Do it again - Abandon

♪ Do it again - Queens of the Stone Age

Elle avait passé toute la matinée à ordonner des patrouilles de chasses et de frontières, sans laisser à quiconque plus de deux minutes pour se reposer au camp. Certains la regardait en murmurant probablement que c'était une salope sans cœur, d'autres lui coulaient un regard de pitié face à son deuil avant d’obtempérer.
Mite était mort hier.
Elle avait été un peu triste oui, mais pas dévastée. L'apprenti était beaucoup aimé du Clan, et son entertainment se révélait fructueux. Celui qu'elle considérait comme un poids mort, un sourd, une bouche inutile à nourrir était sur la voie de devenir un bon guerrier, malin et obéissant.

Mais cet avenir radieux avait été balayé de façon si fulgurante lorsque son père lui avait ramené son cadavre blanc.

Dansante trébucha un instant dans la terre, mais parvint à rétablir son équilibre, avant de se réorienter vers la tanière des guerriers, traversant un camp vidé.

Pour couronner le tout, elle n'avait pas vu Veilleur et Velours depuis la veillée funèbre. Elle avait placé beaucoup d'espoirs en Velours, sa fille qui promettait de lui ressembler et semblait avoir hérité de son ambition. Mais ni elle ni son frère ne semblaient dotés de capacités extraordinaires. Ils étaient de ceux qui mènerait une vie classique de guerriers, pas de ceux qui marqueraient l'Histoire.
Elle aimerait mourir en sachant que l'un de ses rejetons était en place d'accéder au trône.
Quelqu'un pour lui succéder, en servant de lieutenant à Feulement.
Que sa descendance profite du pouvoir qu'elle avait si durement conquis.
Serait-ce trop demander ?

Sa patte buta encore et elle tomba sur les coudes cette fois.
Elle resta un instant à terre, essayant de fixer son regard sur son objectif. Mais le monde était flou, elle n'arrivait pas à faire la mise au point.

Elle était allée dans l'antre de son frère, lui demander les plantes qu'elle aimait bien. Elles avaient un goût sucré et elles la calmait. Elle en avait profité pour prendre autre chose aussi, tout ce qui sentait bon en fait, et ça lui avait un peu brouillé les idées et la vision.

Une idée restait plutôt limpide cependant.
Elle allait voir Feulement. Elle ne l'avait envoyé nulle part lui, il était libre de faire la sieste dans la tanière des guerriers. Elle espérait que le grand guerrier sombre serait là pour lui apporter du réconfort.
Elle se glissa dans les fourrés qui dissimulaient l'antre des guerriers, d'une démarche un peu vacillante pour venir se lover contre la masse sombre allongée.
Elle se tortilla pour se perdre dans entre sa fourrure et la mousse avant de rouler sur le dos et de replier ses pattes avant sur son poitrail.

Tu sais ce qu'on dit ? elle tourna la tête, cherchant à croiser son regard, à voir s'il dormait ou non, si c'était vraiment lui car après tout, tout était si flou- Qu'on se rend compte de ce qu'on a une fois qu'on l'a perdu.

Elle roula sur le côté, se tortillant encore, comme si elle ne serait jamais assez proche du chat noir.

Heureusement je t'ai, toi.

Suite à la mort de Mite, apprenti de Brasier Caniculaire s'il se souvenait bien, nombreux guerriers avaient été mobilisés pour diverses tâches. Presque tous à vrai dire. Ils allaient et venaient au cœur de la pinède sous les ordres exigeant de la chef "endeuillée"; ne laissant que quelques chatons dans le campement, les anciens, la leader et ... Le lieutenant. De manière surprenante rien n'était exigé de lui, il avait pensé à s'occuper de l'entrainement de Nuage de Velours mais la gamine été introuvable. Elle avait certainement été dispatcher avec les autres aux mots de sa mère. Il supposait qu'après être passé voir Esprit Soucieux cela lui laisserait le temps de se reposer un peu.

