaient les marquages du Clan mais la fin de la saison froide, en plus d'annoncer le retour des prédateurs, réchauffait aussi les ardeurs de leurs voisins. Dame de Coeurs avait été d'une aide précieuse à ce propos, mettant en mots l'idéal qu'aurait à atteindre le bengal:

« Le Tonnerre a besoin d’un – éventuel - meneur, éloquent certes, mais à la fois rassembleur, qui se préoccupe de la bonne organisation du clan en organisant des patrouilles par exemple. »

Avait-il tort de trouver stupides les querelles entre guerriers quant à l'organisation indépendante des patrouilles? Lui qui avait toujours rêvé de jouir d'autant de liberté, comment ses pairs faisaient pour refuser les privilèges qu'il voulait leur céder?

« [...] Vise les Étoiles au moins, pour me garantir une Vie.
AH-ah ! La connerie j'te donnerai va. »

C'est vrai, la plupart des chats du Tonnerre qu'il avait aimé (ou qui le supportaient) étaient morts, ou en voie de le devenir. Un bon chat du Tonnerre était un chat pouvant lui donner une vie, il calcula, et la morbidité de ces maths lui arracha un sourire aux babines, aigre et venimeux. La vérité avait explosé, non? Il n'avait pas de camarades - comment un lieutenant seul au beau milieu du Clan ferait pour en prendre la tête et devenir leur chef? Et tout ça lui rappela Coeur de Puma.

Coeur de Puma était de la vieille époque. À ses mots [il avait] quoi, allez... 3-4 lunes de moins que [lui] ? Leurs dispositions psychologiques respectives devaient toutefois leur faire gagner des années-lumières de différence. Coup de Foudre avait fait le calcul là aussi : le Clan l'accepterait davantage comme Étoile que lui. Sans compter qu'il ne leur avait pas caché la mort d'Étoile Masquée, lui, qu'il n'avait pas ouvert les frontières avec le Clan de la Rivière, lui, et ne se démenait pas à perturber leur si précieux Statut Quo. Comme lui Puma était veuf et avait perdu sa compagne, mais sa compagne était tout de suite plus acceptable que la sienne.

Fifi, il s'entendit dire si bas que c'était comme s'il n'avait rien dit du tout. Il se rappelait ces fois où il vadrouillait sur les terres des autres Clans, et rentrait à la forêt pour raconter à Secret du Firmament tout ce qu'il avait fait. Sans censure ni honte, et lorsqu'elle était jalouse ils pouvaient en parler, et il pouvait parler de sa jalousie à lui (eh oui, ça arrivait!), et ils pouvaient se soutenir mutuellement, lovés l'un contre l'autre, à apprécier le silence et la présence de l'autre et la pluie qui tombait. Mais selon le Clan il ne l'avait pas aimée, il l'avait "gâchée". Selon Vent du Nord, la guérisseuse du Clan du Vent, elle et lui avaient causé bien plus de souffrance aux autres qu'eux-mêmes n'en avaient subi. Par leur "propre faute", avait-elle ajoutée.

Leur propre faute, hein.

Il l'avait aimée et elle était morte, il avait perdu sa compagne, aux yeux du Clan (compagne interdite, mère de deux portées maudites), mais avant et contre tout elle avait été son amie. Et son amie lui manquait, et il voulait combler le manque avec d'autres amis, quitte à s'en inventer ailleurs. C'est pourquoi il trottinait d'un pas pressé passé la Combe Sablonneuse pour se diriger vers un orme en bordure du territoire. Un orme gorgé de souvenirs, comme seul échappatoire à tout ce qui tournait autour de lui - le vieux noisettier près des rochers du Soleil ne lui était d'aucun apaisement désormais, et sa renardière encore moins - quel genre de Chef il serait pour eux? Serait-il accepté? Aurait-il un moment de répit? Que devrait-il compromettre encore? Et pour qui? Il en oubliait presque ses enfants.

C'est peut-être car tout ces ondits étaient vrais.

Peut-être que cette seconde portée avait été une erreur, car il avait troqué sa meilleure amie pour une poignée d'étrangers.

