Sun and Flowers [PV Coeur de Mimosa] - abandon

Depuis quelques temps déjà, Cœur de Mimosa hésitait. Enfant sage, petite fille modèle, son rôle était de rester, seule subsistant de sa fratrie, auprès de son père devenu un ancien du Clan de l'Ombre. Rester auprès de Dent de Sabre, son frère de lait, depuis que Bouquet de Muguet leur avait dit au revoir pour rejoindre la Rivière. Rester en arrière, rester à sa place. Rester auprès de son Clan, pour qui elle était devenue guerrière et aide-guérisseuse. Rester forte et loyale, rester celle qu'ils avaient toujours connue, en dissimulant ses doutes et ses rêves.

Il avait fallu oublier les aventures au Cirque avec Caresse du Vent, dans une autre vie.
Il avait fallu accepter ses responsabilités, au lieu de parler avec Vent du Nord à la frontière.
Il avait fallu se contenter des petites escapades, dans la nuit, comme sa rencontre avec Rusty.

Les aurores et les crépuscules avaient passé.
Jusqu'à ce qu'un matin, une autre loyauté se ravive.
Jusqu'à ce que son cœur prenne sa décision — enfin.

Sans plus d'hésitation, la fille de l'ancienne étoile s'était levée à l'aube, avait lustré sa pelisse brune tigrée avec soin, et s'était glissée hors du camp. Elle avait sa journée devant elle; après tout, n'ayant pas de patrouille prévue, elle pourrait toujours ramener des proies, sur le chemin du retour, pour regarnir le tas de gibier et servir le Clan. Plus tard. Avant, elle devait rendre visite à une autre jolie fleur... Naturellement, ses pattes la menèrent vers les Terres Neutres, au milieu des parfums de l'automne qui disaient feuilles rouges, soleil encore chaud mais arrivée prochaine de l'hiver, jusqu'au Verger.

Là où Rusty lui avait dit vivre.
Là où Violette vivait désormais, elle aussi.

* * *

Cœur de Mimosa s'assit un moment, au milieu des arbres, hésitant sur la conduite à tenir. Elle était encore guerrière de l'Ombre, et portait leur parfum de sapins et de tourbe plutôt que l'odeur des solitaires — s'approcher les inquiéterait-il ? N'interpréteraient-ils pas mal sa venue ? Elle n'avait aucune intention d'être menaçante, ou de les déranger... Pourtant, sans s'approcher, comment avoir des nouvelles de sa sœur ? Comment savoir si Violette, sa modèle d'enfance, son double inversé (avec les couleurs de leur mère et les yeux de leur père), sa responsabilité, aussi, allait bien ? Si son petit groupe se préparait bien à l'hiver ? La brunette n'avait pas le choix — il fallait qu'elle avance. Et pourtant, désormais presque arrivée, elle ne savait quoi dire.

Au fond, elle aurait aimé les rejoindre.
Ne plus avoir une patte dans chaque monde.

Mais pour l'instant, elle était guerrière et aide-guérisseuse, alors la jolie fleur d'or hésitait, immobile dans ce verger qui semblait à la frontière de deux mondes — entre la paix qu'elle rêvait et tous ses devoirs. Tout aurait été plus simple, si Violette avait pu la rejoindre ici ! Mais si le destin finit bien par trancher en envoyant un émissaire, ce fut sous la forme d'une petite féline blanche et rousse, aux yeux verts et à l'air quelque peu hésitant.

« Bon-bonjour ? Vous êtes une soeur à Violette ? Vous êtes venue la voir ? »
« Bonjour. » sourit timidement l'Ombreuse. « Oui, c'est ça. Moi, c'est Mimosa. »

Comme lors de sa première rencontre avec Rusty, elle avait omis le reste de son nom. Ça n'avait pas tant d'importance, après tout... Quand ils étaient tous Petits, ils étaient Violette, Aulne, Mimosa et Lys. Avant que le monde ne les rattrape, ne les déchire. Entendre référer à sa sœur comme « Violette », seulement, était doux-amer, comme certaines des plantes récoltées pour aider les guérisseurs de l'Ombre, comme les plantes qui avaient accompagné sa sœur après son accident. Auprès de « Violette », Cœur de Mimosa sonnait faux.

Alors Mimosa ce serait.

« Tu n'es pas obligée de la déranger, je voudrais simplement savoir... »

Savoir quoi, au fond ?

« Si tout va bien, et si elle est heureuse. »

Une pause. Infime. Puis un sourire tendre et lumineux.
Parce que maintenant, Mimosa reconnaissait son interlocutrice.

« Elle doit être contente de vivre avec toi.
C'est un plaisir de te rencontrer, tu sais ?
J'ai beaucoup entendu parler de toi, Soleil ! »