Et c'est justement ce qu'il fit. En boule au creux de son nid il laissait l'air frais le bercer. Pas tout à fait endormis mais pas tout à fait éveillé de temps à autre son corps remuait faiblement. Que ce soit un coup de queue chassant une mouche, le faible soulèvement de sa poitrine au rythme de sa respiration ou encore sa masse entière se décalant pour trouver une position plus agréable. Il jouissait de cette solitude si rare au cœur du camp. Délicieux silence toujours trop rapidement interrompus.

Les pas chancelants d'Etoile Dansante furent loin d'être des plus discrets et rien qu'au son de sa démarche féline, bien qu'étrangement hasardeuse en l'occurrence, il sut reconnaître sa présence. Son odeur était relevée de douces herbes qui poussèrent le lieutenant à ouvrir les yeux et à dresser la tête, intrigué. Hors, avant qu'il puisse ne serait-ce que poser son regard sur elle la sensation d'un corps se pressant contre le sien manqua de le faire sauter. S'il n'avait pas sût qu'il s'agissait de son chef dieu sait qu'une baffe armée serait partie tout droit vers l'auteur de l'intrusion. Son poil se dressa sur son corps et il ne put s'empêcher de se décaler légèrement tandis que de sa voix mielleuse l'étoile miaula:

" Tu sais ce qu'on dit ? "

Son regard bleu se perdis dans l'ambre du siens, l'expression stoïque de l'orphelin ne révélant point sa semi-confusion. Pas si outré que cela puisqu'il savait la chatte très tactile (il en avait déjà fait les frais au cours de leurs déjeuners journaliers malgré-lui.) mais jamais ne s'était-elle glissé dans son lit de la sorte. Il ne comprenait décidément pas les autres chats et préférait accepter sa situation sans trop y réfléchir. Après tout que pouvait-il bien y faire ? Elle était son supérieur et loin de lui l'idée de tenter le diable et de se montrer dur comme il l'aurait fait avec n'importe qui d'autre.

" Qu'on se rend compte de ce qu'on a une fois qu'on l'a perdu. "

En cherchant à fuir le contacte il s'était poussé, Etoile Dansante avait pris sa place dans la couche de verdure, s'étalant longuement dedans avant de venir à nouveau presser sa pelisse contre la sienne, s'enfonçant dans son épaisse fourrure sombre sous le regard légèrement dépité du pauvre lieutenant.

" Heureusement je t'ai, toi. "

Il l'observa sans mot dire encore un instant, ignorant l'origine de sa présence. L'idée que la mort de son fils ait put la chambouler ne serait-ce qu'un tant soit peu ne lui vint même pas en tête.

" T'as besoin de moi ? "

Miaula t-il factuellement, supposant qu'elle avait quelque chose à lui demander. D'autres patrouilles ? Une chasse ? Allez savoir.

— T'as besoin de moi ?
Mh, mh ~ elle acquisse, basculant pour s'étendre sur son flanc cette fois.

Sa patte s'avance pour tâtonner dans la semi-obscurité, sentir ses muscles noueux sous ses longs poils, deviner des cicatrices ici et là. Ses griffes s’emmêlent dans sa toison noire.
Oui elle a besoin de lui.
De lui, même si sa seule présence le fait se raidir. Lui, qui évite si manifestement tout contact avec elle. De lui, qui meurt d'envie de lui coller une baffe pour avoir envahi son espace personnel.
Elle a besoin de lui même si il ne veut pas d'elle.
Mais son cerveau baigne trop dans les hormones déclenchées par son cocktail d'herbes médicinales pour qu'elle s'en rende compte.
Et même si elle en avait conscience, elle ne s'arrêterait pas.
Elle était chef et ils étaient tous ses dévoués serviteurs.