Estranged

Plus un chaton. Non, il n'était plus un chaton et s'il débordait toujours d'énergie, il avait appris à se calmer, à se contenir davantage. Il avait grandi, et forcit aussi. Fini sa bouille ronde et totalement innocente, il avait gagner de feu Firmament une face plus triangulaire que ronde. Mais d'elle, il n'avait pas eu le sang-froid et pourtant ... Depuis le repas de famille, il se contenait. Des jours qu'il avait attendu d'avoir l'occasion. Et Bec était enfin occuper avec Flocon, lui laissant toute liberté. Après tout, il y avait déjà un cycle qu'il avait vu le jour. Un cycle qu'Elle n'était plus. Et pour lui, elle n'avait toujours été qu'une histoire, une présence là, uniquement dans son esprit, une illusion de ses besoins. Jamais une fourrure dans laquelle se plonger, au contraire de Lui... Tu ne pourras pas m'ignorer davantage ... papa ... Il laissa le charcoal sortir du camp et en fit de même par un passage entre les ronces. Il faudrait qu'il le rebouche plus tard ... Mais il n'en avait cure, il y avait assez de monde au camp pour le protéger non ? Silencieux, pour une fois, le jeune chat observa les alentours.

Discret comme un prédateur en chasse ... Bec serait fier. Un bond contre l'écorce rêche, les griffes plongé dedans, puis une poussée, un pas de plus et je serai à la première branche. Une autre à peine plus haut. Je sais que de là, je peut arriver sans risque sur l'arbre qui suit. Après quoi, il me faudra le chercher, et ne plus le lâcher ... C'est la traque la plus importante qui soit. Les proies s'était un entrainement ... Le jeune bengal passa ainsi d'un arbre à l'autre, deux, trois, quatre fois avant de devoir revenir au sol dans une zone où les branches se faisait plus éparses. Son atterrissage, souple et discret à souhait. Mais il était tout entier voué à la mission qu'il s'était donner. Et sitôt qu'il en eu possibilité, il grimpa de nouveau, pareil à un écureuil, vif et pourtant le moindre geste semblait comme étouffer. Il ne se serait cru aussi capable s'il n'avait passé ses derniers entraînements à travailler sa discrétion. Malgré tout, au fin fond de son esprit, une seule pensée, obscure, occupait ses pensées.

Il ne pourra pas ignorer que je suis là. Ignorer que je lui fait face ... Ignorer que j'existe ... Moi aussi ... Il retenait le souffle brûlant de sa colère, avançant d'un bond entre deux arbres. Une branche craqua sous son poids, plus loin, une grive s’envola, ailleurs, un écureuil détalla. La forêt grouiller de vie. Ce bruit seul ne serait pas suspect. Il voulait y croire. Plus loin, les oreilles noire ne lui semblèrent pas pivoter. Coller à la branche, il rampa. Son paternel s'était pourtant arrêter. Et lentement, le jeune bengal se coula le long de son perchoir. Tel une ombre funeste il prit position. L'occasion était là, juste en dessous.

Le moment est venu ...

Pas un bruit quand il quitta le monde des arbres. Seul le vent à ses oreilles. Juste assez haut pour intimer à son propre corps un tour sur lui même. Juste assez haut pour mettre à l'oeuvre ses connaissances, où plutôt, pour utiliser ce qui était devenu, au cours des dernières lunes, une sorte d’habitude ancré dans ses membres en plus d'un instinct naturel. Et ses pattes avants heurtèrent le sol, ses articulations préparer l’encaissant tendis que ses arrières suivaient presque immédiatement. Et son corps fit comme une vague quand il se redressa, la tête d'abord, la fourrure aussi gonflé que s'il s'apprêtait à défendre sa vie. Et dans le regard, cette lueur furieuse, houleuse, brillante dans cet océan de gris. Il ne tournerait pas autour du pot. Et l'espace d'un bref instant seulement, il ressembla un peu plus à sa mère, cette mère qui avait jadis été blessée elle aussi, furieuse. Mais cela ne dura guère car Nuage Brisé avait en lui une force physique qu'elle n'aurait jamais eu. Un petit quelque chose que ses deux parents ne semblaient du fait, pas pourvu d'ailleurs ...

- Pourquoi ? Le ton n'avait pas de froid, au contraire, une chaleur acide, venimeuse émanait du novice. Sa queue, le bout seulement, s'agita avant qu'il ne siffle entre ses crocs, laissant le venin couler tel un torrent. Pourquoi on ne compte pas comme Source et Bec ? Pourquoi tu vois au travers de moi sans jamais me voir Moi ?! Sa mère aurait laisser des larmes s'échapper de son regard saphir, lui n'en avait aucune à offrir. Ses yeux brillaient certes, mais d'un éclat douloureux. Ardent comme un brasier que le vent provoque et fait enflé. Ses griffes avaient fini par tracer des sillons dans le sol, à défaut d'en tracer dans la fourrure paternel. Il lui faisait face, avait voulu le prendre au dépourvu. Mais il avait atterrit devant lui au lieu de sur lui, ignorant son idée primaire. Et c'est avec toute cette douleur contenu qu'il s'exprimait. Mais la blessure était devenu fureur et sous sa fourrure courte, la musculature encore en formation se voyait déjà amplement, révélant comme il se retenait de bondir au visage paternel et d'y tracer des gouffres dans la chair aussi béant que Coup de Foudre n'en avait tracé en son cœur d'enfant..