Elle soupire d'aise à cette seule pensée, se redresse et avec des gestes toujours un peu confus, elle entreprend l'escalader. Même étendu au sol, il reste massif et la domine par sa stature, comme lorsqu'il se tient debout à côté d'elle et qu'il la regarde de là-haut.
Mais cette fois, c'est elle qui est la plus grande.
Dansante se tient au dessus de son lieutenant, ses quatre pattes encadrant la masse allongée au sol, comme lors d'un combat, quand elle plaque un adversaire au sol.
Cependant, elle n'a nullement l'intention de faire de mal à celui étendu sous elle.

Elle plie ses pattes, s'allonge sur lui, pressée contre son poitrail. D'ici, elle ne voyait que des kilomètres et des kilomètres de peau, comme si son corps s'étendait à l'infini et qu'elle ne serait jamais assez proche, jamais assez pre-

Refais-le. sa voix monte dans un ronron, lovée contre le matou, Mais fais-moi des chatons cette fois.

" Mh, mh ~ "

Les coussinets de la belle vinrent caresser du bout de leurs griffes les muscles du lieutenant, œuvrant au cœur de son épaisse pelisse pour entrer en contact avec sa peau terrée sous de nombreuses couches de poils sombres. Elle le malaxait presque comme un chaton contre le ventre de sa mère et il fallut au mâle redoubler d'effort pour rester immobile et tolérer le toucher de l'Etoile. Elle soupirait d'aise, son souffle réchauffant l'oreille du lieutenant qui de son regard ambré suivait chacun de ses mouvements avec une pointe d'urgence. Comme s'il était préparé que d'un moment à un autre la tendresse se transforme en violence. Son corps ne se détendait point et par instant sa fourrure se gonflait avant de retomber sur son dos. Bien que jusque là docile sa queue tiquait, remuant de temps à autre de gestes nerveux trahissant son malaise.

Puis enfin elle se mouva, un instant de soulagement avant qu'elle ne se dresse au-dessus de lui. Instinctivement le grand charcoal roula sur le dos pour lui faire face et bien qu'il s'efforça à ne pas écouter son instinct, un bien piètre conseiller par moment, il lui fut impossible de retenir le mouvement de ses pattes arrières. Ses postérieures vinrent se poser (Avec une certaine délicatesse imposée par sa raison) contre l'abdomen de la cheffe, près à se contracter et à l'envoyer bouler en cas d'attaque. Mais aucune attaque ne fut lorsqu'elle s'aplatit gentillement contre sa poitrine avec un ronronnement. Il en roula presque des yeux, espérant avec une pointe d'agacement qu'elle en vienne au but et qu'elle lui demande son ordre. Il obéirait dans tous les cas, le baigner d'affection non requise était vain. Elle devrait pourtant le savoir, que sa main droite avait nulle besoin de caresses ou de récompense-

" Refais-le. "

La requête vibra contre sa poitrine puisque c'était contre celle-ci qu'elle avait enfoncée son museau. Il fut confus, éternellement perplexe face au comportement et aux mots de sa "tante" par alliance. Refaire ... Quoi ? Re-organiser les patrouilles ?

" Mais fais-moi des chatons cette fois. "

Faire des ... Chatons ? Ah- ... Ah oui, le sexe.

Elle voulait ... Lui faire des gosses ? Enfin- qu'il lui fasse des gosses du coup- C'est vrai que, maintenant qu'il y pensait son contrôle de lui-même et sa tolérance lui semblait grandement renforcé par le cocktail d'odeur apaisante d'herbes et d'hormones féminines ... Mais malgré tous l'idée ne le ravissait point. Des gosses, il en avait déjà, il avait déjà assez donné à jouer les mamans pendant plus de trois - quatre lunes. Il n'en voulait pas plus sur les pattes ...

Mais, si c'était sa cheffe qui le lui demandait, avait il au moins vraiment le choix ? Mph merde.

Il risqua à demander de cette voix éternellement neutre:

" Mphrn, c'un ordre ? "

Ou peu-être était-ce un truc de chef à lieutenant traditionnel qu'il ignorait encore. Après tout L'Étoile avait eu des gosses avec l'ancien chef lorsqu'elle était encore lieutenante.