Une branche craqua sans qu'il n'y prête attention, et une ombre se cacha dans celle du couvert des arbres, par terre. L'air siffla et soudain un boulet de canon tomba devant lui. Quatre pattes s'enfoncèrent dans la terre avec les griffes en faisant se reculer d'un pas le bengal qui dévisagea, hébété, le bengal-siamois se relever avec un dos aux poils statiques. Ce chat était méconnaissable, si bien qu'il dut l'entendre parler pour avoir un soupçon d'idée de qui il s'agissait. Mais outre que de se mettre en transverse, rien ne s'était passé dans son corps: son poil était lisse, ses oreilles, droites, son air, las, où une lueur de confusion lui faisait froncer les sourcils. Et Source n'était nulle-part autour pour lui partager le sentiment.

— « Pourquoi ? lui demanda-t-on, et une oreille se pivota vers l'arrière, gardant l'autre immobile, attentive.

— Pourquoi on ne compte pas comme Source et Bec ? Pourquoi tu vois au travers de moi sans jamais me voir Moi ?!
Le bengal plissa un peu les paupières avant de redresser la tête, et soudain le déclic se fit. Son oreille se pivota à l'endroit en même temps que ses sourcils se haussèrent:
— Ah.   Brisé.

C'était une drôle de question qu'il lui posait. Une question qui ne lui ressemblait pas, non plus. Pas plus que de le voir bondir en bas d'une branche à une pareille hauteur - il s'en fit la réflexion en levant le nez et en suivant l'arc qu'avait effectué le bengal-siamois avant de lui tomber devant. Il poussa un sifflement.

— Wooow, joli saut.

Je ne t'ai pas vu du tout.

Il fit l'évaluation physique de l'apprenti - il avait deux hautes oreilles, deux yeux, un museau et un nez triangulaire, des moustaches, un dos hérrissé qui se prolongeait à une queue qui s'agitait derrière. Il avait quatre pattes fermement plantées au sol, et son poil ras était seal-point, comme le Sien, moucheté de rosettes qui se mariaient au colorpoint de ses extrémités. Ni vraiment comme elle, ni vraiment comme lui, et plus aussi rond depuis sa toute dernière poussée de croissance. Il avait les griffes longues, aiguisées, pourtant ils étaient plusieurs dans la nouvelle portée à ne pas être "taillés pour la chasse" - Brisé, Ciel et Lycaon, il n'y avait vraiment qu'à Louve à qui cette discipline intéressait, du moins, aux dernières nouvelles.

— C'est une bonne chose, non?   Est-ce qu'il voyait la souffrance dans les yeux de son fils? Ça veut dire que tu traques bien. »

Est-ce qu'il s'en souciait?

Estranged.

L'écoutait il vraiment ? Il avait une part de son attention, il le voyait mais ... Mais pas du genre dont j'ai besoin ... Une pointe fulgurante de déception, hideuse plaie sanguinolente et boursouflée ... Voilà qui traversa le regard ciel d'hiver du jeune mâle. Et quand son propre nom tomba de la gueule du charcoal, il rentra ses griffes en un éclair vif, mais déjà son corps se campait imperceptiblement plus vers l'arrières, ses membres qui permettaient de donner tout l'élan au moindre saut, toute l'impulsion nécessaire. Son souffle s'échappa, non plus de sa gueule, qu'il venait de clore, mais par son museau, accentuant la frustration de son être tout entier. Un autre jour il aurait répondu en souriant, gai comme un pinson "hé oui c'est moi". Un jour où il aurait été encore jeune, encore chaton, encore aveugle...

Et la suite ne fit que de permettre à sa queue de balayer l'air avec, à chaque mot, un peu plus de force et de vitesse, jusqu'à devenir tel un fouet. Et l'on aurait presque pu entendre l'air claquer si l'on n'entendait pas davantage les canines crisser les unes aux autres malgré la gueule close. Pas vu ... Quand m'as tu seulement regarder ... Véritablement. Dans sa tête, le feu avait cesser d'être insignifiant. Il venait de se changer en chaleur si intense que de la lave en fusion aurait bien pu sortir de ses yeux, et la fumée, lui échapper du museau. Chaque parcelle de son être se tendis un peu plus, corde d'une arbalète plus que d'un arc, presque prête à rompre sous la tension ... Où à libérer son mortel carreau pour le ficher en plein dans le cœur de la carte qui faisait face. La traque, il ne l'avait que trop faite, traquant ce chat là, le même qui le félicitait sans savoir les efforts qu'il avait fait ... Dans le seul but de lui sauter à la gorge ...

Et le temps sembla se figer autour d'eux ...

Il se replia sur lui-même et se détendis pareil à un ressort, mais tellement plus rapidement ...

Un bref instant seulement son corps ne toucha plus rien, libre comme l'air et pourtant, uniquement destiné à atteindre une cible. SA Cible.

Et sa masse entière percuta le corps de fourrure sombre, ses griffes cherchant à se loger dans la peau, sans pitié. Et il ne s'échappa pas un feulement de sa gueule mais plutôt une litanie de reproche. La seule bonne chose que t'avais à faire, c'est d'être là ! De nous voir ! Et il n'avait connu sa mère mais à l'instant où il prit le dessus sur son père, profitant de l'effet de surprise et de la force que colère et adrénaline déployés en lui, à cet instant là, c'est en songeant à elle qu'il montra les crocs, pareils sans doute, à l'un de ses chiens qui lui avait ôté le souffle ... Elle était gentille, elle était douce ... Elle nous aurait aimer ! Et il hurlait à la façon du mistral sur les côtes, et si quelques larmes lui échappèrent bel et bien, elles valsèrent comme de la grêle sans véritablement troublé sa vision alors qu'il déversait, tel un flot d'immondice, sa fureur dans les yeux d'or que feue Firmament avait jadis tant aimer. Mais toi, ne t'as elle donc rien appris ?! Et ses crocs cherchèrent une prise dans la chair, pas pour tué, juste pour tenter de provoqué une réaction, aussi violente que la sienne propre. Une douleur aussi forte que celle qui lui étreignait la poitrine, l'étouffant presque, le suffocant de solitude là où il ne demandait qu'à avoir un père.

De sa mère il n'en connaissait que ce qu'on avait voulu lui dire. Et ce qu'il avait lui même déduit de la voie qu'elle avait suivie. Guérisseuse, vouée aux soins des autres. Secret du Firmament représentait dans ses yeux une mère idéale, pis, parfaite. Sans défauts aucun que celui de ne plus être présente. Et parce qu'il vouait à sa génitrice disparue un amour presque fanatique, il en voulait d'autant plus à son père. Un bon père aurait fait ce qu'elle-même ne pouvait faire non ? Il s'y accrochait, puisant là toute la rage dont il avait besoin pour combattre ce manque qu'il ressentait depuis le tout début de son départ ... Une douleur qui ne pouvait que croître à la façon dont une fissure se prolonge sur un mur. Mais la fissure elle était apparu dans son cœur.

La remarque ne sembla pas faire mouche. Étrange - n'était-ce pas un compliment que son fils venait lui pêcher? Ne venait-il pas de répondre à son voeu? Malgré la lassitude dans ses yeux, il avait été capable de reconnaître la beauté du saut. Il pouvait le faire, car grimper avait toujours été sa spécialité. Grimper aux arbres, les dos, les échelons...

Mais le temps s'était comme figé autour d'eux.

Et Brisé descendit son poids dans ses postérieurs - Coup de Foudre supposa qu'il allait s'asseoir - et soudain l'herbe s'arracha derrière la puissance d'un bond à la verticale. Et aussi brusquement il lui fonça dessus. L'impact sonna le bengal - la masse de l'apprenti jointe au mouvement le renversa sur le dos (il ne se débattit pas), lâchant son souffle d'une expiration de stupeur en rondissant les yeux face à la tornade qui se déchaînait devant lui - non, au-dessus de lui, sur lui, pesant tout le poids de son corps de chat presque adulte:

— La seule bonne chose que t'avais à faire, c'est d'être là ! De nous voir !

Un bourdonnement dérangea l'oreille du bengal, son attention fut distraite par les sédiments du nuage de sable qui s'était levé autour d'eux, vers l'herbe qui lui collait aux pattes, vers le plafond des branches qui les surplombait, oscillant doucement à une montée de vent... Avant de revenir sur l'apprenti et de descendre inévitablement sur ses dents. Il ne voyait plus rien d'autre que l'émail de ses crocs. Ne ressentait plus rien d'autre que son souffle dans sa face.

— Elle était gentille, elle était douce ... Elle nous aurait aimé ! De sa position, Coup de Foudre entrouvrit ses babines pour montrer la couleur de la pointe des ses canines, par mimétisme, mais à son contraire il n'y avait aucun feulement, aucune tornade. Mais toi, ne t'as elle donc rien appris ?! »

Et les dents fondirent dans sa gorge et le bengal sentit sa cage thoracique se soulever d'une inspiration subite.

Sans compter qu'il n'avait jamais associé ce genre de mal d'âme à son propre fils (ni même ce genre de vocabulaire, sérieux, s'agissait-il vraiment de Brisé?) quelque chose fit tiquer une commissure du bengal et brusquement il applatit sa patte sur le nez de son fils - pour le distraire - ripostant ensuite par l'articulation de son poignet en refermant ses griffes dessus. Une fois la prise solide, il le jeta en bas de son corps en lui poussant le ventre de ses postérieurs, s'autorisant une bouffée d'air frais en se roulant sur le flanc. Un souffle, un autre. Sa tête avait chaud. Et lentement il se hissa assit, se soulevant sur les deux antérieurs, faisant gronder sa voix depuis la gorge qu'on venait de mordre dedans à belles dents:

— « ... Ne me mord plus jamais comme ça, il lâcha d'une voix torve, glissant au plus jeune un regard entièrement noir car ses pupilles avaient englouties toute la couleur de son iris. Ses babines tremblottèrent mais il ne les retroussa que sur sa langue, rentrant le menton dans le cou afin de donner unes ou deux lapées sur la zone affectée. Ça m'excite.

Et je n'ai pas envie d'avoir ce genre de pensées à propos de mes enfants. »

Il rentra les griffes qu'il avait sorties, retrouvant une couleur de désabusement à la tenue de son regard. Moins amorphe, plus ennuyé qu'autre chose:

— « Quoi,  t'aurais préféré que je meure à sa place?

Nuage Brisé n'avait plus deux lunes, il avait largement dépassé le barême pour parler de choses sérieuses avec papa.

Estranged.

Invisible. La, pesant de tout son poids, de toute la puissance de son jeune corps, de toute sa masse ... Mais invisible malgré tout. Nuage Brisé ne s'en était pas rendu compte pourtant, que son père le voyait mais ne le regardait pas. Mais un geste força le fils à s'écarter, les flancs se soulevant à un rythme d'enfer tendit qu'il secouait le museau pour y chasser la minuscule gouttelette vermeille qui s'y formait. Et bien qu'écarter, il se tenait de nouveau sur ses pattes, ayant pour allier la vivacité de sa colère et de son adrénaline. Ah oui ... Sinon quoi papa ? Il cacha ses mots mais ses yeux gris fulminaient ses pensées, les rendant comme tangible entre entre-eux. Le jeune snow mink avait d'ailleurs adopté une de ses postures debout, légèrement en biais, comme prêt à une riposte physique. Où prêt à attaquer de plus belle... Tout dans son corps élancé exprimait cette attention du geste que Foudre aurait. Comme si les coups de langue qu'était en train de s'offrir son paternel ne servait qu'à le distraire ... Rester comme une moiteur dans l'air avant que l'orage n'éclate. Alors quoi ...Car Brisé était plus que prêt à poursuivre un potentiel échange de coup si cela avait la moindre chance que de faire réagir ses yeux d'or terne.

La suite vit volter sa tête sur un peu élégant crachat à l'intention du sol, à l'opposé du paternel pendant qu'en prolongement de son dos, sa queue virait violemment vers le charcoal, trop loin pour qu'il n'en ressente le moindre mouvement d'air toutefois. Et quand il lui posa question, Nuage Brisé reposa ses iris d'orage sur son géniteur. Au moins tu réagis... Un semblant de sourire s'afficha sur ses babines. - Ça t'aurais peut-être rendu plus présent. Sarcastique. Il ne l'avait jamais été mais les paroles de son père l'instant d'avant restait ... Tel une invitation.

Une promesse...
De,
Réaction.

Et de nouveau, le croisé siamois fusa. A nouveau ses pattes tentèrent de serrer le corps plus fort, plus âgé, plus marqué. Mais de griffes à présent, point. Et le front chercha à percuter le menton. Il voulait prendre ce que Foudre avait à lui donner d'attention, qu'importe la forme que ça pourrait prendre... Si c'est là tout ce que je peux avoir, je prend ...

Sa question arracha un sourire à son fils. Son fils, à qui il avait dit que sa naissance n'avait jamais été une erreur, à qui il avait exigé de ne jamais laisser les autres lui faire croire le contraire. Son fils qui "a[vait] des pattes, maintenant". Les troncs d'arbres se reserraient autour d'eux - non. Non, c'était l'inverse, ce petit bout de terre était devenu une clairière et était soudain vaste et prêt à s'abreuver du tribut d'une bataille. Et il y avait longtemps,

qu'il ne s'était pas battu.

— « Ça t'aurais peut-être rendu plus présent.

Mu du même sarcasme, nourri par le plaisir masochiste qui imprégnait malgré-eux ceux qui se complaisaient dans la haine des autres, Coup de Foudre éclata de rire à son tour.

— Ha ha hah ha ha!  Oh! Ohhhh, qui sait  ♡ »

Que c'était doux de rêver.

Mais Brisé savait - ou plutôt voulait savoir, et lorsqu'il détala à nouveau, le bengal se cabra sur deux pattes en étouffant son rire suivant le second impact. Il ne prit même pas la peine de sortir les griffes ou de disputer son fils de tenter de le défribriliser de la façon de ses amants. Son dos frappa l'herbe et la terre et le poids de Brisé s'abattit sur lui entre deux esclaffées (il s'étouffa sur la seconde). Brisé chercha à le percuter - son père le laissa volontairement faire, se sonnant lui-même en retombant l'occipital à terre et le nez vers les branches, un sourire dissipé aux babines. Il colla un postérieur contre le ventre du bengal-siamois, montant l'autre patte à sa propre gorge, suivant la ligne de sa jugulaire jusqu'à l'os de sa mâchoire.

— « Allez - juste   là.   Son aorte pulsait sous le tranchant de sa propre griffe.  Bec ne te l'a pas appris?

Acclamerait-on cet ignoble enfant maudit de la "dernière des crevures de la forêt" et d'une "guérisseuse conne comme une ado"? L'affranchirait-on de son statut aux yeux du Système? Ou punirait-on un guerrier d'avoir levé les griffes contre son Lieutenant? Peut-être qu'il prendrait sa place! Peut-être que c'est ce qu'il voulait - Coup de Foudre n'allait pas se plaindre. Il riait encore, à demi-voix, le son sortant de sa gorge à peine aussi fort qu'un ronron.

C'est qu'entre les pattes de l'apprenti se trouvait un chat déjà mort. Il ne restait plus que son corps et ses principes - libre à Nuage Brisé de les occire à jamais. Ça ne serait pas une grande perte, pas vrai? Peu le veilleraient, pas vrai? Il libérerait Source de son "emprise", et le Tonnerre de son "joug égoïste". Il débarrasserait les Étoiles de leur plus grand "rival" et "ennemi" alors qu'est-ce qu'il attendait?

Estranged.

Il avait attendu le choc et les deux se retrouvèrent à nouveau au sol, l'air quittant les poumons dans une expiration plutôt brutale. Mais quand son père prit position, les griffes du plus jeune s'échappèrent, réaction de défense simple. Les mots le désarmèrent en revanche. Est ce qu'on parle seulement du même Bec ... Il se laissa tombé de côté, lourdement, comme un poids mort, avant de rouler hors de portée pour se relever et se secouer tout entier à la façon d'un chien s'ébrouant. Il ne regardait plus son père à présent, ce qui ne l'empêcha pas de lâcher ses mots en une sentences pâle.

- Te tuer ne te rendrai pas meilleur ... Et de nouveau, les disques gris se rivèrent sur le charcoal. Rien ! Tu m'entends ! Rien ne la ramènera jamais ! Il soupira en fixant ses propres pattes, laissant son postérieur retombé même si la fourrure sur ses épaules s'était à nouveau hérisser. Ma vie est pas la seule à être précieuse ... Elle était guérisseuse non ... Elle savait ça, elle ... Et de nouveau, il eu la bougeotte puisqu'il tourna dos à son géniteur pour se tourner vers l'un des arbres. Il plaça ses antérieurs entre ses arrières, se tassa et d'un bond, escalada l'arbre, y arrachant à chaque poussée une tranche d'écorce qui mettait dessous le tronc à nue. Aussi vulnérable que lui même l'était en cet instant. Arrachant à chaque fois comme un peu de fourrure sur une peau, comme un message silencieux tendis que les écorces tombait presque sans bruit. Et hissé là haut, il verrouilla ses griffes dans le bois pour regarder Coup de Foudre en contre-bas. Ils disent que tu fais semblant ... Tu le fais mal ... Semblant d'être bien, semblant d'être détruit. Les mauvaises langues avaient mille et unes façon de dire que le lieutenant était retors. Et les autres, mille et une façon de lui trouver excuse. La vérité, ... C'est qu'elle n'aurait pas voulu ça ... Pas voulu que la famille se déchire. Sinon, pourquoi avait elle décider de quitter sa voie de guérisseuse ... pour eux.

Et il lâcha l'arbre, se laissant tomber. L'instinct le poussa à chercher façon de revenir sur ses pattes, il ne lutta pas contre. Il atterrit souplement, mais il aurait tout aussi bien pu se brisé l'échine. Et comme pour lui-même il souffla. Ça t'amuse ... de tout détruire autour de toi ... Tel la foudre qui frappe et embrase un arbre pour cramer à sa suite la forêt. Coup de Foudre le destructeur. Borné, Nuage Brisé fixait à nouveau le sol, les crocs à nouveau serrer. Ils ont raisons ... Tu n'es qu'un abruti cassé ... Casser au point de ne pouvoir voir la chance qu'il avait de ne pas être seul. La chance qu'il avait à avoir eu ses petits. Une famille qui tentait de le soutenir. Source de Secret avait elle donc, elle aussi, si peu de valeur ? Et Bec alors ? Qu'il soit heureux n'importait pas ... Non. Tout ce qui comptait pour Coup de Foudre, s'était lui-même. Et le fils s'hérissait d'une fureur toute différente. Et sans le savoir, comme sa mère jadis, il était en train de se promettre de changer le charcoal ... Voie maudite parmi tout les chemins possible ... S'il était aveugle à sa propre chance d'être en vie, il lui ouvrirait les yeux, quitte à les lui arracher pour que l'obscurité qu'il vivait lui-même se pare d'une lumière toute nouvelle.

— « Te tuer ne te rendrai pas meilleur ... « Et puis quoi encore... » Lorsque Brisé lui déversa tout son reproche par les yeux, lésé, le bengal ferma les siens. S'il ne l'achèvait pas ici et maintenant, il ne l'achèverait jamais. Rien ! Tu m'entends ! Rien ne la ramènera jamais !

Oui, justement, rien ne la ramènerait jamais, alors pourquoi s'évertuer à le répéter. Peut-être Brisé tentait de se convaincre lui-même - il n'avait jamais tout à fait compris comment fonctionnait cet enfant. Il lui dit quelque chose à propos de la vie. Quelque chose à propos de sa position dans le Clan, quelque chose à propos de son rang de Guérisseuse.

Brisé vivait la détresse de n'avoir jamais connu sa mère et d'idéaliser la vision qu'il se faisait d'elle. Mais Secret du Firmament n'était pas "qu'une guérisseuse". Elle avait été une chatte, confuse, triste, battante, une furie, une lionne, prête à se compromettre pour toute la santé du Clan et prête à compromettre tout son "prestige" sidéral pour affronter le futur cahoteux dont elle avait rêvé. Au début elle avait juste voulu avoir sa place dans le Clan. N'était-ce pas ce que tout le monde voulait? Et puis elle avait voulu être mère, allant contre les lois arbitraires imposées par les Étoiles. La discorde que la révélation de ce voeu avait causée chez les enfants de sa première portée lui avait fait perdre espoir que les choses changeraient. Peut-être était-ce pour cela qu'elle avait voulu jeter son dévolu, ses espoirs (Ciel), son amour (Brisé), ses valeurs (Lycaon), ses péchés (Louve) sur de tout nouveaux enfants. Pour s'assurer qu'ils ne l'aient jamais connue avant.

Il entendit Brisé s'éloigner - Coup de Foudre tiqua d'une oreille, allongé dans l'herbe, la terre et la poussière, ignorant ce qui causait tout ce manège de grattements.

— Ils disent que tu fais semblant ... Tu le fais mal ... Il entrouvrit l'oeil malgré lui - Brisé n'était nul-part autour. La vérité, ... C'est qu'elle n'aurait pas voulu ça ...
Il le referma.

L'aterrissage au sol se fit tout près de lui mais sans une réaction de la part du bengal.

— Ça t'amuse ... de tout détruire autour de toi ...
— Ha ha ha ha hah....!

Qu'est-ce qu'ils aimaient mettre des mots dans sa bouche.

Bordel,  ta précieuse Guérisseuse parfaite,

elle m'aimait aussi, tu sais?

Elle l'aimait malgré sa tête cassée, elle l'aimait à cause de sa tête cassée, et si certes ils s'étaient disputés plusieurs fois, ils en étaient toujours ressortis vainqueurs. Brisé n'était pas son soutien - il était son fils. Il n'avait donc pas à savoir tout ce que son père portait sur son dos - toutes les rumeurs, tout le poids de la déception d'un Clan qui s'opposait à lui et ses valeurs, tout les mauvais yeux qu'ils faisaient à ses enfants simplement à cause de leurs origines. Il se mettait volontiers dans la mire de leurs mauvaises-langues, car elles ne l'affectaient pas autant qu'elles le pouvaient, merci sa tête cassée, mais il n'empêchait pas qu'elles érodaient chaque fois un peu plus sa bonne volonté.

— ...Tu as trop d'émotions pour moi.

Si tu es trop... toi, pour voir tout ce que j'ai fait pour vous, tant pis, Brisé.

Son corps avait mal, les ecchymoses lui chauffaient, mais il se hissa du mieux qu'il le put sur ses antérieurs pour s'asseoir à demi et les laper.

Tu veux savoir pourquoi je préfère Source et Bec à vous? Parce-qu'ils sont suffisament âgés et malins pour savoir ce qu'est la nuance. ... Mais ce n'est pas de ta faute. C'est pas grave - Braise aussi, elle ne comprenait pas vraiment.

Et haha Roux, Roux m'avait amené dans les arbres avant de me sauter dessus comme tu l'as fait. Il me reprochait de lui cacher des choses. De ne pas lui faire confiance.

C'est aussi ce que tu ressens?

Estranged.

Le rire, son rire lui hérissait le poil. Il n'y voyait rien de drôle. Mais il était las de s'être déjà un peu battu. Oh il ne le serait pas longtemps, mais tout de même. Il ne parvenait à comprendre son père. Comme il parvenait rarement à comprendre quiconque finalement. Et quand il parla de sa mère, il lâcha, sans émotion dans la voix autre qu'une sorte d'étrange fatigue désabusée. Je sais... Alors pourquoi deux chats qui s'étaient aimer avaient ensuite donner ça. Ce bengal là, qui lui semblait inapte à aimer maintenant. Il n'y comprenait cure. Comment se faisait il que Elle, plus là, il ne pouvait reporté cet amour sur lui, sur Ciel, et Louve, et Kaon ? Eux aussi avait besoin de se sentir ... Aimer. Le mot faisait mal. Et le jeune félin s'agita sur son séant. Il souffla du museau. Ce que tu as fait ... Un parent ne devrait-il pas être présent aussi longtemps que ... Que le souffle lui reste. Il ferma les yeux, sa queue balaya l'herbe, lentement, péniblement même. Nuage Brisé était passer d'un extrême à l'eau. Feu et Glace.

- Je te reproche juste d'être aveugle.

Et cette fois ci, quand il le regarda à nouveau, il aurait pu être Elle. Le ton désabusée, à la limite des reproches, la postures d'épuisement qu'il avait adopté, son poil étant retombés sur son dos. Même son corps aurait pu paraître sien à elle avec le maigre rayon de soleil qui ne tapait que pour mettre en évidence son colourpoint facial. Puis il cligna des yeux et s'approcha d'une fougère, aplatissant une ample feuille sous ses pattes pour consciencieusement la déchiquetée, la broyée.

- Tu n'essaie même pas de nous voir ... A part peut-être Kaon ... Lui tu l'as vu ... Vu son ennui au repas car en cet instant, le père et le fils coloré avait partagé une émotion semblable. Nuage Brisé souffla de nouveau Mauvaise habitude. L'énergie lui revenait par vague à mesure que sous ses griffes, la malheureuse fougère devenait poussière verte. Et de nouveau, les prunelle pâle et grise vinrent se poser sur la fourrure qu'il avait marqué. Et d'un ton blasé, il demanda. Elle ne pouvait pas être juste ... Douce ... Alors c'est laquelle ... La putain de marque qu'elle t'as offerte ... Il était peut-être le moins intelligent des quatre derniers. Cinq, si l'on comptait Noisette, la malheureuse pour qui il vivait peut-être, deux fois plus fort, chaque émotion ... Mais Nuage Brisé était aussi celui qui ne laissait passer nul informations sur feue Secret du Firmament. Et il avait surprit deux anciens discuter un jour après qu'il eu soulagés l'un d'eux de tiques. Ils le pensaient partis et s'était mis à parler de la malheureuse portée ... Celle qui, celons eux, avait conduit la siamoise à la mort, punition des Étoiles. Connerie. Et ils avaient évoqués ses signes ... Son paternel avait gagner chaque cicatrices d'un amant ... Bien moins classe qu'une bataille ...Il avait ce jour là écharper la mousse de son nid ... Pour ne pas balafré de ses jeunes griffes les museaux anciens. Mais du ressentiment, il en avait à revendre ... au moins autant qu'il pouvait à l'inverse, vendre une attention joyeuse et tendre.

On est là et elle non ... Mais ... On est aussi une partie d'elle ... Car sa mère leur avaient fait le plus beau des dons. Celui de la vie. Et peut-être simplement voulait il que son père la voit un peu elle, au travers de chacun d'eux ...